L'auteur : the dude
La course : Ultra Trail du Vercors
Date : 8/9/2012
Lieu : Autrans (Isère)
Affichage : 1780 vues
Distance : 85km
Objectif : Pas d'objectif
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J’ai raté la première édition l’an passé pour cause de tendinite récalcitrante, cette année j’ai bien envie de la faire cette belle boucle dans le Vercors, mais le planning va être serré.
Juin, un peu de récup’ après la 6666.
Juillet, c’est les vacances, farniente.
Aout, il va falloir en mettre un coup pour se remettre un peu à niveau, j’ai prévu un mois chargé.
Las, une fois de plus mon plan ne se déroulera pas sans accroc, le 11 août, rentré de vacances depuis une semaine, je pars faire une sortie longue-reco dans le Vercors, et sur une partie anodine en descendant vers Méaudre, crac la cheville
Repos forcé pendant 10 jours, 2 semaines plus tard: sortie longue en Chartreuse avec Richard, j’en reviens avec une cheville douloureuse et des courbatures de folie qui m’empêchent de m’entraîner pendant presque une semaine.
Note pour l’avenir : ne plus essayer de suivre Richard en descente, le temps où nous avions des niveaux proches est révolu depuis longtemps
Note bis pour l’avenir : surtout quand en + il a des Hokas !
J’ai dans les bottes des montagnes de questions…
J’y vais, j’y vais pas ???
Bon finalement j’ai quand même bien envie d’y aller, de toute façon je suis inscrit.
Samedi 8 septembre.
Le réveil sonne.
J’ai pas envie de me lever.
Il est 02H30.
Je me lève finalement mais j’ai pas envie d’y aller.
Je ne ressens pas ce mélange de peur et d’excitation qui est toujours présent avant un ultra.
C’est que je suis un pointilleux, un maniaque, et pour la première fois je vais prendre le départ en sachant que je n’ai pas fait ce qu’il faut pour être le mieux préparé possible.
Je peux le terminer, enfin je crois, mais j’ai peur d’en ressortir frustré quoi qu’il arrive.
Bon assez cogité, faut y aller.
Sur place je retrouve avec plaisir Richard dont c’est le premier gros ultra, je sais qu’il est fin prêt, cette année il a vraiment pris une autre dimension ; sauf grosse erreur de gestion il peut faire un très bon chrono, j’en suis sûr.
J’aurais bien aimé faire un bout de chemin avec lui mais je sais très bien que si je le suis ne serait-ce que jusqu’à Saint-Niziers, c’est le coulage de bielle garanti.
Pour une fois le départ n’est pas donné en retard mais plutôt en avance, il ne fallait pas traîner au lit ce jour-là.
Je fais un bout de chemin avec Richard jusqu’à la sortie du village et je le laisse partir à son allure.
Je sais c'est bête mais les photos de frontales ça m'amuse encore
On attaque la première montée de la journée, éclairée aux flambeaux – très bonne idée – ça rajoute encore un peu de charme à cette ambiance de course nocturne que décidément j’apprécie beaucoup.
La montée en lacets est raide, ça ne parle plus beaucoup, on marche en file indienne.
Après 700m de D+, on arrive sur la Molière et on relance tranquillement vers le plateau du Sornin.
C’est roulant, malgré quelques passages scabreux dans les lapiaz et ma frontale qui n’éclaire rien.
Arrivé au bout du plateau, un coup d’œil sur Grenoble endormi à nos pieds et Belledonne au loin, puis on plonge vers Engins, une descente facile qui devient très pentue vers la fin, je verrai 2 coureurs se vautrer devant moi…
A Engins, je zappe le ravito, je ferai une pause à Saint-Niziers.
Comme annoncé, la montée par le pas de la Corne est extrêmement raide, mais je suis encore frais (heureusement) et ça passe assez bien.
Saint-Niziers, courte pause au ravito, je range les manchons et la frontale, m’alimente un peu et repars sans perdre de temps, la route est encore longue.
Une petite piste de ski à remonter pour se remettre tout de suite dans le vif du sujet –note pour la prochaine édition : demander à Samontetro les clés du tire-fesses – puis un chemin en forêt sur lequel je rejoins un collègue de boulot.
Gourmand, il enchaîne Ultra Tour du Beaufortain, Tour de la Grande Casse et UTV, mais il commence à montrer quelques signes de fatigue, mauvais présage aussi tôt dans la course…
Irina Malejonock, en route vers la victoire, me dépose.
