Récit de la course : L'Endurance Ultra Trail des Templier 2004, par SergeB
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Endurance Ultra Trail 2004
L’Endurance Ultra Trail est une course de 111km avec 5000m de dénivelé environ. Elle a lieu à Nant dans le sud de l’Aveyron.
En début d’année, lorsque j’ai défini le calendrier des courses auxquelles je souhaitais participer en 2004, celle-ci n’en faisait pas partie. Je voulais plutôt faire l’Ultra Trail du Mont Blanc (155km avec D+8500m). Mais après un début d’année comportant un enchaînement de courses trop optimiste, je me suis rendu compte que les 155 km de l’UTMB étaient un peu excessifs. J’ai alors envisagé ma participation à l’EUT.
Après un an d’une collaboration fructueuse avec Sébastien SXAY, je lui ai encore demandé me faire mon plan et de me suivre durant ma préparation. Seb m’a encore fait un plan qui m’a permis d’arrivé au top le jour de la course. Il a su me planifier des séances calmes lorsque j’étais un peu fatigué et d’autres plus chargées lorsque la forme était revenue. Tout ça pour arriver sur la course hyper bien dans mes jambes mais surtout dans ma tête avec un très grosse envie de courir.
Par contre, je flippais quand même pas mal du fait de mon inexpérience sur cette distance. Jusqu’à présent, ma course la plus longue était les Templiers avec 65 km. Alors, passer de 65 à 111km, ça fait quand même une différence qui m’impressionnait et qui m’a fait me poser un certain nombre de questions. Mais après tout, pourquoi est-ce que j’ n’y arriverais pas moi aussi ??
Jeudi matin départ pour Nant accompagné de Jérôme, un ami trailer avec lequel je m’entraîne parfois. Arrivé sur place, il faut récupérer les dossards. Ensuite, nous rendons visite aux parents de Seb dont le père fera la course des Templiers de dimanche. Le soir, c’est la pasta party où nous discutons bizarrement de … course à pied en compagnie de coureurs vendéens. Une fois le repas terminé, il faut aller se coucher car le réveil est à 4h15. Jérôme me prodigue de précieux conseils afin d’apaiser mes doutes et mes appréhensions grandissantes au fur et à mesure que le départ se rapproche.
Vendredi matin, réveil à 4h15. Petit déjeuner avec du gâteau énergétique. Puis, il faut préparer le sac. Pour moi, ce sera un porte bidon double. Ca suffit pour emporter mon matos composé d’un frontale, un lampe à main, des piles de rechange, les tubes de gel, le sifflet, la couverture de survie, le tube de sporténine, l’arnica, tout le bordel utile.
On se dirige vers la ligne de départ. Je vais à la rencontre de Jean Claude Enderlin. Jean Claude est le vainqueur de la première édition. Je l’avais appelé quelques jours avant la course pour lui demander des conseils. Il avait eu l’extrême gentillesse de répondre à toutes mes questions et incertitudes sur la course. Sur la ligne, je le reconnais à son dossard portant le numéro un, à tout seigneur tout honneur.
5h30, la musique de Era accompagne les derniers instants avant le départ, la tension monte. Un ultime recueillement pour faire le vide au fond de soi et c’est parti.
Surtout partir cool, la course sera longue et difficile. Je dois absolument partir doucement. Seb m’a dit que si je passais bien les dix premières heures sans trop forcer, j’aurai alors l’énergie pour terminer sans trop de problèmes.
Départ prudent dans la nuit au milieu 440 partants sur les 485 inscrits. Dès la première cote, je marche, il ne faut surtout pas allumer maintenant mais en garder un max.
La première section nous emmène durant 16,25 km de Nant à Cantobre. Je roule cool. On emprunte un chemin pas trop difficile où il est possible de courir sur le plat ou en descente, mais toujours marcher dès que ça monte. Dans la nuit profonde, les lueurs des lampes des coureurs qui montent en lacets donnent l’impression d’une chaîne sans fin qui se perd au milieu des étoiles. Ca me fait penser que le ciel n’est pas constellé d’étoiles mais de coureurs qui grimpent à l’infini, vers un ultime 7ème ciel ??. La course reprend ses droits, il faut revenir sur terre. La nuit oblige a bien faire attention et a être bien concentré sur ses appuis, ça évite de trop s’emballer. Dans un montée, je précède un groupe de potes, l’un d’eux dit « on se relaie toutes les 10’ pour ouvrir ». Comme je suis devant et que c’est moi qui ouvre le groupe, je réponds que je suis d’accord. Au bout de 10’ quand je me retourne, ils ne sont plus là, pas grave, je continue à mon rythme. Ensuite, grande descente cool jusqu’à Cantobre où nous attends le premier ravito. J’arrive en 2h05, soit en dessous de mes prévisions, je dois être parti un peu vite, malgré mon sentiment de prudence sur cette première section. Remplissage rapide des bidons et ça repart.
