Récit de la course : L'Echappée Belle - Traversée Nord - 84 km 2022, par Mazouth

L'auteur : Mazouth

La course : L'Echappée Belle - Traversée Nord - 84 km

Date : 20/8/2022

Lieu : Vizille (Isère)

Affichage : 2668 vues

Distance : 84km

Objectif : Terminer

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130 autres récits :

Traversée Nord, la belle ne m'a pas échappé !

Le récit sur mon blog : https://sylrunandbike.blogspot.com/2022/08/traversee-nord-la-belle-ne-ma-pas.html

 

Traversée Nord, la belle ne m'a pas échappé !

 

 

Précédemment dans l'Echappée Belle Traversée Nord

2020 : abandon à Val Pelouse sur explosion mentale

2021 : la revanche, qui tourne court à Super Collet sur explosion physique

2022 : la belle ! (et the bell aussi...)

Les photos - Le film - La trace

 

 

Après un bon début de saison jusqu'au Grand Raid 73, je suis parti en road-trip scandinave pendant un mois, ponctué de quelques randos mais très peu de course à pied, avec surtout beaucoup d'heures de route assis sur le siège du camping-car. La reprise par grosses chaleurs début juillet a été laborieuse et j'ai vraiment eu du mal à retrouver des sensations correctes à l'entrainement. C'est aussi la chaleur caniculaire qui m'a convaincu d'avorter mon projet de grosse sortie sur deux jours en montagne début août. Les sensations reviennent quand-même peu à peu et une semaine avant la course je fais une dernière sortie montagne pas trop longue dans le Beaufortain, surtout pour le plaisir.

Au moment de prendre le train pour Aiguebelle je ne sais pas vraiment où j'en suis physiquement mais ça va, sans être vraiment confiant, je suis assez serein. J'ai été moins obsédé par la course les semaines précédentes qu'auparavant. Ce n'est que quelques jours avant que j'en ai parlé à la famille (je n'ai même rien mis sur FB) et que j'ai commencé à me mettre un peu la pression, mais une bonne pression, celle de ne pas décevoir et de sonner la cloche pour de bon. Mentalement je me sens prêt ! Et c'est ainsi que je m'endors à 21h le vendredi sous ma tente à Aiguebelle...

Prêt pour la bataille !

Samedi 20 août, la course

Déjà c'est clair dans ma tête, samedi 20 août c'est un jour de trail presque comme un autre, car LE grand jour, c'est demain, dimanche 21 août, quand je sonnerai la cloche !

Bref, là il s'agit de se lever à 2h25, de prendre la navette à 3h30 pour se rendre au départ d'un parcours qui n'a quasiment pas changé depuis l'année dernière. La seule différence c'est que le dernier ravito du Pontet a été remplacé par le Bourget-en-Huile 4 km avant. Ca fait un mini détour qui porte le total de la course à 84,5 km pour 6200 mD+.

Le profil des réjouissances

De Fond-de-France au Chalet de la Grande Valloire : km 14,6 en 2h58

Comme l'année dernière je pars dans la vague n°2. Dès que la n°1 est partie, un peu après 5h10, j'entre dans le sas de départ et vais boire un petit café. Je suis vite rejoint par Elisabeth et Bubulle (que nous appellerons Christian). Elle assurera son rôle de super-suiveuse pendant que lui fera la course pour prendre sa revanche sur l'an dernier (comme moi mais pour d'autres raisons). Alors qu'on papote et que l'heure du départ approche, voici enfin Ingrid et Spir (que nous appellerons Sylvain) qui arrivent. Même topo, elle sera la super-suiveuse et lui sera le super-coureur !

Le départ est donné à 5h34, et c'est dans la joie et la bonne humeur que s'élance le deuxième tiers des 470 coureurs au total, qui au bout de 200 mètres deviennent des marcheurs... car on attaque déjà la première montée. Celle-ci sert d'échauffement car bien qu'un peu longue (5 km) elle n'est pas très pentue ni difficile. Sylvain est déjà un peu devant alors que Christian et moi basculons dans la descente après moins de 55 minutes de course, non sans un coup d'œil sur le versant d'en face où le soleil levant pose ses premiers rayons sur les pistes de ski du Pleynet.

