Récit de la course : Tor des Géants 2010, par FOREST Alex

L'auteur : FOREST Alex

La course : Tor des Géants

Date : 12/9/2010

Lieu : Courmayeur (Italie)

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Distance : 321km

Objectif : Pas d'objectif

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Le récit

Tout d'abord, je commence par vous expliquer ma préparation assez originale pour ce Tor des Geants, d'ailleurs je vous déconseille fortement de prendre exemple sur ma préparation, au contraire j'ai du faire tout ce qui est à éviter avant une telle course.

Ma préparation commence réellement le lundi 6 septembre, soit seulement 6 jours avant le départ du Tor des Geants, enfin mieux vaut tard que jamais! Je suis dans le Val d'Aoste 6 jours avant le départ de la course afin de reconnaître tous les cols que je suis sensé franchir de nuit, enfin je croise les doigts pour que la météo ne soit pas trop mauvaise, car il ne va pas falloir traîner si je veux faire un maximum de reconnaissance.

 

Alors ce lundi 6 septembre, je suis à St Jacques et je monte au col Nannaz, col facile, aucune difficulté particulière à signaler. Je redescends à St Jacques, puis je vais en voiture à Champoluc, et je monte au col Pinter. Ensuite je descends jusqu'à Alpenzu. Le ciel est devenu très nuageux, je suis dans le nuage, donc la vision est quasi nulle, je ne peux pas voir Gressoney dans la vallée. Alors je rentre à Champoluc en repassant par le col Pinter, cette fois ci je suis dans le sens de la course. Je note un passage assez délicat dans la descente du col Pinter, il faudra être prudent si je passe de nuit.

Bilan de la journée, environ 45 km et 3000 m+, ce n’est pas si mal pour une première journée.

 

Mardi 7 Septembre, je suis à Champillon, et il pleut !! Je sors mon K-way, et je monte au col Champillon. Dans le brouillard, je paume le sentier juste après le refuge Champillon, je pars beaucoup trop à gauche dans une pente herbeuse. Quand je m'aperçois de mon erreur c'est trop tard, une barre rocheuse m'empêche de rejoindre le sentier. Tant pis je continue à monter dans le brouillard, non mais! Et là, gros coup de bol, je retombe pile sur le sommet du col. Il pleut suffisamment, alors je décide de redescendre à la voiture, mais par le bon chemin cette fois. Le sentier est très glissant, il y a plein de boue, et j'aime pas la boue! Pourvu que ce soit sec pendant la course!

Ensuite je prends la voiture et vais à Ollomont. Je monte au col Bruson, la météo est toujours aussi pourrie, alors je redescends à Ollomont. Le début de la descente est particulièrement raide et difficile, et glissant à cause de la pluie, alors ça me déplaît fortement.

Aujourd'hui, journée écourtée à cause de la météo, seulement 21km et 1700m+. Je profite de mon après midi pour m'incruster discrètement dans un camping à Valpelline, et coup de chance, je peux prendre une douche chaude, ce sera la seule de la semaine (et sinon putain qu'est ce qu'elle est froide l'eau dans le Val d'Aoste!).

 

Mercredi 8 Septembre, je suis à Eaux Rousses, il a encore plu une partie de la nuit, mes chaussures sont trempées, une partie de mon linge aussi, heureusement la météo va doucement s'améliorer pendant la journée.

J'attaque le monstrueux col Loson, le point culminant de la course à 3300m, je n'ai jamais couru à cette altitude.

Et ça monte! Le problème, c'est que ça monte jamais raide, on pourrait presque courir tout le temps. Mais par contre, qu'est ce que c'est long ! Je mets 3h5' pour atteindre le sommet, et pourtant j'ai pas traîné. Au sommet, il a neigé pendant la nuit, c'est très agréable de faire la trace dans cette neige fraîche. Mais malheureusement, coté descente, c'est encore dans les nuages, je ne vois rien. La seule chose que je vois, c'est que le début de la descente est très raide et dangereux. Je descends prudemment. Puis au bout de 10mn de descente, ça devient beaucoup plus facile, ça déroule tranquillement. Je descends jusqu'au refuge Sella, je m'arrête quelques secondes, juste le temps de boire à la fontaine, puis demi-tour, je repars aussitôt dans l'autre sens. Je remonte au col Loson où la neige a déjà bien fondu, puis je redescends sur Eaux Rousses.

Je me ravitaille quelques minutes à la voiture, puis j'attaque le versant opposé, qui monte en direction du col Entrelor. Je monte pendant 1h30, jusqu'au lac Djouan, puis il commence à se faire tard, alors je redescends à la voiture.

Aujourd'hui bonne journée, environ 42km et 3300m+, tout va bien.

 

Jeudi 9 Septembre, je suis à Rhemes Notre Dame, dernière grosse journée de reconnaissance. Je monte au col Fenêtre. Et c'est raide ! J'ai rarement fait de col aussi raide. J'atteins le col en 1h30, et je redescends aussitôt. Et à la descente (dans le sens de la course), c'est toujours aussi raide, c'est très impressionnant !

A la voiture, je me ravitaille quelques minutes. Puis j'attaque le col Entrelor. Je monte en 1h45, au sommet il a bien gelé pendant la nuit, ça commence tout juste à dégeler. Je redescends vers Eaux Rousses, jusqu'au lac Djouan où je m'étais arrêté la veille. Puis demi-tour, je retourne à la voiture.

Aujourd'hui, environ 28km et 2800m+, ce qui me fait au total sur ces 4 jours de reconnaissance, environ 136km et 10800m+. C'est bien, je suis prêt.

Bon, histoire de rajouter un peu de piment à ma préparation assez rustique, je précise que, n'ayant pas d'argent actuellement, tous les moyens sont bons pour faire des économies. Donc la nuit je dors assis sur le siège passager dans mon luxueux camping car de poche ( mon Opel Corsa ), et pour manger ( toujours assis sur le siège passager qui me sert à la fois de cuisine, salle à manger, chambre ... ) , c'est très simple : le matin, je déjeune du gâteau au citron préparé par ma mère, que j'ai divisé en 7 histoire de tenir jusqu'au départ de la course, le midi presque rien, juste quelques minis tucs salés, une compote de pomme et quelques cookies, et le soir, gros repas, une salade piémontaise froide en boite, quelques minis saucisses sèches pour apéritif, et un peu de fromage.

 

Vendredi 10 Septembre, cette fois ci c'est grasse matinée, j'ai installé mon camping car au dessus de Courmayeur, près du hameau de Peuterey, au pied du Mont Blanc. J'ai cherché en vain dans les campings une douche chaude gratuite, mais je dois encore me contenter de l'eau glacée.

Je prépare et j'essaye mon sac, il est très lourd (il sera pesé juste avant le départ à 6.1kg). Mais comme je suis têtu, et que j'ai décidé depuis longtemps de faire cette course en quasi autonomie, je resterai borné dans mes idées, et je me satisferai de mon sac trop lourd. Enfin je sais quand même d'où vient ce poids : j'ai 1.5kg d'eau, 1kg de crème de marron, 1kg de compote de pomme, le linge minimum pour supporter les conditions météo de montagne (et j'ai vraiment le minimum!), 2 frontales et 16 piles de rechange, le matériel obligatoire...

