L'auteur : valdes
La course : Grand Raid du Golfe du Morbihan - 177 km
Date : 29/6/2018
Lieu : Vannes (Morbihan)
Affichage : 3787 vues
Distance : 177km
Objectif : Pas d'objectif
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J'ai un petit peu hésité avant de publier ce texte qui pourrait me porter préjudice et peut-être m'empêcher de m'inscrire sur une édition future de l'Ultra marin, mais quand même, par rapport à l'investissement des coureurs, de leurs proches et de tous les bénévoles, soumis au même traitement que nous : il le faut. C'est indispensable.
Les organisateurs de l'Ultra Marin ont grandement failli sur cette édition 2018 et, avec les conditions de températures extrêmes, il est heureux que les coureurs soient très bien entraînés et conscients de leurs propres limites, car tous ces dysfontionnement, mis les uns après les autres, ont rendu la course très difficile et j'oserais même dire, limite dangereuse. Or, le rôle d'un organisateur de course et d'ultra trail n'est pas de mettre la vie des participants en danger, tout au contraire, il est de faire en sorte que l'évènement se déroule de la meilleure façon possible et d'être hyper réactif face à tout disfonctionnement.
Son intérêt est que l'évènement se passe au mieux et au mieux pour tous, du champion qui arrivera premier, en battant le record du précédent vainqueur, jusqu'au coureur lambda qui arrivera bon dernier, mais finisher. Son rôle n'est pas de rajouter de la difficulté à une course déjà très difficile compte tenu de sa longueur (177 km) et rendue encore plus difficile vu les températures extrêmes annoncées depuis déjà une semaine (canicule, thermomètre à 35 °C à l'ombre, au pic du samedi après-midi).
Pour moi, la course a commencé avec un ami coureur, lorsque nous sommes allés voir où l'organisateur avait positionné les balises, dans le secteur de Roguedas et fait la découverte que oui, le choix improbable de nous faire dévier du GR, avait été fait, afin d'aller nous faire crapahuter dans les rochers. On en reviennait pas. Nous l'interrogions sur ce sujet depuis plusieurs semaines et la seule réponse qui nous avait été faite, à part le silence, c'était d'acheter la carte du parcours 2018 au prix de 4,50 euros.
On se dit que ça va être un bordel monstre. Nous ne sommes qu'à quinze kilomètres du départ, endroit où en général les premiers des relais nous doublent, que les gens vont se casser la gueule dans les rochers, avec la marée haute, sans pouvoir rien voir dessous, que beaucoup vont se blesser.
Mais nous étions encore très en-deça de la réalité, car la hauteur de la marée ne se mesure pas uniquement en terme de coefficient de marée (76 pour la soirée du 29/06), mais aussi en terme de hauteur de marée et là, c'était quelque chose de non négligeable : 2m82. Par comparaison, lors de la dernière marée haute du 15 juin dernier (coefficient 101), on était à 2m92 de hauteur d'eau … Voyez, juste dix petits centimètres d'écart ...
Je pars donc, le vendredi soir, avec un sac plus lourd qu'à l'ordinaire. 1,5 litres d'eau et une paire de chaussons de longe-côte, là où je place habituellement mes deux gourdes de 250 ml. Le thermomètre affiche 28 °C à l'ombre. Avec la chaleur, ce poids de 3/4 kg sur mon dos est des plus pénibles à supporter. On transpire rien qu'en attendant de courir. Mais j'ai suivi les conseils de Caroline Guidoni, la coach de l'Ultra Marin et ai revêtu des vêtements amples, de couleurs clairs, pas de manchon de compression, casquette, lunettes de soleil, plusieurs paires de chaussettes de rechange, une serviette microfibre et l'indispensable crème Nok.
