Bonjour à tous,
Je me lance dans ce sujet (très) glamour, même si je ne suis pas fan du déballage du privé et encore moins de me faire plaindre (j'ai bien conscience que c'est inévitable).
Ma femme me dit que, peut-être, je trouverai un interlocuteur qui a subi la même chose que moi et que, s'en étant sorti, je pourrais avoir un retour d'expérience qui me remonterait le moral.
J'avais déjà publié à ce propos dans le fil sur l'UTMB d'août dernier:
viewtopic.php?f=19&t=42130&start=2680J'ai reçu de nombreux messages d'encouragement et vous souhaitiez avoir des nouvelles.
Argument supplémentaire pour ouvrir ce fil.
J'aurais pu mettre ça dans les récits, mais pour les réponses, ce n'est pas hyper pratique...
Résumé rapide pour commencer:
Juillet dernier: Ronda dels cims.
Pendant la course l'an dernier, je m'étais dit qu'il fallait que je finisse pour ne plus jamais revenir vue la difficulté du parcours.
Malheureusement nous avions été interrompus (aux 2/3 pour moi) par un méga orage de grêle.
Obligé de récidiver donc. Il faut dire que c'est dur, certes (mais en même temps, j'adore le technique et je n'aime pas du tout le roulant). Surtout, c'est le genre d'organisation de course que j'apprécie le plus: peu de coureurs, pas d'excès dans le business plan. Je reviens donc avec plaisir et une grosse envie d'en découdre avec ce parcours.
Comme l'année précédente, la première journée est particulièrement éprouvante avec une migraine qui s'invite et qui ne veut rien savoir. Comme ça me fait ça à chaque course, je ne m'inquiète pas trop, prenant mon mal en patience; la nuit améliore toujours la chose, mais je constate malgré tout que je suis à la ramasse par rapport à 2018. Chaque ravito arrive de plus en plus tard par rapport à l'année précédente.
Je suis toutefois (un peu) en avance sur les barrières horaires. Je serre les dents et continue jusqu'à arriver enfin au Comapedrosa: cette année, j'ai déjà sorti la frontale et j'ai (enfin) le droit à mon petit air de cornemuse (ce qui n'était pas le cas l'an passé).
Je suis à ramasser à la petite cuillère, mais le mental est là. Je ne lâche rien et finalement, ça ne fera que s'améliorer jusqu'à la fin. Même la maxi descente sur la première base de vie passe nickel... La remontée derrière un peu moins, mais je commence à retrouver des compagnons d'infortune de 2018 qui eux aussi veulent reléguer l'orage de l'an passé au stade d'anecdote!!
Dimanche, milieu d'aprèm, ça y est, c'est bouclé!
Des paysages plein les yeux, une pierre dans le sac pour offrir à l'organisation et un sentiment proche de celui que j'avais ressenti sur mon premier Tor (4K): IN-DES-TRUC-TI-BLE.
C'est dit, l'an prochain, il me faut un binôme pour faire Euforia!
Place à la récup(?!); je suis jardinier et, en moyenne, je marche une vingtaine de km par jour...
+ grosse fiesta avec une cinquantaine de personnes à la maison pendant une semaine pour mes quarante ans. Amis, famille, vieux (89 ans pour ma grand-mère) et jeunes (6 mois pour le fils d'un copain): pari risqué, mais réussi. Tout le monde est ravi et nous remercie chaudement. Cool.
15 jours avant, arrêt total de l'alcool et reprise d'un décrassage (très) léger car le GRP 220 arrive dans une dizaine de jours.
Je ne me sens pas du tout prêt, mais super confiant. Je suis en terrain connu. En plus, j'ai la TDS moins de trois jours plus tard. Le mot d'ordre est à la tranquillité: plaisir, pépère et tant mieux si je vais au bout.
Je sais que les BH sont relous jusqu'à la première BV, je passe pourtant une bonne partie de cette première section dernier au classement. Aucune envie de forcer (je crois, que de toute façon, je n'aurais pas pu).
