L'auteur : les machine-gônes
La course : La Foulée Blanche - 42 km
Date : 22/1/2012
Lieu : Autrans (Isère)
Affichage : 1849 vues
Distance : 42.195km
Matos : Planches et cannes
Objectif : Objectif majeur
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Longtemps, ils l’avaient attendue cette heure. Longtemps. Depuis qu’ils étaient arrivés au zoo de l’Isère, ce couple de supposés rongeurs avaient été la risée des petits comme des grands. Et ce, sur tous les sentiers de la région. Ils l’avaient annoncé pourtant. Ils l’avaient claironné même (car leur nature est ainsi faite) : « Notre territoire c’est l’hiver, le skating c’est nos pieds, la glisse notre moyen de locomotion naturelle ».
Curieuses bestioles qui courent après la gloire…. Disparaissant parfois tel un murmure du vent dans la forêt, refaisant surface ensuite quand on ne les attend plus.
Pour beaucoup, et malgré leurs efforts, les machine-gônes, bien plus que des athlètes de haut-niveau, restent hélas un truc un peu fashion, un peu groovy...
Pourtant la spéculation sur les produits sportifs aidant, l’été dernier leur côte avait monté, aussi brusquement que sans raison évidente. D’opportunistes savoyards les avaient alors courtisés du côté du Mont Blanc. Mais c’est finalement le massif jurassien qui avait obtenu leur faveur. « Made in Chaux Neuve », ainsi qualifierait-on les Machine-Gônes désormais !
Voilà pour le business, place à l'action maintenant :
Début décembre, les frimas de l’hiver sont là. Les muscardins s’apprêtent. Leur rêve de succès porte un nom : « Grand Prix National de Ski de Fond Longue Distance »… un challenge de 5 courses rassemblant les plus grands athlètes chevronnés de la planète. Qui commence, combe des combes à Autrans dans l’Isère précisément (Foulée Blanche 42 km), se poursuit – bazar ou coïncidence - en terre jurassienne (Transju 76 km), avant de tourniquoter dans les hautes alpes (Marathon de la Clarée 42 km), puis c’est le tour des Pyrénées (Transpyr au nom prémonitoire 42 km), et s’achève au Saisies (Etoile des Saisies,42 km).
Les organisateurs l’ont promis aux participants : « Une occasion unique de cotoyer l’élite et de s’y mesurer ». On est toute petite quand on est une musaraigne, mais sur les pates de derrière on peut se grandir très haut. Et puis, ils ne le savent pas encore mais Ull, le dieu des sports d’hiver ainsi que quelques autres divinités pas si secondaires veillent sur eux.
Seulement, on ne devient pas Johaug ou Northug en un jour. D'abord il faut s'entraîner dur.
Alors c'est vrai, Noël n'est pas perdu à attendre qu'un barbu tombe du ciel droit dans les bottes de la cheminée. Non. Non. On se lève tôt. Même pendant la trève des confiseurs le tarif quotidien c'est un col chaque matin ! Au début ça toussote un peu bien sûr, mais peu à peu, la locomotive se met en train. Quand la neige est là, il faut aller la chercher, même si c'est avec les dents...
Waaouuuuuh, ça attaque sévère à l'entraînement....
Le cameraman est au taquet !
Mais la position "recherche de vitesse" adoptée par la musaraigne laisse perplexe..
A la descente en revanche, un problème se fait jour. Quand ça monte, la musaraigne grimpe comme si c'était aux rideaux, mais à la descente c'est chasse-neige, chasse-neige, chasse-neige, même quand c'est plât. Voilà qui compromet quelque peu les succès escomptés...
Début janvier, l'impression se confirme à la Chartroussine (course préparatoire dans un petit massif enclavé près de Grenoble, lequel est miraculeusement enneigé cette semaine-là). Une course au profil quelque peu trivial : il faut monter dur pendant une heure et demie puis faire dix minutes de descente comme des tambours. A l'ascension, la musaraigne et le muscardin progressent telles des bêtes de Som, mais après la bascule, les féminines de la région se jettent dans la pente comme si c'était une compète de bobsleigh tandis que Musa descend à la vitesse d'un petit escargot suisse, fatigué par une orgie de salade. Une 13e place pour elle malgré tout... mais les doutes s'épaississent.
