Récit de la course : Marathon de Lyon 2005, par Karllieb
47 autres récits :
- Les récits de 2011 (5)
- Les récits de 2010 (2)
- Les récits de 2009 (1)
- Les récits de 2008 (16)
- Les récits de 2007 (7)
- Les récits de 2006 (6)
- Les récits de 2005 (6)
- Les récits de 2004 (1)
- Les récits de 2003 (2)
- Les récits de 2000 (1)
Rien ne sert de courir…
« Mais attendons la fin.
Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs. »
On devrait toujours relire les fables de ce bon Monsieur de Lafontaine. Surtout avant de se lancer dans un marathon. Mais commençons par le commencement. Avril 2004 : mon premier marathon à Paris en 3h46 ; novembre 2004 : semi de Boulogne-Billancourt en 1H37 ; mars 2005 : semi de Paris en 1H38. Extrapolant à partir de ces résultats, je m’étais imaginé en mon fort intérieur pourvoir atteindre, voire dépasser la barre des 3H30 sur les 42,195 kilomètres. Que nenni beau doux sire ! Les choses ne furent pas si simple.
Je m’étais pourtant concocté un programme d’entraînement de 12 semaines aux petits oignons avec des fractionnés sur piste, des séances au seuil, des sorties longues, des périodes de récupération… J’avais soigneusement choisi LE marathon qui allais avoir la chance de me voir réaliser l’exploit. Entre Sénart et Lyon, longtemps mon cœur balança. Ce fût finalement la capitale des Gaules qui l’emporta, tant pour des raisons de calendrier que parce qu’il s’agit du berceau de ma famille. Sans compter le plaisir d’être hébergé chaleureusement par la famille (grand merci à Pierre et Jacqueline).
Chaussures de qualité (NB 765), maillot Kikourou flambant neuf, acides aminés ramifiés, période d’affûtage, malto à gogo les trois jours précédant l’épreuve, hydratation optimale… J’avais tout prévu (malgré un certain déficit de sommeil). Tout prévu ? Sauf le temps de chien qui s’est abattu sur Lyon ce week-end là. Température 5° et pluie, pluie, pluie et encore pluie. Sans discontinuer. Un vrai déluge. Déjà moins flambart le héros le samedi pour aller récupérer son dossard au palais des sports de Gerla,nd (avec le dossard, un paquet de pâtes, du saucisson et une bouteille de Côte-du-Rhône. Pas forcément diététique avant la course mais sympa ).
Pluie ou pas pluie, j’y croyais encore… Seule incertitude à ce moment là : allais-je m’habiller en collant long ou en cuissard ? Présomptueux va ! Bref au petit matin humide, me voilà entre Rhône et Saône (ou presque), prêt à avaler 42,165 kilomètres de bitume froid et humide avec 3000 et quelques autres masochistes de la même espèce que moi. Signe du destin, ô combien ironique et trompeur, une courte accalmie se dessina juste à l’heure du départ. Lequel fut agrémenté des charmants trémoussements de deux danseuses de samba en petite tenue, accompagnées par toute une bande de joyeux percussionnistes. De quoi mettre le feu aux poudres – si j’ose dire - de la fraction majoritairement masculine de la sportive cohorte (à ce niveau là de contorsions syntaxiques, c’est quasiment du Goscinny) . Une bien belle initiative de la part de l’organisateur.