Et encore ses bâtons sont bien rangés dans son sac alors que je pousse sur les miens comme un perdu.
Pas de la Bergère, en haut un grand type souriant nous encourage, tiens je l’ai déjà vu…est ce que c’était sur le podium des Aventuriers de la Drôme ou sur celui de la TDS ???
Les 2 peut-être…
Je reconnais les chemins, ça me rappelle un certain trèlàbéné, nous sommes sur le plateau des Ramées, j’adore cet endroit, la vue est belle, dégagée, la pente est douce ; c’est du pur plaisir de courir ici.
Un pur régal
La descente se fait bien, puis les portions de plat passent assez vite, je reconnais les chemins de la Ronde du Furon, une vrai compil’ des courses du Vercors !
Arrivé à Lans, je prends mon temps au ravito : remplir le camel, m’alimenter, lire les SMS de ma femme : 88ième à St- Nizier, 70ième à Lans, c’est bon pour le moral, je m’étais fixé l’objectif minimum d’être dans le premiers tiers, j’y suis !!!
Y a plus qu’à assurer pendant encore euh 50 bornes…
Bonne ambiance sur les ravitos
Un peu de bitume pour sortir du village et hop rebelote dré dans la pente herbeuse, puis on rejoint un bout de chemin « ronde du Furon » si je ne m’abuse, avant d’attaquer une bonne montée vers l’auberge des Allières par le chemin du trèlàbéné
Et enfin on bifurque sur le fameux sentier Gobert !
Je suis en 5ième position d’un petit groupe de 6 et ceux de devant ne sont pas là pour cueillir des pâquerettes, autant dire que ça avance viiite.
Je souffre un peu mais je m’accroche, c’est typiquement le genre de passage où je me traine quand je suis seul, alors autant profiter de la foulée de mes acolytes.
Je prends quand même le risque de tourner la tête pour admirer, le paysage, ça vaut le coup.
Après 3 km on tourne à droite et on entame la descente vers Villard.
Et pour descendre, ça descend ; là encore droit dans la pente, je freine comme je peux et dépasse quelques coureurs encore moins à l’aise que moi.
Ma cheville commence à manifester son mécontentement, pourvu qu’elle tienne.
La traversée de Villard est un peu difficile, il faut se frayer un chemin sur les trottoirs au milieu des gens qui font leurs courses du samedi.
En même temps, moi aussi je fais ma course du samedi.
Au ravito je fais une longue pose, je commence à être bien entamé, la partie rapide sur le sentier Gobert a laissé des traces.
Je remplis le camel, avec ce qui nous attend maintenant c’est pas le moment de tomber en panne sèche.
Je cherche mes affaires, je perds du temps, je ne suis pas efficace, ça m’agace.
En fait c’est symptomatique, quand je ne suis pas bien je traine au ravito.
J’ai droit à ma minute de gloire, le speaker de la course vient m’interviewer en live :
« oui je crois que bon, je prends les kilomètres les uns après les autres, l’important c’est les 2 points »
Note pour la prochaine édition : arrêter de regarder le foot à la télé.
Bon allez, plus d’excuse pour traîner encore, à l’abordage…
Le moment de vérité approche, c’est maintenant qu’on va savoir ce que j’ai dans les jambes et dans le ventre.
1100m de montée pour aller passer sous la Grande Moucherolle qui se dresse au loin ; et autant de négatif pour rejoindre Corrençon.
Ce passage, je l’ai reconnu ; je sais que ça va être terrible et qu’il faudra prendre son mal en patience.
Le début se passe bien, je suis avec 2 solos qui, hélas décrochent assez vite, puis plusieurs duos, dont Toto38, me doublent et m’encouragent, sympa.
C’est conforme à mes attentes, j’en bave dans la partie boisée avant le pierrier, puis le dit pierrier se passe plutôt mieux que prévu et je passe la combe Charbonnière avec la sensation d’être assez bien.
Curieusement c’est juste après, sur le plat que ça bascule : impossible de relancer, plus rien dans les jambes, des douleurs au dos et aux abdos ; bref j’avance moins vite ici que dans la montée.
Plusieurs duos et relais me déposent, au loin les solos semblent intouchables.
Le futur vainqueur, facile
Enfin après le passage près du télésiège, on entre en enfer.
