Récit de la course : L'Ardéchois - 98 km 2012, par e.broyer

L'auteur : e.broyer

La course : L'Ardéchois - 98 km

Date : 28/4/2012

Lieu : Desaignes (Ardèche)

Affichage : 2010 vues

Distance : 98km

Objectif : Terminer

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récit Ultra trail l'Ardechois 2012

 

Récit Ultra trail Ardechois 28/04/12

 

Messagepar e.broyer » Ven Mai 04, 2012 8:31 pm

 

Le réveil très matinal, 2H30, le saut du lit et la première sortie à l’extérieur, sous un vent déjà très fort, resteront mes seuls mauvais souvenirs de cette aventure. Après un tour du village médiéval de Désaignes, embrasé par un feu d’artifice, le peloton quitte cette charmante place et s’élance sur des chemins aux pentes assez douces. Le rythme me semble déjà trop rapide, le rythme des  premiers kms est déterminant pour les 100 derniers …     et la première difficulté est de savoir ralentir dans les descentes qui vous invitent pourtant à passer du trot au galop ! le sol est tendre, sans trop de pièges et recouvert de feuilles de châtaigniers. Nous franchissons le premier col et passons aux pieds de gigantesques éoliennes qui m’évoquent de grands sportifs  majestueux, au souffle bruyant mais régulier, inépuisables.  Nous restons ensemble avec Rémy, Tahar et Adrien jusqu’à la Citadelle où je m’attarde un peu pour admirer ces vestiges du passé. Je prends quelques photos et je m’amuse en imaginant la situation 100 ans plus tôt : une invasion de guerriers vêtus de hardes multicolores, invoquant les dieux « Salomon » ou « Asics « armés de simples bâtons et flanqués de drôles de gourdes dorsales et de numéros ! Le sentier, ou plutôt la trace, qui serpente au travers des genets jusqu’ à la vallée nous fouette les mollets mais nous conduit rapidement jusqu’au premier ravitaillement de St Jean Roure au km 22, j’y retrouve mes copains, le moral est au beau fixe contrairement à la météo qui s’affole. Le vent se renforce encore et la chaleur s’accentue, les réserves d’eau deviennent vitales, je rebouche le tuyau de mon Camel bag avec un morceau de bois taillé, ( j’avais perdu l’embout lors d’une descente et vidé 1L d’eau sucré dans mon short ! ) On repart, les réservoirs pleins, à l’image d’une Ferrari après son arrêt au stand. Les paysages changent un peu, ici ce sont les forêts de châtaigniers qui règnent en maitres des lieux et n’apprécient pas d’être dérangés ; ils nous tapissent le parcours d’épines qui se jettent sur les chaussettes avant de finir sous la plante des pieds ! Je me perds, une première fois, en suivant d’anciennes traces de bucherons, dans ce bois qui nous mène à un point de vue magnifique sur la vallée du Doux. J’arrive au sommet après avoir perdu 30 mn et 100 m de D+, la vue est à la hauteur de l’effort, comme une récompense, mais il faut se cramponner sous les bourrasques de vent par crainte d’être transformé en cerf-volant ! D’autres paysages, d’autres chemins, d’autres ruines défilent. Sur ces longues distances, je suis seul et les villages traversés sont bien souvent inhabités. Ce sont des moments rares, précieux, propices à la réflexion et qui, au bout du compte, mènent toujours à la même question : « mais Bordel ! qu’est-ce que je fous là ? « Le ravitaillement du Km 64 est un vrai bonheur, Karine et Sylvie m’y attendent, elles sont adorables et c’est un plaisir de pouvoir discuter à nouveau, panser ses plaies et retrouver la civilisation. On traverse l’église de Rochepaule et débouche sur un étale de sucrés, salés et de l’inévitable soupe à l’aspect répugnant mais aux nombreuses vertus. Pendant plus d’une heure, je longe la rivière du Doux, le lieu est magnifique, silencieux et respire le calme et la sérénité, je lutte pour ne pas céder aux chants des sirènes et m’affaler dans l’herbe douce pour ecouter et attendre, simplement… L’eau était si propre et rafraichissante que je m’y suis baigné, au pied d’un arbre, vers un passage à gué. La fin de journée avance sur cette vallée d’Aigueneyre, une ultime ascension doit nous remonter sur le plateau Ardechois,un concurrent anglais se porte à ma hauteur et me demande avec un un délicieux accent, à quelle heure se couche le soleil dans cette région. J’estime le début de l’obscurité vers 21h, alors il se hâte, droit dans la pente, mains dans le dos en sifflotant  pour avaler les 250 m restant…so British ! C’est le soleil couchant qui m’acceuille sur le haut du plateau, beaucoup moins rapide que la vitesse lumière ! L’obscurité s’installe autour sur le lac Devessset, un site pittoresque dans un écrin de verdure et de sable. Le terrain est souple, humide et nous préserve les articulations, dommage qu’il y ait autant de vent, des rafales sont enregistrées à plus de 100 km/h ! ( elles font le parcours en 1h ! ) souvent elles m’obligent à stopper, les 2 bâtons plantés dans le sol comme des piquets d’ancrage. Vers 22h, le village de St Jeurre d’Andaure nous accueille pour un dernier point d’eau, quelques coureurs encore valides s’attardent un peu et nous plongeons tous dans les profondeurs d’un bois dévasté . Le balisage n’est plus visible, les rubalises suspendues se sont enroulées autour des branches et les rares taches de peinture sur les pierres sont recouvertes de débris . Je vais parcourir les 20 derniers kmsavec un coureur qui me ressemble, le même rythme de course, ( à peine 7km/h à fond dans les descentes ! ), le même objectif : finir dans les temps, la même volonté, la même rage d’en finir. Pendant plus de 2h cote à cote, on se rassure, silencieux, fatigués mais déterminés et efficaces dans la recherche des balises. Quoi qu’il arrive désormais, nous savons que nous terminerons ce douloureux jeu de piste. A la vue du premier panneau indicateur : « Arrivée 3,5 kms » nos forces sont décuplées, ils nous suffit de rester étanches encore quelques minutes…mais la pluie est « traversière » comme l’a chanté  J.Brel dans sa chanson : Les Marquises. Elle nous transperce. Enfin de vagues lumières apparaissent à l’entrée du village, elles se précisent  puis nous éclairent le chemin d’arrivée. L’arche tant espérée se dresse à quelques mètres, je franchis la ligne, submergé d’émotions, de joie, de fierté que je n’arrive pas à exprimer pourtant. A cause de la fatigue ou bien parcequ’il s’agit d’un rêve et que je viens de me réveiller ? Après 104 kms, 4500m D+, autant en D-, 20h15 de course, 6litres d’eau, et perte de 6kgs, je suis pris en charge par Rémy et Tahar qui me félicitent, me remettent au sec.Ils sont arrivés plus tôt et l’on se comprends sans trop se parler. Je reviendrai demain matin pour féliciter d’autres courageux, tout cela n’était pas un rêve, je suis un « rescapé » Finisher de l’ultra trail de l’Ardéchois ‘ 125 arrivants sur 253 partants… Je constate encore une fois ce curieux paradoxe : plus c’est dur et plus j’ai envie de recommencer ! La nature humaine est surprenante.

 

1 commentaire

Commentaire de philkikou posté le 15-05-2012 à 22:55:52

Malgrè la police du texte un peu petit pour ma vue, et le manque de photos,

très agréable à lire, avec tes hardes multicolores attaquant le chateau de rochebloine...

20h. d'effort , nuit à nuit , vraiment un Ultra Ardéchois et Finisseur !!! bravo

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