La dernière montée avant Cauterets est éprouvante. Je discute pas mal et pourtant je m'endors quand même en marchant. Je fais la descente au frein à main (putain d'Olympus qui me flinguent les orteils).
Et à Cauterets, je répète à qui veut l'entendre qu'à partir de maintenant les BH sont beaucoup plus larges.
Je prends donc (grave) mon temps pour manger, me changer. Refaire le sac bien comme il faut (même si j'oublie de recharger en flotte) et nous repartons en petit groupe de quatre (dont je suis bien dégoûté d'avoir oublié les prénoms) en compagnie des serres-files. Avec nous, un coureur asiatique galère terriblement ce qui fait que même en mode randonneurs du dimanche nous prenons rapidement de l'avance sur eux; ça papote, ça plaisante: un vrai bon moment, oubliant totalement qu'il s'agit bel et bien d'une compétition.
Arrivé au pont d'Espagne, je me dis que quand même, il va faloir se ressaisir si je ne veux pas me faire éjecter, je pars donc devant avec un autre coureur qui a l'air bien décidé à ne plus jardiner.
Malheureusement, il s'avèrera être une véritable pipelette racontant à chacun des touristes rencontrés notre énorme talent de parcourir ces 220km en trois jours sans dormir.
Comme souvent ça me saoule vite, mais je n'ose pas lui fausser compagnie.
Plusieurs fois, je lui rappelle poliment qu'il reste un bon bout de chemin à parcourir et que je trouve qu'il a déjà survendue la peau de l'ours des Pyrénées avant même de l'avoir aperçu.
Sur le replat après le lac (de Gaube?), je commence à me rendre à l'évidence, jamais je n'arriverai au prochain ravito (et BH au pied du Vignemale) à temps. Je pars donc en trottinant (ce que je ne fais jamais sur une course) pour finir en véritable sprint (à 6km/h) pour négocier un retard de 5mn.
Les bénévoles semblent s'en moquer totalement. Les (nouveaux) serres-files veulent bien que je reparte avec eux. Seul un autre coureur me demande de l'attendre le temps qu'il passe aux toilettes. Je n'aime pas ça, mais je ronge mon frein en me disant qu'à deux on avancera mieux.
Malheureusement, je tombe encore sur un gars qui lambine (plus lent que moi, faut en vouloir!) je me cale donc avec les serres-files laissant le bonhomme à son rythme tout pourri devisant sur la différence entre isard et chamois. On arrive sur le cirque Gavarnie; vous devinez aisément la réponse: ben l'isard, c'est quand même vachement plus beau!!
Je donne tout ce que je peux dans la descente; me vautrant même dans un pierrier (me valant un: qu'est-ce qu'il fout ce con? de la part des guides qui me suivent de près).
C'est interminable et il y a du plat: là, même en mode JALBHAQ, je refuse de courir et l'inéluctable se rapproche, j'arrive au ravito de Gavarnie 30mn après la limite.
Les bénévoles me proposent de repartir tout de suite si je le souhaite. Mais les serres-files sont déjà devant moi et il n'y a plus de balise: j'en suis à plus de 140km et autour de 7500 D+. Je me dis que c'est pas mal pour une prépa à la TDS, je m'arrête donc là sans le moindre regret.
Deuxième “abandon” de ma courte carrière de trailer (la précédente étant également sur le GRP en 2013 pour ma première tentative sur un 100 miles).
Je suis également content d'avoir une journée de récupération en plus avant de faire la route pour les Alpes. Il fait un temps magnifique: une cool journée en famille s'annonce!
Retour à la maison: aucune envie de refaire les valises, le sac. Mais il faut bien.
Je m'étais dit qu'abandonner la TDS après avoir fait le GRP ne serait pas un bien gros échec. Mais je n'avais pas envisagé la situation sous cet angle nouveau.
Physiquement tout va bien à part, peut-être un peu de fatigue (compréhensible). Avec le recul, je vois bien que côté motivation, il y avait quelque chose d'inhabituel.
