Récit de la course : SwissPeaks Trail - 360 km 2024, par galette_saucisse

L'auteur : galette_saucisse

La course : SwissPeaks Trail - 360 km

Date : 1/9/2024

Lieu : Oberwald (Suisse)

Affichage : 39 vues

Distance : 360km

Objectif : Pas d'objectif

1 commentaire

Partager :

Swisspeaks 360

Swisspeaks 360 - 01.09.2024

Un an après avoir bouclé le TOR des Géants, je me lance à nouveau dans une aventure XXL. J’ai pourtant longtemps hésité à m’engager encore une fois sur ce format, mais mon déménagement au pied des Alpes germano-autrichiennes facilitant l’accès à un terrain d'entraînement adéquat a fait penché la balance. Et puis, je me suis en même temps rapproché physiquement du lieu de départ/arrivée.

J’ai eu de bons échos de cette Swisspeaks (et ses succulents ravitos) et le concept “des glaciers au lac” me plaisait beaucoup. 

Je souhaitais surtout confirmer que ce format de course était toujours ce que je recherchais avec, en tête, un éventuel futur retour à Courmayeur… Aussi pour voir si mon pauvre genou droit tenait encore le coup.


La préparation s’est plutôt bien passée. Ayant maintenant un accès direct aux montagnes, j’arrive à cumuler 100.000 D+ depuis le début de l’année. J’ai traîné une cheville un peu douloureuse pendant plusieurs mois mais le local Zugspitz-Ultratrail mi-juin m’a mis en confiance sur ce point, malgré tout de même certaines douleurs.


Côté logistique, j’ai pris l’option “Train-Hébergement-dîner-p'tit dej” à Fiesch offerte par l’orga (et conseillée par Jano) qu’il faut prendre lors de l’inscription. C’est absolument parfait, surtout lorsqu’on voit les tarifs appliqués par les hôtels et chambres d’hôtes aux alentours du départ (Oberwald).


Le samedi, veille de la course, je laisse ma voiture au parking du Bouveret (arrivée). J’y retrouve Andrew aka. “Basil” que j’ai rencontré au TOR l’année dernière et qui m’avait ramené à l’aéroport de Milan. Nous prenons ensemble le train pour Fiesch.

C’est ici que se déroule le retrait du dossard et du sac suiveur. Je vais ensuite demander ma chambre. Au comptoir, je rencontre Franck (aka kikouroù fcorset) avec qui je décide de partager la chambre.

Commence alors le déballage et remballage du sac-suiveur. On s’étale bien dans la chambre et il me faudra plus d’une heure pour bien tout mettre en place.

S'ensuit, dîner, bon dodo et c’est le Jour-J.P’tit-dej’, puis le train vers Oberwald.


Au départ, je retrouve Manu aka elnumaa[x] le temps d’un petit échange. Evidemment, je ne le reverrais plus mais j’ai tout de même suivi sa superbe performance.

Les coureurs du 360 font une haie d’honneur à ceux de la 660, et c’est parti.

Il fait beau et les prévisions sont assez bonnes pour les prochains jours. Une perturbation est attendue pour jeudi, on a le temps de voir venir.

 

Oberwald – Fiesch : 51km – 3200m D+ / 9h26’

Il y a une bonne humeur dans le peloton où l’on retrouve et échange avec les coureurs de la 660. Certains ont l'air bien entamé alors que d’autres se sont refait la cerise à leur dernière base-vie. La bonne nouvelle pour eux est qu’ils sont sur le chemin du retour.

Cette première partie n’est pas trop difficile et permet de rentrer dans la course progressivement.

Les deux premières bosses se passent plutôt bien.  Le parcours nous offre une magnifique vue sur le glacier du Rhône de l’autre côté.

 

Le ravito de Reckingen est le bienvenu car il fait déjà bien chaud sur ces 30 premiers km, surtout à basse altitude. Beaucoup de pastèque, chocolat suisse et gâteaux de toute sorte puis j’enchaîne sur la montée vers le Chummehorn. 