Dans l'après-midi, je vais à Dolonne, lieu du retrait des dossards, espérant rencontrer quelques coureurs. Je fais connaissance avec 2 Célestes, Gandhi et La Castafiore.

Je pose définitivement mon camping car à Courmayeur Dolonne. Les nuits précédentes ont été suffisamment humides et froides (3°C dans mon camping car jeudi matin à Rhèmes Notre Dame), alors je préfère dormir ici où la température sera meilleure.

 

Samedi 11 Septembre, je retrouve Gandhi et La Castafiore, et il m'invite à me joindre aux Coureurs Célestes, pour encourager un des leurs qui va faire le Tor sans dossard et donc part avec 24h d'avance. Ensuite, nous allons tous boire une bière (oui, les Célestes boivent des bières).

Et c'est là que le Père Noël, Gilbert, me retrouve. Oui, là Gilbert c'est vraiment mon Père Noël. Comme premier cadeau, il me propose de venir manger dans son camping car (un vrai camping car, celui qui m'a assisté sur la fin de la Milkil 1). Des pâtes et de la viande, un vrai repas chaud, ah putain qu'est ce que c'est bon !

Autre cadeau du Père Noël, il me propose de prendre une douche chaude. Trop bien, merci Gilbert!

Ensuite, nous allons retirer nos dossards, on retrouve plein de tête connus. Puis nous promenons tranquillement dans les rues de Courmayeur.

Le soir, pasta party, 2ème vrai repas pour moi, je savoure. Et puis on retrouve plein de monde, on discute, on discute, le temps passe, la salle s'est vidée, les organisateurs ont tout rangé, ils nous demandent si on reste là pour faire la vaisselle, heu non finalement on va aller se coucher.

Il doit être presque minuit, et là encore un super cadeau du Père Noël, je vais pouvoir dormir allongé (à l'horizontale!) dans son camping car. Ah ouais, c'est trop bon de dormir allongé! Merci Gilbert!

 

 

Dimanche 12 septembre, ça y est enfin, c'est le jour du départ. On se réveille à 7h. Gilbert m'offre encore un délicieux petit déjeuner, puis on se prépare, et à 9h on monte vers la ligne de départ, place Abbé Henry, devant l'église de Courmayeur.

10h, le départ est donné. Je suis au milieu du peloton, mais comme ça part très doucement (bizarre pour une course si longue), je remonte très vite à l'avant de la course. Je me cale aux alentours de la 20ème position au moment d'attaquer la première montée, je reste avec les autres français, Guillaume MILLET est juste devant moi, précédé de quelques mètres par Corinne FAVRE et Christophe LE SAUX. Je fais connaissance avec Serge, qui est assez sceptique sur mes chances de réussite, ayant regardé mes modestes performances sur l'utmb. Je lui explique que mes perfs sur l'utmb ne sont pas du tout significatives. On discute, on discute, et on arrive déjà au 1er col, le col de l'Arp (2571m), après 1h45 de course.

J'attaque la 1ère descente, je dépasse Guillaume et quelques autres coureurs. Je rattrape Corinne au niveau de Youlaz, et elle engage la conversation en italien. Non Corinne, en français s'il te plait (pour l'anecdote, la première fois que j'ai couru avec Corinne, à la 6000D, elle me parlait en espagnol, à croire que j'ai pas une tête à parler français). On rattrape aussi Julia BOETTGER, et je laisse les filles discuter entre elle.

J'arrive au 1er ravito à la Thuile (1458m) à 12h36. Quelques secondes d'arrêt, le temps de remplir mon bidon, puis je repars. La montée suivante est longue, 1300m+, mais il y a beaucoup de  replat où je peux courir. Je suis seul, mais Corinne me rattrape un peu avant le refuge Deffeyes (2500m). Je m'arrête boire une bière, ça fait marrer tout le monde. Puis je rattrape Corinne, qui a rejoint Christophe et un autre Français, Thierry GALINDO. Corinne nous dit qu'on forme le Team France. On croise Virginie (la souris) qui nous prend en photo. On reste à 4 français jusqu'au Passo Alto (2857m), que je passe vers 14h45.

Dans la descente, assez technique, je pars devant. Je dépasse encore 2 autres coureurs. J'arrive rapidement à Promoud (2017m). Pendant que je refais le plein d'eau, les bénévoles me montre le prochain col, le col Crosatie 800m plus haut. Je réponds en rigolant : "et après ça descend, c'est trop facile". On rigole, ils me souhaitent bonne route, et me disent, après le pont c'est à droite. Ok, je fonce, et après le pont, je pars à gauche. Quel con! Après 100m je réalise mon erreur, et ça me fait marrer (je préférais prendre à gauche parce que ça descendait). Bon cette fois j'attaque vraiment le col Crosatie. Sur le papier, 800m+ en à peine + de 2km, c'est impressionnant! Et sur le terrain, c'est raide, c'est très raide! Les 2 coureurs que j'avais doublés dans la descente me rejoignent au milieu de cette montée. Le cadre est grandiose, cette montée se termine par un escalier en pierre géant, c'est magnifique, dommage que ce soit un peu gâché par le bruit de l'hélicoptère qui reste au dessus de notre tête pendant toute la montée.

Je franchis le col Crosatie (2838m) vers 16h30. Dans la descente, je repasse devant mes 2 compagnons de montée, et je les distance rapidement. Tout va bien, je me régale. J'arrive au point d'eau de Planaval (1517m) vers 17h20, juste quelques secondes d'arrêt. Maintenant c'est faux plat montant jusqu'à Valgrisenche, il faut courir un peu.

 

J'arrive à Valgrisenche (1662m, 48.6km), 1ère base vie, à 18h10. On me met ma première médaille autour du cou, et on me cherche mon sac. Non, ne cherchez pas, je n'ai pas de sac (je rappelle à ceux qui n'auraient pas lu le CR depuis le début, je suis têtu et je veux faire cette course en quasi autonomie, sans assistance, même pas l'assistance proposée par l'organisation, je suis con, oui je sais). Je range donc ma médaille dans mon sac à dos, ça fait encore quelques grammes supplémentaires, au moins si le vent se lève, je m'envolerai moins facilement. Je mange 2 yaourts, quelques miettes de jambon et de fromage, j'aimerai manger plus mais je sais que ça ne passera pas.

Je quitte Valgrisenche à 18h18, 8' d'arrêt c'est suffisant. Je suis désormais tout seul, trop seul même, il y a déjà d'énormes écarts entre chacun. La montée suivante est longue mais facile, encore pas mal de replat où l'on peut courir. J'arrive au refuge de l'Epée (2366m) vers 19h30, je sors ma frontale, je me prépare pour la nuit. La nuit tombe, guère avant le col Fenêtre (2840m), que j'atteins à 20h38 à ma montre.

