par yapasdage » 02 Juil 2007, 17:09
Un édito qui dérange
« Esprit Trail n°18 »
Réflexions.
Déjà je n’aurais pas intitulé l’édito « toujours plus », pour tenter d’expliquer l’engouement des joggers pour les courses nature de longue distance, mais plutôt « accessible à Tous » avec un sous titre « en tout cas ils le croient ».
J’ai l’avantage (si j’ose dire) d’avoir vécu les différentes étapes de l’évolution de la course à pied, depuis 1985.
J’avais fait un peu de piste, sans enthousiasme auparavant, et je me suis engouffré dans les courses sur route avec bonheur ; meilleure ambiance, cadre différent plus attractif, distances plus longues.
Un 1er marathon en 2h48, puis d’autres autour de 2h45, puis un en 2h39, j’avais plus de 40 ans, et nous étions plusieurs dans mon club à atteindre ces performances.
Nous suivions des plans d’une manière assez stricte, les plus connus étaient ceux de Serge Cottereau, ils mélangeaient différents rythmes, de l’endurance au travail de VMA, ils étaient contraignants mais efficaces.
Je suis monté d’un cran, en participant à des 100kms, sur l’entraînement des marathons, j’ai atteint les 8h00, non sans avoir essuyé une défaillance à chaque fois aux 75e km. A noter que nous courions tout le temps, en dehors des ravitaillements et des …défaillances.
Il est indéniable qu’aujourd’hui les performances semblent, à population constante, inférieures à ce qu’elles étaient à cette époque. Dans mon club d’entreprise où nous sommes plus nombreux qu’avant, les moins de 3h00 au marathon sont rares.
Puis vint, je ne dirais pas la mode, mais plutôt l’avènement en nombre, des courses dans la nature ; dans l’Essonne (91), il y a 15 ans on les a appelé des « courses vertes » et c’était la transposition de semi marathons de la route dans la nature. Il y avait manifestement une demande, car ce fut tout de suite un succès, aux dépends des courses sur route. Aujourd’hui le Challenge Vert du 91, concerne 8 courses, et certaines attirent plus de 500 concurrents..
Du fait des dénivelés, des terrains variés, des obstacles naturels, la vitesse de course est moindre que sur la route et la fatigue, différente. Ce qui induit une préparation des courses nature moins exigeante que celle pour la route, et comme le chrono n’a plus le même rôle de sanction de la compétition, la qualité des entraînements s’en ressent, et devient à dominante d’endurance, ce qui abaisse les performances objectives.
Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que la route, a attiré un nombre considérable de coureurs de type loisir, de joggers, pour lesquels la compétition n’était pas une fin en soi. Ce sont ces gens là qui ont « saturé » de la route les premiers et qui sont venus sur les courses nature.
Le passage au trail fut aisé pour eux, n’étant pas obnubilés par le chrono, ils n’ont eu aucun scrupule, à marcher dans les parties difficiles et chaotiques des parcours, et rapidement leur objectif a été de terminer coûte que coûte, et si possible en bon état.
Il y a des épreuves où le tee-shirt de « finisher » signifie quelque chose et où les coureurs ont des raisons de l’arborer avec fierté, fonction des difficultés, des dénivelés, des barrières horaires, des distances, et tant pis si la vitesse moyenne s’approche de celle d’un marcheur..
En ce qui me concerne, j’ai mis 3 années pour m’adapter à l’effort de trail, car avec mon expérience de coureur de fond sur route, je considérais que toute distance devait se courir, peu importe la vitesse. Or ce n’est pas toujours possible, et il faut vraiment savoir gérer son potentiel énergie et l’adapter aux difficultés du parcours. Je ne suis jamais à l’abri de défaillances, l’arrivée n’est jamais acquise.
Avec le Trail, on n’est plus dans le domaine de la course à pied intrinsèque, on est dans le domaine de l’aventure physique et mental, les motivations de chacun, pour s’engager dans des efforts de plusieurs heures sont éminemment différentes d’un individu à l’autre.
Les effets ressentis au cours d’un effort de longue durée sont encore trop méconnus, et ne sortent pas du cercle privé individuel.
Par exemple, j’ai appris récemment qu’il y aurait un lien entre hypnose et course d’endurance, et que des études françaises tentaient de réactualiser celles américaines d’il y a une vingtaine d’années. Et bien d’autres domaines sont encore à explorer
Pour beaucoup de gens (pas tous) la vie est plus facile qu’au temps de nos grands parents, il y a ce besoin de se prouver à soi même que l’on est capable d’affronter et de traverser des épreuves, de résister à la fatigue, et il y a aussi cette envie d’espace et de paysages diversifiés dont beaucoup de citadins sont privés.
Alors doit-on se plaindre de la baisse relative des performances du 10 kms au marathon ? Pas sûr, car celles de l’élite continuent de croître et peuvent satisfaire les observateurs de l’évolution humaine.
Doit-on s’inquiéter de la non préparation de certains coureurs qui se lancent dans l’aventure de trails extrêmement difficiles ? Oui certainement, mais pas plus que pour tous les marathons populaires qui attirent des dizaines de milliers de personnes. A charge aux organisateurs de trails difficiles de vérifier l’expérience de leurs concurrents, et je crois que les barrières horaires sont une garantie pour préserver les personnes en difficultés.
N’oublions pas que le statut d’un coureur ne se décrète pas comme ça. Sans préparation, sans expérience, on peut courir un marathon, un trail sur la forme du moment et le potentiel physique, mais on ne devient coureur de ces distances qu’à condition de travail, d’envie et de persévérance …Cela reste une sécurité. …