Le départ donné, une fois contournée la presqu'ile de Conleau, je suis surprise de ne voir personne de l'autre côté. Tous les coureurs sont déjà passés. Les gens sont tous partis hyper vite. J'hallucine. Je comprendrais ensuite qu'ils sont tous partis très vite afin d'éviter le bouchon inévitable qui allait se former à Roguedas. Je me dis que c'est du suicide organisé. Il fait quand même 28 °C à l'ombre !
Sont-ils parvenus au moins à l'éviter ? Moi-même, je tombe dedans. Le temps d'enlever mes chaussures et de mettre mes chaussons de longe-côte, de contourner le petit muret et de plonger litteralement dans l'eau froide quasiment à hauteur des fesses, je comprends que je ne vais pas perdre seulement 25', comme je l'avais calculé sur mon road book, mais plus du double. Et c'est bien ce qui est arrivé.
Il était 20H28', l'eau était vraiment très haute. En particulier pour les petits formats de moins d'1m64. On ne voyait rien de l'endroit où l'on posait nos pieds, dans l'eau de mer. Les gens n'osaient pas progresser, ils tatonnaient du bout des doigts de pieds, au fond de l'eau, pour savoir si la pierre où ils poseraient leurs pieds étaient bien en équilibre et non coupante. Ils s'accrochaient au mur, au cas où is glisseraient, car certaines pierres étaient recouvertes d'algues. Ca durait des plombes. Ca n'avançait pas. J'ai vu des impatients, garder leurs chaussures, passer plus à gauche et avoir de l'eau jusqu'au torse. D'autres qui, en passant trop vite d'un rocher à l'autre, sont tombés carrément dans l'eau, sac, chaussures autour du cou, tout compris. Les gens s'engueulaient, rigolaient, se filmaient, se taisaient. Infernal. Une épreuve Koh Lantesque au début d'un 177 km et sous 28 °C ...
Une heure à se faire chier, dans une eau à 18 °C, quand on vient de courir 15 km, sous 28 °C, avec une température corporelle bien élevée et qu'on allait remettre ça ensuite. De la folie. Arrive, enfin la fin de ce premier passage où tous, nous avons perdu, dans le ventre mou du peloton, quasiment une heure et beaucoup d'énergie. Les gens remettent leurs chaussures et là, on voit débouler des coureurs, frais comme des gardons, pas mouillés du tout qui ont contourné le passage. Tranquilles les mecs. Personne pour les recadrer. Aucun ne sera disqualifié. Bande de petits veinards. Mais qu'est-ce qu'on est cons quand même, pourquoi n'avons nous pas fait comme eux ?
Parce que dans ce secteur, il n'y avait strictement personne. Aucun baliseur à l'entrée de la passe dite "des pieds dans l'eau de Roguedas", aucun pneumatique sur la mer pour rattraper ceux qui tombaient dans l'eau, aucun bénévole au-dessus pour voir si tout se passait correctement. Incroyable.
Bref. Il semble, au final que la "triche" n'était pas vraiment volontaire. Je mets d'ailleurs le mot entre guillemets. Après nous, les relais sont arrivés. La queue pour aller se jeter dans l'eau remontait déjà bien loin sur le bitume qui y accédait. Certains devaient connaître le coin et le passage du GR ; ils ont pris à droite et tous ceux qui étaient derrière ont suivi, tels les moutons de Panurge et comme nul n'était là pour les arrêter, ils ont mis 5' pour rejoindre le GR, là où nous, on en a perdu 60, voir plus.
Une heure de perdue inutilement sur un trail qui fera bien ses 40 heures, vu les conditions météos. Ca c'est pas sympa. Pourquoi l'organisateur n'a-t-il pas entendu nos questionnements ? Pourquoi a-t-il fait exprès de maintenir ce passage où nombre de coureurs se sont blessés les pieds ? N'est-ce pas assez difficile déjà que de faire 177 km sous 35 °C de température ? Je ne comprends pas. Au train où vont les choses, pour satisfaire à la mode « Mud Daydesque » du moment, les organisateurs de l'Ultra Marin, pour rajouter de la difficulté à la difficulté, vont bientôt nous faire passer la passe de Locmariaquer à Arzon, à l'aide d'une tyrolienne … Hein, pourquoi pas ?