Même si j'ai vite perdu Christian de vue, la descente sur le Pissou se passe bien, mieux que l'an dernier où j'avais été surpris d'avoir déjà les cuisses dures en bas. Là ça va, et ça relance tranquille jusqu'au kilomètre 10, le pied de "Colzilla" le monstrueux Col de la Valloire !

Le Bréda, vers la cascade du Pissou

A l'assaut donc du bestiau de 1700 mD+, il s'agit de prendre un rythme de montée tranquille d'autant que, si elle est déjà un peu raide, la première moitié jusqu'au Premier Chalet de la Grande Valloire n'est pas techniquement difficile. Je dois être sur du 650 mD+ à l'heure, sans trop forcer mais sans avoir envie d'aller plus vite non plus, c'est bien comme ça et je rentre petit à petit dans le vif du sujet et dans ma course.

Je mets 1h15 depuis le pied pour arriver au ravito en 2h58 de course, soit une minute de plus que l'an dernier sur cette première section. Ce n'est pas très glorieux sachant qu'en 2021 j'étais dans une mauvaise journée, mais je n'y pense même pas car cette fois, les sensations sont bien meilleures, et puis je pense surtout à ma routine de ravito : 1 gobelet de Coca, 1 gobelet de St-Yorre, remplir les deux bidons d'eau, et aussi une flasque supplémentaire car le prochain ravito est loin, mettre du bon manger (saucisson, fromage, pain) dans le petit sac plastique prévu à cet effet dans ma poche, et repartir sans s'éterniser.

 

Le ravito du Chalet de la Grande Valloire est juste à gauche

 

Du Chalet de la Grande Valloire à Périoule : km 26,0 en 7h30

Comme il y avait un peu de monde au ravito j'ai dû y rester un petit peu plus de 5 minutes, et j'en repars donc tranquillement en me repoudrant le bidon et en grignotant.

Cette section jusqu'à Périoule est la partie la plus "Belledonnienne" du parcours, avec l'enchaînement des cols de la Valloire puis de Morétan, dont les pentes raides et couvertes de cailloux mal rangés, en montée comme en descente, m'avaient fait bien mal l'année dernière.

Dans la montée du col de la Valloire, dont la difficulté va crescendo au fil des lacs (Blanc, Noir, Glacé), je suis lent mais je me sens plutôt bien. On me double un peu, je double un peu aussi, tout le monde est dans l'effort là !

Le Lac Noir

Traileurs à l'ouvrage entre les lacs Noir et Glacé

 

Après le Lac Glacé (qui ne l'est pas du tout cette année) on est vraiment dans la caillasse, et je ne fais pas l'erreur de garder les bâtons en main. Ca a beau être raide, j'avance beaucoup mieux sans avoir à gérer quatre points d'appui, c'est déjà suffisant de savoir où bien poser chaque pied.

Lac Glacé, encore 300 mD+ bien raide avant le col

La pente se fait de plus en plus raide et je suis littéralement à deux à l'heure (30 minutes au kilomètre si vous préférez) jusqu'au Col de la Valloire qu'on distingue dans les nuages. Je me demande si on ne va pas être dans le brouillard là-haut, sachant qu'au briefing on nous a expliqué qu'il faudrait se couvrir car il y a du vent et qu'il peut y faire très froid !

Le Col de la Valloire commence à apparaitre dans les nuages

Finalement c'est bien mieux que ça, et ça fait plaisir. J'atteins le Col de la Valloire (2751 m) à 10h25 (presque 10 minutes plus vite que l'an dernier !), il n'y fait pas vraiment froid et les nuages se lèvent laissant même passer un petit rayon de soleil de temps en temps. Je prends juste trois minutes pour profiter de la vue et dire à la souriante bénévole en poste qu'elle a bien du mérite d'être ici, et je me lance doucement dans la descente.

