L'auteur : bubulle
La course : Grand Raid du Guillestrois et du Queyras - 100 km
Date : 6/7/2024
Lieu : Guillestre (Hautes-Alpes)
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Distance : 100km
Objectif : Pas d'objectif
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Depuis ses deux premières éditions, très réussies, ce Grand Raid du Guillestrois-Queyras a fait de l'oeil à beaucoup de coureurs dans ma petite sphère d'amis. Et forcément aussi à moi-même. En plus, placé après la Montagn'hard en 2022 et 2023, il permettait l'enchaînement avec notre désormais traditionnelle implication dans l'organisation de celle-ci.
Permettait...
Mais, malheureusement, cette année, la date a été avancée d'une semaine car (je l'apprendrai plus tard) il était difficile à l'organisation de trouver assez de bénévoles pour un week-end de 14 juillet.
Et donc, il a fallu faire le choix... et, pour une fois faire une infidélité à la MH. Infidélité partielle puisque notre camp de base de St-Gervais est mobilisé pour héberger un bon groupe d'amis kikoureurs, inscrits sur les divers parcours du Val Montjoie.
Quelques jours avant les courses, cependant, il commence à se dessiner qu'elles vont être bien compliquées. Que ce soit au Queyras, ou à la MH (ou à la X-Alpine....ou à peu près à toutes les courses ayant lieu ce week-end là, que ce soit dans les Alpes ou les Pyrénées).
En effet, une large bande orageuse va frapper les Alpes du Nord pile à partir de la journée du samedi. Plus au Sud où nous serons, ce sera la limite de cette zone, mais il est certain que nous n'échapperons pas à des pluies, annoncées de la mi-journée à la fin de journée. C'est un peu moins contraignant qu'en Haute-Savoie où les parcours de la MH vont être raccourcis : pour nous, au moins, il n'est pas prévu de parcours de repli ou de raccourcissement de la course pour raisons météorologiques.
Par contre, depuis une semaine, nous savons que le parcours sera amputé de ses passages an altitude les plus hauts. L'enneigement assez exceptionnel en altitude, cette année, fait que de nombreux névés exposés rendent beaucoup trop risqué de faire passer des dizaines de coureurs sur des cols ou des sommets à 2900m voire 3000m. Ainsi, sur le 100km, nous serons privés du Col de Chamoussière et du Pic de Caramantran (3000m) entre le Refuge Agnel et Saint-Véran, puis du Col des Houerts (2800m) pour le retour de l'Ubaye. Les mêmes modifications affectent le parcours du 160km qui emprunte en fait entièrement le même parcours à partir d'Abriès. Chamoussière et Caramantran seront remplacés par le Col Longet (2700m), moins haut, mais qui impose une très longue redescente préalable de la vallée de l'Aigue Agnelle. Et les Houerts seront remplacés par le Col de Sérennce (2600m), là aussi au prix de plusieurs kilomètres de liaison supplémentaire, en descente, dans la haute vallée de l'Ubaye. Pour compenser le kilométrage additionnel, la montée initiale entre Abriès et Ristolas n'ira pas à la Colette de Gily pour 500D+, mais sera de seulement 200D+ jusqu'au Lac des Moussoux.
Donc, un parcours légèrement moins exigeant, peut-être, mais au prix de liaisons "roulantes" qui se paieront certainement en fatigue.
Pour assurer, il nous est aussi demandé d'avoir avec nous des crampons afin de pouvoir passer les névés existants sans difficulté. Cela va me causer un beau casse-tête car, dans mon matériel, je n'ai que les classiques Yaktrax (mais qui sont déconseillés pour cet usage) et des crampons de randonnée glaciaire (Symond Caiman) évidemment d'une redoutable efficacité mais très surdimensionnés. Ils me prennent la moitié du sac de trail dans leur housse (et vu les pointes, il n'est pas question de les emmener sans housse!) et ce serait au détriment du reste du matériel obligatoire.
Et comme au même moment, d'autres courses rendent les crampons obligatoires, tout est dévalisé, pour essayer de trouver du matériel intermédiaire. Ce n'est pas faute d'avoir essayé avant de partir pour le Queyras ! Détail amusant : une semaine plus tard, le Moutain Store de Passy était largement réapprovisionné en crampons à petites pointes. Je suis donc paré maintenant....à retardement.
C'est donc un peu à contrecoeur que je vais emporter mes Yaktrax. Il va rester à espérer un peu que cela suffise, je ne suis pas trop tranquille.