Arrive le ravito d'Arradon et là, les petits malins coupeurs de trajectoire nous ayant tous rejoints, il y a un monde pas possible devant le ravito. J'ai du mal à accéder à la table. Je demande de l'eau et on me répond qu'il faut que je donne ma gourde et que c'est le bénévole lui-même qui va me la remplir. Je lui fait remarquer que ça va prendre un temps fou, qu'il y a plein de monde derrière et que je peux le faire moi même, mais il me rétorque que c'est un "ordre de l'organisation, qu'il n'a pas le droit de me donner une bouteille d'eau et qu'il doit même ne remplir qu'une seule de de mes deux gourdes". J'en crois pas mes oreilles. Je comprendrais par la suite qu'il n'y avait pas assez d'eau pour tout le monde. Je lui donne ma gourde qu'il me remplit d'eau à plus de 28 °C. C'est dégueulasse. Infame. Inbuvable. Même l'eau de ma poche qui vient de stagner sous le cagnard pendant plus d'une heure est encore plus fraîche. Je me barre fissa de ce ravito de la honte afin d'affronter le deuxième passage dans l'eau. Guère dangereux celui-ci, mais dans une eau qui me monte jusqu'aux fesses, quand même et alors que je suis sur la pointe des pieds …
La hauteur d'eau je vous dis, la hauteur d'eau plutôt que le coefficient de marée …
Arrivée de l'ordre côté, je sacrifie l'eau chaude de ma gourde pour me rincer les pieds. Je prends le temps de bien les essuyer et de les noker à mort, mais ils sont tous blancs et tous flétries de leur trempette de plus d'une heure dans de l'eau plus que fraîche. On dirait des poissons morts. Je ne sais pas ce que ça va donner par la suite, ce truc.
Je sacrifie mes petits chaussons de longe-côte et les laisse, sous un banc, à côté des bottines de Bertrand Cousseau. On va faire deux paires de pieds de bienheureux. Je repars. Je fais comme tout le monde et j'essaye de rattraper l'heure perdue inutilement à Roguedas parce que sinon c'est du temps qui va me faire cruellement défaut sur la deuxième partie. Mais ce que j'avais ignoré, ce sont les effets physiologiques d'une vasoconstriction suivie d'une vasodilation. Purée, on devait tous être vraiment bien entraînés et responsables pour qu'il n'ait eu aucun mort à déplorer sur cette édition ; mais de fait, à Larmor Baden, une grande partie des coureurs étaient déjà cuits. Assis sur les bancs, les jambes mortes, à même pas 35 km départ ...
Avant le minable point d'eau de Port Anna, là où l'an dernier, il y avait un énorme second ravito, comme j'avais bu la moitié de ma poche à eau et utilisé l'eau chaude de ma gourde pour me rincer les pieds, je transgresse allègrement le règlement en demandant à des personnes qui pique-niquaient sur le parcours, si elles voulaient bien me donner de l'eau de leurs bouteilles. Et fraîche de surcroît, vu qu'elles sortaient d'une glaciaire. Un vrai bonheur. Un grand merci à toutes ces personnes rencontrées sur le parcours qui nous ont dépanné. Vous êtes formidables.
A Larmor Baden, donc. Je me fais la réflexion que le ravito représente, en terme d'abondance de victuailles et de boisssons, la moitié de celui de l'an dernier. Pourtant l'organisateur a surbooké la course et pas que le 177 km d'ailleurs. 1231 inscrits au lieu de 1000 pour le grand raid, plus les participants des relais et des défis solidaires. 1592 inscrits au lieu de 1400 sur le trail. 1821 inscrits sur la ronde des douaniers au lieu de 1500. 572 licenciés + 760 non licenciés, soit 1332 inscrits à la marche nordique, Ca sent mauvais ça, une organisation qui surbooke les épreuves qui en plus se déroulent toutes dans une zone natura 2000 ….
