Récit de la course : Annecime 2007, par malauxcuisses

L'auteur : malauxcuisses

La course : Annecime

Date : 19/5/2007

Lieu : Annecy (Haute-Savoie)

Affichage : 4397 vues

Distance : 80km

Matos : Sac Mule de chez Camelbak, Batons raidlight, booster, montrail continental divide, mini guêtres.

Objectif : Terminer

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Mon Annécime

 

Mardi 15 mai.

Les préparatifs pour la course sont déjà bien entamés.

Mon sac de course est prêt: les bâtons et le ravitaillement sont dedans, le porte bonheur est bien là.

J'ai calculé mes besoins en gels et barres comme ceci:

  • 15 heures de course au max (enfin j'espère),

  • soit 900 minutes,

  • 1 gel toutes les 45 minutes donc 20 gels,

  • 1 barre par heure.

Je pense être large car je ne compte même pas les ravitaillement officiels.

Pour la boisson j'ai fait un mélange malto/hydrixir de chez overstim à 50/50. Je verrai bien...

La veste de pluie n'est pas encore dans le paquetage.

Pas encore, je reste optimiste bien qu'aujourd'hui j'ai vu de la neige en Chartreuse aux environs des 1700 mètres. Bravo le beau temps.

Aujourd'hui commence aussi la prise de malto pour renforcer les stocks de glycogène. Je sais pas trop ou en sont mes stock, je sais juste que pour les Templiers 2006 la formule avait bien fonctionné. Je programme donc du malto mardi, mercredi, jeudi sachant que la course aura lieu samedi.

En ce qui concerne la tronche tout va bien. Je ne me pose pas, mais alors pas du tout, des questions du style « qu'est ce que je vais faire? », « 80 bornes c'est pas un peu long? »,...Je suis sur de mon entraînement et je n'ai pas des petites douleurs qui apparaissent comme par magie.

Pas du tout. Je suis fort dans ma tête.(en vrai j'ai les foies)



Mercredi 16 mai.

Aujourd'hui je continue la prise de malto. Je finis les préparatifs de la course. J'ai coupé la course en 4 tronçons de 20 km grâce au logiciel IGN rando. J'ai ensuite fait les profils de ces 4 tronçons que j'ai ensuite plastifié.

 

Jeudi 17 Mai.

Aujourd'hui je travaille et c'est plutôt bien. Je peux enfin me sortir la course de la tête, penser à autre chose. Les collègues de boulot commencent à me chambrer pour certain, à m'encourager pour d'autres.



Vendredi 18 Mai.

On se réveille tranquillement. Les affaires sont prêtes depuis deux jours alors pas de panique. Vers 10 heures nous quittons Moirans direction la plage du lac d'Annecy. Nous sommes impatients de le voir ce lac.

12 heures 30, nous y sommes. Et bien c'est vrai, il est magnifique ce lac. Le ville est belle aussi mais invivable. Trop de monde de partout. Nous nous garons pour aller chercher mon dossard. Il fait un grand soleil et les rues piétonnes sont bondées, pleines à craquer. Il y a des fashion victimes à tous les coins de rue.

Sur le chemin du magasin Rêves de Cimes, nous nous arrêtons chez 42km195 pour prendre de la boisson de récup. Arrivés chez Rêves de Cimes nous descendons au sous sol. Sébastien Chaigneau himself me donne mon dossard. C'est bon signe (on se rassure comme on peut).

On profite du bord de mer et on se cale sur un banc à l'ombre, à proximité du Paquier. Dire que demain matin on partira de là...

 

 

 

Le soir c'est repas chez flunch et au lit Formule 1. J'arrive même à dormir. Je ne comprends pas comment. La semaine qui précède la course je ne dors pas super bien. Pour les Templiers ça a été la même chose. La veille de la course je dormais comme une masse, les jours précédant je mettais un certain temps à m'endormir.

Samedi 19 Mai.

Cooocorico...Debout monsieur, faut se lever. 2 heures 15 du mat pour un départ à 4 heures, c'est honnête. Je me lève, je te bouscule, tu ne te réveilles pas...

Si t'es réveillée, ça tombe plutôt bien chérie, il faut que tu m'emmènes sur la ligne de départ.

Il fait frais ce matin mais je décide de partir en thee shirt. Le ciel est dégagé, c'est bon signe. Il doit y avoir environ 250 coureurs sur la ligne de départ. Je suis en train de finir de me préparer et je vois des jeunes fêtards qui passent dans la rue. Ils sont pas frais. Et moi je vais courir.