Et nous voilà partis ! Bon, je sais… On me l’avais dit. Je l’ai lu maintes fois dans les revues spécialisées. Je l’ai moi-même expliqué à des néophytes. Le principal sur le marathon, c’est de NE PAS PARTIR TROP VITE ! Judicieux conseil que je me suis évidemment empressé de ne pas respecter. Il faut dire que pressé par un besoin naturel, j’avais été contraint de m’arrêter quelques dizaines de secondes au coin d’un mur (que l’on se rassure, le mur était déjà mouillé). Vous connaissez les coureurs à pied. Toujours pressés. Je n’eu donc de cesse que de rattraper le ballon jaune du meneur d’allure des 3H30 (avec un petit coucou en passant à Albannais, autre Kikoureur). Ce fut chose faite en passant sous l’autoroute avant de s’engager à droite vers le Cours Charlemagne et Perrache. Et comme j’étais bien, j’ai poursuivi benoîtement mon effort, dépassant le ballon jaune. Ceci dit, jusque-là, j’étais à 30 secondes près pilepoil sur mes temps de passage prévisionnels. Mais – je m’en rend compte aujourd’hui – j’avais été un peu optimiste en tablant sur 3H25. J’aurais mieux fait de m’en tenir à 3H30 et de rester bien calé dans la roue du peloton.
Bref, jusqu’au semi, rien à dire, j’étais dans les temps des 3H25, quoique déjà bien humide d’une pluie froide et insistante. Juste avant de traverser la Saône (je crois), un petit coucou à ma moitié, à ma tantine et à mon petiot – blottis héroïques et transis sous un coin de parapluie. C’est après que les choses se sont gâtées… mais aussi que ce marathon a finalement trouvé tout sa valeur et toute sa charge émotionnelle. Premier signe avant-coureur : ma fréquence cardiaque s’est mise à diminuer en dépit des mes tentatives de relance. Et puis mon cardio est tombé en rade. Tout s’est remis à zéro ! Plus de FC, plus de chronomètre, plus rien ! La poisse ! Obligé de naviguer au pif intégral. Et c’est là, juste à l’entré du Parc de la Tête d’Or, que le ciel m’est tombé sur la tête (justement). Derrière moi grondait le flot précipité d’une foule en furie. C’était le peloton des 3H30 que je croyais loin derrière moi mais qui venait de me rattraper. Pendant quelques centaines de mètres, j’ai essayé de m’accrocher. Peine perdue. Pas moyen de suivre. Et ma vitesse qui continuait de dégringoler. Plus rien dans les jambes, coup de bambou au moral. Moi qui me flattais de ne pas avoir heurté le mur au marathon de Paris. Là, je l’ai pris de plein fouet !Le froid, un premier semi trop rapide, une alimentation en course sans doute insuffisante et peut-être un petit déficit en sorties longues… Autant de raisons qui m’apparaissent aujourd’hui évidentes. J’avais souvent entendu dire que le marathon c’est 30 kilomètres de prologue et 12 kilomètres de monologue. A Lyon, ce 17 avril, j’ai compris pourquoi. Le pire, ça a été juste à la sortie de Gerland. Pour la première fois sur une course, j’ai été obligé de marcher quelques instants. Trop dur, les jambes raides plus assez de jus… J’étais à deux doigts d’abandonner. Je l’aurais peut-être fait s’il n’y avait pas eu au bout de la route mes proches qui espéraient me voir passer la ligne d’arrivée. Et puis aussi l’orgueil de ne pas lâcher prise et de ne pas avoir enduré toute cette préparation pour rien. « Tu as voulu en C…, me suis-je dis en mon fort intérieur, et bien tu y es ! ».