Je décolle assez rapidement de ce ravito, car j'ai peur d'y restée scotchée à vie. Je ne me sens pas bien. Vaseuse. Avec un goût de carton pate dans la bouche. Je bois, mais je trouve que l'eau a un goût dégueulasse. J'aurais bien aimé boire un verre de Saint-Yorre pour changer un peu, mais manifestement, le sponsor Saint-Yorre a oublié de remplir ses bouteilles d'eau, car je ne trouverais que des bouteilles de Saint-Yorre vides à tous les ravitos. Je me force à manger et à manger salé. Niveau forme, c'est le jour et la nuit par rapport à l'an dernier. Certes, il fait très chaud, mais pas que. L'arrêt d'une heure dans l'eau m'a pompé beaucoup d'énergie en énervitude et en brusque arrêt de la dynamique de la course. Dynamique qui se créé entre les coureurs et aussi avec les bénévoles. Pauvres bénévoles d'Arradon, débordés et assaillis de critiques, alors qu'eux mêmes étaient dans le même cas que nous : stationnant sous un cagnard d'enfer, à boire de l'eau très chaude et en très petites quantités. De quoi dissuader nombre de vocation de futurs bénévoles.
Gros coups de mou dans la nuit. Je sens que je vais m'endormir. Je cesse de courir car j'ai peur de tomber. Un marcheur avec bâton me rejoint et on chemine ensemble jusqu'au ravito du Bono. L'an dernier, c'est moi qui aidait quelqu'un à ne pas dormir debout, cette année, c'est lui qui me soutient. Il s'inquiète. Je trébuche, une fois, deux fois, trois fois. Il me dit de boire, m'attends lors de mes pauses pipi. Incroyablement gentil. Quelle solidarité entre coureurs quand même. Un grand merci à ce monsieur.
Je regrette d'autant plus ma méforme qu'on a eu une nuit magnifique. Une nuit magique. Une nuit de pleine lune avec une lune rousse, ronde et riante. Je vous assure. La lune a le sourire la nuit. C'est pas une blague ni une vision. Et il y avait à côté, à gauche de la Lune, une jolie petite étoile, toute ronde et rose. Je demandais aux coureurs autour de moi s'ils en connaissaient le nom, mais personne ne le savait. Je sais maintenant que c'était Mars. Je suis heureuse, j'ai vu Mars de nuit. Dans une courbe du golfe, la scène était d'une beauté rare. La mer noire et totalement étale, la lune rousse qui se refletait dedans et ma petite planète Mars, juste tout à côté. Fichtre. Y'a des moments comme ça où on a envie d'arrêter le temps. C'est vraiment beau la nuit. C'est magique. C'était très calme aussi. Pas un poil de vent. Un temps très chaud et lourd. Nulle drisse qui claque contre le mât des bateaux pour nous annoncer notre arrivée dans le petit port du Bono et dans celui de Saint-Goustan. Rien. Le calme absolu. Et les oiseaux qui chantent qui chantent. Il y a une erreur quelque part. Il faut en informer les conteurs. Ce ne sont pas des loups garous que l'on rencontre éventuellement les nuits de la pleine lune, ce sont en fait des oiseaux garous qui s'égosillent, la nuit, comme le chanteur québécois Garou s'égouille sur scène à nous dire que "celui qui n'a jamais été seul un jour, au moins une fois dans sa vie, seul au bout de son lit, seul au bout de la nuit".
T'in Garou si tu savais. On a presque "touché les étoiles" cette nuit-là tant elles étaient là, présentes dans le ciel de cette nuit magnifique ...
