L'auteur : Piryfe
La course : Les Templiers
Date : 26/10/2014
Lieu : Millau (Aveyron)
Affichage : 4083 vues
Distance : 73km
Objectif : Pas d'objectif
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"Dring ! Dring !…. Allo! Comment tu vas toi ? Ouais pour l'instant ça roule mon Pote…, il est 15h00, Oui ! 58 kilomètres déjà Parcouru ! Reste encore 17 kilomètres... Ouais encore 3h00 environ ! Oui je te rappelle quand j'arrive ! Oui pour la bière !! Bises Ciao !"
Quand Didier a raccroché son mobile devant moi alors que je le suivais dans un "train" depuis une petite demi-heure, j'ai compris que les Templiers n'était pas une course comme les autres...il avait l'air plutôt fringuant le « gazier »... aucune fioriture... pas de compressions aux mollets ni aux cuisses, et juste un short de marathonien bleu année 70 et des baskets avec quelques crampons mais sans plus...je voyais bien qu’il en avait encore sous la semelle. Ça ne collait pas avec son discours.
En plaisantant, je lui dis qu'il ne devait plus être très lucide pour annoncer 3h00 de course pour les 17 kilomètres restants ... il s'est retourné et dans un sourire ma lancé "C'est ton premier Templier ? J’espère que t'en a gardé sous le pied Pierre-Yves! parce que c'est maintenant que ça se passe après Massebiau... " et Hop ! en quelques enjambées Didier le routard me lâche dans une terrible accélération en me souhaitant une bonne fin de course !
Hé oui, c'est ça les Templiers ! Une perte de repères temporels et géographiques, plus aucune certitude, des paysages à couper le souffle qui t’envoient des décharges de bonheur, d’euphorie… du partage... des rencontres éphémères qui te marquent pour longtemps… de la douleur et surtout le secret espoir de ne jamais atteindre ses limites. Et surtout pas avant les poteaux (tient ça me rappelle un truc à la télé ....)
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Quand on est arrivé ce dimanche matin à 5 :00 avec ma cops Hélène pour démarrer la course, j’étais plutôt pas mal physiquement, le changement d’heure nous avait permis à chacun de dormir une heure de plus, et je dois dire que je me sentais prêt à me confronter aux 3000 inscrits… un léger stress en arrivant sur le départ, des sourires un peu figé… mais l’envie d’en découdre était bien là… Hélène avait semble-t-il également bien dormi et mangée du lion ce matin… « Je vais tenter d’attaquer fort au début … on verra si ça passe ».
Moi je restais fermement accroché à ma devise récemment acquise à l’Impérial: « Si tu pars trop vite comme à Fontainebleau ! T’arrive tout cramé au prochain ravito ! »
Au son d'Era, je pars donc sur un rythme soutenu mais pas trop, alors qu’Hélène comme prévu prend les devants et me lâche rapidement dans les premiers 10 kilomètres.
Je roule jusqu’au premier ravito de Peyreleau en profitant de la nuit, et du lever de soleil magique sur le plateau… Pour l’instant mes jambes sont bien là … et ma gestion de course me semble quasi parfaite… au bout des 22 km je suis 574ème… inespéré !
On attaque enfin la vrai première difficulté (côte de Peyreleau) que je tente sans bâtons ! Grossière erreur, les premières crampes aux ischios (intérieure de la cuisse gauche) me prennent par surprise et me laissent penser que dans l’euphorie des premiers kilomètres j’ai dû mal m’hydrater … je suis obligé de me mettre sur le côté pour étirer tout cela et laisser places aux autres concurrents qui m’encouragent par des tapes sur l’épaule ou des petits mots sympas… Première alerte sérieuse! Je repars en m’hydratant et en imaginant le pire … (bin oui des crampes avant le 30ème, c’est pas bon sur une course de 75 kilomètres ). J’ai dû perdre une cinquantaine de place… heureusement l’expérience de crampes similaires au trail du Pays de Welches me permet de gérer sans trop « psychoter ». Je passe Saint-André-de-Vézine en 617ème position.
Mes jambes sont pourtant encore nickels, j’ai encore de très bonnes sensations en descente dans les monotraces, et sur le plat, je m’éclate vraiment dans la partie qui nous emmène jusqu’à Pierrefiches… je reprends des places et surtout pas mal d’espoir … Quand je suis soudain rattrapé par Hélène dans la côte de Pierrefiche alors que je la croyais devant depuis au moins 5 ou 6 heures … Incroyable (mais réconfortant) ! On échange quelques plaisanteries sur le temps qu’elle a dû passer à se « poser » à chaque ravito et où j’ai dû la dépasser sans le savoir (« j’avais prévu de prendre mon temps sur cette course, ne pas aller trop vite comme à chaque fois…. » M’avait-elle dit avant le départ… bin là pour le coup elle en a pris du temps harfff !! ). Je passe la ligne du ravito de Pierrefiche en 710ème position. Hélène est 707ème !