Vue sur le Lac Glacé juste avant le Col de la Valloire

Vue sur le Col de Comberousse juste après le Col de la Valloire

Ladite descente est assez gentille un court instant jusqu'au Col de Comberousse (2669 m), avant un ressaut bien raide dans les cailloux et un névé à traverser.

Juste avant de plonger sur le névé, sous le Col de Comberousse

Bonne surprise concernant le névé : il n'est plus gelé comme on nous l'avait annoncé, il a commencé à fondre ce qui le rend beaucoup moins glissant. Et comparé à l'an dernier, il est beaucoup, beaucoup moins long. La contrepartie c'est que tous les cailloux qui étaient sous la neige la dernière fois, sont sous mes pieds aujourd'hui, ce qui n'arrange pas ma vitesse de progression. Pas grave, on retrouve vite le chemin qui descend fort dont mes cuisses n'ont pas gardé un bon souvenir. 

Et comme à chaque fois depuis le début, ça se passe mieux cette année. J'ai 15 minutes d'avance sur l'année dernière à ce stade et un physique en bien meilleur état. Maintenant c'est sûr, l'an dernier j'étais dans un jour sans, cette année je suis bien, c'est super bon pour le moral, au moment de prendre à droite pour gravir les raides 350 mD+ du Col de Morétan !

Début de la partie finale du Morétan

Dans les cailloux du Morétan

Comme toujours les bénévoles du poste montagne du col sont à fond dans les chansons à la gloire du Morétan et de ses cailloux avec une variante spéciale 10e anniversaire car je ne l'ai pas précisé, mais on fête cette année les 10 ans de l'Echappée Belle.

Je me hisse sur le Col de Morétan (2503 m) à 11h55 (25 minutes d'avance sur l'an dernier), je tape dans la main de Jean-Louis fidèle au poste, je fais deux photos vite fait, et surprise, je vois Christian juste en-dessous en train de commencer la descente. Je l'imaginais loin devant.

Au Col de Morétan, on voit que le névé est tout petit

Les dernières heures ont été éprouvantes mais j'ai encore de bonnes jambes alors hop hop hop on descend ! Le névé habituel est tout petit cette année, donc vite passé, sans tomber. Quelques cailloux plus loin je m'en mets plein les yeux avec cette vue toujours superbe sur le Lac Morétan Supérieur en bas de cette raide moraine , que Christian a déjà commencé à descendre, et que je vais avaler sans souci et sans aide de la corde, en appui sur mes bâtons.

La moraine et le Lac Morétan Supérieur

Je progresse ensuite de rocher en rocher le long du Lac Moréran Supérieur...

Le Lac Morétan Supérieur

... quand en levant les yeux au détour d'un rocher, qui vois-je ? Benoît, Eric et Jean-Paul qui après avoir croisé Christian, m'attendent de pied ferme ! Je savais qu'ils avaient prévu de venir encourager les copains vers Super-Collet mais je ne m'attendais pas à tomber sur eux ici, ça fait bien plaisir en tout cas.

C'est donc en mode "Off à Lyon" qu'on déroule jusqu'au ravito de Périoule ou je pose mes fesses sur un caillou en guise de chaise à 13h03.

 

De la soupe et des potes au ravito de Périoule

Le physique est entamé mais pas trop et le moral est au top ! J'ai plus d'une demi-heure d'avance sur l'an dernier, je suis bichonné par les copains qui vont me chercher à manger et à boire, j'ai retrouvé Christian, et la soupe de pois-chiches est excellente.

 

De Périoule à Super-Collet : km 36,0 en 10h29

Comme prévu je me remets en route après un bon quart d'heure de pause. Christian est déjà reparti, et mes trois amis sont restés avec moi, dans mon sillage... alors que l'hélico se pose juste à côté de nous à la sortie du ravito... peut-être un coureur blessé... je ne le saurai pas.