 

 

 

 

 

Vers 3H45 l'organisateur nous appel pour le briefing. C'est assez drôle car il chuchote dans son micro. Annecy dort, laissons la tranquille. Ce briefing en devient presque intime. Sympa.

Voilà, le briefing fini je met la frontale et vais faire le bisou du départ à ma charmante épouse. Quand elle me demande se qu'il a été dit je suis incapable de lui répondre. J'ai déjà tout oublié.

5,4,3,2,1 top départ. Le chemin est bien balisé par des rubalises complétées de brassard fluorescents dans la lumière de nos frontales. Le rythme est tranquille. La course est longue. J'essaye d'être relâché. Je surveille le cardio. Je suis bien, pas trop haut, pas trop bas. Nous sortons vite de la ville pour commencer la montée sur le crêt de Chatillon, point haut du parcours. Nous sommes rapidement sur un single dans les bois.

 

Stéphanie prend ces photos en nous attendant au Crêt de Chatillon.

 

 

 

 

 

 

Les coureurs ont formé des petits groupes. Je rejoins 2 concurrents qui avancent bien: juste ce qu'il faut. Je les suis. Nous doublons régulièrement dans la montée.

Et puis, qui voilà, Runstephane. Impossible de le rater avec sa casquette UFO et son sac UFO. Je le salue. Nous échangeons quelques mots puis je passe. C'est une célébrité ce Runstephane, d'autres concurrents le reconnaîtront. Je repense aux Templiers 2006. Dans la montée vers le Guiral j'avais doublé Gadou42, tout surpris que quelqu'un le reconnaisse.

Je suis au Crêt de Chatillon en 2h22'43''. J'ai 18' d'avance sur mes prévisions.

 

 

 

 

Mon épouse est là haut. Il fait jour et le panorama est magnifique. Je lui donne ma frontale et poursuis mon chemin. C'est la première fois qu'elle vient me voir sur un trail. En plus elle est seule et appréhende un peu. Après la course elle me dira s'être littéralement régalé: les paysages, les rencontres avec les bénévoles, la course,et....moi!

Je suis à Leschaux en 2h52'56''. J'ai toujours mes 18' d'avance. C'est la fin de la première étape.

Les sensations sont très bonnes. Je suis frais comme un gardon. En route pour Lathuile. Mais sur le chemin de Lathuile il y a 2 gros morceaux: le passage aux chalets du Sollier et le col de Frasse.

La montée sur les chalets du Sollier se fait sur un bon rythme. J'y suis en 3h58'51''. Après les chalets nous basculons sur une descente roulante. J'essaye de me calmer. De me ménager dans la descente mais sans perdre trop de temps.

La descente terminée nous attaquons aussitôt la montée vers le col. Elle commence dans un petit sentier qui ressemble plus à un ruisseau qu'autre chose. Elle est raide cette montée.

Je passe au col en 4h41'44''. C'est partit pour la descente vers Lathuile. Elle se fait sur une piste forestière. Et elle est longue, très longue. Tellement longue qu'elle en devient dure. Je suis quand même bien. Jusqu'à présent je me suis bien alimenté: barres, gels, sportenine et eau améliorée à gogo.

Lathuile, 5h31'41'' de course en lieu et place des 6h15' prévues. J'ai jamais été aussi rapide sur 40 km de trail. Je ne me pose pas trop de questions existentielles. De toute manière je sais que je vais craquer. Le tout c'est de savoir quand.

 

 

 

 

Lathuile et son ravitaillement. Mon épouse est là. Je suis aux petits oignons. Je refais le plein du camel avec la poudre qui va bien. Je mange un bout, récupère mes gels et autres barres pour la suite de la balade et hop, je repars. En route pour le troisième tronçon.

C'est la partie que je crains le plus. Enfin surtout le début. C'est une portion de route plate qui nous amène au bas de la montée vers le col de la Forclaz: 1000 m+ sur environ 7 km de montée. J'arrive à courir, péniblement, sur la route. J'ai vraiment hâte d'arriver au bas de la montée. En plus il paraît qu'elle est superbe cette grimpette.

Et c'est vrai qu'elle est belle. C'est un petit chemin qui monte de manière régulière dans les bois. Nous sommes à l'ombre donc tout va bien. Enfin presque car pour moi c'est the coup de bambou. Mais alors le bambou de compétition, genre 40 m de long, 2 m de circonférence, le tout sur le coin du museau. Dure dure la vie de promeneur des montagnes. Je n'avance plus beaucoup. Je comprends que je suis en train de glisser doucement mais sûrement vers une hypoglycémie.