Ça commence lentement le long d’une rivière. Ici, je retrouve Grégory que j’ai croisé peu avant le départ et qui m’avait gentiment prêté sa frontale de secours sur le dernier ravito de l'Échappée Belle en 2022. Il n’est pas au mieux. 

Je n’ai pas les meilleures sensations non plus sur cette montée. J’ai du mal à respirer comme je le souhaiterais, comme si ma respiration était coupée à l’effort. Ce n’est que le début et je me dis que ca passera.

Sur cette portion, je suis avec Denise Zimmermann, la locale suisse habituée des podiums. Elle est sur la 660 et me semble toujours bien en jambe. Elle finira 1ére féminine.

La descente vers Fiesch passe plutôt bien. Nous traversons le Rhône via une superbe passerelle. 

2km avant la base-vie, je retrouve l’irlandais Gavin (que j’avais repéré sur la liste des coureurs) avec qui j’avais aussi discuté brièvement avant le départ.

Je n’ai pas prévu de m’arrêter trop longtemps. Je vais au réfectoire prendre un plat de pâtes et je retrouve mon compagnon de chambre de la veille Franck qui s’est bien entendu avec 2 toulousains. Ils sont déjà prêts à repartir alors que je me rends compte que je dois passer voir les podologues car ces premiers 50k ont fait apparaître une corne un peu trop généreuse sous le pied gauche.

Je me fais réprimander par la podologue et elle me rappelle les règles que tout ultra-trailer se doit de suivre, surtout pour le “très-long”:

Aller voir un podologue du sport 3 semaines avant la course
Préparer ses pieds pendant au moins les 2 semaines précédentes (Tano ou jus de citron-vert le matin, puis Nok ou n’importe quelle crème hydratante le soir)
Bien se couper les ongles au moins 5 jours avant.
J’avais tout bien, sauf la règle du podologue. Cette corne aurait pû être enlevée avant la course. J’ai bien fait de m’arrêter car une ampoule sous la corne et la course est finie.

 

Fiesch – Eisten : 108km – 7400m D+ / 27h23’

En partant de Fiesch, je retrouve mes compagnons anglais. Basil (croisé au TOR l’année passée) et David (avec qui j’avais fait 200km sur la Northern Traverse et plusieurs portions du TOR l’année dernière). Eux se connaissent déjà bien pour avoir fait moulte courses en Angleterre.

David n’est pas au mieux en ce début de course. Tout comme l’année dernière au TOR, il n’arrive pas à s’alimenter et vomit tout ce qu'il mange. Il est un peu plus lent que moi dans cette montée et je grimpe à mon rythme pour les 1500 D+ qui nous attendent.

À partir de maintenant, nous allons aligner les montées-descentes avec grosso-modo 1500 D+ et 1500 D- jusqu’à la fin. C’est à peu près le tarif Swisspeaks.

Je commence à sentir la fatigue et un coureur me confirme qu’il est possible de dormir à Fleschbode. Je dors souvent dès la première nuit et encore mieux lorsqu’il est autour de minuit. 

Malgré le fait que ce ravito ressemble à un simple garage ouvert, il y a bien des lits à l’intérieur de l’autre côté. Il suffit juste de demander. L'accueil est top. C’est un dortoir qui peut accueillir plus ou moins 20 personnes. Je demande à dormir 1h45. Même allongé, je sens une respiration bien difficile, ça m'inquiète un peu mais je m’endors malgré tout.

Au réveil, j’ai le nez bien bouché. Ça sent la petite infection tout ça. 

Je mange une très bonne soupe avec des pâtes, un yaourt et c’est reparti. J’avais eu du mal à m’alimenter pendant la soirée mais l’appétit est revenu. Là encore, le ravito est généreux et je m'empiffre de gâteaux.

La nuit est fraîche mais le ciel est clair, les étoiles brillent. En repartant, je retrouve David qui a lui aussi été dormir 30mn. Il n’est toujours pas dans son assiette et il vomit direct à la sortie du ravito, et un sacré vomito. Je me demande déjà comment il va pouvoir poursuivre jusqu’à Lengritz. 

Nous continuons la descente vers Grund en discutant de nos vies respectives. Puis, la montée de 1500D+ vers Nanzlicke.

La montée est bien cassante, la vue superbe!