Les organisateurs ont nommé ce passage « on a marché sur la Lune », mes sensations m’inspirent davantage quelque chose comme : « on a cramé sous le soleil ».
Non qu’il fasse si chaud que cela, un petit vent nous rafraîchit, mais je suis cramé de chez cramé.
Yé n’en poui plou !
Un solo m’a rattrapé et nous en avons rejoint 2 (je les ai rappelés alors qu’ils faisaient fausse route), nous sommes donc 4, à peu près dans le même état. Nous n’avançons plus, au sens propre, tout les 20 m, il y en a un qui se retourne pour demander aux autres s’ils veulent doubler, tout le monde décline poliment.
Un type se tient debout sur un rocher au niveau du col, j’ai l’impression qu’il est à des kilomètres.
J’en ai vraiment ma claque, marre de ces ultras interminables, de ces souffrances, de cet épuisement.
Pourquoi ? Pour qui ?
Je me maudis, je le savais que je n’étais pas prêt…
Au moins la question de l’abandon ne se pose pas pour l’instant, puisqu’on est monté jusqu’ici, il faut bien en redescendre, alors autant que ce soit du bon côté, on avisera là-bas.
Enfin le col, quelques bouquetins sont postés tout près et nous observent, superbe.
Je me retourne pour jeter un dernier coup d’œil vers le désert que nous venons de traverser : vraiment grandiose, mais que de souffrances.
Lorsque nous passons près du petit lac artificiel, je m’arrête pour me tremper, ça fait des heures que j’en rêve, ça a été mon leitmotiv pendant les moments durs.
Le début de la descente est merdique avec ses grosses pierres roulantes, je n’arrive pas à trouver mon allure.
La suite est nettement plus roulante, malgré un petit passage par une cheminée bien raide.
L’arrivée à Corrençon est très sympa, beaucoup de gens au bord de la route pour nous encourager, ça fait un bien fou.
Je croise le pas-si-ignoble-que-ça-en-fait Ross tout sourire, puis Jéjé qui a fini sa part de duo et enfin au ravito, je retrouve mon épouse qui attend ici pour courir le relais 4 (et aussi un peu pour m’encourager).
Evidemment le Bouk est là et m’accueille avec une vanne dont il a le secret, il m’informe aussi que Richard est passé depuis longtemps et qu’il était en pleine forme, bref que des bonnes nouvelles.
Une fois de +, je m’attarde au ravito, on est bien là à discuter au soleil en grignotant quelques fruits.
C’est une sensation un peu bizarre que j’ai déjà ressentie à la 6666 : il n’y a plus trop d’enjeu, on sait que sauf accident on va finir, au niveau chrono et classement c’est à peu près figé, mais mine de rien il reste 22km à boucler, un quart de la course
J’ai franchement une grosse baisse de motivation, d’autant que la fin du parcours n’est pas la partie la plus jolie, heureusement je pense à mes enfants qui m’attendent à Autrans, et puis mon épouse m’accompagne jusqu’à la sortie du village pour me mettre sur les bons rails.
Il y a 2 petites bosses jusqu’à Méaudre, enfin petites en comparaison de celle qu’on vient de passer, mais c’est quand même sacrément pentue cette histoire et je progresse vraiment lentement.
Dans la seconde bosse, je m’étais déjà fait avoir dans la fin de la montée en me disant « tiens on passe au pied d’un pylône électrique, on doit être en haut » et puis en fait non.
Eh bien là je refais exactement la même erreur, c’est interminable.
J’ai passé 2 solos à l’agonie et je chemine avec un gars qui montre de gros signes de fatigue, d’ailleurs dès le début de la descente il décroche.
Pour moi ça va mieux, cette descente-là, je la reconnais bien je l’ai faite sur une jambe après mon entorse, c’est dire si j’ai eu le temps de la mémoriser.
C’est roulant, c’est souple, j’avance bien.
Entrée triomphale dans Méaudre, des copines qui ont couru en relais m’accueillent sous les vivas, ça me redonne même assez de pêche pour courir dans le faux plat montant.
Ce coup-ci je fais un arrêt express au ravito, vite il faut en finir avant de trop cogiter, plus je tarderai plus ce sera dur.
Je quitte le village accompagné de 2 coureurs, l’un décroche dès qu’on attaque la montée.
Je ferai le reste du parcours avec le second, on discute beaucoup, ça nous distrait car on avance vraiment très lentement.
On se lance le challenge de finir avant 19H00.