Alors je mange et je bois. Et j'avance, pas vite, mais j'avance en me disant que j'ai jamais été aussi prêt de l'arrivée.

Par contre je suis surpris par une chose. Les concurrents élites, partis à 6 heures du matin, ne m'ont pas encore rattrapés. Il est où DAWA ? Moi je commence à m'impatienter.

J'arrive enfin au col. Mon épouse, toujours là, flippe en me voyant. Elle comprend directement que cela ne va pas. En tout cas je suis au col en 7h00'20'' au lieu des 8h15 prévues.

 

 

 

 

 

Stéphanie m'accompagne un bout de chemin. Parler avec elle me fait du bien, beaucoup de bien. Elle marche avec moi jusqu'au décollage de vol libre. À cet endroit un type me double mais non sans m'avoir marché une fois sur le bâton puis une autre fois sur le talon. Faut dire que le chemin est étroit ici, peut être 40 mètres de large...

Et là, immédiatement après le site de décollage, il y a, tapie dans les bois, LA COTE DE LA MORT QUI TUE. Un coup de cul terrible, genre piste de K2 mais pas dans le bon sens pour nous. Oh hisse la saucisse, en avant bijou, chaud devant, chaud...

Après cette épreuve dans l'épreuve, nous avons droit à une succession de petites montées suivies de petites descentes. Je passe alors à un petit ravitaillement en eau juste avant la descente sur Planfait. Des concurrents en relais me doublent. Je bois un coup et zou, je repars. Soudain, j'entends des bruits qui se rapprochent. Je me retourne et je vois arriver Dawa.

Je m'écarte et le regarde passer. Je l'encourage. Bravo, c'est le monde à l'envers. Mais bon, il m'encourage aussi et poursuit sa route. Je le regarde descendre. On a le sentiment qu'il ne force pas. Un chat, il est souple comme un chat. En tout cas moi je suis vachement content: c'est la première fois que je me fais doubler par Dawa....

Cette rencontre me met du baume au coeur. C'est reparti pour la descente. Un concurrent solo me rattrape. Nous ferons un bout de chemin ensemble.

J'arrive carbonisé à Planfait. Cela fait 9h06'57'' de course. Bien content de moi pour le moment. Je remplie mon camel mais sans remettre de poudre ce coup ci. Je commence a être écoeuré des gels et boisons isotoniques.

 

 

 

 

 

C'est drôle ça, j'ai les cuisses qui entrent en résonance. C'est bizarre les muscles qui se contractent tout seuls, sans ordre. Aujourd'hui je suis très optimiste, si les muscles se contractent seuls c'est par anticipation des efforts qui restent à faire. C'est donc que du positif.

En ralentissant j'arrive à éviter la crampe fatidique.

Stéphanie est là. Elle m'aide beaucoup par sa présence. Ça à l'air idiot dit comme ça mais qu'elle soit là aujourd'hui nous rapproche encore d'avantage.

Je repars doucement pour la troisième étape. Je demande au coureur qui ma rattrapé dans la descente si il repart avec moi. Il me répond que non, lui aussi a des crampes et préfère se reposer avant de repartir.

Je sais que cette dernière partie sera la plus difficile de la sortie du jour. On m'en a parlé « tu verras ça ne finit jamais. C'est cassant en monté et en descente ». Au moins c'est clair.

Au début c'est roulant. Nous descendons sur une route bitumée pour atteindre le chemin qui mène au col des Contrebandiers, passage obligé avant le Mont Veyrier. Ce chemin ressemble assez à celui emprunté durant la montée au Col de la Forclaz: un petit sentier ombragé des plus agréable.

Je suis au col des Contrebandiers en 10h56'57''. Il y un poit d'eau improvisé. J'en profite pour rajouter de l'eau dans le camel.

Toute la partie du Mont Veyrier se fait en crête, dans une succession de petites montées, petites descentes sur des appuis pas évidents. Le chemin est un coup en plein cagnard et un coup à l'ombre. En tout cas il est magnifique.

Quelle vue nous avons. Depuis le départ ce matin, c'est la première fois que nous avons une aussi belle vue sur le lac. C'est un passage aérien, on peut voir le Paquier, départ et arrivée de la ballade du jour.

