Récit de la course : 100 km de Saint-Nazaire-les-Eymes 2004, par Phil
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Saint-Nazaire : petit 100 entre amis
Et j'ai vu les UFOs.
J'étais parti avec la ferme intention de finir, et même de faire un tour d'honneur et ben finalement, on va dire que 76 km, c'est déjà pas si mal. Le manque d'entraînement m'a provoqué une telle fringale de course à pied que j'ai été très gourmand. Impossible, dès le départ, de me conformer aux prévisions d'une moyenne de 8,5 km/h. Après 50 km, mon compagnon virtuel avait 3,5 km dans la vue et je commençais à montrer les premiers signes de fatigue. Après le 60e, il commençait à reprendre du terrain. Il a fini le 100 bornes, pas moi.
Fatigue musculaire, tout d'abord, qui se confirmera au fil des kilomètres suivant la mi-course. Difficulté à suivre un rythme régulier. Doutes. Peu à peu, l'objectif principal devient simple : "courir le plus longtemps possible". Dans les derniers hectomètres du cinquième tour (64 km), je cours de toute évidence beaucoup moins vite que je ne pourrais marcher. Qu'à cela ne tienne, je veux courir, maintenir cette foulée en suspension, ne jamais poser les deux pieds parterre en même temps. Au moins jusqu'à la fin de ce tour. Mais courir me fait de plus en plus mal, devient de plus en plus douloureux. Les cuisses sont HS, et pour la première fois de ma vie de coureur, je commence à avoir mal aux mollets.
J'ai envie de m'arrêter parce que je sais que le départ pour le sixième tour sera très dur. Il faudra aller jusqu'à neuf et dans mon état, c'est pas gagné. C'est drôle comme dans ces moment-là on retrouve toutes les bonnes raisons d'abandonner : "tu dors quasiment pas, tu as couru une semaine sur les deux derniers mois, et puis à quoi bon continuer, qui te le reprochera, tu vas te casser, il faut que tu sois en forme pour bosser lundi, te mets pas dans le rouge"... Malgré tout, malgré le fait que je considère l'abandon comme une étape essentiellement positive, ça se gère. Et ça se gère en allant assez loin dans la douleur, non pas par esprit de masochisme - je déteste souffrir et je sais que ça pourrait détruire ma passion pour l'ultra - mais simplement pour ne pas revivre les mêmes moments. J'analyse donc en direct ce que je suis en train de vivre, ces excuses que je me trouve, et remonte peu à peu la pente. Des galères comme celles-là, j'en ai déjà passées et il en faudra donc un peu plus pour me faire arrêter. Je m'arrêterai aux limites de mon physique car je sais qu'aujourd'hui, je ne manquerai pas de lucidité, que je ne souffrirai pas d'une mauvaise alimentation... non, seules les jambes sont susceptibles de craquer et quand elles ne voudront plus avancer (mais VRAIMENT PLUS !), je m'arrêterai.
Je ne savais pas s'il était possible de courir un cent bornes dans des conditions de sous entraînement, de sous forme, de fatigue et de surpoids patent... Maintenant, je sais : c'est possible, tout l'est, mais pas pour moi ce jour là. Quoiqu'il arrive, c'est une expérience d'une dureté que je n'avais jamais vécu et que je n'ai pas envie de revivre, sans qu'elle soit traumatisante. Je pense qu'avec l'expérience de Saint-Estève (entrainement inversé) et maintenant celle de Saint-Nazaire, j'ai les limites de ce que je peux faire et de ce que j'aime faire en termes d'entraînement et d'ultra. Il ne me reste pas beaucoup de mauvaises idées à tester dans ce domaine...
Bref, je ne vais pas vous refaire toute la course, ça va vous soûler, mais c'était un grand moment. Là, je vais tenter de citer tout le monde, parce que tous ceux que j'ai vus (et identifiés) m'ont permis de passer un moment doublement enrichissant. Dans le désordre...
* Palme d'or à Nitram : hébergement et bonne humeur à gogo, une petite famille en or, un coeur énorme, un amigo comme on en a pas beaucoup dans une vie. Son premier cent bornes est à son image, peu académique : il rend son dossard pour abandonner, se laisse convaincre à coup de menaces, repars et termine dans un temps canon. J'avais les glandes de partir de chez lui et si j'avais eu ma chérie et ma p'tite fille dans la voiture, je serais bien resté la semaine entière !
* Petit coureur : il a dû se demander parfois pourquoi je marquais un temps d'hésitation avant de l'encourager... 'me rappelait plus ton prénom ! Donc, je basculais sur Petit Coureur mais j'ai eu du mal avec ce pseudo tant il colle mal au personnage. On a fait un ou deux kilomètres super sympas ensemble, au début, mais je me suis vite dit qu'il fallait que je ralentisse. Ton arrivée avec Nitram, comme l'autre duo du jour L'Boeuf/Pitou, c'était un grand et beau moment.