Et les gosses qui "fêtardent" un peu partout. Z'avez pas de parents les mômes. C'est fin de bac, fin de brevet, fin d'écoles, c'est cool, ça se fête et ça nous fêtent. Merci les gosses. Merci de nous faire des Ola à réveiller des morts en pleine nuit. T'in les gosses là, d'ailleurs, je crois que vous m'avez un peu réveillée à cet endroit là. Je dormais déjà debout. Et le monsieur avec sa clochette qui venait à notre recontre. Au début, j'ai cru qu'il avait un jumeau. Ensuite, je me suis dit que c'était un hologramme. Un hologramme de sonneur de cloche reproduit sur plusieurs points du parcours. Mais en fait non, c'était le même sonneur de cloche qui s'est déplacé toute la nuit et même encore après, pour encourager les participants … Incroyable.
Et partout, dans les fourrés, des coureurs qui pionçaient ou se reposaient. A même pas 3-4 km du prochain ravitos. J'ai rarement vu ça. On devait tous être franchement rinçés, alors qu'on était même pas à ¼ du parcours ...
Arrive le ravito et je découvre que c'est le même topo. Nourriture plus que chiche. Des queues partout. Que des bouteilles de Saint-Yorre vide. Je m'énerve. J'engueule même le bénévole. "Quoi, vous n'avez même pas de sel pour saler les pâtes !!!". (Pardon monsieur pardon). Je ressens l'envie pressente de prendre un café. Il faut encore faire la queue. Je la coupe très impoliement. Je sens qu'il y a urgence. Je me fais remettre à ma place par un bénévole qui me dit de faire la queue. Je devais être dans un état second, car je lui chourre le gobelet de café qu'il tient dans la main et qu'il s'apprêtait à donner à un autre coureur, estomaqué par mon geste (pardon monsieur, pardon), j'en bois une gorgée, je fais un pas, deux pas et là je dis "oh lala, je me sens pas bien, je me sens vraiment pas bien, je vais tomber" et je tombe. En effet. Quasiment dans les bras du bénévole qui vient de me faire la leçon. Direction la tente des secours. Plus de place tellement il y a d'éclopés. On doit faire dégager un éclopé un peu moins éclopé que moi. On m'allonge, totalement livide et dans les vapes. 8 de tension. "Ah ben ma p'tite dame, vous allez rester avec nous, on ne peut pas vous laisser repartir". Repartir ? Euh nan, impossible là, en effet, je suis trop bien en position allongée et en plus on vient de m'apporter un autre gobelet de café. Le premier ayant du tomber par terre avec moi.
Je me fais la réflexion que, quand même, notre organisme, c'est dingue, plus raisonnable que nous lorsque notre cerveau disjoncte. Je ne bois jamais de café, le soir ou la nuit et là, mon organisme m'a ordonner d'aller boire un café coute que coute et même de l'ôter des mains du bénévole. Incroyable.
Je vais rester là, allongée sur un brancard pendant une bonne heure trente. Après le café, la tension remonte à 9. Après une bonne heure de repos et deux verres d'eau qui ne sont pas de la Saint-Yorre mais pas non plus de l'eau plate (merci la dame secouriste qui m'a donné de son évian ou Volvic), elle est remontée à 11. On me demande si je veux repartir, car le ravito va fermer dans une heure. J'ai longuement réfléchi sur mon brancard. Ca ne me semble pas envisageable pour moi, dans l'état de fatigue dans lequel je suis et avec les températures extrêmes annoncées le samedi après-midi, de pouvoir finir la course, mais je n'ai pas non plus envie de m'arrêter à ¼ du parcours. Se forge alors dans ma tête de cumuler, certes deux échecs consécutifs, mais aussi deux demi boucles de 87 km entre Vannes et Arzon, avec les deux demi boucles précédemment bouclées entre Arzon et Vannes. Deux demi boucles du Morbihan. On se contente comme on peut. L'autre avantage de continuer jusqu'à Arzon serait de récupérer mon sac, de me doucher, de me changer et de prendre une navette abandon pour retourner ensuite sur Vannes.
