Récit de la course : Embrunman 2023, par Vincent O

L'auteur : Vincent O

La course : Embrunman

Date : 15/8/2023

Lieu : Embrun (Hautes-Alpes)

Affichage : 572 vues

Distance : 231km

Objectif : Pas d'objectif

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2023 aura été et sera une année importante pour moi, je bascule sur la cinquantaine. Le passage vers la quarantaine avait été difficile, j'espère que celui de la cinquantaine se passera mieux.

L’an dernier, j’expliquais naïvement mes classements moyens en course par mon âge : j’étais le plus âgé de ma classe d’âge master 2, 45 à 49 ans. Je me disais l’an prochain je vais les écrabouiller, les exploser tous ces vieux, je serai le plus jeune de la classe d’âge 50 54 ans.

Ma première course dans cette classe d’âge master 3, les ‘’très très vieux’’, a été les 20 kms de Montpellier fin 2022. Je finis 6ème master 3, dans la classe d’âge master 2 j’aurais fini 4ème. Ça commence mal. Je me prenais des ‘claques’ en master 2, je me prends désormais des ‘tôles’ en master 3. La différence est subtile, accessible uniquement aux initiés, mais le résultat assez simple : catégorie vieux ou très très vieux, même constat, je ne performe toujours pas ... Vivement une catégorie ‘’usé, carbonisé, éreinté, périmé, fossilisé, épave rouillée, vieille carcasse, gravât, débris informe, rognure, ramassis, résidu’’.

Ma préparation pour cette course a été plutôt bonne, du volume et pas mal d’intensité, et aucune blessure en 2023 ! J’ai pu faire quelques entrainements clés (sorties longues vélo et doubles enchainements longs vélo / course à pieds) avec Nico R., un super athlète Hoka qui prépare également la course d'embrun. Encore merci Nico !

Malgré cette assez bonne préparation, j’ai eu quelques revers. Le championnat de France triathlon longue distance à Salvetat sur Agout, où je perds 20 minutes en vélo sur les meilleurs de ma catégorie. C’est énorme, ça me positionne dans le ventre mou du classement. J'ai également raté une séance 'clé' faite avec Nico, au programme 3h de vélo enchainé avec 1 h de course à pieds à faire 2 fois. Je n’ai pas réussi à tenir les allures cibles à partir de la 1ère course à pieds. Je me suis rendu compte que si je mets trop d’intensité, trop d’énergie dans le vélo (pour arriver à suivre Nico), ensuite je n’ai plus de force pour enchaîner la course à pieds. Eh oui, ces 2 revers m’ont rappelé que je suis un cycliste débutant, et très très moyen.

L’an dernier j’étais mieux préparé en vélo, j’avais fait 13 ascensions du Ventoux, dont 1 fois 4 montées, 2 cinglettes (3 montées), et 3 montées uniques mais au milieu d’une sortie longue. Cette année je n’ai que 5 montées au compteur, aucune cinglette, seule une double montée et 3 montées uniques. Bof bof, pas terrible, peut mieux faire.

Par contre, le point positif énorme c'est que depuis la course d'Ibiza je n'ai plus mes peurs, mes paniques, mes blocages en début de natation. Ca c'est vraiment top, ça m'ouvre beaucoup de perspectives de course. Par contre rien à faire je n'arrive pas à descendre en dessous des 2 minutes aux 100 mètres, il n'y a pas qu'en vélo que je suis débutant et très très moyen, en natation c'est encore pire. En course parfois je descends en dessous des 2 minutes aux 100 mètres. A voir ce que j'arriverai à faire à Embrun. Les années précédentes, malgré mes arrêts ‘’panique’’ de début de course je faisais des chronos plutôt convenables.

Je ne vais pas vous raconter ma vie privée, mais je pense que mon ex-femme a dû faire des poupées vaudou à l'effigie de ma voiture et de mon vélo. Avant-veille de course, je tombe en panne de voiture.

Du coup je fais tout à pieds : aller au lac, en courses d'alimentation, au centre-ville, au retrait des dossards, chez le garagiste ... J'aurais passé mes deux journées d'avant course à marcher en plein soleil. Et, pour bien préparer la course, avec un dénivelé de fou à chaque fois. C'est incroyable le dénivelé qu'il peut y avoir à Embrun, même au super U et à la poste il y a du dénivelé.