A partir de là j'ai reconnu le parcours, et c'est un gros avantage, enfin pas ici, car je redoute cette descente monstrueusement raide. Mais finalement ça passe bien, hormis une petite glissade sans gravité.

J'arrive à Rhème notre Dame (1738m) à 21h32. Il y a comme partout une ambiance énorme. On m'annonce 4ème, j'ai du mal à y croire, mais ils insistent. Bon, les 3 premiers ont quand même presque 1h d'avance. Pendant que je me ravitaille, je demande la météo pour le col Entrelor  (3007m quand même!), est ce qu'il fait très froid, ou bien est ce que je peux rester en short. On me répond : météo nickel toute la nuit, beau temps pas trop froid, je peux rester en short, d'ailleurs les 3 premiers sont restés en short.

La montée se passe bien, je suis presque dans les même temps que lors de ma reconnaissance de jour. Mais tout à coup, alors que je suis à moins de 10 minutes du sommet, il se met à neiger. Et en quelques secondes, c'est la tempête. J'ai juste le temps de me planquer sous un rocher pour enfiler ma Gore Tex. Mais je ne peux pas me couvrir les jambes, l'abri est trop petit, il fait trop froid, je vais mourir con gelé.

Enfin, malgré cette tempête de neige, j'arrive quand même à passer le sommet du col Entrelor (3007m). Et ouf, de l'autre coté, il y a un point d'eau prévu par l'organisation. Enfin il y a juste une minuscule cabane en plastique, environ 1m50 de hauteur, 1m50 de largeur, 2m de profondeur, éclairé par un phare, calé dans le pierrier, quelques mètres à l'écart du sentier. Pas grave, je fonce vers cette boite en plastique, je glisse, je me cogne dans les rochers, mais j'y arrive. Je tape à la porte, pas de réponse. Pourtant à l'intérieur il y a bien 2 sacs de couchage, un assis sur une chaise, l'autre allongé par terre, mais apparemment y a personne à l'intérieur. Je retape plus fort. Yes, un gars sort en sursaut du sac de couchage allongé, il se dresse, aie la tête! <<Bonjour, j'ai froid, est ce que je peux rentrer à l'intérieur pour me couvrir ?>>. Le gars me répond: <<Do you speak english?>>. Zut des Anglais! <<Heu yes, I have cold aux jambes, can I rentrer à l'intérieur pour enfiler mon collant, you understand?>>. C'est bon, il a compris, il me laisse rentrer, lui il reste dehors en attendant (enfin il est quand même super bien couvert), mais on ne peut pas rentrer à 3 dans la boite en plastique. A l'intérieur, l'Anglaise qui était assise me laisse sa chaise. Je pose mon sac, il est tout blanc, en quelques minutes, il est déjà recouvert par plusieurs cm de neige, c'est impressionnant. Bon cette fois ci je me couvre bien, je me réchauffe, ça va mieux. Je sors et je les remercie. Le gars me propose: <<Do you want to drink?>>, en me montrant les packs d'eau recouvert de neige. <<Heu non merci>>.

<<Ok, thank you very much, good night>>, et je repars dans le pierrier. Heu, mais c'est par où le chemin? Je me retourne, et l'Anglais m'indique la bonne direction, ah ouais c'est mieux par là, merci!

Bon maintenant la tempête s'est calmé, en fait il n'y a que moi qui me la suis prise  (Guillaume, passé 30mn après moi, me dira qu'il n'a quasiment rien eu), enfin je poursuis la descente sans encombres.

Vers l'alpage Djouan, un bolide me dépasse (Thierry GALINDO), avec un phare de camion sur la tête (il éclaire à 100m). En consultant les classements, je constate qu'il a abandonné au ravito suivant à Eaux Rousses, alors j'ai pas bien compris pourquoi il descendait à cette vitesse.

J'arrive à Eaux Rousses (1654m) à 1h46. 2 minutes d’arrêt pour me ravitailler, puis je repars à l’attaque du col Loson. Il pleut encore un peu. Après quelques minutes de montée, Stefano BERNARDONI me rattrape. Nous allons faire toute la montée ensemble, je reste toujours devant et donne l’allure. Et même si ça pourrait agacer d’avoir quelqu’un pendant plusieurs heures sur son porte-bagage, moi là je suis très content d’avoir quelqu’un qui me tient compagnie pendant cette interminable montée. Au premier tiers de la montée, nous nous arrêtons quelques secondes pour boire, au niveau de l’alpage de Livionnaz. Stefano boit directement à la fontaine, j’ai froid rien qu’à le regarder. On continue et on discute un peu, mais Stefano ne parle pas bien français. Les heures passent, et à 5h40, j’arrive enfin au sommet du col Loson (3299m), recouvert par plusieurs centimètres de neige fraichement tombé.

J’attaque aussitôt la descente, très prudemment, car le début est très raide et dangereux, encore plus de nuit avec la neige. Et après à peine 50m de descente, on gueule derrière moi. <<Oh Alex, c’est toi qui bouchonne ?>>. C’est Guillaume qui m’a rattrapé, accompagné par Ulrich GROSS, le futur vainqueur. Je les laisse passer, tout en leur recommandant d’être très prudent sur le début de cette descente. Ça se passe bien, et après quelques minutes de descente, ça devient beaucoup plus facile.

Les 2 italiens, Ulrich et Stefano, sont partis devant, et avec Guillaume, on décide de faire un bout de chemin ensemble. Guillaume a baissé de rythme, il est en début d’hypoglycémie, il n’a plus de ravito sur lui, et il est très content d’arriver au refuge Sella (2585m). Nous nous arrêtons quelques minutes, je refais le plein de mon bidon d’eau, et je constate que l’eau restante dans mon bidon à complétement gelée, c’est qu’il ne devait pas faire chaud au col Loson !

Il est environ 6h30, le jour se lève doucement, et nous continuons tranquillement la descente jusqu’à Cogne (1531m, 102.1km), la 2ème base vie, où nous arrivons à 8h04.

 

Je m’arrête 23 minutes précisément. Arrêt parfaitement non optimisé : je me bats pendant plus de 15 min avec mon sac : le jour se lève, la température se réchauffe,  je me déshabille, mais je n’arrive pas à ranger mes affaires dans mon sac. Il me reste à peine 5 min pour déjeuner, 2 yaourts et quelques biscuits, et déjà j’aperçois Guillaume qui quitte la base vie. Je me lève et cours après lui. Et merde, j’ai même pas attaché mes chaussures !

Je me rassois et attache mes chaussures.

Je quitte finalement Cogne à 8h27’, avec 2min de retard sur Ulrich et Guillaume. Pas grave, une petite séance de 10min à fond, ça réchauffe et ça réveille bien pour commencer la journée. Je les rattrape et on continue en courant tranquillement tous les 3, on discute, on parle notamment de ski de fond, Guillaume m’apprend que sur la piste que nous empruntons se déroule une coupe de monde de ski de fond.

A Goilles (1830m), Guillaume s’arrête quelques instants à son assistance, je l’attends, et nous laissons Ulrich filer vers la victoire, il est impressionnant de facilité à ce moment de la course.

