par valdes » 31 Mars 2020, 17:10
Demain, c'est le 1er Avril et Bernard Arnault nous annoncera qu'il a fait don des 3/4 de sa fortune à l'hôpital français, en réponse à l'appel lancé par notre Ministre du budget, Monsieur Darmanin. J'rigole. Ca fait du bien de rire à certaines choses indécentes que prononcent nos premiers de cordée.
Je continue toujours mes footing à la loupiote, auxquels je rajoute, parfois, dans la journée des promenades plus où moins longues (parfois même très longues, je vous le concède), à jouer aux cow-boys (la police) et aux indiens (moi ou les autres dissidents). Je m'extasie sur le réveil de la nature, en cet étrange printemps 2020 et me dis que notre Terre est vraiment trop belle et généreuse, pour m'offrir ainsi tous ses charmes et sans jamais aucun échange d'argent. Dans les petits chemins creux que je fréquente actuellement (les autorités nous ayant définitivement interdit le bord de mer), il y a des primevères à foison, plein de boutons d'or et les bourgeons, dans les arbres, vont très bientôt donner place à des feuilles.
On ne se rend vraiment compte de la valeur des choses que lorsque l'on en est privé. Qui a dit cela ? Sans doute quelqu'un avant moi et le quelqu'un avait bien raison. Je me rends compte de la chance que j'ai et de la valeur de ces beautés naturelles, totalement gratuites. A des lieux du mercantilisme et de la situation dans laquelle nous baignons. Le meilleur et le plus efficace de tous les autres remèdes, pour moi.
Tout à l'heure, j'étais couchée dans l'herbe à débuter la lecture d'un nouveau livre que j'avais en réserve, achat compulsif réalisé dans un moment où je pensais que je pourrais être en pénurie de bouquins dans le futur (t'un comme j'ai bien fait d'alimenter ma biblio quand même) et puis à révasser (surtout à révasser). Je jouissais du moment présent. Etre là, pleinement vivante, étendue dans l'herbe, bien consciente du monde qui tournait autour de moi et à cette société des hommes qui me turlupine quand même, par certains côtés, surtout en ce moment. J'essayais de faire taire toutes les pensées dissidentes qui se bousculaient dans ma tête. Je regardais le ciel. Les oiseaux qui y volaient. Certains vraiment à des hauteurs indamissibles. Je zyeutais la forme des nuages et me faisais la réflexion qu'il n'y avait strictement plus aucune trace d'avion dans le ciel. Rien de rien. Et tout d'un coup, j'entends du bruit. Un bruit genre d'humain. Je me dis de suite : merdum, les keuffs. Vu que je ne suis pas en règle et dans la transgression totale. Je saute sur mes deux pieds et commence à fourrer fissa tout mon barda dans mon sac, en me disant "c'est pas possible, pas ici, pas dans ce chemin, pas là, pas en pleine nature, pas pour aller déloger une seule contrevenante perdue au milieu de nulle part".
Ben c'était pas eux. Ouf. Juste un bougre de coureur déguisé en chat noir (comme moi je le fais au petit matin) et qui montait la pente, près de l'herbe dans laquelle j'étais confortablement installée, en train de quasi somnoler, tellement que c'était mieux que le canapé dans l'appart. Le gueux faisait du travail de côtes. Je l'ai vu passer et repasser (à plus de 10 m de distance) au moins 4/5 fois. Il courait tellement silencieusement que même les oiseaux continuaient à chanter. C'est fou d'ailleurs comme ils chantent les oiseaux en ce moment, pas dérangés par les hommes et surtout leurs chants, pas interrompus par les bruits des mécaniques des hommes. Manifestement, ce coureur ne faisait pas peur aux oiseaux, pas autant qu'un chat noir.
Cela faisait des jours que je n'avais pas vu un humain, courir, d'aussi près et, de surcroît, faire une séance de côtes. Ca m'a bien fait rigoler et d'autant plus que je n'avais plus peur de l'amende. Mieux qu'un après-midi de merde que j'aurais pu passer dans mon appart à regarder la téloche, le net et ses messages très très anxiogènes et même si j'ai loupé quelques messages des kikous. Y'a définivement plus disjonctée et insoumise que moi.
En rentrant, j'ai de nouveau vu une voiture de police. J'en vois quasiment tous les jours. Les policiers sillonnent la ville, dix fois plus qu'ils ne le font d'ordinaire. Sans doute parce que je suis en mode hyper vigilance et sans doute aussi parce qu'ils doivent s'ennuyer ferme. Pour combattre l'ennui et la solitude, moi je marche en nature et eux, ils roulent en voiture en ville. Ils roulent dans des rues quasi désertes et bien dégagées (comme moi sur mes chemins), avec des trottoirs presque vides de piétons et même les dealers, paraîtrait-il, trafiquent beaucoup moins faute de clients J'ai fait ma souris grise. Le genre ni vue ni connue. Un habillement de passe-muraille comme je vois beaucoup de gens s'habiller ainsi maintenant. Des vêtements sans couleur en pleine éclosion du printemps qui pète de toutes ses couleurs. Du gris, du marron, du noir. Tous les citoyens qui osent sortir, parce qu'il fait beau, jouent les caméléons et revêtent des vêtements tristes aux couleurs de passe-muraille. Cela me fait réfléchir. J'observe que l'on veut tous passer inaperçus, avec ou sans autorisation de sortie.
Malgré les distances que l'on respecte tous, on se dit encore bonjour. Même à 10 m de distance ou plus, un signe de tête. Un petit mot. Même sans se connaître. C'est bien. Je constate que nous sommes encore très humains. Des humains qui avons besoin de contacts et qui se saluent. Cela, c'est un très bon signe après le mauvais signe du vêtement passe-muraille adopté par tous, afin de passer inaperçu. L'humanité, c'est comme la nature, c'est beau aussi et il faut l'entretenir et la cultiver.
Je ne fais aucun pronostic scientifique sur le Coronavirus. Comment le combattre ou comment on le vraincra. Moi, je ne sais pas et je le dis. J'ai bossé quasiment 30 ans dans un grand labo de recherche pharmaceutique rempli de chercheurs. Moi j'étais dans l'administration avec une formation un peu batârde de socio et de gestion. Je garde de ces années que les chercheurs aiment chercher. Tout comme les sociologues aiment observer et les gestionnaires, gérer. Chacun son boulot. Je ne fais donc aucun pronostic, en matière scientifique, en matière de sociologie ou en matière économique. Mais tout ceci ne m'empêche pas d'avoir des craintes sur chacune de ces matières et l'addition que l'on va nous présenter à la fin.
Et je crois que je représente un bon nombre de français.
Le labo dans lequel j'ai bossé pendant presque 30 ans a été absorbé par plus gros que lui. On a tous été viré. Et tout a été délocalisé dans des pays à bas coût de main d'oeuvre. Tout. La recherche. La toxicologie. Tout. Même le centre de recherche hyper moderne qui venait d'être inauguré, même pas 10 ans avant. La claque qui nous est envoyée dans la gueule, on la mérite peut-être non ?
PS : toujours désolée (en fait non) sur la longueur du message. Mais j'ai le temps d'écrire et vous de me lire ou simplement de me zapper. Pas de problème.
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valdes le 02 Avr 2020, 11:05, édité 13 fois au total.