Mon vélo n'est pas mieux portant : j'ai voulu changer les plaquettes de freins arrière, j'ai la roue qui frotte tellement qu'elle est impossible à faire tourner. Impossible d'écarter les pistons de freins, il faut purger le circuit hydraulique. En plus j'ai un vilain craquement au boîtier de pédalier. Heureusement la veille de la course 14h30 j'ai pu avoir un rendez-vous chez le vélociste d’Embrun. 14h je prends le vélo pour descendre chez le vélociste : plus de connexion bluetooth entre les commandes et les dérailleurs avant et arrière. Les batteries sont pleines et les piles changées récemment, mais aucune connexion. J'essaie de forcer la reconnexion depuis les boutons du dérailleur et à l'aide de l'application sram du téléphone, impossible, rien à faire. Les pannes s’accumulent, mon vélo est à mon image, il a pris un sacré coup de vieux, la pression monte allégrement, une chevauchée des Walkyries. 

Le vélociste arrive à retrouver la connexion des dérailleurs et à purger mon circuit hydraulique des freins pour écarter les pistons et laisser libre la rotation de la roue. Mais rien à faire pour le craquement du boitier de pédalier. Il y passera plus d'une heure, au moins 3 4 fois il me dira : ‘’c'est bon, c'est réparé’’. Je pars, je fais 100 mètres et je reviens chez le vélociste, avec ce craquement infernal, un vieux chewing gum accroché à semelle, tatie Danielle assise sur le fauteuil de votre salon, Tanguy accroché à votre frigo, le camion fou et angoissant du film 'Duel' de Spielberg dans votre rétro.

Le dépôt des vélos au parc à vélo doit se faire avant 18h30. Tant pis, je ne peux pas faire mieux, je ferai la course avec ces craquements, et la crainte que ma transmission casse.

J'arrive donc à la course, épuisé, nerveusement et physiquement.

 

Plan d’eau d’Embrun, mardi 15 août 2023, 6 heure du matin, gorgé de confiance et fort de mes dernières courses sans mes habituelles crises de panique en début de natation, je décide de partir sur un côté, au milieu du paquet des 900 concurrents. Mauvais choix. J’ai vécu une partie d’auto tamponneuse à la foire du trône, la fête à neuneu sur le plan d’eau d’Embrun. J’ai frotté la carrosserie sur le devant, le derrière, sur les côtés, et même sur le dessus : un concurrent qui devait certainement vouloir nouer des relations plus intimes qu’une simple partie de natation, et qui, sans préliminaires, sans caresse derrière la nuque, sans mots doux à l'oreille, a essayé de me monter dessus. J'ai bien évidemment refusé la proposition, je suis bienheureux en couple, fidèle, et je ne suis pas un homme facile.

À la bouée du 1/2 tour de la 1ère boucle, ma montre bipe, je me rends bien compte que ce n'est pas normal. En fait un concurrent juste à mes côtés arrive à me donner un coup sur mon poignet et à appuyer sur le bouton qui met fin à la natation et qui passe ma montre en mode ‘transition’. Ça doit être un ingénieur de chez garmin, car moi-même, un coup sur deux, je me plante de bouton et je rate le passage natation / transition / vélo. Je n'ai pas voulu perdre de temps à bidouiller sur ma montre au milieu du lac avec 500 concurrents qui arrivent avec fureur sur moi. Du coup ma natation est enregistrée avec la partie vélo. Je dois être le seul de la course à avoir roulé sur le lac sur strava.

 

Transition 1, cette année j'y passe 4 minutes 07. Incroyable, l'an dernier j'étais à plus de 11 minutes. J'ai fait de sacrés progrès en transition. Encore mieux, je ferais plus tard la 2ème transition en 2 minutes 30, 47eme au classement, pas loin des pros.

 

Départ vélo, toujours aussi difficile, avec 8 à 10 kilomètres de montée dès la sortie du parc à vélo. Cette année, je suis témoin d’une chute dès la 1ère descente, avant même la descente sur Savine. Un coureur sur le bas-côté avec les secours autour. Il faut dire que ça va vite, très très vite en vélo, dès le départ, à la fois dans les montées et dans les descentes. 

J'ai dû déjà vous le dire 100 fois, mais cette année je bascule sur 50 ans, j'ai donc reçu un petit courrier de la cpam pour une séance plaisir, découverte, surprise type wonder box, pour une coloscopie. A défaut de slot pour Hawaï, j'ai un ticket coloscopie, le plaisir est différent, ça fait moins rêver. Mais vu le prix de l'Ironman d'Hawaï, la méthode est malgré tout assez similaire. Plutôt qu'une coloscopie, c'est un contrôle de la prostate que je devrais faire. Je me suis arrêté 4 fois arroser des lampadaires ou des poteaux EDF lors de la partie vélo. Avec les compléments alimentaires que je prends, les lampadaires vont briller vert fluo et les poteaux EDF vont doubler de diamètre et prendre au moins 20 mètres de hauteur, ça va leur faire bizarre aux techniciens EDF. 