La course partant le samedi matin à 6h d'Abriès (25h après le 160km, dont tout le peloton sera donc très largement en avance sur nous), nous avons choisi de séjourner au carrefour stratégique du Queyras, à Ville-Vieille. Occasion pour moi de recommander le gîte Les Astragales qui était, il y a quelques années, géré par une kikoureuse des années historiques, Anne, avec son mari Philippe. Notre Anne ne gère plus ce gîte, mais il s'est avéré parfait pour ce type de besoin. Cela devait notamment permettre à Elisabeth de faire des liaisons assez courtes, avec toujours la possibilité de repasser au gîte. Et, surtout, il est à 15 minutes du départ du 100km, donc vraiment parfait pour cette distance.
Un départ à 6h, c'est sympa, car d'une part cela fait se lever à une heure presque raisonnable....et, en plus, on partira sans frontale.
Comme toujours, nous sommes en avance. Arrivés dans le noir complet à Abriès, on attend tranquillement que le départ s'ébroue, dans la fidèle Kangoo de ma maman. La Kangoo qui retrouve les montagnes un an après le départ de maman, et qui va me faire un suivi de course, comme sur les aller-retours du Puy-Firminy, tout un symbole. J'aime les symboles !
Et un retour dans le Queyras, c'est aussi un grand symbole. Le Queyras, ce sont plusieurs années de vacances d'hiver ou d'été avec mes parents, dans les années 70. Toujours à St-Véran, dont je connaissais par coeur l'immense domaine skiable (4 téléskis auxquels on pouvait ajouter le télésiège et les 2 ou 3 téléskis de Molines) et où l'ado que j'étais skiait de 9h à 17h sans trop d'interruption, avec parfois des escapades sur les domaines skiables tout aussi immenses d'Aiguilles, Abriès, Ceillac. C'étaient aussi de longues randos d'été (là, l'ado était un poil moins enthousiaste, parfois). Le Col de la Noire et ses plus de 3000m est resté pendant très longtemps le plus haut point que j'aie atteint entièrement à pied. J'avais même réussi à nous y refaire un séjour estival, avec Elisabeth, quand nous étions encore fort jeunes et fringants.
Donc, en gros, je me rappelle toujours parfaitement bien de tous ces paysages superbes, de nombre des sentiers que nous allons emprunter, de tous les particularismes de ce territoire tout à fait à part. Et, particulièrement, Saint-Véran est un peu un village de coeur pour moi. J'y revois encore bien mon papa passer des heures à discuter avec le propriétaire de "La Marmotte" (qui est toujours là....en tout cas le bar) ou bien visiter 4 ou 5 fois l'"habitat d'autrefois" du "Père Philippe", ou encore des foins qui se faisaient encore à la main dans les près à côté du téléski du Bouticari, ou des vaches qui broutaient plus haut à côté du téléski des Cassettes (et son départ mythique où on s'envolait à 1m de haut quand on était trop léger).
Bref, y'a un petit côté "pélerinage" que je vais quand même m'efforcer de ne pas rendre trop pénible à Elisabeth (le pépère en retraite qui raconte sa guerre, ça va bien). Il y a quand même une course à faire, quoi.
Un peu dans le brouillard, le Bubulle, pour cette course. Je suis assez mal entraîné car les travaux de notre maison normande ont beaucoup mobilisé l'énergie, le temps et la motivation pour courir. La préparation se résumera donc au Trail de Paladru 82km en avril (pas tout à fait le même format) et à deux courses de "hamster" : l'UBS lyonnaise et ses terribles escaliers et....les 12 heures de Bures et leur 0m de dénivelé pour 80 kilomètres.
En gros, y'a la caisse, probablement, mais ça va quand même bien piquer quand ça va monter et, surtout, descendre. Donc, comme de plus en plus maintenant : gestion, gestion, gestion. L'avantage est que les BH sont relativement souples sur le 100km et me permettent de bâtir un roadbook calé sur 25 ou 26h (le temps maximum est de 30h), avec environ 1h de marge sur la BH la plus serrée (La Barge au km 60).
Avant que je ne disgresse en parlant de la Kangoo, je vous ai donc laissés à 5h30 dans le noir à Abriès. On finit quand même par en sortir pour aller vers le départ où l'arche est en train de se gonfler. Avec environ 300 coureurs au départ, il est facile de retrouver Free Wheelin' Nat et ce n'est pas peu dire qu'on était respectivement enchantés de se retrouver. Il n'y a pas nécessairement de plan pour courir ensemble, mais on sait d'avance que nous serons dans les mêmes eaux et qu'on verra bien sur la fin si le hasard veut bien nous réunir.
Tu parles qu'il va nous réunir...