On prend plaisir à partager une demi-bière sans alcool (hé oui y’en a !), une soupe, du salé TUC et autres petits bonheurs… remplissage des Camelbags et hop c’est reparti. Après quelques mots échangés sur la course, Hélène repart en tête, mais cette fois en mode guerrière que je lui connais. Déjà vu une ou deux fois sur d’autres courses, pleine d’intensité et d’énergie, concentré, elle est parti pour manger du trailer tout cru et faire une remontée infernale … elle me lâche rapidement à vive hallure… je sais à cet instant que je ne la reverrai plus… ses jambes sont présentes, mais les miennes sont raides et difficile de renouveler l’impulsion à chaque pas. J’ai du mal à relancer (certainement l’effet de la bière sans alcool …). Je prends mon temps… un gel « coup de fouet », en attendant que ça revienne et je relance… Miracle… 10mn et ça repart, la machine se remet à fonctionner… plein régime !
Ca revient fort, même très fort, je m’éclate vraiment et mes jambes sont de retours… j’accélère dans la longue descente jusqu’à Massebiau, je double et malgré la difficulté du parcours en dévers, en descente dans les pierriers, les passages glissants…C’est long mais toujours bon…. Une chute … une cheville qui vrille… mais ça passe … plus de peur que de mal …
"Dring Dring…. Allo! Comment tu vas toi ? Ouais pour l'instant ça roule mon Pôte…, il est 15h00, Oui ! 58 kilomètres déjà Parcouru ! Reste encore 17 kilos... Ouais encore 3h00 environ, pour l'instant ça va ! Oui je te rappelle quand j'arrive ! Oui pour la bière !! Ciao !"
Le fameux coup de fil de Didier est arrivé dans la descente juste avant Massebiau, où ma remontée d’une vingtaine de place m’avait rechargé à bloc.
Je ressassais encore son coup de fil en arrivant au point d'eau… tout de même 3 :00 pour parcourir les 17km restants et atteindre l’arrivée, c’est pas un peu exagéré non ?
Au point d’eau je vide le Camel et le rince. Il fait chaud, et la boisson énergétique au Mojito (Citron vert) ne passe plus, je rempli ma poche avec le l’eau clair. Me passe la tête sous l’eau pour emmagasiner de la fraicheur… Je repars et attaque la montée dans une ambiance de tour de France… c’est la fête et les gens nous réservent un accueil d’étape du tour (comme à chaque arrivée dans les villages, c’est vraiment extra !). Les prénoms sur les dossards donnent lieu à des encouragements personnalisés… « Aller Pierre-Yves c’est la dernière ! », « Pierre-Yves ne lâche rien ! ».
On attaque la côte de Massebiau-Le Cade… je monte le premier kilomètre et je vois des coureurs arrêtés assis, ou appuyer le long des arbres… mes bâtons font heureusement merveilles… mais lorsque la pente s’accentue encore … ma jambe gauche se raidit à l’intérieur.. Putain de Crampe… je m’arrête. J’ai la tête qui tourne et les mains qui tremblent… ça sent l’hypoglycémie à plein nez… j’ai oublié de m’alimenter !… bordel je suis carrément tombé dans « le dur » sans m’en apercevoir… impossible de redémarrer... je m’arrête… Gel (à la limite de la gerbe !). Barre de céréale salé, amande…. Ça doit revenir, il faut que ça revienne…. 5-10 mn d’arrêt, quelques pas … je termine la côte en m’appuyant sur la jambe droite et les bâtons… et c’est long très TRES long avant d’arriver au Cade… Certains n’arriveront d’ailleurs jamais… je revois un traileur (tout de vert vêtu) allongée dans l’herbe en haut de cette côte, les bras en croix en train de piquer un roupillon dans une prairie couverte de Marguerite ! si si je l’ai vu! Ce n’était pas une hallucination… il se reconnaitra surement ;-)
J’arrive enfin au Cade en 763ème position, et après un long, très long ravitaillement : une soupe incroyablement onne, une pomme qui m’a donnée du bonheur, une pause dans l’herbe... assis pour profiter de la vue et des belles traileuses qui me dépassent… hé oui… Je devais plus être vraiment lucide à ce moment , bref, je perds de nombreuses places…mais je repars refait à neuf (ou presque).