* Bibi. Dès le matin, sourire radieux de p'tite bonne femme plein d'énergie (on a dû souvent te la faire celle là, mais c'est tellement vrai). J'ai longtemps cru et espéré que tu allais l'emporter mais ce n'est que partie remise. A mon avis, les portes de l'équipe de France viennent de s'ouvrir, ou au moins de s'entrouvrir.
* Hervé l'Shadock. Il est cool, calme et détendu, mais on sent que ça travaille dans la caboche avant la course. C'est presque drôle de voir et de discuter avec ce faux calme parce que le mélange est assez atypique. C'est un vrai gentil, ça se sent très vite, et après son abandon, on voyait qu'il en avait sur la patate, mais semblait presque ne pas vouloir embêter les autres avec tout ça. Franchement, l'Shadock, j'espère, je sais, que tu vas nous faire un Saint-Fons d'enfer.
* Bruno. ça faisait longtemps que j'attendais ce jour : courir le même ultra que Bruno. Je voulais même, dans ce rêve, courir les 200 premiers mètres avec lui. Au bout d'un kilomètre, à Saint-Nazaire, il n'était qu'un point au loin mais la magie des allers retours a fait qu'on s'est croisés plein de fois. La magie de notre différence de niveau a fait qu'il m'a en plus doublé... trois fois... presque un marathon ! A chaque fois, le bonheur, le mot juste, et quand il m'a dit, à l'un de ces croisements "on est dans la même galère", j'avoue que ça m'a vraiment fait chaud au coeur de voir que même à sa vitesse il se sentait "comme nous". Que Bruno soit là, c'était sans doute l'une de mes plus grandes joies du week end. J'espère qu'il fera le déplacement à Saint-Fons. Hein Bruno ?
* Jacko. J'ai un peu discuté avec lui avant la course. Calme, un brin timide, et visiblement stressé mais d'après ce que j'en sais, c'est sa technique pour gagner. Plus il avance dans l'épreuve et plus il se renferme. S'il fallait noter une plus belle foulée, ce serait la sienne. Léger doute sur l'esthétique des coudes écartés mais c'est peut-être ce qui le fait voler... et puis il paraît que je fais pareil !
* Cyrano. Il faut absolument me refaire pousser cette moustache ! Je n'ai rien compris de tes explications vaseuses mais tu vois, après comme tu galères. Malgré tout, j'ai bien retrouvé la bonne humeur de Saint-Estève et cet état d'esprit si particulier face à l'abandon : rien de grave, si j'ai pas envie, je m'arrête. Et c'est sans doute pour ça que tu arrives au bout. Il est où ton CR ?
* Vincent. Après ce fameux Millau, j'ai eu peur qu'il ne soit définitivement perdu pour l'ultra. J'étais vraiment content de te voir accumuler tous ces kilomètres et encore plus de voir ta solidité en course. Bon, je pense que sur les deux derniers tours, tu en as chié, mais tu l'as fait, et de manière grandiose. Et même quand tu étais bien kaput, toujours un p'tit mot. Bon, on se la fait cette fiesta ? A Saint-Fons ?
* L'Boeuf. "Allez Phil !" Presque autoritaire, à chaque fois que je croisais l'Boeuf, j'avais l'impression qu'il valait mieux que "j'y aille" ! Fidèle à sa légende, il est venu là comme une fleur, et se tape quand même un super truc, avec quelques hectomètres courus en compagnie de Bruno (j'avais rêvé de le faire mais là, oui, j'aurais pas été au-delà de 64 km !). L'Boeuf, c'est le gars qui arrive à caser un 100 bornes entre deux urgences et tout gérer avec brio. Et là, je suis sûr qu'il va penser qu'il est toujours à la bourre et que le brio est loin de là. Non non, pas si loin.
* L'Blueb. J'ai failli le rattraper ! Et ben non, finalement, non. L'image que j'ai du Blueb, c'est son départ pour le dernier tour. Il a dû faire toutes les assiettes du ravito avant de l'entamer. Il faisait presque noir, il était seul, il partait pour une dernière. Sans doute avec difficulté, mais il partait. Profond respect, à ce moment là, surtout en repensant à des moments durs où il se sentait en "mort lente". Si j'avais pu vivre l'un de vos cent bornes, je pense que j'aurais préféré celui du Blueb. Pas pour la souffrance, mais pour la rage. Mais ça doit quand même faire un peu mal aujourd'hui, non ?