Quelques mots aussi avec Thierry de l'ASR Trail, "favori" de la course....chez les M5 (nous sommes 15 quand même) qui nous confirme l'abandon de st_ar sur le 160km et avec qui nous nous étonnons de la 8ème place (à ce moment-là) de PhilippeG sur le même 160km (cela dit, s'atonner des résultats de Phi-Phi, nous devrions nous habituer). Il terminera finalement 16ème au scratch et.... 1er M5, 1er M4 et 1er M3 !
Pendant ce temps....l'arche se dégonfle et le micro se tait....:-). Apparemment, l'installation électrique n'a pas tenu et c'est donc "à la voix" que se fait le briefing. Lequel briefing confirme quelques passages enneigés, mais sans difficultés, sur le premier col (Col Vieux), et aussi sur les Cols Girardin et de Sérenne. Il confirme aussi une météo pluvieuse à partir du milieu de matinée, avec des averses jusqu'en soirée et un accalmie espérée pour la nuit.
Bref, pour moi, l'idée c'est de tenir le coup physiquement jusqu'à Ceillac, y résister à l'appel de la Kangoo, puis résister aux averses jusqu'en Ubaye pour finir ensuite pendant la nuit, sans excès, et terminer en tout début de journée du dimanche.
Et le départ se fait tout autant "à la voix". Nous nous sommes fort judicieusement placés, avec Nath....quasiment en toute fin de peloton. Comme cela, je suis sûr de ne pas partir trop vite car la montée initiale sera rapidement en single.
Ce qui fonctionne plutôt bien. Après 500 à 1000m sur le bitume de la route de Ristolas, quand même courus (comme toujours, c'est le jeu silencieux de "si tu marches, tu perds"), je ne regarde pas trop derrière, mais sans être les derniers, on est assez loin.
La file s'organise sans problèmes. Ce n'est pas très rapide, mais ce n'est pas excessivement lent non plus. Juste un défaut : un des coureurs a un horrible tic nerveux et se râcle abominablement la gorge dans un roulement morvesque assez immonde, à peu près une fois par minute. On a franchement tous envie d'une seule chose : lui demander de bien vouloir définitivement éliminer son glaviot et nous débarasser enfin de cette horreur. Amis poètes, bonjour. Je finis par piquer une accélération de quelques places à la faveur d'un petit bouchon, pour essayer de nous débarasser du fâcheux. Nath suit, y'a pas besoin qu'on se cause, elle sait pourquoi !
Et la petite queue leu-leu (très féminine, je me suis alors fait la remarque : ça commence à changer sur les ultras) passe assez tranquillement le point haut, qui nous permet d'admirer la belle lumière matinale (il fait encore très beau : les chanceux du 160km ont eu une journée et une première nuit magnifiques).
Puis nous redescendons par un sentier mono-trace un peu technique mais sans plus, vers Ristolas. Nath est passée devant car elle n'aime pas suivre quelqu'un de trop près et elle va faire 1 ou 2 dépassements dans cette descente, pendant que je reste tranquillement dans la file. Ce n'est pas rapide du tout, mais cela me va bien. Gestion, gestion, gestion, on a dit !
Le tout nous amène déjà à Ristolas que je dois atteindre avec une dizaine de minutes d'avance sur le roadbook. Ravito au bout de 8km, c'est un ravito assez symbolique (ce devait même être un simple point d'eau, mais les coureurs du 160 nous ont laissé à manger), mais j'y prends 2 ou 3 minutes, toujours dans l'idée de ne pas me précipiter. Nath est plus rapide et disparaît un peu de ma vue pendant que je vois Elisabeth en sortie de ravito. Rendez-vous dans 2h environ au Refuge Agnel !
Ristolas : 57', 231ème, 5ème M5.
De Ristolas à l'Échalp, c'est une liaison de 3 kilomètres dans un fond de vallée tout plat. Je décide d'emblée de n'y courir que le minimum et qu'un peu de marche nordique bien soutenue me sera largement suffisante. J'ai malheureusement un enregistrement GPS qui a été saboté par je ne sais quel bug de la Suunto, donc je ne sais pas trop à quelle vitesse j'ai pu faire cela, mais je ne serais pas surpris de trouver pas loin de 7km/h. Évidemment, ce faisant, je me fais pas mal dépasser, notamment par deux kikoureurs qui me saluent (crazy_french?)
La montée du Col Vieux, je ne l'ai jamais faite. C'est un grand classique du GR58. En pratique, c'est très long (10km pour monter 1100m de dénivelé), donc un pourcentage moyen très raisonnable. Elle se fait en 4 étapes, entrecoupées de replats voire petites descentes. Une fois arrivés à 2000m au-dessus de barres rocheuses, nous avons une superbe vue sur le Mont Viso, curiosité géologique à 3841m au milieu de ce massif qui dépasse globalement juste les 3000m. Je crois que je ne l'avais jamais vu aussi dégagé et il me remonte immédiatement les souvenirs des parents qui disaient que voir le Viso entier relève en gros de l'exploit. Je l'ai vu !