Nous continuons à monter tranquillement, cette montée est longue mais il y a beaucoup de replat où l’on peut courir.

Nous passons au refuge Sogno (2534m) vers 11h, puis nous attaquons les dernières pentes un peu plus raides qui mènent au col Fenêtre de Champorcher (2827m). Au sommet, Bruno TOMOZYK (Team LAFUMA) est là pour faire quelques photos de Guillaume (Team LAFUMA), et du randonneur (Team FORESTIERI) qui l’accompagne.

Puis nous attaquons la plus longue descente du parcours, presque 30km et 2500m- (+ quelques centaines de m+).

Tout se passe bien, je suis un peu plus facile que Guillaume dans les descentes, par contre, c’est beaucoup plus dur dès que ça remonte.

Nous passons le lac Miserin (2581m), nous nous arrêtons brièvement au refuge Dondena (2151m) pour nous ravitailler, un peu plus loin nous allons être accompagné par 4 chèvres pendant une bonne dizaine de minutes (trop contente de faire la course avec nous, elles ne voulaient plus nous lâcher !).

A 14h, nous sommes à Chardonney (1450m). Ensuite, sur le papier, ça continue à descendre jusqu’à Donnas, mais sur le terrain, il y a surtout beaucoup de petites montées bien raides, avec plein d’escaliers en pierre pour casser les jambes, et puis des ponts flexibles, quand t’arrives dessus pour la 1ére fois, ça surprend !

Enfin le décor est quand même très joli, on longe le torrent Ayasse, et ces gorges sont magnifiques. Vers 16h, on doit passer à Pontboset (791m), puis à 17h48, nous arrivons à la 3ème base vie, à Donnas (330m, 148.7km).

 

Cette fois ci, je m’arrête pour prendre mon premier vrai repas depuis le départ : des pâtes, avec de l’huile et du fromage. Oui mais Guillaume n’a pas l’intention de faire une pause casse-croute, et à 18h précises, il repart, alors que je commence tout juste à manger mon plat de pâtes. Pfff, je me dépêche d’avaler mon plat de pâtes, et je repars à 18h08.

Bon voilà, cette fois ci on attaque le retour sur l’Alte Via 1, et c’est maintenant que ça commence à être drôle.

Déjà, je démarre avec 8’ de retard sur Guillaume, enfin pas d’inquiétude, il m’a dit qu’il avancerait doucement et qu’il m’attendrait. Enfin bon, quand un gars qui a fait 3 fois dans les 6 1er à l’UTMB vous dit qu’il y va doucement, méfiez-vous, y a surement un piège. Effectivement, je n’arriverai pas à le rattraper.

Donc désormais je monte seul. Et c’est raide ! Ouais c’est même très raide ! Heureusement, le soleil chauffe fort en fond de vallée, je transpire et je m’allège de quelques grammes de sueur, c’est toujours ça de gagner.

Ensuite ça redescend un peu (toujours aussi raide) sur Perloz (663m), il y a un point d’eau mais je ne m’arrête pas, juste le temps de discuter avec François (le père de Guillaume) qui me dit que Guillaume est juste devant, il continue doucement et m’attend, enfin l’écart n’a pas bougé depuis Donnas, et vu qu’on avance au même rythme, on peut s’attendre encore longtemps.

Puis je passe le pont de Moretta (490m), et ça recommence à monter raide. La nuit tombe, et ça monte, ça monte, ça monte.

A 21h58, j’arrive à Sassa (1305m). Et je rattrape enfin Guillaume. Bon faut dire qu’il m’a bien aidé puisqu’il s’est arrêté dormir. Moi je ne m’arrête que quelques minutes pour me ravitailler, puis je repars, toujours seul.

Et ça continue à monter, toujours trop raide, ça n’en finit jamais de monter. Jusqu’au col Portola (1950m) où la pente se calme enfin. Oui mais maintenant y a des rochers partout, c’est encore pire que quand ça montait. Pour la première fois, j’avance avec 2 frontales : une sur la tête qui éclaire là où je vais poser mes pieds, l’autre dans la main qui me sert à chercher le chemin.

J’avance tant bien que mal, je passe le col Carisey (2124m) et j’aperçois enfin la lumière du Refuge Coda (2224m). Je me retourne, et j’aperçois aussi une frontale derrière qui reviens sur moi à grande vitesse (au moins du 4km/h, alors que moi j’ai du mal à dépasser les 2km/h, ça va très vite !).

Je dois arriver au refuge Coda un peu après minuit. Et quelques secondes après moi arrive Guillaume. C’est pas possible, il a dormi 1h et m’a déjà rattrapé ? Non il me rassure, il n’a pas réussi à dormir à Sassa, et est reparti juste quelques minutes après moi.

J’enfile mon collant, je me couvre pour la nuit, et nous discutons un peu avec les bénévoles du refuge. Il nous annonce que nous sommes 3èmes, l’allemand Uli CALMBACH s’est arrêté ici pour dormir, il est épuisé et ne repartira pas avant demain matin.

Nous repartons donc, encore plus motivé par cette place gagnée. Guillaume ouvre le chemin, notre rythme est correct car Guillaume avait bien reconnu le parcours, et environ 2 heures plus tard, nous arrivons à Lago Vargno (1686m).

Cette fois ci Guillaume a bien sommeil et s’arrête pour dormir 1h30. Et moi, comme je n’ai toujours pas sommeil, je continue, tout seul, en voilà une bonne idée ! Pour le jardinage, c’est parfait !

J’avance, les cailloux succèdent aux cailloux, les pierres succèdent aux pierres, les rochers succèdent aux rochers. Je cherche le balisage avec mes frontales. Quand je suis à une balise, je fais un tour complet sur moi-même, voire même plusieurs tours, jusqu’à ce que je trouve la balise suivante, je trace alors une ligne droite pour rejoindre cette balise, et ainsi de suite, j’avance de balise en balise à travers le pierrier.

A un moment je passe le col Marmontana (2350m), ensuite ça descend sur le Lago Chiaro (2096m). Un bénévole me pointe, je ne m’arrête pas, je profite de l’élan pris dans la descente, maintenant je suis à + de 3km/h.

Enfin 50m plus loin, je m’arrête et fais demi-tour, je demande au bénévole : « c’est par où le chemin ? », ah ouais par là c’est mieux !

Maintenant il y a un peu d’herbe, et ça descend raide. D’ailleurs ça devient trop raide à mon gout, d’autant plus que je ne vois pas de balisage. Demi-tour ! Je remonte, quasiment jusqu’à Lago Chiaro, et je retrouve le chemin qui partait sur la droite.

Un peu plus loin, alors que je descends sur un sentier un peu mieux tracé, j’arrive sur 2 rubalises tombées sur ma gauche en contrebas. Ok, donc maintenant je descends droit dans la pente, c’est très raide. Et là j’arrive à une barre rocheuse, qu’est-ce que je fais, je saute ? Heu non, j’ai pas de parachute, je préfère faire demi-tour et je remonte aux 2 rubalises. Et là, pour moi c’est clair, il faut descendre droit dans la pente, alors je redescends. Et j’enchaine les montées / descentes pendant + d’une demi-heure, c’est un excellent entrainement, oui mais là j’avance pas !