Dress-code bleu ! C'est Benoit qui prend la photo, il n'est pas en bleu lui...

C'est donc sous bonne escorte que je me lance dans la descente, d'abord à découvert jusqu'à l'étang de Périoule, puis dans la forêt avec ses pièges et ses racines. Ca passe sans encombres pour moi, mais on commence à s'inquiéter car ça fait un moment qu'on ne voit plus Benoit derrière nous. Comme me le rappelle Eric il faut que je reste dans ma course et que je ne m'en occupe pas mais quand-même, il ne faudrait pas qu'il se soit fait une cheville ou autre... Au bout d'un moment Eric remonte voir s'il le retrouve, et je termine donc la descente avec Jean-Paul.

L'étang de Périoule

L'étape suivante, après avoir trottiné quelques minutes sur une piste facile, c'est la montée du Compas. Presque 500 mD+ en 2 km, c'est raide, et il fait toujours chaud dans cette montée. Comme par hasard c'est à ce moment là que le soleil a décidé de faire une apparition. Pour autant il fait quand-même un peu moins chaud que l'an dernier, et le plan d'action reste le même : appuyer sur les bâtons, bien boire, et prendre son mal en patience.

Entre temps on a retrouvé Benoit, qui est en pleine forme, à tel point qu'il décide de faire la montée à fond pour rattraper Christian qui doit être quelque-part devant, plus haut. Eric et Jean-Paul restent derrière moi, et on finit par voir le bout de la montée et par pouvoir dérouler un peu la foulée sur le chemin du Refuge de la Pierre du Carre puis dans la petite descente sur Super-Collet... ravito en vue !

 

Quand j'entre sur la zone ravito-base-de-vie de Super-Collet à 16h02, j'ai plus d'une heure d'avance sur l'an dernier (où j'avais arrêté là), je suis encore en assez bon état physiquement, et j'ai un moral au top. Normal quand est bien accompagné comme je le suis depuis Périoule. Pour repartir dans de bonnes conditions j'ai plusieurs choses à faire (toutes listées sur une anti-sèche dans ma poche), comme recharger le téléphone et la montre, changer de bas pour mettre un corsaire à la place du short en prévision de la nuit, remettre des barres et des compotes dans les poches, me crémer les pieds (photo ci-contre), remplir les bidons, manger... Et pour ces deux derniers points j'ai eu droit à l'assistance grand luxe avec Elisabeth (Madame Bubulle ici présente) et surtout Benoit qui est allé me chercher une belle assiette de mets variés (sucré, salé, la totale) ! 

Je vais tout manger, et aussi mettre pain, fromage et saucisson dans mon petit sac plastique, car on nous annonce que suite à un éboulement sur la route qui mène à Val Pelouse, ce ravito sera minimaliste et qu'il vaut mieux faire des provisions ici.

 

De Super-Collet à Val Pelouse : km 53,0 en 17h20

Après 45 minutes d'arrêt (le temps passe très vite ici) il est grand temps de repartir sur la large piste (de ski) qui monte au Col de l'Occiput et à la crête des Plagnes. Benoit et Eric m'emboitent le pas alors que Jean-Paul a fini sa journée (à bientôt l'ami !). Pendant ce temps là, Christian qui était arrivé plus de 20 minutes avant moi à Super-Collet, a dû passer par la case infirmerie pour se faire recoudre le coude. Il n'est donc pas encore reparti du ravito.

Sur la crête on peut se remettre à trottiner, tout va bien, et comme le paysage est bouché par les nuages, on regarde devant, guettant l'apparition d'Arclusaz (que nous appellerons Laurent) qui est censé revenir des Férices.