La seconde section nous emmène durant 14km de Cantobre à Trèves. On commence par la montée de Cantobre. Pour ceux qui connaissent la course des Templiers, c’est la trop fameuse descente de Cantobre, mais ça l’envers. Pour les autres, c’est une côte hyper raide où il faut grimper avec les jambes, s’accrocher avec les mains, les dents, sortir les piolets, les mousquetons et les cordes de rappels. Non non, je n’exagère pas, enfin pas beaucoup.
Une fois arrivé au sommet c’est grandiose. Le jour vient de se lever. On domine la vallée qui serpente à nos pieds. La brune inonde la vallée et nous, au dessus, nous contemplons ce paysage de rêve. Que du bonheur à l’état pur. Il est impossible de retranscrire avec des mots ce que l’on peut ressentir à ce moment. Rien que pour cette image, ça vaut le coup d’en baver comme on l’a fait et comme on s’apprête à le faire encore durant de trop nombreuses heures. Bon OK c’est bôôôôô, mais la course est toujours là. Il faut repartir. On continue sur un causse roulant. Puis descente sur Trèves. Je retrouve un coureur de Pau déjà croisé à Guerlédan en 2003 et à Vulcain en février. Je me fais aussi passé par Marie Chantal, une antillaise qui a remporté le Tchimbé Raid, sacré palmarès.
J’arrive à Trèves en 4h, dans les temps prévus. C’est le premier ravito complet avec produits énergétiques. Je remplis rapidement mes bidons. Les bénévoles sont hyper sympas et disponibles. Ils nous aident du mieux qu’ils peuvent. Et ça repart.
La troisième section nous emmène durant 11km de Trèves à Dourbie en passant par la crête du Suquet. Je n’aime pas cette crête car il y a souvent du vent et il ne fait pas chaud en haut. La montée se fait doucement, je commence à peiner. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je suis parti depuis un peu plus de 4h et je commence à ressentir la fatigue arriver. Plus je monte et plus je peine. Arrivé en haut la brune envahie le sommet. Il fait froid. Je courbe l’échine pour faire passer les mauvais moments, mais rien n’y fait. La descente est pire encore. Je n’ai aucune sensation, aucune envie de courir. Je n’arrive pas à trouves mes marques ni mes appuis. Que c’est dur. Le palois me passe alors que je trépigne lamentablement. J’ai envie de tout arrêter tellement le suis HS. Ce n’est pas possible, pas dès le début. Je me dis que je ne peux pas arrêter ici. Je me prépare depuis quatre mois pour cette course et je ne peux pas m’arrêter alors que j’en n’ai même pas fait le quart.
J’arrive à Dourbie en 6h. Je viens de faire 10km en 2h, dur. Le moral est dans les chaussettes, et même plus bas encore.
A Dourbie, je retrouve les parents de Seb. Ca me fait du bien de retrouver des visages connus et souriants. Ils me réconfortent. Je prends le temps de me ravitailler copieusement. Et ça repart.
La quatrième section nous emmène pour 7km de montée de Dourbie au sommet du St Guiral. Je commence à retrouver des sensations. Même si ça monte, je reprends confiance en moi. La brume matinale disparaît du paysage et de mon esprit. Je me forge un nouveau mental. Je fais une partie du chemin avec mon pote le palois. Nous discutons de nos courses. Il a enchaîner un total de 750km de courses cette année, ça m’impressionne. Au fil de la montée, il se sent mieux que moi et me lâche. Pas grave, chacun sa course à son rythme. Dans la montée, je repasse Marie-Chantal. Je l’encourage. Elle monte doucement mais elle est impressionnante dans les descentes.
J’arrive au St Guiral en 7h25 alors que j’avais prévu d’y être en 6h50. Pas grave, comme je n’avais aucun repère, je me suis défini des temps de passage qui s’avèrent complètement aléatoires, surtout pour un premier ultra.
Au sommet, je croise des randonneurs qui déjeunent, il est 13h. On échange quelques mots, et ça repart.
A partir de ce moment, j’ai complètement retrouvé mes sensations.
