par Khanardô » 28 Juin 2007, 14:13
Keekoo
L’édito en question est très maladroit, j’en conviens, ne serait-ce que parce qu’il place le journal en porte à faux par rapport à ses lecteurs, et laisse croire qu’il y aurait deux catégories de traileurs : les bons, entrainés et performants, et les rigolos, pas entrainés, qui ne viennent que pour le tee-shirt. On se méfie toujours, et avec raison, de tout ce qui peut induire un clivage, une hiérarchie.
J’enfonce des portes ouvertes en rappelant qu’il y a et il y aura toujours des gens qui pensent être détenteurs d’une vérité universelle, qu’ils voudraient voir appliquer au plus grand nombre. Des gens qui s’autoproclament gardiens de dogmes quelconques. Au bout du bout de ce comportement on trouve les talibans, par exemple. C’est un exemple !
Ainsi, selon la casquette que je porte, ayant la chance de pratiquer plusieurs activités différentes en montagne en particulier, et dans la nature en général, je rencontre :
- Les grimpeurs qui considèrent les alpinistes comme des bœufs (j’exagère)
- Les alpinistes qui prennent les randonneurs pour des sous-hommes (j’exagère encore, bien sûr) et les mettent dans le même seau que les traileurs « qui vont juste un peu plus vite, non ? »
- Les randonneurs qui jugent que les vététistes esquintent leurs sentiers (idem)
- Les vététistes qui ne voient rien d’intéressant dans l’activité des photographes (ibidem)
- Les photographes qui ne voient pas l’intérêt de parcourir les sentiers le plus vite possible comme le font les traileurs
…
Etc etc etc…
Et, en descendant d’un niveau encore, dans chaque activité, on arrive donc sur les clivages :
- Untel a fait les Drus deux fois plus vite que Machin, qui est donc une brelle
- Untel passe du 7a+ alors que Machin ne passe que du 6b, c’est donc une brelle
- Untel fait des trails en courant, Machin en marchant, c’est limpide, Machin est une brelle !
Tout cela est très agaçant, mais reste finalement assez humain, et renvoie à la vieille question : pourquoi faisons nous cela ? Il est clair que beaucoup, s’ils étaient lucides et clairvoyants répondraient : pour mettre l’Everest, ou le GR20, ou l’UTMB, ou une publication de photo sur ma carte de visite !
Beaucoup se servent de leurs perfs comme d’un petit piédestal à leur ego, c’est agaçant, mais l’être humain est fait ainsi.
Par contre, ce qui est intéressant et ce que pose finalement cet édito, c’est de savoir si quelque part ces comportements ne sont pas profitables à tous ? En effet, ces « gardiens du temple » jouent quand-même et finalement un rôle, en évitant à l’activité de s’étioler, se disperser, bref régresser. Par exemple, on a tous des souvenirs de « vieux chibanis »qui courent avec du matos pourave, mais qui avancent encore. Et ceux-là on les respecte, alors qu’ils ne font rien d’autre que ce fameux édito : ils nous disent qu’en définitive, aujourd’hui, on ne fait pas mieux qu’eux autrefois, que nous n’avons pas besoin de tant de matériel, et que nous privilégions le plaisir à la souffrance « autrefois, c’était un truc d’homme le trail, bon dieu ! »
Pour ceux qui l’ont connue, la période des années 70 en France était celle de l’avènement de l’escalade libre. Un gars comme Droyer était haï pour ses positions élitistes… et 20 ans plus tard il s’est avéré qu’il avait raison à 200 % ! Aujourd’hui, plus personne ne grimpe comme on le faisait avant que Droyer appelle un chat un chat.
Alors, il est entendu qu’Esprit-Trail le fait maladroitement, mais on ne doit pas commencer à faire croire aux gens qu’ils peuvent tous faire l’UTMB et que le trail, même « sous entrainé », eh bien « ça passe » quand-même ! J’exagère encore, mais une activité qui dérive, pourrait nous amener à voir fleurir de pseudos-trails, « à parcourir en famille », sur 5km, 150 D+, 3 ravitos
Toujours les mêmes questions : Qu’est-ce que l’activité ? Où commence-t ‘elle ? Où finit-elle ? Pourquoi est-ce que je la pratique ? Qu’est-ce que l’entrainement ? Qu’est-ce que le plaisir ? Qu’est-ce que la souffrance ? Qu’est-ce que la performance ?
Voilà, désolé pour ce post un peu long, et merci à ceux qui m’auront lu jusqu'au bout !