Enfin, je ne sais pourquoi, mais je décide de partir à l’opposé des 2 rubalises, c’est-à-dire vers le haut. Et là miracle, j’aperçois un semblant de sentier au milieu du pierrier, et surtout des nouvelles rubalises.

Je peux donc continuer sur le bon chemin. Et maintenant ça monte bien raide, et j’avais pas du tout visualisé le parcours comme ça dans mon imagination. En plus ça monte en lacet, et comme je tire tout droit à chaque lacet, je n’arrête pas de m’égarer dans les pierriers.

Je continue donc mon jardinage jusqu’au lever du jour, et je franchis Crena Du Ley (2311m), un Pas du Mont Colomb à la puissance 10 (pour ceux qui connaissent le Mercantour). Et enfin ça redescend raide, je me dis que l’on va plonger vers Niel maintenant. Perdu, après même pas 5 minutes de descente, on part à plat vers la gauche, puis ça remonte même par endroit pour contourner des rochers. Pfff, mais c’est quoi ce bordel, jamais on descend et quitte ce pierrier ?! Non, ça continue encore comme ça pendant une bonne demi-heure, jusqu’à ce que je croise un gars venu à ma rencontre. C’est le bénévole qui nous attendait au Colle della Vecchia, d’ailleurs il commençait à sérieusement s’inquiéter de ne pas me voir arriver. Je lui explique que j’ai un petit peu jardiné.

Il me demande si je sais dans combien de temps va arriver Guillaume, je lui réponds qu’il devait dormir 1h30 à Lago Vargno, nous nous retournons et nous apercevons déjà Guillaume, seulement quelques minutes derrière nous, apparemment il n’aime pas le jardinage.

Le bénévole m’accompagne jusqu’au Colle Della Vecchia (2184m), et me dit que là cette fois c’est bon ça descend jusqu’à Niel. Enfin cette descente est toujours aussi compliquée, mais bon c’est rien après ce que j’ai fait pendant la nuit. Je force l’allure dans cette descente, je ne veux pas que Guillaume me rattrape avant Niel.

J’arrive à Niel (1573m) à 9h05, juste 1 minute avant Guillaume. On se pose une dizaine de minutes pour se ravitailler, puis on repart. Et bizarrement je vais commencer à être fatigué. Ça monte régulièrement, Guillaume imprime un rythme correct.  Le soleil commence à chauffer, j’ai soif, je m’arrête quelques secondes pour boire. Guillaume ne s’arrête pas, un écart de quelques mètres est creusé. J’essaye d’accélérer pour revenir dans l’aspiration de Guillaume, mais je n’y arrive pas, l’écart se stabilise. Quelques minutes plus tard, je m’arrête encore pour boire et l’écart grandit, je ne le sais pas encore mais je ne reviendrai plus sur Guillaume.

Au col Lazoney (2364m), l’écart est déjà de 4 minutes. J’ai toujours Guillaume en point de mire, et garde un espoir de revenir dans la descente. Jusqu’à Oberloo (2081m), j’arrive encore à courir, péniblement, mais je stabilise l’écart.

Je zappe le ravito d’Oberloo (là j’ai déconné, il parait qu’il y avait du fromage délicieux). Je me mouille juste à une fontaine, et je continue. On entre dans la forêt, et je n’ai plus Guillaume en point de mire. Cette fois, je suis cuit, je suis très fatigué et je n’avance plus. Je me traine lamentablement jusqu’au fond de la vallée, et je marche en dormant jusqu’à Gressonney.

 

J’arrive à Gressoney (1329m, 200.3km) à 12h50, François le père de Guillaume, m’informe que Guillaume vient juste de repartir et je peux encore le rattraper, mais non, je suis trop fatigué, je veux dormir quelques minutes. Je commence à m’endormir assis sur une chaise, la tête posée sur la table. Mais les bénévoles arrivent vers moi, et m’obligent à aller m’allonger sur un lit. Je refuse mais la docteur chef ne me laisse pas le choix. Je vais donc m’allonger sur un lit, et je demande à être réveiller dans 30 minutes. 1h30 plus tard, on me réveille, apparemment je devais être tellement crevé qu’ils m’ont laissé dormir 1h de +. J’avale une assiette de polenta, les médecins m’examinent rapidement et je repars à 14h55.

Maintenant, je suis en pleine forme, j’ai dormi 3 fois + que prévu, j’ai bien mangé, alors je repars en courant sur le plat pour sortir de Gressoney. D’ailleurs je repars un peu trop vite, je loupe une intersection et rajoute quelques mètres supplémentaires, bof je ne suis pas à ça près.

J’attaque la montée, c’est bien pentu, mais je marche à un bon rythme. Je passe à Alpenzu (1770m) vers 16h, je me mouille le visage à la fontaine puis je continue la montée. Quelques mètres plus haut, je retrouve Hervé LE GAC, journaliste à Endurance Mag, qui va m’accompagner pendant toute la montée jusqu’au col Pinter. Il prend quelques superbes photos sur fond de Mont Rose. On discute beaucoup, et il me dit que je suis bien plus rapide que Guillaume sur cette montée, à ce moment-là j’ai encore un espoir de revenir sur Guillaume.

C’est vrai que cette montée, pourtant raide se passe idéalement, et je franchis le col Pinter (2776m) avant 18h. Voilà, une dernière photo, puis je plonge de nouveau seul dans la vallée suivante. Comme la montée, cette descente passe bien, et je pointe au Refuge Crest (1958m) à 18h45. Je m’arrête 10 minutes pour me ravitailler, puis je repars, c’est presque plat jusqu’à St Jacques, et je garde mon bon rythme, alternant course et marche.

La nuit tombe quand j’arrive à St Jacques (1700m), à 20h23. Encore 10 minutes de pause ravitaillement, un médecin qui s’ennuie me prend la tension pendant que je mange les bonbons du ravito. Puis je repars. Il fait nuit, et même si j’ai reconnu cette montée et que j’ai l’impression d’avoir encore un bon rythme, j’avance forcément moins vite que le jour. Je passe au Refuge du Grand Tournalin (2535m) vers 22h30, je leur donne mon dossard, et je ne m’arrête pas. Je passe le col Nannaz (2770m) moins d’1h plus tard, ensuite c’est encore plat jusqu’au col Fontaine (2695m), puis je plonge dans une nouvelle descente jusqu’à Cretaz.

J’ai toujours l’impression de maintenir un rythme correct dans cette descente, et pourtant ! J’aperçois une frontale qui fond sur moi à grande vitesse. J’ai très peu d’infos sur les coureurs derrière moi, mais aux dernières nouvelles c’était Christophe LE SAUX qui était 5ème derrière moi. Alors quand la frontale me rejoint, je demande : « c’est Christophe ? ». Pas de réponse. Je m’arrête pour laisser passer, et là je m’aperçois que c’est une féminine qui me double, c’est Anne Marie GROSS, la sœur d’Ulrich, que j’avais déjà croisé à la NoFinishLine à Monaco en 2008, mais bon là je ne la reconnais pas, et je me prends une sacrée claque dans la tronche.