Plus trop de souvenir du ravito de Lengritz. Nous y retrouvons Basil (et Tobias?) et continuons ensemble vers la 2ème base-vie de Eisten.

La base-vie est la bienvenue. Je suis surpris de ne voir que de la polenta en plat chaud. Je demande un peu de sauce bolognaise malgré mon régime végétarien. Sinon, c’est bien sec. Ce sera certainement le ravito le moins fourni sur cette Swisspeaks.

Je vais prendre une douche bien agréable et me repose 30mn sur les matelas. Au réveil, je vois David et Basil déjà prêt à partir. Je les laisse aller en préparant mon sac.

 

Eisten – Grimentz : 167km – 11850m D+ / 48h51’

 

Après avoir quitté le ravito, j’aperçois que j’ai oublié de remettre ma serviette dans le sac-suiveur. Elle séchait gentiment au soleil, retour au ravito. Allez 1km de rab.

Je rattrape mes deux acolytes et nous arrivons sur un secteur que je connais depuis l’UTMR (Monte-Rosa). C’est vraiment une superbe région.

Nous arrivons au ravito de Grächen/Zum-see. C’est bien confortable et il y fait chaud. En arrivant de nuit, ce pourrait être le parfait mouroir. 

Ici, ils nous servent un plat local, le Choléra valaisan (Il s'agit d'une abaisse de pâte feuilletée garnie de pomme de terre, d'oignon et de poireau cuits et ensuite couverts successivement de fromage à raclette et enfin de pommes frites), c’est absolument délicieux.

Je retrouve Basil, Phil et Tobias sur la terrible montée vers Augstbordpass pour cette entame de 2ème nuit. La fin de cette montée est vraiment top et bien minérale. On papote beaucoup. Pas sûr que je sois sur mon vrai rythme mais, au moins, ça fait passer le temps très vite.


On passe de l’autre côté puis direction le ravito de Bluömatt. Tobias est complètement usé et le ravito ne semble jamais arrivé. 

C’est un endroit assez unique dans une ferme. À l’étage, le dortoir semi-ouvert sur le ravito lui-même. On y mange notre première raclette accompagnée d’une délicieuse omelette. 

J’en prends une portion en attendant qu’un lit se libère. Nous sommes en milieu de nuit et le timing me semble propice au sommeil. 

Je me rends compte ici que j’ai dû laisser ma petite pochette “boules quies et masque” la nuit dernière. Un sympathique gars nommé Thierry me donne sa deuxième paires de “vraies” boules quiès. Si tu me lis ici, merci encore. Ça m'aura sauvé ma fin de course. Je planifie de nouveau 1h30’ de dodo. 

Je me couvre de presque toutes mes couches de vêtements car il ne fait vraiment pas chaud. Je m’enroule dans la couverture et place mon buff sur mes yeux. J’ai toujours du mal à bien respirer mais, encore une fois, je m’endors. J’ai vraiment de la chance avec ça quand j’entends les autres concurrents qui eux n’y arrivent pas.

Je suis surpris d’être réveillé par mon voisin et je ne comprends pas trop pourquoi. En vérifiant l’heure, je ne suis censé me réveiller que dans 20mn. Il s’avère qu’un gars lui avait demandé de le réveiller quand lui-même se réveillerait, cependant, je ne suis plus le gars en question… Le réveil est difficile, le nez toujours bien bouché et les bronches bien remplies.

Je mange de nouveau une omelette-raclette, puis, comme à notre habitude, David et moi nous retrouvons pour faire la portion qui suit ensemble. Les autres n’ont pas pû dormir ici (ou très peu) et sont déjà repartis.

Nous partons sous une pluie fine mais le jour va se lever doucement et nous offrir un paysage somptueux. J’ai vraiment bien aimé cette portion avec vue sur glaciers jusqu’au col de la Forclettaz.

Plus trop de souvenir de la descente vers Grimentz, notre troisième base-vie, si ce n’est qu’on nous a fait faire une rallonge de 4 km suite à un éboulement.La base vie est top. Au rez-de-chaussée, il y a d’un côté le réfectoire puis les podologues / masseurs de l’autre. À l’étage, des douches et des chambres de 2 à 4 lits. Je mange un très bon plat de Rösti, un oeuf, du pain et délicieux fromage.