* Fredou. Une foulée, un sourire : c'est ce que tout le monde a remarqué. Tout le long, avec son fanion UFO, il a déambulé avec la même foulée, le même air de ravi d'être là, les mêmes encouragements. On n'y croit pas quand on le voit au premier tour (enfin, moi si, parce qu'on a déjà couru ensemble à la Lyon-Sainté) mais on y croit de plus en plus ensuite. Quand on l'a vu arriver, la nuit tombante, frais comme un gardon, on n'a pas pu s'empêcher de gueuler notre joie comme des putois ! Le Fredou, on est tous d'accord, va faire très mal à Saint-Fons.
* Mmi. Si vous le voyez, dites-lui que c'est un dingue à fourrer d'urgence à l'asile, et vous pouvez être sûr de le mettre dans votre poche. Il a accumulé ces dernières semaines des charges de travail impressionnantes, pour Ultrafondus, pour son boulot. Il s'est aussi entraîné, sûrement pas autant qu'il l'aurait voulu, et je l'ai vu se coucher vers les 4 heures du mat' (on causait par mail) pour se lever à 6. Je commence à pas mal le connaître, le Mmi. Si un jour vous avez une galère, c'est lui qu'il faut aller voir ! Mais allez y surtout pour passer un bon moment et rappelez-lui de temps à autre qu'il faut penser à dormir, quitte à l'envoyer au lit sans lui donner le choix. Et puis, il est toujours entouré de jolies filles le Mmi, je sais pas comment il fait... (enfin si, un peu mouarf mouarf).
* Mikael. C'est lui qui a sauvé mon dernier tour, en plus d'avoir sauvé quelques mags ! J'étais dans une galère pas possible, le Forerunner indiquait... hum... vingt minutes au kilomètres, et grâce à lui, j'ai pu oublier ces dernières longueurs physiquement insupportables. On a dû s'envoyer 16841 mails dans les derniers mois et j'ai vu en vrai le personnage que j'avais perçu : un vrai passionné, doublé d'un journaliste de talent qui s'est découvert. Bon, là, il me faudrait plus de quelques lignes pour dire à quel point ce gars là est étonnant. Je sens qu'il va dépoter en ultra çui là...
* Chico. Mon idole ! La foulée que j'aimerais avoir si j'étais un coureur d'ultra né, c'est lui qui me l'a prise. J'ai eu la chance de le suivre aux 48 heures de Surgères (mais moi j'ai eu besoin de dormir un peu...) et de voir de près cette détermination mêlée d'une sorte de fatalisme positif. Chico, hier, a pris les choses comme elles venaient mais avec sérieux. P... que chuis content que tu sois passé sous les huit heures !
* Oignon. Yves n'a pas couru cette fois-ci mais il est en quelque sorte l'alter ego du précédent, ou en tout cas l'Ami, avec tout ce que ce mot peut supposer de solidarité, d'empathie et de générosité. Ces deux-là, ils se connaissent bien et je suis assez fier de la photo d'eux deux qui a été publiée dans le reportage de l'an dernier sur les 48 heures de Surgères. Yves, on l'a déjà dit, trouve toujours le bon mot, et même quand il me disait de courir alors que j'avais deux blocs de béton armé à la place des quadriceps ça réveillait en moi une lueur d'espoir. Si vous cherchez quelqu'un pour vous motiver avant ou pendant une course, c'est Oignon... et avec toute la famille, car Marie et Damien ne sont jamais loin.
* Titi44. Le crane rasé, c'était lui. Je l'ai reconnu malgré qu'il ait cru le contraire et, bien concentré dans sa course, il avait tout de même ce petit regard de solidarité commun à la plupart des coureurs. J'avais un peu discuté avec lui à Chavagnes et j'attends toujours qu'il m'envoie une page à passer pour l'association contre le diabète qu'il soutient.
* Michel Q. L'organisateur, le boss, pas le seul boss, mais c'est surtout lui que je connais. Un réel plaisir de lui serrer enfin la main, quelques dizaines de minutes avant la course. A travers, lui, ce sont tous les bénévoles que j'aimerais remercier. Ils sont fantastiques et ils ont été aux petits soins pour moi à chaque fois que je leur demandais de remplir mon bidon. Pour en revenir à Michel, l'image que j'en garde, c'est avec ses jumelles sur la ligne d'arrivée. Ben voilà, Michel, il voit tout, il est partout, il fait attention à tout, et ça donne Saint-Nazaire. Il m'a même appelé la veille sur mon portable pour savoir si tout allait bien ! Je serais pas surpris qu'il ait fait ça avec pas mal d'autres coureurs.