A la veille de la première étape du Grand Prix, la musaraigne se sent comme au pied d'une très très haute montagne...
Janvier, c'est l'enfer blanc. Il tombe des sacs de neige un peu partout. A 8 jours de l'évènement qu'attend tout un peuple de skieurs venus des 6 coins de l'hexagone, c'est sûr : la course ne peut pas être annulée. Même avec la canicule de l'été 2003 surgissant de nulle part, il restera de quoi skier de Méaudre jusqu'à Gève. La foulée blanche, c'est quatre jours de fête du mercredi au dimanche. Juché sur un gros rocher devant une foule immense qui se presse dans le stade de départ, un trappeur tire un coup de carabine dans les nuages qui résonne jusqu'à Bois Barbu. La foulée blanche, c'est une course mythique. On enneige le village pour l'occasion. On skie entre les maisons. On est applaudis, acclamés. On peut devenir une star. Oui, la foulée blanche c'est grandiose, un petit Valhalla pour les fondeurs. Le premier jour, une myriade d'enfants s'egaient dans les pentes en riant. Les conditions sont optimales : ciel bleu, soleil dardant, neige dense et rapide. Une grande édition en perspective. On a même prévu un drône pour immortaliser la course. Avec un peu de chance, on passera dans Stade2.
Dès le mercredi soir arrive le premier des 12 redoux de l'hiver. Température nocturne : + 5° , température diurne annoncée : +10°. Aucun regel prévu jusqu'au dimanche. Pire : les prévisions donnent : pluie pendant 4 jours. Patatra, tous les plans échaffaudés s'écroulent. Les accros du fartage sont en émoi. Le cerveau inventif d'Yves Cool Runner est lancé dans une course en avant et même son acolyte, le célèbre le_kéké, tourne à plein régime. On en vient même à solliciter les conseils des gars des Beauges, lesquels attendent l'avis des jurassiens pour prendre une décision.
Samedi, veille de la course tout le monde est sur place. C'est maintenant ciel bas, soleil en berne, neige poisseuse. On fait des essais sur Méaudre. La musaraigne s'est équipée de chaussures ultra-technique qui devraient lui donner confiance en descente. Après le premier virage, elle réalise que le loueur lui a fourni une paire pour le classique - qui ne tient pas du tout le pied donc. A la montée, c'est sans grande incidence. Et à la descente finalement, pas beaucoup non plus.
On est invités en fin de journée à boire un verre par Maï74 (éminente figure kikouresque et locale de l'étape). Dès les premières gorgées de vin chaud, elle nous demande si ça nous embête qu'une amie à elle nous rejoigne. Et voilà qu'arrive Emilie L, une légende vivante du trail. Laquelle nous demande à son tour si ça nous embête que Dawa Sherpa vienne picoler en notre compagnie. ça tombe bien, comme on voudrait renaître en champions de trail ou de ski de fond, on est ravis d'avoir un boudhiste à la table.
Les MG l'ignorent encore, mais une pluie de légendes va bientôt s'abattre sur eux : Dabudyk, Faivre-Picon, Verredo, Passeron, Perillat Boiteux, Mougel, Myranda, Le_kéké, Cool runner, Coraline Hughes, et on en passe...
Puis, c'est l'heure d'aller farter. Du côté du village olympique ça bosse dur... Y a beaucoup de stands attirants, notamment celui de la crème de marron en tube qui fait se lâcher les babines, mais hommage quand même aux jurassiens qui vont se racler-brosser 60 paires de ski pendant la nuit.
C'est confirmé, ça va turbiner au Jaune HF. Et comme dit le_kéké à Cool_Runner : "tu devrais structurer à la fourchette parce que ça va être du gros grain".
Le soir, à l'hôtel, on regarde par la fenêtre de l'hôtel l'orage mêler des litres d'eau à la belle neige collante qu'on a goûtée un peu plus tôt dans le bois de Narce en compagnie de quelques légions de raquettistes occupées à une pseudo-course d'orientation, fusillant ainsi les pistes en toute impunité tandis que les fondeurs sont massés à Autrans. Jolie leçon de géo-stratégie...
