Récit de la course : Morat - Fribourg 2008, par Epytafe

L'auteur : Epytafe

La course : Morat - Fribourg

Date : 5/10/2008

Lieu : Morat (Suisse)

Affichage : 1471 vues

Distance : 17.17km

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

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Mouais...

Troisième participation à cette course commémorative pour l’Epitaphe, et septante-cinquième édition de la course. Troisième participation ? Oui, vous pourrez trouver le compte-rendu de la première sur un site concurrent, où elle avait bénéficié déjà du commentaire d'une certain Castor... Septante-cinq éditions ? Oui, pendant très longtemps, le Morat-Fribourg était LA course, celle que seul les fous faisaient disait-on dans ma famille ou l’éducation sportive consistait surtout à pousser des hurlements devant un vieux poste noir et blanc à l’adresse de joueurs provenant d’un pays ou d’une région autre que celle des hurleurs. J’aime bien Morat-Fribourg, parce que, au risque de me répéter, j’ai commencé à courir en 2006 et que les 3 premiers mois de cette année me furent nécessaires pour réussir à courir 12 minutes sans arrêt. Ce record personnel a eu lieu le premier avril, et le premier octobre je terminais les 17,17 kilomètres du Morat-Fribourg, alors forcément, ça crée des liens.

 

Mais que commémore le Morat-Fribourg ? Hobsbawn dans son livre nations et nationalisme nous raconte la nécessité nouvelle de créer un esprit patriotique suite à la disparition des rois. En effet, avant les soldats se battaient pour la figure de droit plus ou moins divin du roi, et ensuite ? Comment persuader le peuple d’aller se faire massacrer sur les divers champs de bataille ? C’est là qu’a surgi la géniale idée du patriotisme et de son corolaire, le nationalisme. De même, Antoine Prost dans ses 12 leçons sur l’histoire démontre magistralement que la généralisation de l’enseignement de l’histoire a commencé en France, pour répondre aux mêmes besoins : créer un sentiment d’unité nationale grâce aux mythes. Les Suisses ont inventés le barbu Guillaume Tell et les Français vos ancêtres les Gaulois et… et 1515 Marignan! Pourquoi 1515 ? Le choix de la date est simple, il fallait choisir une suite que chaque futur soldat puisse regarder et garder fièrement au fond de son cœur quand sonne l’heure du clairon. La bataille ? Parce qu’il fallait imaginer une histoire qui puisse laver l’affront de 1476, du 22 juin plus précisément, date de la pâtée mémorable que les confédérés ont mises aux troupes de Charles le Téméraire sur les bords du lac de Morat.

 

Lors de cette pâtée, à la fin plutôt, un soldat bien mois résistant que Philippidès a quitté le champ de bataille, un rameau de tilleul à la main et s’est écroulé mort à Fribourg après avoir annoncé la victoire. C’est cette victoire belle et absolue qui a donné l’existence à cette course et par rebond à cette légende de Marignan. C’est au départ de cette belle course que je m’aligne donc…

 

Le départ se fera sur MDK pour les initiés, le live du théâtre du Taur, en 1975. J’adore cette version à cause des nappes tracées par Didier Lockwood lors d’un long passage plus ou moins improvisé au milieu du MDK. La première partie m’amènera donc jusqu’à Cougevaux, premier village traversé. L’émulation est toujours la même, des milliers de spectateurs massés tout au long du parcours nous encouragent, sonnent les toupins (grosses cloches décorées portées par les vaches lors de la Poya, montée à l’alpage), crient, applaudissent, hurlent. En même temps, dans mon Ipod, le délire orchestré par Vander Top et Lockwood commence, m’enlève, me porte, je cours, je suis bien, je plane. A la sortie du village, il y a une maison avec des banderolles annonçant "zu verkaufen", "à vendre" en travers des murs. Dommage. Il y a 2 ans, lors de ma première participation j’avais remarqué une petite vieille toute tremblotante, assise sur une chaise, protégée de la pluie par un parapluie planté dans son dossier. L’année passée elle était à nouveau là, sous le soleil cette fois. Et cette année la maison est à vendre… Merci ma petite dame pour vos encouragements tremblés…

 

Arrive Courtepin, le mi-parcours. Je m’étais décidé pour relancer une fois le MDK, mais la lecture aléatoire de l’Ipod me gratifie de l’immense Haus der Lüge d’Einsturzende Neubauten. Je tremble et vibre sous la rythmique saccadée des berlinois, trop bon. Je passe mon gadget sur lecture suivie, la voix à Blixa m’accompagnera jusqu’à l’arrivée. Je suis assez mécontent de ma course, je ne vais pas vite, par contre, je suis assez content de ma course, pour la première fois, je tutoierai le rouge sur toute la longueur sans jamais le rejoindre. A défaut de courir vite j’apprends peu à peu à gérer mes courses, tout n’est donc pas à jeter dans l’Epi ! 

 

J’affronte donc serein la terrible montée de la Sonnaz, entre les 12 et 13ème kilomètres,ce lieu fameux qui permet à tout en chacun capable de courir  une fois dans sa vie 17.17 kilomètres de se prendre pour une star du tour de France. Je suis chaque fois surpris quand j’arrive là-haut. Les spectateurs sont massés sur 3 rangs, tapent dans le dos des coureurs débordent sur la route ne laissant plus qu’un étroit couloir pour les coureurs, c’est la fête et nous goûtons tous une fois à l’illusoire plaisir de se croire star. Ensuite, plus de réelles difficultés, les 4 derniers kilomètres sont plus ou moins plats. L’entrée dans Fribourg n’est pas très très belle, zones commerciales, passages sur l’autoroute et stations essences se succèdent alors qu’Einsturzende me scande des desobey it’s a law à répétitions sur leur hypnotique rythmique industrielles. Passage devant la cathédrale St-Nicolas, montée à fond de la rue de Lausanne et me voilà arrivé. Pas content de mon temps mais assez content de la manière dont j’ai géré mes réserves…

 

Je prend donc immédiatement la résolution de toujours fractionner de manière régulière…

3 commentaires

Commentaire de Jihem posté le 14-10-2008 à 21:34:00

Bravo Gabriel. "les 3 premiers mois de cette année me furent nécessaires pour réussir à courir 12 minutes sans arrêt" : Ca ca me laisse rêveur. Il en faut des efforts pour arriver là où tu es.
T'as pas essayé d'enlever l'ipod pour mieux écouter tes sensations ?

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 14-10-2008 à 22:40:00

J'ai moi même essayé MDK suivi de Attahk au semi-marathon nature de la Drôme. Plutôt efficace... Sinon, on pourra reparler de l'enseignement de l'histoire. Chaque pays a son parcours, en France, il s'agissait d'abord de construire une nation qui n'existait pas vraiment et de consolider une république très fragile. Cela ne vaut -il pas mieux que de construire une nation sur des motifs religieux ?

Commentaire de seapen posté le 15-10-2008 à 16:56:00

Toujours aussi savoureux tes récits. Et surtout ne te retiens pas d'apprécier ces moments où tu es star sous les acclamations du public. ce n'est pas seulement une illusion. Même si ça ne dure pas longtemps. Salutations.

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