Puis histoire d’en rajouter une 2ème couche, 10 minutes plus tard, c’est Matteo BERTOLI qui me double à son tour. « Hé, mais c’est quoi ce bordel, y en a encore combien qui vont me dépasser comme ça ?? ».

 

Enfin, j’arrive à Cretaz (1526m, 236.3km) en 6ème position, à 1h24. Je prends mon temps pour manger une bonne assiette de pates. Pendant ce temps, je constate que Anne Marie et Matteo sont déjà repartis. Ici, les bénévoles sont particulièrement accueillantes, bon c’est le cas partout, mais ici encore plus qu’ailleurs. Et comme elles insistent pour que j’aille me reposer, je finis par me laisser convaincre. Je vais dormir 30 minutes. Et 30 minutes précisément après m’être endormi, on me réveille. « Heu, mais j’aimerai bien dormir encore peu, réveillez moi encore dans 30 minutes ». Et 30 min plus tard, on me réveille encore. Ouais, mais je dormirai bien encore un peu. Et finalement je vais dormir 3 heures. Je mange une nouvelle assiette de pates pour bien me réveiller, et je constate que la nuit a été calme, seul 1 coureur est arrivé pendant que je dormais, c’est Christophe LE SAUX, mais il abandonne ici. Et à l’instant arrive la 2ème féminine, Julia BOETTGER.

Je quitte Cretaz à 6h00. Il fait encore nuit mais le jour ne va pas tarder à se lever. Je monte à un bon rythme, normal après avoir dormi 3heures, je suis en pleine forme. Pourtant, alors que je m’arrête quelques instants pour ranger ma frontale, j’aperçois Julia un peu plus bas qui revient sur moi à grande vitesse. J’augmente encore mon allure, je ne veux pas me faire rattraper, en plus par une fille. Mais Julia fini quand même par me dépasser à hauteur du barrage du lac de Cigagna.

Je passe au refuge Barmasse (2175m) vers 8h00, je ne m’arrête quasiment pas, je veux rester au contact de Julia, mais c’est qu’elle avance vite, et je finis par la perdre de vue.

Et 1h plus tard, à ma grande surprise, je l’aperçois à nouveau derrière moi, je l’ai dépassé sans m’en rendre compte. Elle me rattrape et on discute un peu, Julia parle très bien le français. Elle râle après les vaches, c’est vrai que les vaches ont mangé pas de mal de balisage, et c’est pour ça que Julia s’est égaré. Puis Julia fini par me distancer une nouvelle fois.

Je passe la fenêtre d’Ersaz (2293m), et j’arrive à Vareton (2352m) vers 10h00. Je m’arrête juste 2 minutes pour me ravitailler, Julia s’est mise au chaud à l’intérieur, alors je file vite, j’en profite pour reprendre un peu d’avance. Julia me rattrape vers la fin de la montée vers la fenêtre Tsan, elle va vraiment plus vite que moi dans les montées.

Je franchis la fenêtre Tsan (2738m) et oups ça redescend bien raide, heureusement la descente est courte, mais c’est impressionnant.

Je ne me souviens plus de mon passage au bivouac Reboulaz (2585m), par contre je me souviens du col Terray (2775m), qui est, comme d’habitude, bien raide. J’arrive au refuge Cuney (2656m) à 12h09, j’aperçois Julia qui quitte le refuge juste 2 minutes avant mon arrivée, elle est filmée par l’hélicoptère. Je ne traine pas, 5 minutes max et je repars. Allez, encore quelques vilains raidards pour passer le col Chaleby (2693m), ça fait bien mal aux jambes. Puis on continue sur un sentier balcon, assez aérien par endroit.

Vers 14h00, je suis au bivouac Clairmont (2705m), je ne m’arrête pas, si juste pour signer l’affiche du Tor. Ici le vent souffle fort, et ça monte encore raide jusqu’au col Vessonaz.

Je passe le col Vessonaz (2788m) vers 14h15, une dizaine de minutes après Julia, et là, non mais c’est pas une descente ça !, c’est beaucoup trop raide !, pfff allez de toute façon y a pas le choix, il faut y aller,  alors j’y vais.

Et puis finalement cette descente ne se passe pas si mal, et j’arrive à Close (1463m) à 16h06. Je croise Julia qui quitte le ravito quand j’arrive, petit encouragement mutuel. Je reste un bon quart d’heure au ravito, la fatigue se fait sentir, et puis je redoute le prochain col. Mais finalement cette montée se passe très bien, je passe le col Bruson (2508m) vers 18h15, et je suis revenu à moins de 10minutes derrière Julia. Le début de la descente est comme d’habitude, affreuse, mais ça passe bien pour moi car je l’ai reconnu la semaine précédente. Par contre, cette descente est beaucoup plus compliqué pour Julia, je la rattrape avant Berio Damon (1942m), elle est quasiment à l’arrêt. Je lui demande si ça va, elle me dit qu’elle est très fatiguée et qu’elle n’arrive plus à avancer, je l’encourage à s’accrocher jusqu’à Ollomont, la descente devient beaucoup plus facile maintenant, d’ailleurs je vais courir jusqu’à Ollomont.

 

J’entre à Ollomont (1396m, 283.5km) à 19h46. Je prends mon temps pour manger, je me détends les jambes, je détache mes chaussures. La fatigue est là, mais je sais que c’est bientôt l’arrivée, je suis confiant et motivé pour la nuit à venir. Par contre, je sais que maintenant je vais être définitivement seul, Julia s’arrête dormir plusieurs heures à Ollomont, et derrière il y a de gros écarts de creusés.

Je quitte Ollomont à 20h31, la nuit tombe. Le début de la montée passe bien, j’ai chaud, je me suis trop couvert en sortant. Je passe le hameau de Champillon, les vaches dans l’étable font beaucoup de bruit. Je continue, déjà la moitié de la montée est faite, tout va bien. Mais tout à coup, le vent se lève et il se met à pleuvoir. En quelques secondes, la température baisse de plusieurs degrés. J’enfile vite ma gore-tex, puis je continue, ce n’est pas le moment de s’arrêter. J’arrive au refuge Champillon (2433m) vers 23h. Je rentre à l’abri 5 minutes, le temps de me ravitailler. Les bénévoles du refuge, qui s’ennuient, me demande s’ils peuvent m’accompagner un petit peu, et ils montent avec moi pendant un quart d’heure. Puis je me retrouve à nouveau seul.

Je passe au col Champillon (2707m) vers minuit. Et à partir de là, c’est le début de la fin, je ne sais plus exactement tout ce qui s’est passé, et il m’a fallu presque un an de recul pour pouvoir en reparler.