Je décide d’aller me reposer un petit peu (juste 15mn) dans une chambre avant d’attaquer le col du Torrent.

On nous annonce que le Kit froid va être activé nous confirmant les grosses pluies annoncées pour jeudi.

 

Grimentz – Thyon : 208km – 15500m D+ / 65h55’

Je repars seul de cette base-vie. 

Le début de la montée le long du barrage de Moiry est magnifique. La vue sur le glacier du même nom l’est tout autant.

On rejoint assez vite l’alpage de Torrent où on nous serre des pancakes délicieux accompagnés de salés ou sucrés. Bonne ambiance ici où je retrouve….. David.

Nous continuons l’ascension vers le col de Torrent ensemble. C’est toujours aussi beau!

La descente vers le ravito d’Evolène est bien casse-cuisses et je ressens de nouveau une bonne fatigue. 

Arrivée au ravito, je demande s’il y a des lits et on me confirme que oui. David et moi décidons d’y dormir 1h. Nous avons tous le dortoir pour nous.

Ici, on nous sert une superbe soupe de légumes et un délicieux bircher (spécialité suisse à base de flocons d’avoine, yaourt et fruits rouges). Encore une fois, des bénévoles vraiment sympas.

Nous repartons à deux vers le col de la Meina. Le soleil se couche et nous voyons quelques éclairs au loin. 

Au ravito de Chemeuille, j’ai la bonne surprise d’y voir JuCB qui prend un petit selfi pour la kikourou-community.

En approchant le col de la Meina, nous entendons beaucoup de patous autour de nous. Aucun d’entre eux ne nous approche. 

Dans la descente vers Pralong, David me dit d’y aller car j’avance plus vite que lui sur cette portion et je me sens plutôt bien à ce moment de la course.

Ici, il est indiqué 19km entre Chemeuille et la prochain base-vie à Thyon. Cependant,le profil n’est pas le reflet du terrain. Je tablais sur une base-vie aux alentours du 210ème km (204 sur ma fiche + les 6 ou 7 de rab’ que nous avons déjà eu. Mais c’est interminable. À un moment, je vois un signe Thyon 2h30’, je n’y crois pas du tout et pense être à 2 ou 3 km max. Mais ce sera bien 2h qu’il aura fallu pour rejoindre cette base. J’ai eu l’impression d’avoir loupé un ravito au milieu. 

Finalement arrivé à Thyon, je découvre que la base-vie est séparée sur 2 étages. Il faut enlever ses chaussures au 1er étage (sacs suiveurs, douches et couchages) et les remettre pour aller à l’étage inférieur (réfectoire, massages). Pas très pratique. C’est la première fois que la course vient à Thyon car la traversée du “Grand Désert” n’est plus possible de nuit.

Ici, je mange de succulentes lasagnes végétariennes avant de demander un massage. Allongé sur la table de massage, l’infirmière à côté s'aperçoit de ma difficulté à respirer sur le ventre et je lui confirme que ce n'est pas en effet pas la grande forme de ce côté. Elle demande au docteur assistant de prendre ma “sat” (pour mesurer la saturation en oxygène avec un saturomètre au bout du doigt).

Mon massage me fait le plus grand bien mais j’ai soudain peur à l’attention du docteur sur mes résultats (c’est d’ailleurs pour ça que je n’ai rien mentionné avant).

Il me dit de revenir le voir pour reprendre ma “sat” après mon dodo d’1h30.

J’ai encore eu du mal à réguler ma respiration avant que le sommeil vienne mais j’ai tout de même dormi à peu près 1h. Au réveil, toujours un peu dans le gaz mais je retourne à l’étage inférieur pour re-manger des lasagnes et me faire re-checker par le doc. Je sens déjà que ca va mieux et en effet, les résultats sont meilleurs. Il me dit que c’est ok pour continuer (manquerait plus que ca) mais de me faire checker à chaque base-vie. 