Et comme on n’a jamais toute la chance – ni toute la malchance – deux évènements sont arrivés à point nommés pour me redonner du courage. D’abord, Albannais, plus raisonnable que moi en début de course, m’a dépassé avec un petit geste amical d’encouragement. A ce moment là, ça valait largement son pesant d’EPO. Et puis – miracle – le ravitaillement du 35ème kilomètre est apparu à l’horizon comme une oasis dans le désert à qui meurt de soif (lyrique n’est-ce pas ?).Deux morceaux de bananes et une barre de céréales plus loin (plus une bonne goulée d’eau bien glacée), et me voilà, sinon frais comme un gardon, du moins suffisamment requinqué pour envisager d’aller tranquillement au bout des sept derniers kilomètres. Lesquels se présentent sous la forme d’une longue ligne droite filant sur les quais du Rhône jusqu’à Gerland. Sur les quais, m’attendais un autre signe du destin. Sous le pont de la Guillotière, dans une foule enthousiaste prodiguant bruyamment ses encouragements aux athlètes épuisés (là, c’est du Zitrone), j’aperçu mon petit monde gesticulant et trépignant ! Plus question de lâcher prise ! Curieusement, avec la glycémie et le moral, le forme revient. En dépit de débuts de crampes, j’ai terminé tranquillement au train les derniers kilomètres. J’en ai profité pour encourager au passage ceux qui n’en pouvaient plus, espérant que ça les aiderait à leur tour (ce que tu voudrais que l’on fasse pour toi, fais le pour les autres. La course à pied, c’est évangélique). Tout ceci pour franchir la ligne d’arrivée trempé, heureux d’être allé au bout de moi-même et dans l’ignorance la plus totale de mon temps. A vue de nez, je pensais avoir fait dans les 3H50 tellement j’avais eu l’impression de me traîner depuis le 30ème kilomètre. Sitôt passée la ligne, j’ai demandé son temps à un type arrivée en même temps que moi. « 3H40 », me répond-il. Temps confirmé quelques minutes plus tard sur le portable de ma femme (merci la caisse d’Epargne pour les résultats par SMS). Je n’en revenais pas ! Finalement, si je suis loin de mon objectif, j’améliore tout de même mon temps de Paris de 6 minutes. Pas si mal si l’on tient compte des conditions météo calamiteuses de ce marathon quasi groenlandais. Et puis surtout j’ai mieux compris, que ce qui fait la valeur du marathon, ça n’est pas tellement le temps à l’arrivée que ce que ce qu’on y a mis de tripes et volonté pour y parvenir à cette ligne d’arrivée (c’est là qu’il faut sortir son mouchoir).
Morale de la fable : au 30ème kilomètres, je m’étais bien juré qu’on ne m’y reprendrais plus. Marre, plus de marathon, faut vraiment être taré pour prendre plaisir à se faire mal à ce point !
Mais après tout, une fois au chaud et bien calé dans fauteuil, toute réflexion faite, pourquoi pas s’en refaire encore un p’tit… l’an prochain… au soleil.
PS : Deux mots du parcours : le dix premiers kilomètres n’ont rien de touristiques entre la zone d’activité autour de Gerland et le bout de la presqu’île derrière Perrache actuellement en restructuration. Après, nettement plus intéressant, on passe alternativement en bord de Saône et de Rhône (4 ponts au total) avec un passage derrière la Cathédrale Saint-Jean (cher Pierre, à ce moment là ,j’ai pensé au fauteuil de l’évêque), puis la place de la Comédie, l’hôtel de ville et la place Bellecourt. Au total, un beau parcours qui aurait mérité un rayon de soleil. Côté organisation, rien à dire. Efficacité, amabilité et même abnégation. Qu’on pense à ces bénévoles proposant sous la pluie et par 5° des éponges aux coureurs. Un vestiaire au sec et bien organisé (dans le Palais des sports), pas de queue au toilette, un mâchon prévu après la course… Tout ça pour deux fois moins cher qu’à Paris. Enfin un bravo spécial au public, pas nombreux il est vrai, mais ceux qui étaient là y étaient vraiment pour les coureurs (ou alors c’est du masochisme).
Re-PS : Tout le monde n'a pas la chance d'avoir une cousine Kiné. Moi si ! Et après un marathon, il y en a beaucoup qui auraient voulu être à ma place pour un bon massage. Merci Fleur.
Sportivement
Karllieb
Accueil - Haut de page - Aide
- Contact
- Mentions légales
- Version mobile
- 0.07 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !
1 commentaire
Commentaire de joy posté le 07-06-2005 à 08:14:00
3H04MN ET BIEN BRAVO.
A+
JOY
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.