* Michel C. Et sa cloche. Imaginez que vous êtes un petit coureur insignifiant et qu'à un moment, vous avez un gars qui a finit dans les places de tête de la SaintéLyon, qui gagne des courses à la force du jarret, qui se tape 150 000 m de dénivelé en ski de rando en 2003, etc. imaginez, il est à côté de vous et il vous sonne la cloche pour vous encourager. Plusieurs, fois, Michel est venu discuter avec moi et c'était parmi les moments les plus agréables que j'ai passés sur la course, juste à causer tranquilou, comme si j'étais au salon. Le plus drôle, c'est qu'il a fait ça avec pas mal d'UFOs, avec la même chaleur, la même simplicité. J'avais l'impression tout à coup que je courais un footing, bien détendu, bien relâché.
* Michel P. J'ai beaucoup dit de bien de lui, déjà, mais c'est jamais trop ! Avec sa femme, Catherine, il organise l'UTMB, et l'admirable, c'est qu'ils sont tous les deux passionnés par ce qu'on a coutume d'appeler par ici l'Ultra. Michel, tranquille, s'est tapé la même distance que moi (76 km), mais à sa vitesse 24 heures, et en prévoyant d'en faire à peine une cinquantaine. Toujours ce sourire, cette facilité, cette foulée étrange de coureur des montagnes, cette absence de douleur, et si j'ai bien compris il enchaîne sur le Trail du Ventoux. Ah, je les adore ces deux-là !
* Fabien. Encore un gars de tête qui se la prend pas, la tête. Moi, Fabien, depuis que j'ai causé avec lui pour la première fois à l'UTMB, je me dis que si j'étais aussi bon, et ben j'aimerais bien aussi être aussi cool. Cela dit, dans tous les bons qu'on connaît sur le forum, ils sont tous cools... Alors, je sais pas... En tout cas, avec Michel C, ils ont joué les sparring partners, et c'était quelque chose. Là, je dois aller dévorer tous les posts qu'a envoyés Fabien sur Saint-Nazaire.
* Laurent. L'ardéchois. Rencontré à Chavagnes, affable comme pas deux et qui a pour particularité de ne pas aimer l'abandon. Taillé dans un chêne, je le vois mal abandonner, de toute façon, et une fois de plus, il est arrivé au bout de ce cent bornes là, accompagné de sa femme qui a beaucoup couru cette fois là. Son vocabulaire est parfois celui d'un stressé mais de lui émane quelque chose qui détend. C'est bizarre, hein ? C'est l'ultra.
* L'Furet. L'aisance personnifiée. Tout semble facile quand on le regarde. Il est discret, la ramène pas, et il nous fait une spéciale à sa façon. ça fait toujours bizarre de voir des coureurs de cette classe se comporter avec une telle humilité.
* Zébulon : Quasiment le même profil que le Furet. ça avance fort, en toute discrétion, avec une humilité qui transpire de tous les pores de sa peau. Quand on voit la photo de sa fiche, on se dit que ce gars, c'est Terminator. Je n'ai pas eu le temps, malheureusement, de beaucoup discuter avec Zéb mais franchement, j'espère qu'on fera quelques tours ensemble à Saint-Fons pour rattrapper ça.
* Pitou : le trans américain. A chaque fois que je le croisais, je voyais un coureur transcontinental. Il arrive de loin, solide comme un roc, prêt à affronter les milliers de kilomètres qui vont le mener à New-York. Même quand il faibli, il garde un haut niveau de conscience. C'est impressionnant et c'est sans doute une force qui va le mener au bout de son projet de folie.
Et puis Gilbert, avec sa barbe et toujours cet air de dire "vas-y p'tit gars, c'est bien". Et Henri, que j'ai essayé de rattraper pour papoter mais qui m'a dit de filer (ne l'écoutez pas s'il vous dit ça un jour, papotez plutôt !)
Bon, là, j'ai les glandes parce que si j'ai oublié quelqu'un il (ou elle) va croire que je lui en veut ou je ne sais quoi... J'aurais aimé parler de tous ceux et toutes celles que j'ai croisés pendant plus de 10 heures, d'Anke (que je n'ai pas reconnue !) aux Italien(ne)s, en passant par ce marcheur Belge que j'ai doublé puis qui m'a finalement largué. Et les accompagnateurs(trices) des uns et des autres qui ont supporté leurs protégés mais aussi les autres : Catherine, Tawe, Patricia, Djohra et sa petite soeur, Gislain (qui s'est mis à l'ultra faute de connexion fiable, un mal pour un bien !), etc.
Voilà pourquoi, quoiqu'il arrive, on ne peut pas revenir déçu d'une course comme celle là.
Phil_gros_dodo
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