 

Thyon – Slavan : 292km – 21000m D+ / 99h29

 

Grosse section en perspective. Sur le papier, c’est 84 km entre les deux bases-vie de Thyon et Salvan avec la fenêtre d’Arpette au milieu.

Avant d’arriver à Tortin, je retrouve toute la clique (David, Basil, Tobias, Pat’ et Guillaume avec qui on fait le yoyo depuis le début). Ravito en extérieur avec encore et toujours possibilité de raclette. J’évite d’en prendre car à ce moment de la course, j’ai comme l’impression que cette surcompensation de raclette m’enflamme l'intestin, ce qui, potentiellement, mettrait une pression sur mon diaphragm, ce qui, potentiellement, m'empêchait de respirer convenablement.

On nous annonce ici que la Fenêtre d’Arpette risque fortement d’être shuntée. Trop risqué avec les grosses pluies attendues.

Sur la montée au col de Chassoure, je croise le kikourou Tidgi, qui me prend en photo. J’ai pas l’air trop mal pour un mec qui a 220 bornes dans les pattes.

Grosse descente sur Lourtier où nous nous arrêtons prendre un “vrai” café et jus d’orange au café du coin.

With David and Phil

Les descentes bien abruptes commencent à sérieusement entamer mon genou droit. Comme sur le TOR l’année passée, mon opération des croisés, il y a 20 ans, refait surface autour des 250 km. Le genou se met un peu à gonfler. Bon, rien de grave encore mais au fond de moi j’espère que ça tiendra.


La montée à la cabane Brunet est bien raide et heureusement qu’il n’a pas encore plu car ce serait un beau champ de boue.


Mercredi soir, le ciel s’épaissit et s'assombrit doucement sur le Mont Brûlé. Des vaches nous barrent le chemin, il faut jouer des bâtons (gentillement) pour se frayer un chemin. Ici je retrouve Guillaume avec qui nous discutons le long d’une belle crête avant de descendre sur Orsières. 

Je fais une petite pause sur le côté d’une pente bien raide et après être reparti. 30 secondes après être reparti, je constate que je n’ai plus mon téléphone dans la poche avant. Je préviens Basil, Tobias et Guillaume que je dois remonter car je l’ai certainement oublié lors de ma pause un peu plus haut. Sauf que le plus haut est sacrément pentu et que je ne retrouve pas où j’ai effectué ladite pause. Gros moment de panique! Sans téléphone, c’est potentiellement un DNF (réglementairement parlant) et puis c’est aussi un sacré soutien avec le monde extérieur. Je me fais doubler par plusieurs concurrents et leur demande si, par chance, ils auraient aperçu un téléphone. Je fais des allers-retours sur cette maudite pente et je vais y passer 45 minutes et certainement plusieurs centaines de mètres de D+ / D-.

Je retrouve finalement mon téléphone mais bien plus haut que je pensais. Et là, c’est un tout nouveau Jean-Michel qui repart avec une adrénaline de fou sur le reste de la descente, je rattrape même plusieurs personnes avant d’arriver au refuge de Prassurny. 

Les autres ont déjà mangé et sont partis se coucher. En attendant qu’un lit se libère, je mange et partage ma bonne humeur contrairement aux autres qui commencent à douter de la journée pluvieuse annoncée.

Je dors maximum 30 minutes ici. Je suis sur un matelas près du poêle qui réchauffe bien la pièce mais je n’ai pas de couverture et ce n’est pas très confortable. Je décide donc de descendre re-manger puis je repars vers Champex avec toute la troupe (David, Basil, Guillaume, Tobias, Pat et Phil).


La fameuse fenêtre d’Arpette n’est plus au programme vue les conditions annoncées. Nous prendrons donc le chemin de l’UTMB sur cette portion jusqu’au Col de la Forclaz, notre prochain ravitaillement.

En montant Bovine, la pluie s’intensifie et avec le levé du jour, nous constatons que nous ne voyons même pas à 10 mètres. J’enfile mon pantalon de pluie. La combinaison du vent et de la pluie me fait prendre froid très vite.

Au vu des conditions, on se demande si la course ne va pas être stoppée. Nous continuons tout de même vers la Forclaz.