Je m’endors dès le début de la descente. J’essaye de manger pour me réveiller, mais je n’ai plus rien, j’ai tout mangé. Il ne reste plus qu’un tube de crème de marron qui a éclaté au fond du sac, je lèche mon sac pour essayer de me réveiller. Je zappe complètement le ravitaillement de Ponteille Desot (1830m), je ne m’attendais tellement pas à ce ravito, je ne me souviens même plus leur avoir donné mon numéro de dossard. Je continue à dormir, maintenant le chemin est plat et large, et c’est pas ça qui va me réveiller. Par moment je me gifle, je m’insulte, j’hurle, mais ça ne change rien, je dors toujours.

Je ne sais pas comment j’arrive à St Rhémy (1600m), à 3h38. Je m’arrête quelques minutes, je mange un peu, mais je ne sais pas ce que je fais là, on me parle mais je ne comprends rien, je ne suis plus assez lucide pour décider de m’arrêter dormir ici, alors je continue mon chemin. Je visite toutes les rues de St Rhémy, ça faisait déjà un moment que je ne suivais plus le balisage, et là je cherche juste ma maison, mon lit pour aller me coucher. Evidemment, je ne trouve rien, et je ne sais pas comment j’arrive à sortir de St Rhémy, mais heureusement je parviens à m’engager dans l’ultime ascension vers le col Malatra. Après, je me souviens que j’ai suivi le balisage, d’ailleurs plusieurs fois je fais demi-tour et je reviens sur mes pas jusqu’au balisage précédent, j’avance tellement doucement, le temps me parait tellement long entre 2 balisages, que j’ai sans cesse l’impression de m’être trompé de chemin, mais pourtant il n’y a qu’un seul chemin, que j’avais reconnu, je ne pouvais pas me tromper.

J’arrive à l’alpage de Merdeux inférieur (1950m), il y a 5 bergeries en ruines, je toque à chacune des 5 portes, bien sûr personne ne répond. Je redescends à la première bergerie, je m’assois contre la porte, ça fait un abri de 20cm de large, la pluie fine continue à tomber depuis le début de la nuit, tout est trempé, je suis trempé, j’ai froid, mais je suis tellement fatigué que je m’endors instantanément.

Je ne sais pas combien de temps je vais dormir, 15min, 30min, 1h peut être, jusqu’au lever du jour. Et c’est Abele BLANC (alpiniste valdotain qui a gravi les 14 8000m) qui va me réveiller, même si je n’en ai absolument pas conscience sur le moment. Je me souviens avoir entendu quelqu’un me parler, me demander si ça allait. J’ai répondu « oui ça va » inconsciemment, les yeux fermés, et j’ai bougé pour montrer que ça allait. Alors Abele a continué sa course. Et quelques minutes plus tard, je me suis relevé et je suis reparti à mon tour. Mais j’étais toujours endormi, je n’arrivais plus à me réveiller, et en plus j’étais complètement engourdi, paralysé par le froid et l’humidité. J’ai eu beaucoup de mal à me remémorer ce passage-là, j’étais trop fatigué, et quand l’organisation m’a contacté une semaine après la course pour savoir si Abele était bien passé par là, car il était accusé d’avoir pris une voiture sur ce tronçon, j’étais incapable de répondre. Il m’a fallu plusieurs mois pour me remémorer ce passage, mais maintenant je peux affirmer avec certitude que Abele n’a pas triché, il est bien passé devant moi à cet endroit précis.

Bon, revenons à ma course, mais comme je viens de vous le dire, je ne me souviens plus de grand-chose maintenant. Je me souviens être passé à Tsa de Merdeux (2273m), je me suis arrêté quelques minutes, j’ai enlevé mes chaussures trempées et pleines de cailloux, j’ai mangé un peu, j’ai aussi discuté avec les bénévoles, mais je ne comprenais rien à ce qu’il me disait, ils m’ont dit que j’étais 7ème, merci mais 7ème de quoi ? Je ne savais plus que j’étais sur une course.

Puis je suis reparti vers le col Malatra. Je ne me souviens plus du tout avoir franchi le col Malatra (2925m), je me souviens juste que c’était terrible, je voulais dormir, mais je ne  pouvais pas dormir, impossible de s’endormir en étant debout et en avançant, et je n’avais même pas la lucidité pour me dire de m’allonger par terre pour me reposer, de toute façon, j’avais trop froid pour m’arrêter, il fallait que j’avance pour me réchauffer.

J’arrive à Bonatti (2025m) à 10h31. La descente de Malatra m’a légèrement réveillé. Je m’arrête 2 minutes, je me ravitaille. Je discute, on me dit encore que je suis 7ème, je ne comprends toujours pas. On me parle du 6ème, Abele, grand alpiniste valdotain évidemment très connu ici. Mais moi je ne le connais pas, en plus je ne me souviens pas l’avoir vu me dépasser puisque je dormais, et pour moi la dernière personne que j’ai vu avec un dossard, c’était Julia à Ollomont.

Je repars sur le sentier balcon au-dessus du Val Ferret. Par endroit, c’est boueux, j’avance péniblement mais j’avance. Mais c’est interminable ! Et je recommence à m’endormir. J’approche de Bertone, il doit rester 1km avant de plonger dans la dernière descente sur Courmayeur. Je regarde en bas le Val Ferret, il y a des voitures sur un parking, et je crois reconnaitre la mienne. Un sentier descend dans le Val Ferret, sans hésiter je descends, je veux aller à ma voiture pour dormir. Non mais quel con !! Heureusement, mais je ne sais par quel miracle, j’ai un éclair de lucidité, je réalise que ce n’est pas ma voiture en bas, j’ai laissé ma voiture à Courmayeur, je dois aller à Courmayeur, alors je fais demi-tour et je remonte. Oui mais j’ai déjà descendu plusieurs centaines de mètres qu’il faut remonter maintenant. En remontant, je vois 2 trailers passer sur le sentier balcon vers Bertone. Je l’ignore, mais il s’agit de Cesare CLAP et Mauro SAROGLIA qui vont terminer juste devant moi. Eux ne m’ont pas vu bien sûr.

J’arrive à Bertone (1989m), j’ai encore Cesare et Mauro en point de mire, ils quittent seulement le refuge. Je ne m’arrête même pas à Bertone, je dois tout juste donner mon numéro de dossard, inconsciemment. Mais comme je n’ai absolument pas conscience que je dois jouer ma place, je repars tranquillement et je ne reverrai Cesare et Mauro qu’une fois la ligne d’arrivée franchie. Je descends en me laissant emporter par la pente, à chaque pas j’écrase le sol avec une violence extrême, je ne sens plus aucune douleur, la fatigue m’a complètement anesthésié. Plusieurs fois dans cette descente, je m’immobilise, je reste debout, les yeux fixés sur ma montre, je regarde les secondes défiler, et je réalise que je ne dors pas, je dois continuer à avancer. Plusieurs fois aussi, je me gifle fortement, mais ça ne me fait rien, je suis trop fatigué.

J’arrive sur la route goudronnée, une personne est là et m’applaudit. Je me mets à courir, une autre personne me félicite. Je cours de + en + vite, je me réveille, je regarde mon dossard, et je réalise vaguement que je suis à l’arrivée du Tor des Géants. J’arrive à la place Abbé Henry, lieu du départ, Guillaume est là et on se tape dans la main. Je cours jusqu’à l’arrivée, que je franchis à 13h12’, après 99h12’15’’ de course.