Incroyable le temps que j'ai dû perdre en pauses pipi, il faut que je me renseigne pour m'équiper d'une poche sur le vélo.

Il faut dire que je bois et que je mange en vélo. Un ventre sur selle. J'ai l'impression de ne faire que ça, manger, boire, manger, boire ... Je mange les barres fournies par l'organisation aux ravitaillements. Elles sont impossibles et longues à mâcher, et au goût improbable et raté ‘moka chocolat’. Moka chocolat, mais quelle idée, il n'y a pas plus lourd et difficile à digérer, surtout avec cette chaleur.

Ma partie vélo se passe bien, sans difficulté, jusqu’à la montée Brunissard, au début de la montée de l'Izoard, où, comme l'an dernier, presque au même endroit, j'ai une défaillance. Je pense que mon corps a en mémoire, gravé, des souffrances à cet endroit précis, Brunissard tatoué sur mes mollets. Plus aucune force, je pleure de fatigue, d'usure psychologique certainement, et exactement comme l'an dernier, dès les premières larmes sur mon visage, un groupe de supporter reconnais ma tenue orange et me crie ''Allez le mistral !!! Allez orange !!!''. Puis avec mon prénom sur le dossard ''Allez Vincent''. Je souris, je remercie, je retrouve la forme et je repars. Je garde mes larmes pour l’arrivée, dans les bras de ma fille et de ma chérie. Je monte l'Izoard, comme l'an dernier, facilement, avec plaisir, j’aime ce type d’effort. 

Je fais le reste du parcours vélo à une allure raisonnable, sans trop de difficultés, jusqu'à la dernière montée, la côte Chalvet, qui reste toujours aussi difficile avec 180kms dans les jambes. Comme chaque année, je me dis : ‘’mais c'est incroyable l'énergie que j'ai pu mettre en vélo, comment je vais faire pour arriver à courir, je n'y arriverai jamais’’. La descente Chalvet jusqu’au lac n’est pas simple non plus, et comme les années précédentes, je fais à nouveau glisser mon pneu arrière sur un bon mètre, toujours dans le même virage en épingle, le virage au-dessus de l’appartement de mes parents. Ma bonne étoile m’accompagne à nouveau, pas de fesse râpée. 

J’ai oublié de vous dire, mais 4 jours avant la course je suis allé randonner au-dessus de La Roche de Rame, au ‘Lauzet’, au chalet d’altitude de mon grand-père, et je suis allé verser une petite larme au pied de ma grand-mère et de mon grand-père, tout à côté de l’église du village. Ils sont, comme chaque année, avec moi sur cette course. Il ne peut m’arriver que du bonheur.

 

Arrivée vélo, transition 2, parfait. Fini les ‘youyou’, les ‘coucou’ et les ‘bisous’ à distance à travers la grille. Je reste concentré, et j’essaie d’être rapide et efficace.

 

La partie course à pieds débute bien, je trouve rapidement une belle allure que je garderai sur toute la 1ère boucle.

A la sortie du centre-ville d’Embrun, avant de basculer et de descendre dans la plaine, il y a un Ehpad le long du parcours. Tous les papys et les mamies les plus vaillants et robustes étaient de sortie, en fauteuil au bord du parcours. Ils tapent, en force, certainement avec de louches à soupe, sur des casseroles. L'harmonie n'y est pas vraiment. Il y a plus des Maurice et des Ginette que des Mozart dans l'équipe de choc. Ils sont encouragés par des gentilles infirmières ''Allez Maurice ! on ne t'entends pas ! plus fort !'''. Je n'ai pas eu le temps de m'arrêter pour demander aux infirmières l'heure du goûter, mais je me serais bien arrêté prendre des petits lu beurre, pom'pote, et des tartines de confiture mures myrtilles avec Maurice et Ginette, ça m'aurait bien changé de ces maudits gels et barres énergétiques des ravitaillements. Oui Quentin, c'est comme au club Mtc, c'était la sortie triathlon de l'Ehpad d'Embrun. Et bonne nouvelle pour l'équipe d3 féminine du club, j'ai réussi à faire signer Ginette pour deux ans au club. Le club aura réussi son mercato d’été. Je suis repassé le lendemain à l'Ehpad, les négociations ont été difficiles et vont coûter cher au Club en déambulateurs et monte-escalier stanha. Il va falloir prévoir des biscottes et potages pour les ravitaillements. Il va falloir que David trouve chez damard des trifonctions avec gaine, bas de contention et protection hygiénique. Je n'ai pas pu faire signer Maurice, il était trop exigeant en sorties d'après course : boîte de nuit au macumba et club de strip-tease.