Les Plagnes dans les nuages

 

Benoit, Laurent, moi, Christian, Eric
Et là, sortant du brouillard, une grande silhouette avec un chapeau, ça ne peut qu'être Laurent et son chabob! En fait non, ce n'est pas lui, et ça nous fait bien rigoler... Il était juste derrière, mais avec sa casquette blanche et pas son chabob, c'est trompeur aussi ! Je m'arrête donc quelques minutes le temps de discuter, de faire des photos et de prendre congé de mes fidèles accompagnateurs de l'après-midi qui doivent quand-même penser à rentrer chez eux un jour... C'était vraiment super sympa de leur part et j'ai adoré passer l'après-midi avec eux.

 

Sur ces entrefaites, Christian nous a rejoint, remonté comme un coucou. Le temps d'une photo et le voilà parti au taquet dans la descente vers le Col de Claran, bien trop vite pour que je le suive.

 

 

Il est alors 18h00 et je poursuis seul mon aventure, déterminé comme jamais à aller au bout. Et pour ça j'opte pour la prudence dans la descente (entrecoupée d'une bosselette qui casse le rythme) vers la passerelle du Bens, raisonnablement lentement pour ne pas trop taper dans les cuisses.

 

Ambiance tropicale humide entre Claran et le Bens

A 19h00, une fois le Bens franchi sur la fameuse passerelle, je croyais me souvenir d'une petite transition en faux-plat avant d'attaquer la montée vers les Férices... en fait non, on est de suite dans la pente, sans transition, c'est parti pour 2 km à 23% de moyenne. Autant dire que la lenteur est de mise et que je commence à bien sentir la fatigue de la journée. Mais bon, pas de tergiversation ni d'idées noires, un pied devant l'autre (si possible au-dessus de l'autre aussi) et ça va bien se passer.

 

Effectivement ça ne se passe pas trop mal, et à 19h57 je suis pointé au Refuge des Férices, où il y a plein de gens sympas (limite plus de bénévoles que de coureurs), un feu de bois, une source, des gâteaux... C'est tellement bien que je vais y rester 10 minutes ! Bon, pas que pour manger hein, j'en profite aussi pour mettre le coupe-vent, le buff, et la frontale qui va bientôt servir.

Me voilà prêt à affronter la deuxième partie de la montée jusqu'au Col d'Arpingon, qui commence... par une légère descente avant d'attaquer la bonne grimpette ! Et oui, et c'est là que j'avais commencé à vriller mentalement il y a deux ans, dans cette ascension interminable où après un bon mur on reperd le dénivelé grimpé dans un petite descente, puis ça remonte encore longtemps, alors que le soleil se couche, jusqu'au Col d'Arpingon (2276 m) que je franchis à la nuit tombante vers 21h10, un peu fatigué, mais avec un moral intact car je savais à quoi m'attendre cette fois.

Dans la montée vers le Col d'Arpingon juste avant la tombée de la nuit

En fait le pire c'est le kilomètre qui suit le col. Ca commence par une courte descente bien raide, et dans la nuit, juste en face, on voit juste un mur de frontales en se disant qu'il va falloir grimper ça dans les minutes qui viennent. C'est limite traumatisant ! Mais heureusement ce n'est pas si long que ça avant de se retrouver sous la Pointe de la Frèche et d'attaquer la vraie descente vers Val Pelouse.

Sur le moment elle semble longue cette descente, et elle révèle toute la fatigue accumulée depuis le matin. Bref, je me traine. En plus avec l'humidité ambiante en ce début de nuit le terrain est légèrement glissant, et par deux fois, en levant la tête pour projeter mon regard un peu plus loin, je me suis retrouvé sur les fesses (transfert du poids du corps un peu trop en arrière...).

Malgré tout ça, et à ma grande surprise, je rattrape Christian à quelques encâblures de Val Pelouse. Il faut dire que si moi je ne suis pas frais, lui est carrément en plein coup de mou, quand à 22h54 nous voyons enfin les lumières du ravito, devant lequel deux bénévoles (je crois qu'elles étaient deux) scandent : "Bienvenue à Val Pelouse, on a à boire et à manger !!", le miracle !