Je vends le deal à mon organisme. J'ai cependant conscience que je peux faire un nouveau malaise et que je dois me mettre en binome avec quelqu'un, au moins jusqu'à la fin de la nuit. Dans la tente des éclopées, le monsieur éclopé à côté de mon brancard est dans le même état d'esprit. Au moins stopper à Arzon. Mais il doit attendre encore 25' avant de voir si le comprimé qu'on vient de lui donner va faire son effet (c'est un éclopé style vomitos). On est à une heure de la BH, attendre encore 25-30 minutes. Pas possible pour moi, c'est tout de suite ou jamais.
Je quitte la tente des éclopés avec l'accord du doc et prospecte parmis les tables. Qui repart et à quelle allure … Tout au bout, je vois un groupe qui s'apprête à partir, je m'approche d'eux et vois que l'un porte le maillot d'une course que j'ai faite l'an dernier "la traversée de la baie de Saint-Brieuc". Je lui demande d'où il est et il me répond de Saint-Brieuc ! Sans blague, moi aussi et du club de la Vaillante, l'organisateur de la fameuse traversée de la Baie. Je pose la question de savoir si je peux m'imiscer parmis eux et ils répondent « oui, volontiers, mais il faut partir tout de suite et ils ne m'attendront pas si je ne suis pas ». J'accepte. Ce sont des marcheurs Audax et ils marchent à 6 km/h. Je me dépêche de me changer car j'ai attrapé froid sur mon brancard et on est au cœur de la fraîcheur de la nuit … Enfin, façon de parler. 19-20 °C au lieu des 22-23 °C à minuit. Je me dépêche de les rattraper. Effectivement, ils sont réglés comme des régulateurs de voiture. 6 km/h. Ca monte, ça descend, c'est plat, c'est goudronné, y'a des racines, c'est 6 km/h. Incroyable. J'ai un peu de mal à les suivre au début et puis je trouve mon rythme. Ils me racontent qu'ils font des brevets de 200 km et tiens, l'un en a fait un pas plus tard que la semaine denière. J'suis scotchée. Ils doublent nombre de coureurs avec leur technique de métronome réglée à 6 km/h. C'est incroyable. Beaucoup essayent de faire comme moi, de les coller au train, pour profiter de leur dynamique, mais la plupart du temps, ils n'y arrivent même pas.
Ils sont très en forme. Ils parlent. On parle et ça me fait oublier la mauvaise « synergie » de la course. J'apprends que le mari d'une des dames fait du vélo avec moi. Nan mais c'est fou ça. Allez à 150 km de chez moi, sur une course de 1200 personnes, avec 177 km et tomber sur la femme d'un pote de vélo. J'hallucine.
Mine de rien, le jour se lève. Je découvre Crac'h en plein jour. C'est très mignon ce petit parc avec son ravito. Très pratique, les sanitaires à côté, où l'on peut remplir sa gourde au robinet sans s'arroser des pieds à la tête avec un jet plus conçus pour les lances à incendies que pour les poches à eau. Je réalise avec effarement que l'an dernier, à cette heure là, j'étais à Locmariaquer, à 7 km de l'embarcadère. J'ai 2H30' de retard sur mon road book. Une heure de barbotage inutile et une heure trente sur un brancard très utile. J'suis mal barrée.
Mes marcheurs s'arrêtent 10-15' à tous les ravitos de ce type. Je n'ai pas envie d'attendre. Je suis pressée d'arriver à l'embarcadère. J'en ai un peu marre. J'ai hate de récupérer mon sac de change, de prendre ma douche et de réfléchir à ce que je vais faire. Je les remercie donc et les quitte pour continuer toute seule jusqu'à Locmariaquer.