Le trajet (de 10h quand même) vers Chamonix se déroule bien.
Première fois que je prends un Kikou en covoiturage. Mais plus on approche des Alpes (et du départ) et plus je me demande ce que je viens foutre sur cette course qui ne m'attire absolument pas:trop de monde, trop de pognon, et une évidence qui se fait finalement de plus en plus présente: si je ne cours pas sur la TDS, jamais je ne pourrai aller au bout.
Ma seule satisfaction aura été de partager la soirée avec Ewi, Truklimb et Ilgigrad.
Pour mettre un minimum de chance de mon côté, je décide de ne pas prendre les habituels 2,4kg de flotte (après tout, j'ai bien tenu en Andorre avec 1,2l alors que c'était la canicule): le départ est tôt, beaucoup trop tôt. La file indienne lente, peu agréable: ça râle, ça s'engueule. Je me mets en mode CR7 sur un coup franc. Je ne suis pas là pour les bobos qui m'entourent, mais pour la montagne. Pas évident toutefois de se couper totalement de l'environnement de trailers suréquipés.
Première BH 10mn de marge. Ouh yeah, ça commence bien: je recharge en eau et je trace.
Il fait frais, c'est beau (plus que ce dont je me souvenais de ce côté du MB); j'arrive de trois jours à 2000m d'altitude donc normalement la migraine devrait m'épargner: que nenni.
Du coup, aucune envie de risquer la glissade dans les lacets en doublant l'interminable file indienne. Je me cale donc dans le troupeau et je suis mollement. En me disant qu'ils ne pourront pas dégager tant de monde si tôt dans la course.
Habituellement, avec les km, je grapille de la marge sur les barrières. Là, c'est l'inverse et la marge est particulièrement réduite. Au poins que je dois trottiner en arrivant à Bourg Saint-Maurice où je décide de repartir le plus promptement possible pour gratter quelques minutes.
Raté!! Contrôle du matériel obligatoire en sortie de ravito.
Évidemment: la bénévole veut voir ma seconde couche qui se trouve tout au fond du sac.
Je le retourne et vide littéralement tout le contenu sur la table en lui disant qu'elle en fasse ce qu'elle veut.
Pendant ce temps, je vais remplir les poches de mon short de tout ce que je trouve à manger.
Quelques mètres plus tard, dans la rue piétonne, je m'arrête sur un banc (que c'est bon de s'assoir ne serait-ce que quelques minutes) pour changer de chausssettes + Nok.
Je sais bien que niveau timing, c'est rik-rak, mais là, pas le choix, sinon ça sent l'ampoule!!
Premier lacet à peine terminé que j'ai le droit à:“ Monsieur, nous sommes les serres-files. Si vous voulez repartir, c'est maintenant.”
Je négocie mon deuxième lacet et je trace. Contrairement à la majorité, lia montée se déroule plutôt bien. Mais il me faut une fois encore tenter le sprint de l'extrême pour arriver 5mn en retard sur la prochaine BH.
Je me dit que c'est plié, mais, même sur l'UTMB, les bénévoles sont sympas. Je peux continuer.
Montée au Passeur plutôt agréable même si je commence à cogiter. J'évite absolument tout contact avec les rares concurrents que je double. Je n'en ai pas le courage et sent bien qu'il faut rejeter toute forme de signal négatif. Arrivé en vue du col, un bénévole m'indique que je vais être arrêté au prochain ravitaillement (je m'en doutais), mais je suis vert car ce début de descente dans les cailloux commence à me plaire (même si je manque de m'éclater franchement) à deux reprises.
Je ne me souviens plus du nom du ravitaillement; j'y arrive toutefois avec 15mn de retarde et là, pas de négociation possible. Je retrouve Ilgigrad et, comme une grosse averse s'abat sur la tente, on se dit qu'on est aussi bien ici qu'à se cailler dans la montée qui aurait dû suivre.
