L'auteur : forest
La course : Trail du Lac d'Annecy - Maxi Race
Date : 27/5/2017
Lieu : Annecy (Haute-Savoie)
Affichage : 3365 vues
Distance : 83km
Objectif : Terminer
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Récit de la Maxi Race 2017 ,83 kms, 5200 D+.
Malgré des classements par points ITRA (international trail association) différents, le petit groupe de 5 potes que nous sommes ce samedi matin à Annecy, décide de partir dans le même sas horaire, le dernier !
Excès d’humilité pour les uns, déjà fanfaronnade pour les autres !
Départ relax et festif à 5 heures et 3 premières bornes sans relief. La première difficulté du jour, sur les quatre identifiées, est la longue montée au sommet du Semnoz ,18 kms pour 1400 D+ .Rapidement les premiers bouchons se forment, conséquence logique, malgré les sas de performance, de 1500 coureurs lâchés sur un mono trace trop tôt ! La montée vers le Semnoz est assez longue mais finalement peu pentue et s’effectue sans gros problème dans la fraicheur du matin. Au moindre replat, tout le peloton relance dans un silence grandissant. Cette ascension est belle et l’arrivée au sommet un régal pour les yeux. Pour moi, souvenir d’enfance oblige, un peu d’émotion.
3h20 pour 18 kms et 1420 D+ .Quelques photos, indispensable témoignage de ma présence sur ce promontoire dans les délais impartis, et c’est parti pour la bascule ! Un ravito englouti avec conviction et je me laisse glisser dans un début de pente relativement doux. Très vite le retour au single tracks, confère à la course un aspect beaucoup moins ludique. C’est LE véritable problème de la Maxi Race à mon sens .Les paysages sont somptueux, les chemins tout autant, mais il y a trop de monde sur ces petits sentiers (en tout cas au sein de la plèbe laborieuse). Doubler est difficile, laisser passer également. La technicité de certains tronçons de cette descente ne facilite pas la fluidité du troupeau.
Tandis que le nouvel acteur annoncé entre dans la danse, l’implacable chaleur, les premières pentes du redoutable col de la Cochette se dessinent. 20 % d’inclinaison sur un long tronçon, le col de la Cochette n’est pas à prendre à la légère. Cela fait déjà quelques kilomètres que je fais le Yoyo avec mon Fab, un de mes plus vieux partenaires de jeu, de toutes les aventures ………… .Nous pointons quasiment ensemble au sommet de la deuxième difficulté du jour, après 32 kms de course pour 2200 D+.
La descente vers le lieu-dit des maisons s’effectue dans une atmosphère de plus en plus caniculaire .Les points d’eau naturels ou mis en place par l’orga ont assez vite le même effet attractif qu’une belle peau mancuniéne pour un anophèle glouton. La dernière petite montée avant la bascule sur Doussard, gros ravitaillement de la mi-course va marquer mon entrée officielle dans ce que je vais considérer comme la plus grande défaillance à laquelle je n’ai jamais été confronté. Je vais attribuer cette déchéance physique et mentale à une incapacité totale à endiguer une inexorable déshydratation ! Plus de jus, plus de force, kilomètre 36, j’ouvre les portes de l’enfer !
Pendant toute la première partie de course j’ai pris soin de boire, régulièrement, sans excès, de m’alimenter, comme je le fais maintenant depuis des années, mais cette fois rien n’y a fait j’ai explosé et m’en suis allé sonder les profondeurs de la solitude psychologique. La décente vers Doussard est marquée par une superbe gamelle que je prends à mi- pente, sur un chemin technique et jonché de rochers et pierres acérés. Les mains et le genou droit en sang, l’aine écorchée sur 15 cm, je reste prostré quelques minutes. Première étape, rejoindre le ravitaillement sans pleur et si possible en vie !!!!!! (Sérieusement) .Je n’ai pas souvenir avoir trottiné le moindre mètre sur les 3 kms de long plat avant l’arrivée au ravitaillement.
Doussard, Kilomètre 43 ,8h10 de course ,2520 D+ au compteur, je m’effondre dans un coin du gymnase .Dans un réflex vital, j’absorbe 3 verres d’eau gazeuse tiède (c’est trop !) et tente par tous les moyens de manger salé (fromage, jambon etc……..) .Vautré dans un coin, seul, je surnage dans un bouillon d’idées noires. Pendant au moins 30 minutes je vais passer alternativement de l’abandon certain à la rage de me battre. Mes 4 compagnons sont toujours dans la course et je sais que quasiment tous ont quitté ce lieu depuis bien longtemps. Je suis dans un désespoir bien avancé. Ne plus avoir de jus se manifeste par une incapacité à déployer sa cage thoracique, le souffle est donc court, et le moindre effort physique est un challenge. J’en appelle d’ailleurs aux conseils de coureurs rompus à ces expériences (coureur que je pensais être) pour me distiller quelques conseils contre ces maux quasi rédhibitoires. J’ai beaucoup souffert sur des courses par grande chaleur comme la 6666 à Roquebrun, l’UTCAM, et n’ai toujours pas trouvé la solution. (Pastille de sel dans l’eau, eau gazeuse etc ………..)