Redevenant lucide, j’attaque comme un dingue pour refaire mon retard, mais dur de doubler sur cette monotrace technique… De plus, la dernière montée de l’antenne fini de tous nous achever avant l’arrivée, les organismes sont vraiment entamés… mais je poursuis mon effort jusqu’au bout, la ligne n’est plus très loin, et avant l’arrivée c’est une descente !! Je retrouve des jambes, double, redouble… J’arrive aux poteaux en 820ème position en 12h17: Heureux !
Je retrouve Hélène qui est déjà là ! Elle termine 584ème en 11h36…
La plus fabuleuse course que j’ai jamais faite… une claque ! Des images partout dans la tête, de l’émotion qui revient par vague tous les jours…. Difficile d’imaginer ne pas la refaire l’année prochaine… un grand-grand trail !
Quant à moi, après un peu plus d'un an de pratique et la décision de s'inscrire sur un coup de tête, je fini les Templiers… pas cramé… la machine tient vraiment la route… un peu plus de rigueur dans l’hydratation et peut-être aussi un meilleur choix dans les boissons énergétiques (et l’arrêt des salo… de gels) pourrait bien m’emmener très loin. Je prends mon pied à chaque kilomètre et je n’ai jamais laché complètement physiquement… je continue à penser que la vrai défaillance vient surtout du mental. Bref, avec plus d’expérience… je me projette encore plus loin… c’est rassurant car je ne souhaite pas m’arrêter là .
Une semaine après la course, tout va Bene, le physique est au vert... Une nouvelle sérénité est bien là quelquepart en moi, et des images de la course et des paysages défilent toujours en séquences répétées... elles m'emportent encore tous les jours pour faire mon plus grand bonheur... j'ai l'impression d'être parti un mois en vacances à Montpellier-le-vieux... Les Templiers c'est vraiment grand et à refaire.
Merci à toute l’organisation, et surtout aux bénévoles !!!
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4 commentaires
Commentaire de nono's coach posté le 22-11-2014 à 20:05:20
Merci pour ton récit plein de vie, de sueur et de crampes.
Un an de course et un templier dans la besace, ça c'est de la performance.
Avec de l'expérience, tu pourras réaliser tes rêves de courses les plus fous.
A commencer par l'origole, mais là... prépare ton mental !
Commentaire de Piryfe posté le 24-11-2014 à 02:53:19
Merci nono's coach pour l'encouragement ! C'est vrai que pour l'Origole de dans 2 semaines, je ne sais pas trop où je mets les pieds (mis à part dans la boue et pendant plus de 80 bornes...)
Je me dis qu'après les templiers, qui m'ont renforcés mentalement (et peut-être physiquement) je peux tenter l'aventure... et qu'elle sera peut-être belle. J'espère en tout cas... Pour ce qui est de la préparation physique, mon séjour d'1 mois au Mexique avec entrainement devrait contribuer à exciter mes globules rouges pendant la course... Et quant à la préparation mentale, à part que j'aime courir de nuit (c'est un peu mystique...), et que je veux voir le jour se lever au matin du 7 décembre en n'ayant plus que quelques kilomètre à parcourir avant l'arrivée...
je n'ai aucune idée de comment me préparer mentalement !?
Merci et à bientôt pour avoir le plaisir de partager le départ de cette course ensemble avec Celestcyr à défaut de pouvoir partager l'arrivée :-)
Commentaire de celestcyr posté le 24-11-2014 à 20:58:59
Toi t'es un ouf!!!! mais je crois en toi ;) allez suis sur que tu vas y arriver...enfin j'espère...moi je suis une coureuse en dentelle alors un peu de boue oui...un petit tour de frontale dans la nuit et le froid oui...mais pour la grande boucle je n'ai pas les attributs!!!! lol
Commentaire de Piryfe posté le 25-11-2014 à 07:18:47
Pfuuuuuu que tu dis, alors toi et tes doutes ;-) bon aller je te raconterai et tu pourras tenter ta chance dans 2 ans... j'ai l'air comme ça de savoir ou je vais... mais en fait pas du tout ! c'est vrai que faut être un peu malade pour s'inscrire à des trucs pareils (surtout quand j'ai déjà les points ;-)). Bon en même temps j'en ai marre du soleil mexicain, j'ai bien envie de retrouver mon climat, ma forêt, le froid, la boue... la vie quoi ! Youpi :-)
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