Je suis complètement trempé. Heureusement, j’avais prévu la grosse veste Gore-Tex 3 couches et, comparé aux autres, je suis plutôt sec sur le haut du corps. 

Le ravito de la Forclaz est plus que bienvenu. Il y fait bien chaud et on nous prépare ici des Burritos (même vegan), du fromage à gogo ainsi qu’une très bonne soupe de légumes. J’ai vraiment faim et je n’arrête pas de m'empiffrer. 

Après avoir fait sécher nos vêtements, il est temps de penser à ressortir pour affronter cette sale journée. Nous (plutôt Basil) décidons de repartir tous en groupe vers le Mont de l’Arpille puis la longue descente vers la base vie de Salvan.


La base-vie ici est un bunker, encore un autre (370.000 abris nucléaires en Suisse!!). C’est assez glauque mais pour nous, fatigués traileurs, ces pièces carrés qui se suivent (cuisine, dortoir, douche, podologues…) sont bien plus facile à comprendre qu’une base-vie où l’on doit passer d’un étage à l’autre en prenant soins d’enlever et remettre ses chaussures en passant de l’un à l’autre…

De très bonnes pâtes sont servies ici. J’en prends une bonne portion avant d’aller me doucher et me changer intégralement. Massage afin de faire diminuer mon gonflement de  genou et, comme convenu, je vais voir l’infirmière en place pour vérifier mon “sat”. J’y vais assez positivement car, comme je l’ai déjà senti depuis plusieurs heures, je me sens mieux sur ce point. Il faut dire que nous sommes bien descendus en altitude (environ 900 m.). Je commence à penser que la combinaison de ma bronchite liée à l’altitude aurait pû être un facteur à ma respiration suractive.

Je vais de nouveau dormir ici mais étant toujours bien congestionné, je mets plus de temps que d’habitude à m’endormir. Je vais tout de même pouvoir me reposer environ 1h15.

Changement de chaussure car les premières (Topo MTN 3) qui ont déjà accumulées 300 km sont bien détrempées. Je mets mes anciennes bien larges Altra Olympus 4 aux pieds et c’est reparti pour le Col de la Golette. Ah bah non! On nous dit que ce col est de nouveau évité à cause de la pluie et du vent et nous prendrons la direction des gorges du Dailley.

 

Salvan-Morgins : 340km – 24000m D+ / 119h

Je repars de la base-vie au même moment que Guillaume ainsi que des deux ricains Pat et Tobias. Nous allons prendre 1700 mètres jusqu’au col de Susanfe.

La montée dans les gorges est une suite d’escaliers terrible et mon souffle ne suit plus (tiens, ce serait pas l’altitude alors). Nous sommes ici dans les nuages et le brouillard mais j’imagine que par beau temps, c’est superbe.

 

Nous atteignons ensuite le superbe vallon de Van. Un endroit idéal pour passer de bonnes vacances. Nous ne sommes pas sur le parcours initial. En combinant avec le col de la Golette, ça ferait une bien belle sortie depuis Salvan.

Le soleil va bientôt se coucher et nous entamons la montée vers le col. 

Nous sommes tranquilles sur cette montée. Nous enfilons nos vestes 1 km avant de rejoindre le ravito de Salanfe. 

Dans ce gros “blocos” nous retrouvons nous autres compères (Phil, David et Basil) qui ont eu besoin de faire une petite pause dodo. On nous sert de la pizza ici et c’est bien appréciable. Là encore, une ambiance de bunker règne.

Nous repartons de nouveau à 7 pour affronter le col de Susanfe. C’est assez magique ici. Mais la nuit va arriver et nous priver d’une vue certainement magnifique.

Je lead le groupe ici et je me sens bien.

Arrivé au col, ça souffle bien fort, trop fort pour rester en haut. Je dois redescendre de quelques mètres pour me protéger. Les autres me rejoignent et nous allons doucement approcher le fameux “Pas d’Encel”. La descente se fait doucement, surtout à 7 mais aussi car les roches sont bien glissantes. Faut pas trop se louper ici!