La cinquième section nous emmène pour une descente infernale de 10km entre le St Guiral et Arrigas. La première partie est sur un pierrier. Pas terrible au niveau des appuis. Je choisi de courir sur le coté du chemin où c’est moins pire. Ca roule quand même. Petite bosse que je passe en marchant. Ensuite, grosse descente. Là c’est délicat. C’est du hors piste, donc pas de sentier, juste la trace de ceux qui sont passés avant. Dieu que c’est raide. Je vois un coureur arrêté. Je lui demande si ça va. Il me répond que oui, mais qu’il a les jambes en compote. Moi, ça va encore de ce coté, enfin pour l’instant.
Petite bosse, puis grosse descente jusqu’à Villaret. Arrivé dans ce hameau, ça glisse sur les rochers, il faut être prudent. Il y a un ravito organisé par les habitants. C’est sympa de leur part. Une fois reparti, je me dis que j’aurais du m’arrêter pour boire simplement un verre d’eau avec eux, juste histoire de les remercier de leur chaleureuse initiative. Re petite bosse puis grosse descente jusqu’au ravitaillement de Arrigas où je retrouve mon ami palois. Je prends le temps de bien m’alimenter et de remplir mes bidons. Je vois arriver Marie-Chantal qui repars rapidement.
La sixième section est costaud. On monte sur le col de l’homme mort. On se prend 900m de dénivelé en 6,5 km. La montée s’avère pas aussi difficile que je le redoutais. J’ai retrouvé complètement mes sensations. Durant cette montée que je fais en 1h26 , je passe 16 concurrents, dont Marie-Chantal et le palois, en me faisant passé que par un seul. Ca me donne confiance, je me sens mieux. Je monte en marchant, mais en marchant mieux que les autres. Les paysages sont grandioses. On passe devant un ruisseau qui serpente entre des rochers. J’ai juste envie de m’arrêter, de m’asseoir et de simplement profiter du paysage. Que c’est bôôô. OK c’est la course, il me faut repartir.
Ensuite, grosse descente de 11,5 km jusqu’à Dourbie. Je suis hyper bien. C’est du roulant. J’allonge bien ma foulée. Même durant cette descente, qui n’est pas mon point fort, je passe 8 autres concurrents. Je gaze à donf. Je fais ces 11,5 km en 1h12. J’arrive à Dourbie en 11h35 (il est 18h) avec une grosse douleur au quadri de la jambe gauche. Un membre de l’organisation m’annonce ma place, je suis 76ème. Je n’en crois pas mes oreilles. Par contre, je décide de m’arrêter pour me faire masser afin de mieux repartir pour la fin du parcours. Je me dis que le temps perdu au massage sera compensé par celui que je vais gagner ensuite.
Les masseurs ne se sont pas révélés aussi performants que je le croyais et je repars avec la même contracture, mais en ayant perdu 20 minutes.
La huitième partie va de Dourbie à Trèves. On longe la Dourbie qui serpente entre des rochers, l’endroit est magnifique. Ensuite petite montée où je passe de nouveau Marie-Chantal et grosse descente jusqu’à Trèves dans laquelle Marie-Chantal me repasse. On n’arrête pas de jouer au yoyo.
J’arrive à Trèves en 13h30 (il est 19h). Le temps passé au massage me fait passé à la 138ème lace. Je prends un grand coup au moral. Je me ravitaille rapidement et je repars. Il est 19h30, la nuit commence à tomber. Je ressorts la frontale et la lampe à main.
Dans la montée suivante, je marche à mon rythme. Je remonte sur un groupe de trois coureurs. Il fait nuit maintenant. Je reste avec eux pour l’instant afin d’éviter de me perdre et de jouer la prudence pour ne pas risquer la blessure. Quand ça redevient roulant, je me pose la question de lâcher le groupe qui continue de marcher afin de courir. A un moment, un autre concurrent remonte sur nous. Je me pose la question de le suivre et de courir ou de rester avec les marcheurs. Le temps que je prenne ma décision et le coureur est déjà loin. Je reste donc avec les marcheurs. On avance doucement dans la nuit de plus en plus profonde. On n’avance pas vite. Le groupe se disloque. J’arrive à un gros morceau, la descente de St Sulpice. Pour ceux qui connaissent la descente de Cantobre, c’est à peu prêt la même, sauf que là, il fait nuit. C’est une très grosse descente technique avec des cordes pour s’assurer par endroits. Je peste comme pas possible. J’en ai marre. J’ai envie d’arrêter. J’ai le moral au plus bas. Je n’arrête pas de ronchonner durant toute la descente. Je me fais passé par un groupe de coureurs. Je décide de les suivre. Ca m’aide de ne pas être seul. Ceux qui me précèdent m’ouvrent le passage et me montrent les endroits où passer. Je mets ma mauvaise humeur dans ma poche avec mon mouchoir par dessus. Je me concentre sur mes appuis afin de suivre le groupe.