A vos bonnes âmes !
Bref, couillon devant l’éternel, je repars 45 minutes avant la barrière horaire, sans perspective et avec l’envie de mourir. Je sais qu’il va falloir affronter la montée vers le pas de l’Aulps, via le col de la Forclaz et le chalet de l’Aulps. 1400 d+, heureusement au début sous les arbres et leur protection salutaire. Ma vitesse ascensionnelle ne sera pas dévoilée ici, pour d’unique raison de crédibilité auprès de mes proches. Les ultra-traileurs que vous êtes auront l’obligeance de la tolérance et de la solidarité ! .Le col de la Forclaz et ses nombreux supporters est un petit répit fort appréciable. Que diable le paysage Annecien est fabuleux !
Mine de rien l’horloge tourne, et quand tu es dans le gaz les BH se rapprochent toujours plus ! Je vais abandonner c’est sûr, je suis à bout de force et l’étourdissante vue sur ce que je crois être la Tournette, me laisse de marbre .Un ruisseau, un rafraichissement agréable, n’ont aucun effet positif, d’autant que James, mon Réunionnais, dernier acolyte de la bande, me rattrape dans la montée, alors que je suis allongé dans l’alpage. Cela sent le sapin les amis ! Venu de nulle part, un officiel nous pointe 10 minutes avant la disqualification, un peu avant le chalet de l’Aulps ! Un coup de pouce du destin. Chalet de l’Aulps ,11h50 de course ,53 kms, 3577 D+.
Je vais rester très longtemps assis sur un des bancs du chalet, les yeux dans le vague. Après une petite négociation avec la patronne du lieu, qui ne vend hélas pas de boisson, je lui arrache un peu de sirop de menthe que j’engloutis aussi sec. L’eau plate ne passe plus du tout et mon bide ressemble à celui du fils Dolto au sommet de sa carrière ! James est parti finir la course. Il reste 2h40 de temps pour rejoindre Menton St Bernard et sa BH de 20h40, pour 14.5 kms et 550 D+, j’ai donc glandé 45 mn au chalet !!!! Trop difficile dans mon état, je me rapproche de deux officiels pour leur signaler mon abandon, quasi sans regret. Ils m’expliquent la démarche et me promettent un peu d’attente avant de grimper dans le 4X4 des loosers !
C’est à cet instant précis que le glucose du sirop de menthe réanime les 5 neurones encore potentiellement actifs du centre de commandement ! Je décide d’aller plutôt abandonner à Menthon, au bord du lac d’Annecy. Les deux Bénévoles ne croient pas en mon challenge mais m’y encourage avec enthousiasme. Let’s go !
L’arrivée au pas de l’Aulps est surement l’apogée paysagère de cette course. Rarement un environnement m’est apparu plus beau. Je prends le temps de quelques photos, c’est vrai j’ai tellement d’avance sur la barrière !!!! D’autant que dans la montée vers le pas je me suis payé le luxe d’un fantastique Perrier tranche glacé, acheté au bar d’altitude ………….un peu de réconfort s’il vous plait. Le pas se franchit avec des cordes, façon via ferrata ! Pénible, mais magnifique.
Pas de l’Aulps, 56,2 kms ,3930 D+, 13H15 de course.
Le sentier de descente est plutôt large au début et permet les dépassements. Je m’y engage avec la force et la conviction du condamné. Je vais quasiment trottiner sans interruption sur les 6 kms menant à Villars dessus, stoppant par contre ma progression à la moindre inclinaison positive du relief !
Villars dessus ,62.2 kms 4000 D+, ravitaillement en eau .L’eau plate, je ne peux plus donc je cogne à la première porte du hameau que je croise pour acheter à qui aura, une bouteille d’eau pétillante. Hilarité des quelques spectateurs présents, lorsqu’une charmante dame m’offre la générosité d’un demi-litre d’eau fraiche gazéifiée façon sodastream ! AAAAAA L’ATTAAAAAAQUE !