A l’instar de Maurice sur la digestion après la pause goûter, je commence à m’éteindre petit à petit dans la 2ème boucle. A la fin de la 2ème boucle, Valérie, Cathy et mon parrain Robert, l’ancien coiffeur d’Embrun, me crient que je suis 2ème de ma catégorie, à 7 minutes du premier. Je repars pour cette 3ème et dernière boucle motivé comme jamais et gonflé à bloc, remonté comme un coucou haut alpin, les yeux irisés de sang, la bave sur le bord des lèvres. Mais je sais pertinemment qu’il me sera impossible de rattraper 7 minutes en 13 14 kilomètres. Je ne peux compter que sur une défaillance du premier. Par usure physique ce coup ci, je n’arrive pas à retrouver ma belle allure de début de course. Rien à faire. Je finis comme un couillon, deuxième de ma catégorie, entouré de deux espagnols aux premières et troisièmes places. Mon propre nom de famille résonne plus ‘tortilla’, 'gaspacho' et 'sangria' qu’‘omelette aux champignons', 'soupe aux poireaux’, et 'vin rouge'. Cette année l’embrunman aura un air de cucaracha.

 

Voilà, c’est fini, un 5ème Embrunman pour mes 50 ans, c’est beau, les chiffres sonnent bien, l’harmonie et la symbolique sont belles. Ces courses m' auront permis de renouer avec mes origines hautes alpines et me remémorer mon enfance heureuse passée auprès de mes grands parents chéris. 

Les bénévoles de l’organisation me reconnaissent maintenant, ils se souviennent presque de mon prénom, j’ai l’impression de faire partie des meubles, du décor. En fin de course, à deux doigts les organisateurs me remballaient avec la moquette et le barnum gonflable, pour me ressortir le 15 août prochain. Il faut vraiment que je passe à autre chose, que je trouve d’autres objectifs : mieux, plus, pires, stimulants, et surtout hors de portée de mes maigres capacités, histoire que j’en ch..ie bien comme il faut. J’ai un ou deux rêves de courses inaccessibles.

Un énorme Bravo à Nicolas R. qui a fait une énorme performance, entouré de toute sa jolie famille, ses parents, Laura, Céleste, et le grand, costaud et courageux Arthur, avec deux bras dans le plâtre.

Merci à mon cœur, ma pomme d’amour, mon ‘chaton’ (ah non je ne peux pas c’est pris), à ma ‘pupuce’ (ah non plus, je ne peux pas c’est pris également), mon aimée Valérie. Merci à ma délicieuse et tendre Clémence, et à son chéri Alexis, un amour de gentillesse, à mon parrain Robert qui m’a à nouveau accompagné et encouragé, à ma famille qui m’a suivi toute la journée depuis Aix en Provence et l’île Maurice. 

Merci à tous les amis du Mistral triath'club orange qui m’ont suivi et envoyé des messages de soutien avant pendant et après course. A Julie Cathy et Denis qui ont fait le voyage et pris de leurs congés pour venir m’encourager.

Un grand merci aux bénévoles, qui, tout le long du parcours, à travers les hautes Alpes, du sud au nord, sont d’une gentillesse extrême.

 

Je dois encore vous dire, la nuit d'après course je prends une grande décision, j'arrête de faire mes compte rendus de course, et j'essaie de dormir. J'ai du mal à m'endormir, mais j'y arrive... Jusqu'à 3 heures du mat où mon réveil sonne... J'avais oublié de supprimer le réveil pour la course. Pris par l'euphorie de la course de la veille, je me lève, je déjeune des pâtes au sel, j'enfile ma trifonction orange, je prépare ma caisse de transition et mes boissons de course, je suis prêt pour prendre ma revanche avec ce satané espagnol ! Hasta la vista Don Diego de la Vega !!!

 

Vincent - dossard 427 – La tortilla pailletée

L'an prochain je le fais en relais avec Maurice et Ginette, on va cartonner sévère.

Les comptes rendus des années précédentes :

http://www.kikourou.net/recits/recit-21585-embrunman-2021-par-vincent_o.html

http://www.kikourou.net/recits/recit-21764-embrunman-2022-par-vincent_o.html

http://www.kikourou.net/recits/recit-21850-ultra_tour_du_lac_monteux-2022-par-vincent_o.html

http://www.kikourou.net/recits/recit-21986-championnat_du_monde_triathlon_ld_ibiza-2023-par-vincent_o.html

                           

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