Nous arrivons au ravito de la Barme où il y a des tonnes de crêpes au nutella. Là encore, une soupe, du fromage et gavage de crêpes. Le ravito est en extérieur et je ne souhaite pas trop tarder. Je décide de laisser les autres. La pluie a cessé mais le sol reste bien spongieux. Je fais une belle crête seul puis je rattrape un gars avec qui je fais le yoyo depuis le début.

Nous sommes tous les deux en mode zombie et à cette heure de la nuit, les yeux se ferment tout seul. Nous nous suivons sans même nous parler, puis vient une descente et nous recourons. Après plusieurs minutes, je me rends compte qu’il n’y a plus de balisage. Je sors mon téléphone et, en effet, nous avons loupé une bifurcation. Il faut tout remonter. Je sens le mec bien vénère. Mieux vaut ne pas parler et avancer doucement.

Seulement voilà, la fatigue retombe de plus belle et, d’un commun accord, nous pensons qu’il serait bien de trouver un petit abri pour faire un petit somme.

Nous arrivons sur quelques fermes d’altitude et le gars essaie toutes les portes. Toutes. Et, il en trouvera une ouverte. Un petit cabanon plein de toiles d’araignée avec une chaise et un autre petit endroit où s’asseoir. Pas une minute et nous nous sommes endormi. Quelques minutes après, j’entends des voix. Il s’agit de mes potos anglais mais je n’ai même pas la force de d’ouvrir la bouche. Je resombre. Après environ 15mn, le froid me réveille et je dois repartir. Je laisserai mon collègue de “chambre” ici. Je ne le reverrai que le dimanche lors de la remise des prix. Il me mettra bien 3 heures dans la vue. Je repars donc vers la montée sur les portes du Soleil seulement, j’ai toujours énormément sommeil et mes yeux se ferment toutes les 4 foulées. Il fait en plus vraiment froid donc pas question de s’arrêter. Ici, j’ai une expérience hallucinante. Je me demande vraiment ce que je fous là à suivre des petits fanions. Et qui a mis ces fanions là ? Mais pourquoi je les suis? Et pourquoi les autres aussi ? Et pourquoi j’ai fait ça depuis des jours ? Dans quel but ? 

Tout ça n'a ni queue ni tête. 

Les premières lueurs du soleil arrivent enfin et la vue ici est juste splendide! On aperçoit les dents du midi et ce que nous avons traversé la nuit dernière.

Ca me réchauffe doucement.

Mon esprit commence à reprendre sens avec ce soleil levant et je sais que la prochaine base-vie est au fond de cette magnifique vallée.

Le sentier est par contre bien boueux avec les pluies de la veille et il faut rester vigilant à tout prix

J’ai du mal à recourir sur cette portion de plat longeant la rivière mais j’arrive enfin à la Morgins.

La base-vie ici est un hôtel. La grande classe! On me dit qu’il y a des chambres libres à l’étage avec douche. Je monte direct avec mon sac suiveur et m’installe dans une chambre pour moi seul. Le pied! Je peux étaler tout mon sac, prendre une douche (malheureusement froide) et dormir 1h30 dans un lit double.

Le luxe d’avoir une chambre c’est que tu peux laisser tout mon bordel et descendre manger et te faire masser. Ce que je fais évidemment. Le massage autour de mon genou gonflé fait un bien fou et là encore, double portion du plat chaud de riz et gros mélange yaourt/céréales.

J'aperçois ici Phil qui n’a pas l’air au mieux. Il me dit qu’il doit malheureusement abandonner ici car ses ampoules sont infectées sous les pieds. Il est dégouté et nous tout autant. Je vais garder en mémoire son abandon toute cette fin de course pour me dire à quel point j’ai de la chance d’être là.

Pour moi, c’est changement de chaussures. Mes Altra étant complètement trempées et avec des trous partout, je décide de les jeter à la poubelle (pas loin de 1000 km au compteur) et de reprendre les Topos qui ont fait déjà un bon bout de chemin. J’avais des semelles de rechange pour cette paire mais j’ai complètement oublié de les remplacer. Dommage, ceci va me causer quelques ampoules sur la dernière portion car celles-ci sont encore trempées. 