Je repars pied au plancher, quasi 6 kms/h, le reflux gastrique à l’orée des lèvres ! .La descente finale sur Menthon St-Bernard me parait technique et je butte à nouveau sur cette atroce barrière de lassitude qui semble vouloir à tout prix me barrer le chemin de la ligne d’arrivée ! J’en ai vraiment ras la casquette, je souffre depuis maintenant 10 h de maux physiques douloureux, rendant cette course des plus difficiles.
Menthon St-Bernard, 68.5 kms pour 4200 D+ et 15h11 de course, donc 29 mn avant fermeture du poste. Si je repars d’ici cela semble gagné, mais pour l’heure cette envie n’est pas présente. Soupe de pâtes, coca, eau gazeuse, fruits, tout y passe afin de combler ce déficit énergétique majeur …… James est là, solidaire, mais quand même beaucoup plus costaud ! Je ne peux pas le suivre, il quitte ce lieu de mort sans moi ! 10 mn avant la Dead line, des coureurs arrivent encore, décharnés !
Je n’arrive pas à m’arracher de cette chaise ou je pourrais passer la nuit !
Heureusement, dame nature va enfin me tendre la main. A l’instant où je me lève pour reprendre mon chemin de croix, et dans un concert de rires contenus de quelques spectateurs goguenards j’expulse, avec un peu de honte quand-même, l’intégralité de mon ravito !
L’effet bienfaiteur est immédiat, je repars dans la foulée, 5 mn avant la fermeture du poste. Ouf !
Le soleil s’est couché et le jour semble vouloir lui emboiter le pas tandis que nous contournons le beau château de Menthon. La pente se fait de plus en plus raide au fur et à mesure que je progresse, toujours très lentement, sur les flancs de la dernière difficulté du jour, la montée au Mt Baron. Il est indiqué dans le règlement que le sommet du Mont Barron, très scabreux, sera évité par tous les coureurs se pointant après 22 h à son pied. Cependant, le dénivelé positif et le kilométrage seront maintenus par un jeu de montées descentes tout à fait délicieux en fin de course.
Bien entendu, avec l’arrivée de la nuit l’atmosphère s’est rafraichie, rendant moins pénible la progression. La dernière porte horaire officielle avant l’arrivée se franchit sur la route du col des contrebandiers. Une fois cet écueil passé, il ne reste plus qu’à accéder au parking, au pied du Barron et d’attaquer les 7 derniers kilomètres qui contournent le mont Veyrier. Parking du Barron 75.3 kms ,4862 D+ et 18h30 de course .L’arrivée au sommet est une vraie délivrance et se jeter dans la pente une joie relativement forte. La descente sur Annecy le vieux est très cassante et casse gueule à souhait. Bien calé dans les pas d’un bon descendeur, la dégringolade s’effectue avec une relative efficacité .Je reprends d’ailleurs notre créole nationale au bout d’interminables lacets freinant notre atteinte du Graal. Dieu que cette approche est longue. Je pense à ceux qui ont effectué cette descente de jour et ont dû se délecter d’une vue superbe sur l’agglomération Annecienne .Pour les moins bons, le scintillement d’une ville de nuit reste quand même un cadeau réconfortant. Un dernier kilomètre en bord de lac, au milieu de quelques noctambules passionnés ou égarés, et s’offre enfin à mon âme épuisée, cette improbable ligne d’arrivée que quasiment jamais, je n’ai pensé franchir !
Il est minuit 36, fier d’en finir enfin, je n’ai pris aucun plaisir ! La culture de la souffrance c’est cela les gars .C’est bien de l’avoir ……………mais c’est tout aussi bien de s’en passer !
YM dossard 10418 19h42 de course, 893°
Merci à James, Matthieu, Valery, Fabrice pour ce beau week-end, une pensée pour Joseph !
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3 commentaires
Commentaire de Khioube posté le 14-06-2017 à 14:37:24
Félicitations pour ta course ! Clairement ce fut une galère mais tu as su rester solide et tu ne l'as pas regretté. Je confirme que la vue était magnifique depuis les crêtes au coucher du soleil (pour moi la nuit est tombée dans la descente finale vers Annecy). Je te souhaite de passer un meilleur moment lors de ta prochaine course !
Commentaire de forest posté le 14-06-2017 à 18:37:27
Merci Khioube,et bravo pour ta gestion de course ,je vais méditer tout cela .
Commentaire de JuCB posté le 14-06-2017 à 22:52:32
J'ai lu, par curiosité, en diagonale. Puis intégralement.
Je suis impressionné par ta capacité à puiser au plus profond, à y retourner malgré le bide en vrac.
Aux vues des photos et de certaines remarques, on sent poindre un soupçon de plaisir, ça me rassure quelque part... ;-)
Je te souhaite une bonne récup et de profiter davantage lors de tes prochains challenges !!!
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