Au réveil, comme on le craignait, le ciel est sombre et humide. Ce qui n'entame pas le moral du cool_runner, fidèle à son pseudo. Il s'est levé bien tôt pour venir de Lyon chercher son dossard deux heures avant la course. Il est vrai qu'à son âge, on ne dort plus beaucoup la nuit. Nous subissons donc ses sarcasmes sur notre lever soi-disant tardif avec la compréhension qui convient.
Soucieux de ne pas perdre une seconde, chacun est venu dans sa ligne le plus tôt possible.
D'ailleurs, sans un malentendu facheux sur le lieu du rendez-vous au sortir des toilettes, nous aurions sûrement eu une marge très importante nous aussi entre notre entrée dans le sas et le moment du départ. Qu'importe, à deux minutes du coup de fusil, les MG sont en place, et les risques de divorce semblent à présent écartés.
Et voilà, le départ est donné. Bonne nouvelle, le fartage est réussi. : on se croirait en hydro-speed. Mauvaise nouvelle : on a l'impression d'être piégés au milieu d'un banc de harengs qui auraient bossé pendant longtemps à Paris.... ça hurle, ça double à l'emporte-pièce, des bâtons sont cassés, des injures fusent, coups d'épaules, coups de genoux, queues de poisson. Cool-runner et muscardin s'obligent à une escorte sans faille pour préserver les chances de MG 2, judicieusement positionnée entre eux. Le muscardin se charge même de prendre une congère pour rampe de missile afin de tacler un vieillard malpoli qui l'avait bousculé un peu plus tôt. Définitivement effrayé, celui-ci ne nous approchera plus. Par contre, les concurrents du 21 km, comme souvent donnent tout dans le premier quart d'heure et au sortir de la plaine, ils se mettent à bouchonner avant d'entamer la montée vers Gève. Aaaarggh, on est pris dans la nasse. C'est pire pour Verredo qui cherche despérément sa rondelle de bâton au milieu de la foule.
Le muscardin connaît son job... aujourd'hui il est le "body-guard".
Les MG sont en forme et parviennent malgré tout à s'extraire. Ils se fraient un chemin dans la côte. Une seule tactique : cadrage débordement. Un "pardon pardon" en guise de clignotant, et hop ça double. Et hop, ça double. Et hop, ça double encore. Tout ça sous une pluie battante. De ce fait, beaucoup ont rapidement les batteries déchargées. Cool_runner est victime de son bon coeur ; en l'occurence de son abus de chocolats pendant les dernières semaines à cause de visites régulières qu'il est (soi-disant) obligé de rendre à une tante diabétique qui lui abandonne systématiquement ses boîtes offertes pendant les fêtes. Non, Yves ne reviendra pas, et celà malgré nos multiples arrêts au stand, eux aussi un tantinet abusif au point de finir nous-mêmes avec un hoquet persistant. Le tryptique comté-pain d'épice- meringue citron sans doute....
En tous cas, les premiers lacets d'après Gève paraissent annoncer une course réussie. On laisse sur place quelques féminines étiquetées "première ligne", on essoufle quelques costauds qui tentent de nous suivre. On fausse compagnie à plusieurs gruppetos. Juste une chute ici ou là, nous oblige à le refaire deux fois avec les mêmes. Cette fois, on est lancé. Malgré la neige molle et lourde, la glisse de plus en plus douteuse et l'averse de plus en plus drue, on sent bien qu'on est en pleine accélération. C'est là, que la musaraigne choisit d'exprimer ses sensations du jour : "j'ai un coup de barre". Puis un peu plus tard : "Je me sens mal". Dix minutes plus tard, comme une voix d'outre-tombe : "j'ai une syncope". Et enfin : "il faut mieux que j'arrête, je vais abandonner". "MMMM", "MMM", répond le muscardin, avec une mine concentrée, dont bien malin saura ce qu'elle veut dire. Quelques menaces d'évanouissement sont encore proférées, mais finalement elles cessent progressivement à la faveur de quelques ravitaillements bien garnis.