En effet, contrairement à ce qu'on nous avait annoncé à Super-Collet, ici c'est l'abondance, et en plus, Ingrid est là. Elle est montée en vélo électrique pour assister son Sylvain de mari et maintenant elle est aux petits soins pour nous. Je m'assois dans un coin à côté de Christian pendant qu'elle va s'occuper de remplir mes bidons et de m'apporter une bonne soupe, elle est vraiment trop super Ingrid ! En plus de manger, et de téléphoner à Marie-Laure pour lui dire que tout va bien, je profite de la pause pour changer de t-shirt afin de repartir au sec. Pendant ce temps, Christian, toujours en plein coup de mou, migre vers la tente où se trouvent les lits de camp pour se reposer.

 

De Val Pelouse au Bourget-en-Huile : km 69 en 22h27

A 23h30, après 35 minutes d'arrêt qui m'ont fait le plus grand bien, je repars seul dans la nuit, et dans l'inconnu. En 2020 j'avais abandonné à Val Pelouse, mais là je compte bien découvrir le reste du parcours, jusqu'au bout. Et ça commence de suite en côte en direction du Col de la Perrière. Le début est bien raide et il faut slalomer entre les bouses ! Vers 1900 m la pente s'adoucit, sous les étoiles et au milieu des myrtillers argentés (c'est l'humidité sur les feuilles qui leur donne cet aspect argenté dans la nuit), c'est très beau. J'ai même coupé la frontale quelques instants pour profiter des étoiles comme me l'avait conseillé Benoit, mais pas longtemps, je n'ai pas envie de trop divaguer, je me reconcentre sur le chemin et j'avance (doucement).

La descente suivante, vers les sources du Gargoton est presque une formalité. Il faut rester concentré pour ne pas se faire piéger par les ornières et quelques cailloux, mais rien de difficile comparé à ce qu'on a connu la veille... oui parce qu'on est dimanche maintenant !

En bas de la descente devinez quoi... on remonte ! 1,5 km et 360 mD+ jusqu'au Col de la Perche (1986 m). Le début est bien raide, après ça s'adoucit un peu. Je suis tout seul dans la nuit, sous les étoiles et la lune... enfin presque tout seul puisque j'entends une cloche. Tiens, des vaches, bien garées à côté du sentier. Je continue ma lente progression, un pied devant l'autre, jusqu'au col que j'atteins à 1h30. Là je suis un peu déçu car le poste n'est tenu que par deux gentils bénévoles bien calmes alors que les années précédentes, à ce qu'on raconte, c'était la fiesta ici avec feu de bois grillades et alcools montagnards ! Finalement c'est peut-être mieux comme ça, au moins je reste dans ma bulle et j'enquille au petit trot (tout petit le trot là) à travers les myrtillers argentés par milliers en direction de l'Arbarétan.

Au Col de l'Arbarétan c'est vaste, c'est beau de nuit, et au loin en face de moi je distingue des frontales qui s'élèvent le long d'un relief, c'est le Grand Chat. Alors parlons-en de ce Grand Chat. Il est très grand ce Grand Chat. Je pense même que c'est le plus grand chat du Monde ce Grand Chat ! Voilà ce que je me disais en avançant dans la brume et le vent de faux sommet en faux sommet sans en voir la queue (du chat). En fait nous passons là sur la Crête des Mollards qui est une espèce de chameau, et c'est sur la deuxième bosse que je vois enfin le panneau "Sommet du Grand Chat - 1992 m", il est 2h15.

Place maintenant à la très très longue descente vers le Bourget-en-Huile, 6 km pour perdre 1100 m d'altitude, souvent sur du sentier pas très roulant où mon corps fatigué (des jambes au dos en passant par tout le reste) ne me permet pas d'aller bien vite. A un moment je rattrape un mayennais qui venait de faire une pause. On va se tenir compagnie pendant un moment et faire passer le temps en discutant notamment de la difficulté des trails en montagne quand on n'habite pas à la montagne (surtout en Mayenne !). Puis je vais le laisser filer car je dois m'arrêter pour un petit pipi et aussi et surtout pour ranger mon coupe-vent qui commence à me tenir chaud. Utile sur les sommets à plus de 1800 m, il devient complètement superflu pour la fin du parcours. Je garde toutefois les manchettes.