18H 54 on arrive en haut du tremplin, mon acolyte part à bloc dans la descente pour essayer de relever le défi, personnellement je n’ai plus assez de jus pour tenter le coup ; j’essaie quand même de faire la descente rapidement, ça me permettra de gagner encore 2 places- anecdotiques.
19H03, je passe enfin sous l’arche, heureux de retrouver mes enfants, et d’avoir pu boucler ce bel ultra.
Comme je le pressentais Richard est déjà douché depuis bien longtemps, il a terminé 17ième, carrément impressionnant!!!
Le plus beau des trophées
Pour ma part les sensations sont mitigées, je suis content de finir avec un chrono moyen et une 50ième place honnête, mais un peu frustré – comme je le pressentais.
J’ai dû vraiment gérer dès le début en prenant beaucoup de marge, et le coup de pompe que j’ai eu « sur la lune » a prouvé que j’ai eu raison de le faire sinon je ne terminais pas, mais j’aurais aimé pouvoir « me bagarrer » pour viser un peu mieux.
Si l’on fait abstraction de cela, la course est vraiment à recommander : les paysages et les types de sentiers sont extrêmement variés, on a du très roulant, du très pentu en montée en descente, du technique, bref un trail pour des coureurs complets.
Au niveau organisation, rien à redire : irréprochable à tout point de vue, avec en plus quelques touches vraiment sympas : les flambeaux dans la nuit, les musiciens ici et là.
Merci aux bénévoles et organisateurs pour leur accueil.
Merci également aux talentueux photographes et à Patrick pour m'avoir laissé emprunter quelques belles images.
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9 commentaires
Commentaire de franck de Brignais posté le 10-10-2012 à 21:46:51
Oui, les photos sont superbes, mais ta course l'est encore plus. Ce beau récit donne envie... qui a dit que tu n'étais pas prêt ??
Commentaire de richard192 posté le 10-10-2012 à 22:10:14
Bravo Bruno pour ce récit plein d'humilité, pas toujours facile d'être au top. Avec tous tes succès cette année sur tes ultras probablement bien plus délicats et ton record de points UTMB, un petit coup de moins bien est bien normal.
Quant à nos sorties, j'espère qu'on aura l'occasion d'en refaire et promis je ne mettrai plus les Hoka qui me font des ampoules énormes!
Commentaire de l ignoble posté le 11-10-2012 à 10:09:08
bien joué dude,tu as eu bcp de courage de te lancer dans cette course et surtout de la finir.au plaisir de te revoir prochainement sur une des courses....et n'oublie pas que je suis méchant et que le bouck est gentil,gros,mais gentil...bises
Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 11-10-2012 à 17:01:39
Merci Bruno pour ce récit saisissant, d'une course qu'encore je ne ferai jamais !!
Un relais est déjà costaud, mais alors 4 relais...
Et commme tu dis, cet UTV est un chouette melting-pot des courses à saucisson du Vercors !!
Commentaire de Deudeu87 posté le 11-10-2012 à 18:59:31
Félicitations Bruno, comme d'habitude on y est, "sur la lune" pour cette fois.
C'est impressionnant de faire et bien faire un tel ultra sans entrainement.
Chapeau à toi et à Richard.
A+
Commentaire de unbretonagrenoble posté le 12-10-2012 à 12:48:13
Bravo Bruno pour être allé jusqu'au bout de cet ultra!!!
Les distances ont bien changé depuis nos dernières courses!!
Il faut que tu reviennes un peu au saucisson, tu verras, c'est moins fatiguant!!!
A+
Commentaire de les machine-gônes posté le 14-10-2012 à 17:29:06
Avec toi Richard, même blessé, même pas préparé...
plus rien n's'oppose à la nuit ♪♪♫♫
Alors use tes souliers ♪♫
Use l'usurier
Reste notre muse ♫♪♫
Et que ne durent que les moments doux, que les moments doux. Et que ne doux.
Commentaire de the dude posté le 15-10-2012 à 14:32:28
Merci à tous pour vos commentaires, ça fait chaud au cœur.
En espérant vous croiser, revoir, rencontrer sur les sentiers.
Commentaire de samontetro posté le 24-10-2012 à 07:55:52
Pas prêt qu'il disait! On n'enchaîne pas un truc pareil sans une longue préparation et tu l'a royalement fait! La tête n'y croyait pas trop, mais les jambes voulaient! Bravo!
A bientôt "sur la lune"!
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