A 15H20' de temps de course et à deux-trois kilomètres du bateau, ma montre me lache. Je n'avais pas prévu de trainer autant. Je n'ai plus idée de l'heure. Plus idée des distances. Tant pis. Dans le bateau, assise derrière le pilote, j'attrape des crampes derrière les jambes car je n'ai pas de place pour allonger mes jambes. La jeune fille à ma gauche se prend tous les embruns dans la tronche. La passe est très dangereuse. On essaye de sortir la capuche de sa cape, coincée sous son gilet de sauvetage, de sorte à ce qu'elle puisse se protéger un peu le visage. Je sors la dernière du bateau et je fais ensuite comme tous les coureurs qui sont allongés sur le bitume, les jambes en l'air, avant le déclenchement du chrono : j'essaye de me décontracter les gros muscles à l'arrière de mes jambes.
Arzon enfin. Le pointage en fin de ravito dés fois qu'on trainerait trop. Ca ferme à 13H00'. Je regarde l'heure 10:23. Je demande au bénévole, au pointage, comment se passe les abandons. Il faut téléphoner et revenir le voir pour lui rendre notre dossard. Ca me laisse le temps de réfléchir. Je file me faire prendre ma tension. 12, c'est bon ça. Je file manger un peu et là, oh miracle, je parviens à avoir un verre de Saint-Yorre. Le premier depuis le début. Dieu que c'est bon ce goût là. Je peux enfin boire sans avoir un goût de carton pate dans la bouche. Je sature de l'eau plate. Je n'arrive plus à boire, tellement j'en ai marre de l'eau plate. Et la purée … ouah la ouache, y'a même du sel. Et bien, attendre 87 km pour avoir enfin un ravito digne de ce nom … Je vais chercher mon sac et là, je me rends compte que je fais partie des bienheureux qui ont pu récupérer leurs sacs ; d'autres n'ayant pu, apparemment, rien récupérer du tout. Un monsieur au téléphone, fulmine sur ce sujet. L'entrée dans la salle de douche est éprouvante. Une étuve. Je me douche. Ca fait du bien. Je m'habille sommairement ; il fait tellement chaud que je sors finir de m'habiller sur un lit, dans la salle. Nouveau regard à l'horloge. 11H03'. Le temps file trop vite. Je calcule. J'ai mis 17H00' pour arriver à Arzon. Il me faut au moins une bonne heure de repos, soit si je pars à midi, une heure avant la BH, 18H00'. Ca ne me laisse que 24H00' pour faire l'autre demi boucle. Sous 35°C vers 15H00', avec de violents orages annoncés dans la soirée et peut-être des ravitaillements sous-dimensionnés comme sur la première partie. Impossible.
Sur cet ultra là, ce jour là, avec ses conditions météos là, je sais qu'il faut compter deux tiers de temps sur la deuxième partie par rapport à la première partie. Il me faudrait donc 26H00'. Je ne les ai plus et si je ne les ai plus, c'est notamment parce que j'ai passé plus d'une heure à barboter dans ce putain de bordel de merde de Roguedas. J'enrage. Orga de merde. Je téléphone. La mort dans l'âme. Un vrai crève-coeur. J'annonce que j'abandonne. C'est plus la peine de continuer dans l'état d'esprit dans lequel je me trouve.
Je prends mon temps ensuite pour revenir par la navette, avec plein d'autres coureurs, jusqu'à Vannes. Les abandons sont excessivement nombreux par rapport aux autres années. La chaleur bien sûr, additionnée à une organisation très très défaillante. J'ai du mal à comprendre comment l'on peut rationner les ravitos à minimas, alors que l'on a sur-booké toutes les courses. C'est quoi le but ? Le dossard coute quand même une centaine d'euros. Ce n'est pas assez ? C'est ITRA qui vous met dans le rouge ? C'est ITRA qui vous fait rajouter de la difficulté à la difficulté de parcourir déjà 177 km en moins de 42H00 et à plus de 30 °C ? Mais alors, faites comme les autres organisations en Bretagne (Glazig, Moncontour, etc.), sortez d'ITRA. Ce n'est pas ITRA qui fait une course. Une course, ça se fait avec des bénévoles heureux, des coureurs heureux. Une course, c'est quelque chose de symbiotique, de synergique. Des bénévoles malheureux de ne pas pouvoir satisfaire des coureurs malheureux, juste parce qu'ils n'ont pas assez d'eau ou de nourriture, ça fait une course malheureuse avec que des malheureux. Et les malheureux, coureurs et bénévoles ne reviendront pas l'an prochain.