4h du matin, du bitume, des lumières, des bénévoles qui disent "Bienvenue et bon appétit", j'arrive enfin au ravito du Bourget-en-Huile. J'ai le plaisir d'y retrouver Elisabeth, toujours souriante malgré une très courte nuit, elle attend Christian qui doit arriver d'une minute à l'... le voilà qui arrive ! Une minute après moi. Il a fait une sacrée descente !

On se pose sur une chaise, on bois, on mange, de la soupe de champignons aux pâtes, on discute, encore un bon ravito qui fait du bien, le dernier avant la fin, oui, on va la finir cette course !

Prêts à repartir pour finir !

Du Bourget-en-Huile à Aiguebelle : km 85 en 26h53

Après 35 minutes d'arrêt nous repartons ensemble, c'est évident, à force de se suivre et de se croiser, on va finir ensemble. Et la compagnie de Christian va être très précieuse pour moi sur cette fin de course. Pour commencer il me décrit, comme il sait si bien le faire, les 4 km de presque plat, qui nous séparent du Pontet, pied de la dernière bosse. Après 45 minutes à alterner entre marche nordique et petit trot, nous voici au pied du dernier talus (bosse ? montagne ? Everest ?) de 450 mD+. Ca grimpe raisonnablement au début, je suis Christian, mon guide. Puis il y a ce chemin, 1,5 km tout droit, raide, une horreur. Je suis les pieds de Christian et j'ai de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts, je pique complètement du nez, comme quand on s'endort devant la télé sur le canapé, sauf que là, je marche... de moins en moins droit.

Christian qui se retourne : "Sylvain, tu fais des zigzags."
Moi (enfin ce qu'il reste de moi) : "Oui je sais, je m'endors."
Christian qui a sommeil aussi : "Il va bientôt faire jour ça ira mieux."

A 6h30, nous passons près du Fort de Montgilbert, le jour se lève, c'est la fin de la côte et de mon agonie. Mais comme à chaque fois sur cette course, quand on se dit qu'on va enfin redescendre, il y a toujours une vacherie avant. Là c'est à base de faux-plats, de gauches, de droites, un petit mur à remonter, on a l'impression de tourner en rond et de ne jamais redescendre ! Puis enfin on descend franchement, comme si on avait trouvé la sortie du labyrinthe. 

Vue sur le Grand Arc. En-dessous, c'est Aiguebelle !

Christian est toujours devant, il donne le rythme, on trottine dès qu'on peut, même sur la route de Montgilbert, jusqu'à l'entrée dans Aiguebelle, où... on marche, faut pas déconner non plus, 1,5 km tout plat sur le goudron, pffff non, on préfère marcher tranquillement et commencer à savourer. On se remettra courir pour les 200 derniers mètres, devant le gymnase, l'entrée dans le parc, les acclamations de la petite foule déjà présente de bon matin, il est 8h27, nous franchissons l'arche main dans la main, nous secouons la cloche !! Nous venons de terminer l'Echappée Belle Traversée Nord en 26h53 (316e sur 470 partants).

 


 

Aiguebelle, un dimanche matin

Un beau matin fait de soleil, de sourires, de copains et copines : Elisabeth et Christian, Ingrid et Sylvain (déjà douché), Jan, Julien, Manu, Mathieu, Fabien, Anthony et tous ceux que j'oublie (désolé).

Et moi, je suis content, je n'ai curieusement pas ressenti une folle émotion en franchissant la ligne et en sonnant la cloche, mais une grande satisfaction, voilà, je suis juste très content... et sale ! Allez hop à la douche, et puis à table pour se requinquer à grandes louches de polenta avec diot, fromage, et la petite bière qui va bien de bon matin ! Et pour le dessert, Aurélien qui débarque. Sympa ça comme dessert, un Aurélien !