Je n'ai plus le profil en tête, mais j'ai dû faire à peine 60 bornes pour moins de 5000 D+: la loose.
Ce deuxième abandon m'affecte bien plus que celui des Pyrénées: impression d'échec, de gâchis, de temps que j'aurais pu passer avec les enfants avant la rentrée, d'argent...
Bref le moral est affecté pour de bon.
Une grosse interrogation: comment faire pour ne plus être si lent?
Et une certitude: maintenant, je choisis mes courses (exit l'UTMB?!)
Heureusement, quelques jours plus tard mon pote Bruno, me rappelle qu'il est toujours partant pour la PTL 2020 (je ne sais pas me servir d'une boussole, je n'ai pas de GPS et je n'ai aucune idée de ce qu'est une via ferratta; mais il est rassurant: si on est sélectionné, ça devrait être jouable).
J'aurais préféré Euforia, mais juillet pour lui, c'est rédhibitoire.
Pourtant, le moral peine à remonter. Je suis à plat. J'ai mal à la tête (ce qui n'est pas habituel).
Je ne m'inquiète pas outre mesure mettant cela sur le compte du contre-coup.
Ma femme en revanche, commence à en avoir ras-le-bol: j'oublie tout (jusqu'à mon fils à son entraînement de hand); elle arrive et la maison n'est pas fermée à clé...
RDV chez l'ostéo qui habituellement fait des miracles. Elle me trouve tellement HS qu'elle m'impose un séance d'acupuncture ce que je n'avais fait et que je n'aime pas du tout: elle me promet une bonne sieste (effectivement) et un regain d'énergie dès le lendemain: (bof, bof).
Le vendredi 27 septembre, je me réveille avec une migraine insupportable; je prends donc RDV chez notre médecin... Premier créneau une semaine plus tard. Là je commence à me dire que ça va être tendu la semaine de tondeuse dans ces conditions. Et je commence à avoir la nausée. Comme nous ne bossons ni l'un ni l'autre ce matin. Nous comptons profiter de ce créneau sans enfant: resto, repos, etc.
Au resto, je sens que ça va moyennement le faire, mais je serre les dents. À peine le plat servi que je vomis copieusement. Là, ma femme m'indique sans concession la direction des urgences.
Elle bosse l'après-midi; je pars donc en voiture pour 25km d'anthologie: j'ai cru m'endormir une dizaine de fois: fenêtre ouvertes, musique à fond: rien n'y fait.
J'arrive malgré tout à bon port sans n'avoir blessé personne.
Grand classique aux urgences: six heures d'attente (je finis par m'endormir sur un banc): prise de sang: RAS, scanner pour vérifier même s'ils ne sont pas convaincus. Ils trouvent une masse à l'avant du crâne. IRM pour vérifier: direction le CHU de Bordeaux en pompier.
Je suis opéré la semaine suivante pour retirer la plus grosse de trois tumeurs.
L'opération s'est déroulée comme le chirurgien le souhaitait. Attente des résultats de la biopsie (réalisée à Lyon) pendant deux semaines: la sentence tombe: glioblastome, c'est malin.
Radiothérapie + chimio pendant six semaines (je commence aujourd'hui).
+ six mois de chimio (une semaine par mois à la maison).
Rien ne m'est contre-indiqué sauf la conduite (ils craignent des malaises et / ou crise d'épilepsie) donc pas de boulot.
J'ai envie d'aller courir, mais ne trouve pas la motivation (en plus: quelle météo de merde).
Bref, une bien belle saloperie. Et le moral fluctue. Globalement ça va, mais il y a aussi du très bas et les séances de psy n'aident pas beaucoup pour le moment.
Bon la PTL, pour 2020, c'est mort; je ne vois pas comment je pourrais avoir un certificat médical d'ici les inscriptions en janvier.
Vivement 2021.
Une chose me turlupine, Jack. Pourquoi ne pas avoir donné la serviette alors que tu avais déjà les plans ? - Parce que jamais je ne céderai devant la barbarie. - Ah ouais, exactement comme moi.