On arrive au ravitaillement de St Sulpice. Il est presque 21h. Je fais vérifier ma frontale par des gens de Petzl qui assurent une maintenance des lampes qu’ils vendent. Je les trouve courageux de passer une grande partie de leur nuit pour vérifier les lampes des coureurs.
Je repars avec un groupe d’UFO (communauté d’ultra fondus) emmené par Yoyo. Il assure un bon train. On marche toujours, mais on doit être à 6 km/h. La nuit est longue. Les 15 km qui nous séparent de l’arrivée sont long, très longs même. On discute un peu, mais pas beaucoup. Une belle montée dont on ne voit pas la fin, normal, c’est la nuit. Mais que c’est long. Le final, c’est la descente du Roc Nantais, grosse descente sur un sentier technique rendu encore plus difficile avec la nuit. Dans la descente, on entend la musique qui provient de Nant dans la vallée. Au fur et à mesure que l’on avance, la musique s’amplifie. On entend même le nom des coureurs qui sont annoncés au fur et à mesure qu’ils arrivent, dont celui de Marie-Chantal. Je suis content pour elle. Yoyo nous a lâché dans la descente. Ca me surprend de lui. J’aurai cru que l’on aurait fini tous ensemble. On arrive aux abords de Nant. Les supporters sont à l’entrée du village et nous acclament bruyamment. Juste avant la ligne d’arrivée Yoyo nous attend afin de franchir la ligne ensemble. Nous passons tous les cinq en levant les bras. Je termine en 18h35 et à la 150ème position. Il y aura 269 arrivants au total. Les autres seront arrêtés pour ne pas être arrivés à temps dans les barrières horaires, ou sur abandon. Dommage pour eux.
Je suis épuisé. Je n’ai envie que d’une douche et de dormir.
Jérôme m’attend. Il a terminé en 14h30, à 2 heures du premier, ce qui le classe en 23ème position.
Notre gîte n’est qu’à 400 mètres, mais il est venu en voiture. J’apprécie beaucoup cette initiative, car je n’ai plus rien dans les jambes, mis à part des courbatures.
Je rentre au gite. Je prends ma douche, et je me couche épuisé et quelque part désabusé par ma fin de course au ralenti durant la dernière partie nocturne.
Le lendemain, je retrouve Jérôme et d’autres coureurs au petit déjeuner. Nous parlons chacun de notre périple, des différents problèmes rencontrés mais surtout de la joie procurée par cette course, des paysages traversés et de l’ambiance entre les coureurs.
Pour mon premier ultra, je n’avais comme seul objectif de terminer et de me faire plaisir.
Je termine dans un temps honorable, même si j’aurais aimé faire mieux (je suis rarement satisfait de mes courses).
J’ai eu des coups de bambou entre le 30ème et le 40ème et sur la partie nocturne de la fin, mais ce n’est pas grave.
Le plus important est le plaisir énorme que j’ai eu à courir. Je reviens avec des images plein la tête. Il y a eu une super ambiance sur la course. Aussi bien entre les coureurs que par la qualité de l’accueil des bénévoles que l’on ne remerciera jamais assez. Une mention spéciale aussi à la qualité du balisage.
Un autre grand merci à Seb qui a su m’amené dans les meilleurs conditions pour la course. Il ne s’est pas contenté de me faire mes plans, mais il m’a donné un max de conseils pour être au top le jour de la course. Comme quoi une bonne préparation ne se limite pas à suivre un plan, si bon soit-il.
Maintenant, c’est repos. Enfin, normalement. Je ne devrais plus avoir de course pour les semaines à venir. Mais, ça ne m’empêche pas de penser dès à présent aux course pour 2005. Je crois que Seb aura encore pas mal de boulot l’année prochaine, s’il accepte toujours de me suivre.
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1 commentaire
Commentaire de caroux posté le 08-12-2008 à 10:26:00
Salut Serge et merci pour ton CR.
Moi aussi cette année je vais me lancer sur l'EUT qui sera mon 1er ultra de + de 100km.
J'ai lu ton CR avec attention.
Bernard
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