On est bien, le temps passe vite et je dois me bouger pour ranger mes affaires et plier ma tente, car le train de 12h55 n'attendra pas, c'est la dernière barrière horaire que nous passons allègrement avec Jan qui embarque avec moi.

Après Chambéry, dans le train pour Lyon, j'aurais pu faire le bilan de la course, me dire que tout s'est bien goupillé, que même si j'ai pris du temps sur les ravitos (2h25 au total) ce n'était pas du temps perdu, d'autant qu'hors ravito je ne me suis quasiment jamais arrêté, que je regrette d'avoir été si lent en descente, et plus généralement que physiquement je n'étais pas performant, mais suffisamment solide, et surtout que mentalement cette fois j'étais intouchable... mais en fait je me suis juste endormi.

 

 

 

 

 

 

 

10 commentaires

Commentaire de Spir posté le 04-09-2022 à 16:28:41

Et ben il fait plaisir ce récit ! Voilà une course bien gérée et maitrisée avec une conclusion heureuse ! C'était vraiment chouette de vous voir arriver tous les deux, chacun ayant sa revanche à prendre. J'étais pas inquiet, j'avais des nouvelles à distance ;)
Bien content d'avoir pu partager quelques moments avec toi à chaque extrémité de l'aventure. À bientôt sur les chemins !

Commentaire de Mazouth posté le 09-09-2022 à 09:25:05

Oui c'était chouette, à bientôt ! Et encore merci à Ingrid ;)

Commentaire de bubulle posté le 04-09-2022 à 20:23:08

Tu as gagné de très loin la course au récit..... Je n'ai même pas commencé le mien, difficile de me motiver alors que cette course signifiait tellement pour moi ( je pense que ça s'est vu à l'arrivée). En plus, je vais avoir encore plus de mal maintenant car ton récit, ce sera plus ou moins le mien. Les coups de moins bien et de mieux ne sont pas aux mêmes endroits, mais on voit bien que nos courses étaient destinées à être parallèles, ce qui rendait tellement évident d'en faire la fin ensemble (et on sait bien que les courses partagées, c'est quelque chose que seuls ceux qui les partagent connaissent vraiment).

Merci pour ce beau résumé, ce partage final et.....tout ce qui allait avec ensuite!

Commentaire de Mazouth posté le 09-09-2022 à 09:25:20

Mais c'est que je l'attends avec impatience moi ton récit ;) Haaa on s'en souviendra de cette fin de course !

Commentaire de Cheville de Miel posté le 06-09-2022 à 11:32:21

Tu as trouvé les éléments qui se mettent en place pour finir cette course. Avoir la volonté absolu de sonner la cloche et pleins de copains autour pour t'encourager. Bref, je suis fier de toi, tu le mérite tellement!

Commentaire de Mazouth posté le 09-09-2022 à 09:25:30

Merci Cheville. Tout s'est bien goupillé, rien n'a cloché ^^

Commentaire de Gilles45 posté le 06-09-2022 à 13:17:51

Vraiment un chouette récit pour une belle aventure partagée !
Beaucoup de sérénité également dans ton récit
ça donne vraiment envie de revenir dans le coin avec sa casquette rouge :-)
Bravo ! Bravo !

Commentaire de Mazouth posté le 09-09-2022 à 09:25:51

Tout à fait, la casquette rouge est indispensable ! Même si le chabob de Bubulle semble avoir fonctionné à merveille également ;)

Commentaire de Benman posté le 14-09-2022 à 23:00:15

Je prends enfin le temps de lire ce beau récit qui raconte cette histoire qu'on avait rêvée avec toi depuis des mois. Tu l'as fait, bravo, et en plus c'est la sérénité et la maturité qui ressortent de tes impressions. C'est tellement mérité... chapeau. non, chabob.

Commentaire de jazz posté le 01-10-2022 à 21:51:30

Quand les planètes sont alignées, on voit Aiguebelle ; bravo Sylvain.

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