Ceux qui viennent au Morbihan pour chercher des points ITRA sont ULTRA minoritaires. Si les coureurs viennent sur le Morbihan c'est à cause de l'ambiance dans et hors la course, de la très bonne organisation de celle-ci (qui tient beaucoup aux bénévoles) et de la beauté incroyable du golfe du Morbihan.
Je suis très très en pétard contre l'organisation, car ayant déjà fait les éditions 2013, 2014, 2016 et 2017, celle-ci me rappelle facheusement et en pire, celle de 2014. Je ne comprends pas ces méthodes. Une assos, ce n'est pas une entreprise. Vous n'avez pas à plaire à des notables, des officiels ou des sponsors de toutes sortes, vous avez à organiser une épreuve de grande renommée avec beaucoup de monde et à faire en sorte que tout se passe bien. Ayez au moins la décence de vous expliquer, de nous dire ce qui c'est passé et qui pourrait excuser tous ces disfonctionnements en cascade.
Les coureurs respectent les organisateurs de course et les réglements. Ils savent que sans eux, il n'y aurait pas de course. Mais la réciproque est vraie. Les organisateurs de course doivent respecter les coureurs, dont leur intégrité physique et l'investissement qu'ils ont mis sur le projet. Sans nous et sans les bénévoles, vous non plus, vous n'aurez plus rien à organiser. Ne l'oubliez pas …
Je ne reviendrais pas l'an prochain. Cette édition m'a complètement écoeuré. Peut-être dans deux ans, si les choses ont changé et quand l'amertume se sera dissipée. On verra.
C'est quand même trop beau les paysages là bas ...
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4 commentaires
Commentaire de Doume06 posté le 03-07-2018 à 16:12:37
...tout à fait en accord avec ce texte. Pour avoir fait 2 éditions précédentes, là il y a eu un défaut d'organisation manifeste. Dommage... Mais je retiens aussi la dernière phrase ;)
Commentaire de neofoxy posté le 03-07-2018 à 16:43:58
Je vois que le 177 a plus galéré depuis le début que le 87 qui est parti plus sous le cagnard. Ce doit en effet être le passage dans l'eau qui n'aide pas et le manque d'eau pour ajouter au comble.
Ce passage dans l'eau a-t-il engendré des complications en irritation avec le short (merci le sel de la mer)?
Tu avais le mauvais esprit pour continuer comme tu le dis. Mais si tu avais calculé autrement c'est plus nuancé: 18H00 pour la première partie -40 min de barbotage que tu multiplies de ton coefficient on passe de 17h20 pour la première partie à 23h10 pour la deuxième.
A froid c'est facile mais j'aurais aussi reculé à cause de l'orage.
Remets toi, tu rebondiras à la prochaine course.
Commentaire de valdes posté le 03-07-2018 à 16:52:53
Oui tu as raison, en plus, comme ma montre était HS (j'en avais une 2ème et une batterie au ravito d'Arzon) et mon cerveau aussi, j'avais oublié de décompter le temps du bateau, soit environ 30', puisqu'après le bateau, j'ai fait comme les autres coureurs "jambes en l'air", j'ai attendu avant de pointer pour repartir en me massant les jambes
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 04-07-2018 à 15:44:31
Je comprends ta déception, cette édition était très dure. Espérons que l'organisation reverra sa copie.
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