 

Morgins – Le Bouveret : 395km – 26700m D+ / 136h56’

Je repars de la base-vie tout frais avec Basil qui n’a pas dormi autant que moi et je vais beaucoup l’entendre bailler les prochaines heures 😀 

Cette section plutôt descendante n’est pas aussi difficile que ce que nous avons déjà parcouru mais reste tout de même une section de 50k et 2.000m de dénivelé positif et 3000m négatif qui vont bien taper dans les cuissots.

 

Il fait beau ce vendredi et le moral est bon. 

Le montée vers Tour de Don nous offre un superbe panorama encore sur les dents du Midi.

Et aussi une première vue sur le lac Léman. Mais comme nous l’a répété David, à partir d’ici, on fait énormément de zigzags et c’est pas encore gagné.

Ici, je sens que j’ai de bonnes jambes et Basil me dit d’aller rattraper David qui est devant.

Je vérifie le tracker-live et je pense le rattraper alors je fonce et je le rattrape au Chalet de Blansex. Ici, on nous sert un combo rösti-raclette absolument excellent. J’en prendrais deux fois. Je m’habille pour la dernière soirée/nuit puis c’est reparti avec, encore et toujours, David. Une bonne petite montée vers Taney (encore un superbe endroit à visiter de jour sûrement) et là au menu une délicieuse croûte aux champignons. On me propose même un verre de rouge avec. J’avoue que j’ai hésité mais ce serait ballot que ca tourne mal ici.


Sur la douce montée au “Pas de lovenex”, la nuit est belle, les étoiles sont présentes, il ne fait pas trop froid et j’ai “La vie en rose” qui vient de mes écouteurs. Je les enlève pour que David en profite et à ce moment-là, toute les planètes s’alignent. On est bien, juste bien!


Quelques mètres plus loin, le début de la descente, enfin c’est ce qu’on croit mais il y aurait encore une bonne montée vers le col de la Croix avant la vraie descente finale. David a besoin de temps et me dit d’y aller sans lui. J’ai toujours la patate, alors j’y vais.

Je me fais doubler par les gars du 100K.

J’arrive donc seul au Freney (dernier ravito) et je prends du saumon au riz. Franchement, le crescendo des ravitos était incroyable.

Il ne reste plus que les derniers 10km à faire. J’avais lu ici et là que la fin était pénible. En effet, les derniers 5km sont vraiment pénibles. On voit les lumières autour du lac mais le terrain sur ce trail en balcon est vraiment galère.

Les derniers kilomètres dans le Bouveret se feront sans grande foule puisque je franchis la ligne vers 2h40 du matin sans grand chichi mais vraiment content et fier.

Une petite bière avec deux (rivaux) nantais à l’arrivée et je prends froid rapidement.

Direction un autre bunker pour la douche finale et un petit dodo de 4-5h bien mérité.


Le lendemain, il fait beau sur le Bouveret. Je retrouve David et Pat pour un bon burger-frite-bières

Puis sieste l’après-midi au camping juste à côté de l’arrivée. Au réveil, je rencontre Courtney qui finit 2ème au scratch sur le 70k.

Cérémonie de clôture le dimanche avec toute la troupe (sans Phil 🙁 mais avec Kim Collison, vainqueur du 360). David sera sur la plus grande marche du podium des plus de 60 ans.

Nous avons tous gardé contact et je suis certain qu’on se retrouvera sur un des ces formats d’ultra.

Quelle aventure!

Le retour à la réalité est toujours assez difficile, surtout au niveau du sommeil car pour la partie bouffe, c’est top, tu manges à gogo et tu maigris 😀

 

En grand merci à Maria et Stella pour me donner la liberté de m'entraîner régulièrement et surtout de me laisser partir 1 semaine.

Merci à tous les membres de mon groupe whatsapp qui m’ont suivi et encouragé jour et (pour certain) nuit durant cette course. 

Enfin, merci à Kikourou (et sa communauté) qui reste la référence pour préparer ce genre de course et permet des rencontres toujours incroyables.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 commentaire

Commentaire de Arclusaz posté le 18-01-2025 à 19:47:18

quel exploit ! et merci pour la pub. Tu es nôtre meilleur mannequin pour les articles de la boutique.

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.07 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !