Récit de la course : Midnight Sun Marathon 2010, par Epytafe

L'auteur : Epytafe

La course : Midnight Sun Marathon

Date : 19/6/2010

Lieu : Tromso (Norvège)

Affichage : 1070 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

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Encore raté.....

Midnight Sun Marathon

 

C’est pourtant simple de s’inscrire à un marathon… Il suffit de remplir le formulaire sur le site adéquat, de balancer son numéro de carte et de se faire retirer quelques Euros sur son compte. Parfois, quelques pays aux mœurs étranges réclament un certificat médical, mais laissons ceci dans le tiroir des marathons exotiques. Cette année, on a donc opté pour un vieux rêve, le Midnight Sun Marathon à Tromso en Norvège. Le principe est simple, le départ est donné à 20h30, ce qui permet à tout bon poireau qui se respecte d’être encore en course à minuit et donc de courir à la lumière du soleil du même nom. Parce que c’est la spécialité de Tromso, chaque année, dès fin mai et jusqu’à fin juillet, là-bas, ils oublient d’éteindre la lumière.

 

Le problème réside justement dans cette spécificité locale. En effet, ne laisse pas la lumière allumé qui veut. N’importe quel maire de province ne peut prendre cette décision si facilement. Même Delanoë, tout comme Dassault, n’y arrivent pas, c’est dire. Bref, il faut donc être placé en dessus du cercle polaire arctique pour bénéficier de ce privilège, et si ça ne change rien à la distance de la course, ça complique quelque peu la marche d’approche. Mais il faut encore que je précise un détail par pure honnêteté, ce n’est pas uniquement l’emplacement du marathon qui pose problème, le désorganisateur du voyage aussi un peu parfois…

 

Comme accéder à Tromso est relativement compliqué, on a donc décider d’ajouter au marathon une quinzaine de jours de vacances histoire de se faire une récup’ culturello-touristique. Donc, je rejoins cette charmante bourgade en voiture, un petit parcours de 3600 kilomètres dont 800 d’autoroute. Passons sur la traversée de l’Allemagne et sur ses fameuses autoroutes qui ramènent la Formule 1 au niveau d’une sortie dominicale et me voici donc en Suède, tout tout en bas de la Suède, le regard, sauf un œil qui lorgne sur les magnifiques spécimens indigènes, le regard donc, tourné vers le grand Nord, celui que même Dunkerque, pourtant gratiné question sauvagerie, est plus au Sud.

 

Le programme n’est pas des plus compliqués, 14 heures de route, montage de tente, dodo, 14 heures de route, montage de tente, dodo… Non, justement. C’est lors de cette deuxième nuit que je découvre ce que j’étais venu chercher, ce fameux soleil de minuit :

 

C’est un truc vraiment bizarre ce soleil. À midi, il brille plein Sud, bas sur l’horizon, peut-être 25-30 degrés d’élévation. Puis, il te tourne tout autour pour briller plein Nord à minuit, au ras des pâquerettes. Cette lumière est obsédante, elle te cisaille le crâne, t’insomnise, te perturbe le sensoriel, t’énerve quoi. Les promoteurs locaux omettent l’essentiel quand ils parlent de soleil de minuit. Ce n’est pas de soleil de minuit dont il faut parler, mais de lumière du Nord, de photons arctiques, de light show septentrional.  Cette lumière toujours rasante est autant magnifique que perturbante, une espèce d’impression un peu glacée de bout du monde, d’autant plus que la lumière est très très intense et qu’il fait froid. Tu réalises pas très bien lors des journées qu’il y a toute cette lumière, les couleurs pastelles des constructions et la lumière rasante changent ton référentiel mais quand tu veux prendre une photo matinale, tout les voyants de ton appareil numérique dernier cri sont sur rouge, trop de lumière.

 

Cette lumière du Nord doit changer quelques trucs au métabolisme des autochtones, à leurs horloges biologiques. Lorsque j’irai me doucher après mon échec retentissant (zut, j’ai dévoilé la fin de l’histoire) dans l’école mise à disposition pour les coureurs, j’entendrai une classe d’enfants en train de chanter en tapant des mains, à 23h00 passé un samedi soir. La suite des vacances nous montrera d’ailleurs des matches de foot et des courses de vélos régulièrement pratiquées aux alentours de minuit par des préados. Bref, à se demander si les Nordistes du Nord de Dunkerque sont équipés d’horloges biologiques différentes. Bien que le peu de bistrots existants dans le grand Nord sauvage me permet d’arriver rapidement au constat d’une différence fondamentale… Mais comment se manifeste-elle ? Un sujet à creuser.

 

Cette deuxième nuit donc, un besoin naturel me pousse à sortir de mon sac de couchage, il est 2h33 du matin et le soleil brille, impitoyable, puissant et glacial. Mon du à la nature rempli, je retourne me coucher, mais l’intérieur de ma tente brille, comme illuminé. Je peux y lire sans éclairage aucun. Après quelques appels téléphoniques infructueux à Morphée, je plie la tente et repart. Jean Rosset m’accompagnera toute la journée, il ne me quittera qu’aux portes de Tromso, cédant la place à une pluie glaciale et ininterrompue.

 

C’est là que les ennuis commencent. Naïvement, je pensais que peu de monde camperait à Tromso, qu’il faut être un doux dingue pour avoir ce genre d’idée au-delà du cercle polaire et je pensais même pouvoir obtenir une cabane. La blonde indigène qui tient la réception rigole doucement lorsque je lui réclame la cabane espérée, tout est réservé depuis plusieurs mois. Il faut dire que la pluie glaciale et le sol boueux ne sont pas une invitation des plus chaleureuses à planter la tente, mais même ma tente ne l’inspire pas. Finalement, un accord se dessine et un morceau de glaise proche de la rivière m’est décerné. Bon, on campera ! Vient ensuite le délicat moment du règlement. Etant parvenu à Tromso via la Suède et la Finlande, je suis totalement dépourvu de couronnes norvégiennes. J’explique à la Dame mon incapacité momentanée de paiement en pariant sur mon visage souriant qui inspira une si totale confiance et un absolu abandon à tant d’heureuses étudiantes et elle recommence à rigoler. Et c’est là qu’elle m’annonce la deuxième bonne nouvelle du jour, les banques sont en grève en Norvège… Il m’est donc impossible de changer de l’argent, et comme ce sont les banquiers qui remplissent les distributeurs, je ne pourrai donc pas retirer de l’argent non plus…. Ça c’est drôle… !

 

D’ailleurs, en parlant de pognon, c’est le moment de placer un petit aparté financier pour les éventuels kikoureurs qui désireraient suivre nos traces. Je commence par préciser que je ne veux pas particulièrement critiquer la politique norvégienne en matière de racket, mais juste prévenir les marathoniens intéressés par cette course, pour que vous puissiez prévoir un budget conséquent. La Norvège, ce n’est pas exactement bon marché, c’est même extrêmement cher, une pure horreur. Le moindre café pisseux tiré au distributeur d’une station service coute presque 3€, une bière dans une cantine, 8€, je vous laisse imaginer la même bière dans un bar branché… Bref, le Norvégien moyen t’arrache un bras à chaque occasion, parfois ça dépasse largement les limites de l’arnaque, le passage au Cap Nord tout proche est assez marrant. 192 couronnes (1€ = 8 NOK) de péages pour accéder à l’île, pour 2 personnes. Ensuite on te laisse tranquille 20 bornes, puis tu comprends pas bien pourquoi les 15 derniers kils de route sont bordés de profonds fossés, jusqu’à que tu arrives au deuxième péage où on te demande 430 couronnes pour aller te parquer et voir le soleil depuis la falaise. Ce n’est que quand, après avoir refusé le racket, énervé, tu reviens que tu comprends que le fossé t’empêche totalement de t’arrêter. Le lendemain, on te re-rackets 192 couronnes pour pouvoir quitter l’île…  Pour finir, le seul bar qu’on ait trouvé sur cette île est un bar tout en glace dans un congélateur géant et l’entrée est payante, 125 Nok…

 

Après cette financière digression, revenons à la course. Donc, retrait des dossards normal, dans un bâtiment du centre de la ville, un stand vend quelques T-shirts. Le magasin de sport en face, seul de la ville est plein à craquer. Il pleut, toute la journée, comme celle d’avant et comme celle d’après. La température doit avoisiner les 4°, la neige est à 100 mètres au dessus de la ville et la pluie est glaciale, elle te transperce, te gèle sur place. Très peu d’indication de la part de l’organisation. Inscrits en mars, nous n’avons reçu qu’un mail de confirmation en mars et un autre pour nous rappeler la course une semaine avant le départ. 5 lignes maximum. Le dossard nous est donné sans vérification aucune de nos identités et certains coureurs doivent avoir fêté leur 15 ans il y a peu. Et bien entendu, le certificat médical est une notion plutôt abstraite ici. Bref, une organisation basée sur une responsabilité personnelle et non infantilisante. Voilà qui me plait bien.

 

Vient enfin le moment de la course, à 20h15, personne encore devant l’arche du départ, à 20h25 ça commence à se remplir. Il ne pleut plus, un coin de ciel bleu apparaît même. Espoir ? Une caméra s’avance vers nous, la présentatrice demande : « Where do you come from ? » On répond : « Switzerland » elle repart… Pas assez exotique ? Un speaker hurle quelques trucs en Vikings, puis balance un ou deux mystérieux Forza Italia salués par quelques concernés. Un coup de feu, on part.

 

Le 12 mai 2010, je bouclais dans la douleur mon premier 100 bornes à Steenwerck-morne-plaine. Depuis, une douleur lancinante dans la cheville droite me saisit dès que je dépasse les 6 kilomètres de sortie. Une sortie de 22 kilomètres début juin me laissait pourtant relativement optimiste sur mes possibilités de boucler ce marathon, avec un chrono à faire se tordre de rire l’élite des kikoureurs certes, mais en tant que bon poireau ce n’est pas une réelle préoccupation… Bref, ce n’est pas dans les meilleures conditions que je prends le départ de ce marathon, mais vu qu’il y a peu de chances que je me rende à Tromso chaque année pour la mi-juin, je ne m’imaginais pas ne pas prendre le départ. Ma compagne, plus intelligente, a changé son dossard marathon contre un dossard semi, j’aurais du faire pareil….

 

La course s’élance sous les applaudissements des spectateurs. Ils sont rares, même un tromsien de naissance se méfie de ce temps pourri… Puis j’ai droit à mes acclamations personnalisées, Emmanuel, Marie et Alex, citoyens parisiens et roumains exilés en Noirvègie et venus à Tromso à la recherche d’un soleil de minuit qui se cachera derrière de gris nuages m’encouragent bruyamment. On a beau avoir fait connaissance hier, ça fait chaud au cœur dans cette ville inconnue, sauvage, cruelle et mystérieuse. Le parcours fait une boucle sur l’île où est située le centre ville, Tromso telle une blonde naïade sur une plage de galets bretons est étalé sur un chapelet d’îles, puis emprunte le pont, la seule réelle courbe de D+ de la course, qui va nous amener à la stupéfiante altitude de 45 mètres. Passer ce pont en courant, sans voiture est excitant, au milieu de ce paysage tellement lunaire que je n’en finis pas de chercher des mots pour le décrire. Dans mon Ipod, Amanda Palmer exulte son ´´I’m so excited´´, je suis bien, en phase avec les sentiments de la chanteuse des Dresden Dolls, même si mon excitation ne provient pas de la même source…

 

Après le pont, on tourne à droite pour un long aller retour, le premier du parcours qui nous ramènera au pont pour passer le semi, mais j’anticipe la moindre. La fonction shuffle de mon lecteur mp3 à la pomme me balance le jazz électronique de John Hassell, c’est parfait, totalement en phase avec ce gris dans lequel je cours, gris comme la mer, gris comme le ciel qui s’est remis à cracher sa pluie polaire, gris comme l’air que je respire, comme l’atmosphère, comme la vie. Ce gris m’entoure totalement, me semble éternel, dur de se rappeler ce que soleil signifie. La route surplombe la mer d’une quinzaine de mètres, elle est là, sur ma droite. Sur ma gauche, des nuages. Au bord de la route, quelques rares spectateurs hurlent à pleins poumons, un jeune type a posé sa voiture sur le bord de la route, a ouvert le coffre duquel sort deux énormes baffles qui crachent du death metal, je le remercie d’un sourire. J’aime que les habitants d’un pays visités correspondent aux clichés. J’arrive au virage qui fait également office de ravito. Il propose de l’eau, de l’eau et de l’eau. Je repars, en face de moi, arrivent les plus poireaux que moi. Une Dame attire mon attention, elle est âgée et court accompagnée de son mari ( ?), ventripotent barbu qui l’accompagne sur son vélo. La Dame porte une casquette décorée d’une croix suisse et le Monsieur arbore quelques boucles d’oreilles. Je soupçonne des Appenzellois, le port de la boucle d’oreilles est traditionnel là-bas où il est de bon ton d’orner son lobe d’une louche, qui symbolise la production laitière.

 

Peu après, le jazz d’Eric Truffaz est déchiré par le hurlement d’une ambulance. Je me pousse, elle me dépasse et je vois le petit vieux sur son vélo qui tente de la suivre, affolé. Je suis triste, j’imagine une fin de course, voire de vacances, difficile pour ce petit couple. Je leur vote quelques pensées positives et continue ma route, désolé de ne pas pouvoir le miracle. 15ème kilomètre, je suis toujours sur une moyenne de 10km/h mais ma jambe droite commence à me faire mal. 17ème kilomètre, la douleur devient difficilement supportable, je lâche les gaz, ralentit mais mon cœur accélère dangereusement. Je me couvre de sueur en quelques instants, la douleur me donne des vertiges. J’espère encore que ça passera, mais les 4 kilomètres qui m’amèneront au semi seront un vrai calvaire, la douleur devient insupportable et je passe le semi en 2h20, ma moyenne chute brutalement et ma FC flirte avec le rouge vif. La montée du pont est un soulagement mais la descente est horrible. Au fond de moi, la décision est prise de ne pas terminer cette course et je suis triste, je ne reprendrai probablement jamais le départ du MSM et c’est donc ma seule occasion de boucler cette course. Mais la douleur est trop intense de plus. Je ne veux pas me bousiller définitivement, la CCC me tend les bras et j’espère encore pouvoir être réparé à temps.

 

Je me dirige vers l’arche d’arrivée où une bénévole est plutôt surprise de voir arriver le 3ème en boitant. Je n’ai vu aucun contrôle sur le premier semi, la course scandinave se joue apparemment à la confiance, décidément, cette région me plait, on est entre adultes, pas besoins de supervisions débilitantes et infantilisantes. L’idée que je puisse prétendre à un podium me fait sourire une seconde….

 

 

 

8 commentaires

Commentaire de Jay posté le 01-07-2010 à 11:46:00

merci pour ce récit Nordiste , un peu de fraicheur constrastant avec le 32°c de Montelimar d'aujourd'hui .
Bonne récupération, soigne bien tout ça pour etre sur pattes en aout prochain,
Jay

Commentaire de CROCS-MAN posté le 01-07-2010 à 14:09:00

Autant le nom de la course fait rêver, autant lire ton récit nous calme finalement.
Merci et soignes toi bien .

Commentaire de mara posté le 01-07-2010 à 19:06:00

Tromso... Que de souvenirs ! j'aimerai bien y retourner pour le marathon un de ces jours, la région est trop belle !!!
Bonne recup' et soigne toi bien !!

Commentaire de l'ourson posté le 02-07-2010 à 01:47:00

Nok..?!! moi je croyais que c'était un crème pour les pieds... ;-)

L'Ourson_bonne_prépa_CCC_:-)

Commentaire de llouan posté le 02-07-2010 à 13:39:00

J'espere que tu as passer de bonne vacance, peut etre que que tu aurais du faire le semi avec ta copine , je suis mal placé pour dire ca .

Soigne bien ta cheville pour la ccc .
Bravo pour ton recit.



Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 03-07-2010 à 11:09:00

Une petite photo du soleil de minuit ?

Merci pour ce voyage dépaysant (j'ai pas dit des paysans ) et soigne-toi bien pour être frais pour la CCC !

Commentaire de Land Kikour posté le 03-07-2010 à 21:48:00

Elo Epy...
Bah alors c'est quoi cette histoire de cheville n'oublie pas ton rdv fin aout... moi j'oublie pas,
Bonne récup.

Commentaire de chris78 posté le 16-07-2010 à 16:26:00

Quel globetrotter !!! Superbe voyage, merci, ton recit est vraiment sympa. On s'en fou du marathon il est en tache de fond. En revanche c'est mal parti pour ta CCC. En espérant que ta cheville se retablisse au plus vite !!!
Mais sincerement, a lire ce periple, ca me donne pas envie d'y aller !!! :-)))
Bises
Christine

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