 

Voilà, c’est fini. Il y a beaucoup d’émotion sur cette ligne d’arrivée, qu'il m'est impossible de vous retranscrire. Le speaker me félicite, me dit qu’il s’inquiétait de ne pas me voir arriver, j’ai mis tellement de temps depuis Ollomont, il me demande comment s’est passé ma course, surtout cette fin de course interminable. Je n’arrive pas à répondre, je suis trop fatigué. Je signe l’affiche des finishers, puis je vais m’asseoir sur une chaise, et je m’endors aussitôt, pendant qu'on m’enlève mon sac à dos et qu’on me détache mes chaussures. Je dois dormir une bonne demi-heure, je me réveille juste pour l’arrivée de Julia.

 

Putain c’est déjà fini, mais je ne suis plus fatigué, je veux repartir !!!

Voilà, et maintenant ça va faire 1 an que je pense à cette course tout le temps.

Vivement le 11/09/11 pour le départ de la 2ème édition !

Merci à tous ceux qui me liront, merci à tous ceux qui se seront intéressé à ma course, merci à tous !

Et gros bisous à ma petite Sasha Chérie.

Au plaisir

21 commentaires

Commentaire de @lex_38 posté le 23-08-2011 à 13:18:28

Bah dis donc, ça c'est de la course rustique avec une sacrée prépa!
Au début, j'ai cru à une blague. Ensuite je me suis dit, il ne pourra pas aller au bout puis finalement, tout comme toi, j'y ai cru!
Bravo pour ta volonté et merci pour ce récit!

Commentaire de Jay posté le 23-08-2011 à 13:41:51

merci Alex pour ce magnifique récit, .. on te suit au fil des minutes, des heures avec bcp de plaisir, avec en plus des petites touches d'humour vraiment caustique :-))
on s'est croisé au départ du Paris-Roubaix du Ch'ti Grincheux , c'est avec plaisir que j’espère avoir l'occasion de partager qlqs foulées prochainement,
Bonne 2eme édition :-)
jay

Commentaire de Souris posté le 23-08-2011 à 13:56:30

Bravo Alex pour cette 1ière édition... et pour ce CR. Félicitations!!!
Les photos sont là ;-)) https://picasaweb.google.com/VirginieSouris/Tor_des_Geants_2010_09_12#5517262620775463858

Commentaire de Goldenick posté le 23-08-2011 à 14:48:54

Bravo Alex pour ta superbe performance malgré cette grosse fatigue sur la fin.
Bien content de t'avoir rencontré la veille du départ au retrait des sacs.
A bientot

Commentaire de robin posté le 23-08-2011 à 15:00:22

Vraiment un truc de Géant ! Bravo
Ce qui m'a fait sourire c'est la mention en dessous de ton nom sur ton fil annoncant ce C.R. !
Alex : Kikoureur débutant LOL !
Encore bravo et merci de ton C.R. Passes le bonjour à May !

Commentaire de tounik posté le 23-08-2011 à 15:53:50

Quel bonhomme !!!!!

Il n'y a que toi pour terminer un ultra dans de telles conditions.

Lunaire est sans doute le meilleur qualificatif.

Commentaire de tounik posté le 23-08-2011 à 15:54:27

Quel bonhomme !!!!!

Il n'y a que toi pour terminer un ultra dans de telles conditions.

Lunaire est sans doute le meilleur qualificatif.

Commentaire de shunga posté le 23-08-2011 à 16:49:51

J'adore la fin. Je me souviens t'avoir suivi sur cette course puisqu'on s'était rencontré avec quelques kikous à chamonix et que tu nous avais expliqués ta stratégie de sommeil pour le Tor.
BRavo. ET dans trois semaines ça recommence.

Commentaire de serge posté le 23-08-2011 à 16:59:18

excellent CR, merci !

Commentaire de Berty09 posté le 23-08-2011 à 23:56:28

Un grand plaisir à partager avec toi cette aventure en lisant ce savoureux récit. Bon, maintenant on a l'air de quoi avec nos exploits sur 40 bornes? Encore bravo et à bientôt.

Commentaire de jpoggio posté le 24-08-2011 à 09:22:38

C'est diablement impressionnant comme histoire, c't'affaire. Un bel exploit, y'a pas à dire. Une belle leçon de trail :) !

Commentaire de GrandSteaKikour posté le 24-08-2011 à 13:02:46

Encore un vibrant CR de ce Tour des géants. Merci, c'est une bien belle leçon de course ! J'ai hâte de te suivre ainsi que les autres sur la prochaine édition ... que tu auras peut-être préparé ... différemment ??

Commentaire de Land Kikour posté le 24-08-2011 à 21:33:04

Alex, tu m'énerves, c'est avec des récits comme le tien que je suis tombé malade de ces ultras en montagne. Je crois bien que je vais craquer après une telle lecture :))
Encore bravo, tu sais toute l'admiration et l'amitié que je te porte ;)
Tu es un géant et surtout n'y change rien.
A bientôt mon ami.

Commentaire de Arclusaz posté le 25-08-2011 à 22:19:09

Hallucinant !!
bravo et merci.

Commentaire de oufti posté le 01-09-2011 à 08:11:12

Super Alex !!! On se voit cette année ;-)

Commentaire de L'Dingo posté le 14-09-2011 à 21:41:17

Enorme récit Alex.
Pour t'avoir suivi , ainsi que tous les autre kikous depuis qques jours sur l'edition 2011, je mesure mieux l'immensité de l'epreuve, le nbr d'abandons, la fatigue accumulée par les corps puis les esprits.

Ceci explique d'ailleurs l'inexplicable concernant l'arrivée de Gazzola, vainqueur ephemère pour 2011.


Bravo encore, et a l'heure ou j'ecris il te reste encore presque 2j à courir !!!!
alors je m'en vais te surveiller du coin de l'ecran , voir ton arrivée et bien plus tard lire le nouveau CR dont tu vas nous gratifier.

GEANT !! ;-)

Commentaire de Epytafe posté le 03-05-2012 à 19:51:40

J'adore lire tes récits....

Merci de nous faire rêver

Commentaire de akunamatata posté le 29-06-2012 à 11:42:32

ouch la fin fut onirique !

Commentaire de philkikou posté le 16-09-2016 à 21:27:00

" un truc de malade" !!!! Et en plus ils en redemandent !!!

Commentaire de aragorn23 posté le 29-10-2016 à 22:49:58

Une sacré performance Alex que ta première participation. On s'est vu au début de la montée du col de l'Arp et tu m'avais parlé de ta préparation et de ta 9ème place : encore chapeau bas. J'ai aussi lu avec plaisir que tu connais les coureurs célestes Gandhi et la Castafiore, un couple que je côtoie régulièrement depuis 3 ans et qui font partie des personnes qui m'ont donné envie de participer à cette course. Mais tu es un quand même un grand malade.

Commentaire de Cheville de Miel posté le 11-08-2023 à 14:15:02

Merci, merci, merci.

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