La musaraigne prend même quelques relais.
En particulier, en voyant au loin le concurrent au dossard 344. Et pour cause, c'est UNE concurrente !
La fin de la course paraît longue, faite de remontées et de redescentes où les files de fondeurs s'entrecroisent en autant d'aller-retours. Et la neige s'apparente à du Mascobaldo. Dans les virages, tout est brassé, les skis viennent se piéger dans un magma tiède et gluant. Heureusement, c'est bientôt l'heure du retour vers Autrans. Après tant d'efforts, voir MG2 s'attarder en chasse-neige devient trop difficile pour MG1 qui plonge vers le village sans regarder derrière lui. On souffre dans cette dernière partie, car chaque bosse exige quasiment une sorte de course à pied et tout le monde veut néanmoins accélérer pour améliorer sa position. Une sorte de sprint vient conclure l'affaire et il n'y a finalement que 2 minutes d'écart entre Musa et Musca.
Le Muscardin se situe dans le ventre mou du classement, approximativement 290e sur 600. Tandis que la musaraigne est environ 20e, mais la plupart de ses rivales du Grand Prix ont prix leur joker sur cette course. La plus redoutable d'entre elles - Elisabeth Coupat - est venue mais ayant manqué la bifurcation entre le 21 km et le 42 km, elle n'a pas marqué de point. Ces concours de circonstances donnent le droit à MG2 de partir à la Transjurassienne prochaine sur la ligne "élite" entourée d'habituées de la coupe du monde et des joutes olympiques. Une belle expérience en perspective.
Quant au maître farteur de Kikourou, il arrive un peu plus tard, de son petit pas de sénateur. On ne sait pas encore s'il est étonné de sa prestation ou de la nôtre. Mais ce qui est sûr c'est qu'il mijote un truc.
Et le_kéké ? Le kéké qui a choisi de farter ses Peltonen avec de la couenne de jambon car, on cite "c'est gras, c'est bien pour la neige à gros grains et c'est plus écolo", et bien il n'en est encore qu'à l'une de ses premières décisions douteuses de l'hiver !
En tous cas, la foulée blanche comme une orange. On en verra bientôt les épluchures...
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7 commentaires
Commentaire de cloclo posté le 25-04-2012 à 22:59:37
J'ai pas compris si vous avez structuré à la fourchette le dessus ou le dessous des skis ->->->
La suite, la suite, vite .......
Commentaire de l ignoble posté le 26-04-2012 à 09:31:13
mais les mg!!!!,le dauphiné c'est d'anthologie pour le ski de fond!!! moi aussi j'en fais,par contre le bouck niet!!! il est meilleur en bouffage de macarons....vous serez jamais dans stade 2,muscardin,mais vous serez tjs les hotes privilégiés du dauphiné...e basta!!!
Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 29-04-2012 à 12:55:56
Je suis fort en orgies de salades aussi...
Commentaire de Jean-Phi posté le 26-04-2012 à 17:12:44
Que fera le kéké, que mijote le maître du fart, les MG's tireront-ils leur épingle du jeu à la transju ? Le vieillard bousculé reviendra-t'il à l'assaut ?
Argghh, c'est plus énorme encore que Santa Barbara (ou Dynastie, je sais plus) ! la suite, la suite !!!!
Ah ces fabuleux CR des MG's !!!!
jeanphi_fan_absolu !
Commentaire de les machine-gônes posté le 26-04-2012 à 20:16:37
Merci petit filou, ça nous touche beaucoup. Mais attention quand même à ne pas prendre nos récits pour des lanternes...
Commentaire de marcus 39 posté le 27-04-2012 à 18:53:38
Super CR (encore une fois)...en attendant la suite...
Hasta la victoria. siempre
Commentaire de yves_cool_runner posté le 13-10-2012 à 11:28:05
Scrogneugneu de scrogneugneu. Me vengerai à la Transju. Les dieux du Valhalla déchaîneront l'enfer glacé sur les rongeurs impudents ! M'enfin, je vous l'dis, sont bons ces deux-là, enfin seront bons le jour où ils traîneront plus sous la couette...
Verront ce qui verront à la Transju...
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