Enfin, enfin vient la dernière descente. Celle qui nous mène en bord de mer pour les 2 derniers kilomètres. Elle paraît courte sur la carte mais sur le moment l'altimètre ne chute pas assez vite pour moi. Je me fais doubler par un concurrent élite. Il avance le bougre.

Je suis sur les bord du lac en 12h30'19''. Pus que 2 km. Il reste 2 minuscule kilomètres. Alors je suis témoin d'un phénomène paranormal: à Annecy, le 19 mai 2007, 1 km mesurait 2 km. C'est la seule explication possible. Je franchis l'arrivée en 12h48'26'' à mon chrono. Vraiment 18' pour 2 km c'est pas possible. Il y a plus.

 

 

 

 

 

A moins que je ne soit complètement cramé, que mes jambes soient dures comme du bois, que mes cuisses n'attendent qu'une seconde d'inattention pour se contracter à mort,... Oui, je crois que c'est ça finalement. Rien de paranormal. Juste 2 km trop dur pour moi.

En tout cas Stéphanie est là. Elle m'aide à enlever le sac et les boosters. Elle va même me chercher à boire et à manger. Elle est formidable ma femme.



Epilogue. Lundi 20 mai 2007.

Nous sommes en train de faire les course. J'ai les cuisses pleines de courbatures et les fléchisseurs des pieds très douloureux. Apparemment je n'aurai pas de tendinite aux fléchisseurs cette fois ci, juste une grosse inflammation. Dans la galerie marchande, où je progresse clopin clopan, nous reparlons de la course.

Je lui demande « A ton avis, j'y vais en 2008 à l'UTMB ? »

Elle sans hésiter: « Vas y si tu le veux vraiment. Je serais avec toi. »

C'est dit.

 

 

 

 

8 commentaires

Commentaire de titifb posté le 23-05-2007 à 16:53:00

Bravo pour ce SUPERBE récit qui est un Hymne à l'Amour...L'amour de la course à pied, de la montagne, de l'effort, de ta femme ! Oui, avec l'aide de celle qui t'accompagne dans la course de ta vie, tu peux envisager l'UTMB.

Commentaire de Bourdonski posté le 23-05-2007 à 18:33:00

Bravo pour une super course malgré ton coup de bambou. J'avais prévu de faire cet Annécimes (inscrit) mais au dernier moment j'ai pensé que ça ferait un peu trop avant le Mercantour et le TGV puis l'UTMB. Il faut se méfier de l'euphorie de départ et s'en tenir, comme sur marathon, à ses temps de passage théoriques. La course est longue et il vaut mieux en garder sous le pied même si on est facile. Peut-être qu'en partant moins vite, la fin de course aurait plus agréable avec un temps encore meilleur. En tous les cas, en terminant de belle manière, tu a obtenu ton sésame pour l'UTMB 2008.

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 23-05-2007 à 21:16:00

Bravo pour la perf, ça n'avait pas l'air facile !
Chouettes les photos. Tu féliciteras la photographe.

Commentaire de Choupinet 05 posté le 23-05-2007 à 22:12:00

Bravo pour ta belle performance !
Merci pour ton récit très complet et les photos !
A bientôt
Choupinet 05

Commentaire de fastoch posté le 23-05-2007 à 22:25:00

Merci pour ce récit et ces superbes photos !
On était ensemble au Semnoz et je pense jusqu'à Lathuile ... avant que je prenne un peu d'avance ... la connaissance du terrain m'a surement bien aidé pour gérer les "mauvais passages" !

Tu as fais une belle course et
... tu verras à l'Utmb, c'est plus roulant !
(même si on avance moins vite à la fin ...)

Commentaire de agnès78 posté le 23-05-2007 à 22:37:00

Un grand MERCI pour ce très très très beau récit très émouvant.
Bravo pour ta superbe course...
Et un grand Merci à Stéphanie pour ces splendides photos!
Peut-être à Cham en 2008 alors...
Bises
agnès

Commentaire de gdraid posté le 23-05-2007 à 23:16:00

Bravo Stéphanie !
Ton mari est heureux.
Ce récit passionnant, ces magnifiques photos jalonnant le parcours, cette très belle course, même dans la douleur vers la fin, il te les doit ! Il le sait, il évoque celle qu'il aime à tous moments.
Si ce n'est pas le grand Amour, cela lui ressemble !
JC

Commentaire de le_kéké posté le 24-05-2007 à 10:07:00

Super récit et très belle course.
c'etait passionnant et les photos très belles.

Bravo à toi, Philippe

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