La deuxième étape de montée nous amène par des pentes un peu plus soutenues mais toujours raisonnables, à 2400m au lac Égorgeou, un grand replat un peu marécageux. A partir de là, on est dans le grand vallon glaciaire qui amène au Col Vieux qu'on voit dans le fond. Un deuxième replat nous fera passer le Lac Foréant à 2630m, avant le dernier coup de cul final pour le col.
Tout au long de cette montée, j'ai pris mon rythme de croisière. Sans surprise, cela me fait régulièrement dépasser d'autres coureurs, je m'y attendais un peu. Je veille juste à ne pas me laisser emporter par l'enthousiasme et accélérer trop fort. Le terrain se prête superbement à une marche très régulière, en alternatif avec les bâtons. Sans trop de surprise, aussi, à partir de 2400m, je dois un peu ralentir car l'altitude se fait sentir, mais je ne crois pas, pour autant, avoir été dépassé dans cette montée.
On termine dans 1 ou 2 névés dans difficultés, où les pas sont très bien tracés (le sentier est très fréquenté, on croise beaucoup de randonneurs, maintenant) et le Col est atteint assez rapidement.
Un peu de vent en haut, mais sans excès et je reste donc comme je suis depuis Ristolas (où j'ai abandonné le coupe-vent initial et abaissé les manchettes) : débardeur et c'est tout.
La descente est plutôt facile, il me semble. Je ralentis volontairement car, sans trop de surprise, je sens quand même déjà un peu de lourdeur dans les jambes. Il n'y a pas de miracle ! On ne redescend que de 210m pour atteindre le Refuge Agnel où Elisabeth m'attend, bien sûr (la route du col est juste là).
Elle m'apprend que Nath est passée il y environ 10 minutes, elle est donc aussi vraiment bien montée, la Miss (hum hum hum, à la relecture, cette phrase !), elle qui ne savait pas non plus trop où elle en était.
La mauvaise nouvelle, hormis le fait que nous avons maintenant devant nous 8km de descente pour descendre seulement 600 mètres, c'est que le temps se gâté déjà très vite. De gros nuages noirs montent à grande vitesse du bas de la vallée. Une bonne pluie est certaine et je sors d'ores et déjà la veste de pluie pour repartir après 7 ou 8 minutes d'arrêt.
J'aurais d'ailleurs du déjà retirer le chabob et mettre la capuche...et les gants, ce que je vais devoir faire quelques centaines de mètres plus bas quand la forte pluie va s'abattre sur nous. Je me méfie surtout beaucoup du froid aux mains sous la pluie si j'oublie de mettre les gants.
En attendant, au Refuge Agnel, je pointe en 3h52', 208ème position, soit 23 places de reprises depuis Ristolas. Cela je ne le sais pas, bien sûr. Pas plus que le fait que je suis 3ème Master 5 ! Assez étonnant de savoir qu'il y en a 12 derrière moi, déjà. Mais ce n'est pas grave, puisque je ne le sais pas! J'ai environ une dizaine de minutes d'avance sur le roadbook, comme c'était déjà le cas à Ristolas. J'ai donc fait une bonne montée, mais sans excès.
Du ravito, par contre, on voit très bien la montée vers le Col de Chamoussière (donc le parcours initialement prévu) et les grands névés en dévers qui y mènent. Certes il n'y a que 300D+ depuis le refuge, mais c'est clairement vraiment exposé et cela n'aurait pas été praticable en sécurité. On voit d'ailleurs aussi ces névés en arrière-plan sur la photo prise au Col vieux (cf ci-dessus).
Je me lance donc dans cette descente bien roulante (et entrecoupée de plusieurs sections quasi plates). La pluie s'invite très vite et devient même assez forte par instants. Pas assez pour que nous soyons détrempés, mais suffisamment pour que je sois content d'avoir rapidement mis les gants.
Je prends mon temps. Comme précédemment, je sais que le manque d'entraînement va rapidement me rattraper et il n'est donc pas trop question de s'échiner à tout courir trop vite et accumuler trop de fatigue. Je m'attendais à plus de descente sur la route, mais il existe des sentiers permettant de l'éviter quasiment tout le long, donc elle est assez agréable même si c'est bien moins sauvage que le passage par le Col de Chamoussière, évidemment. Un peu après la mi-descente, et être passés de l'autre côté de la route, sur le versant Sud, nous aurons même un long passage plat à flanc, le long d'un captage d'eau qui alimente Molines et Fontgillarde. Le Queyras, aussi, a ses levadas, comme à Madère ! Mais elles ne sont pas en béton. Juste plates.....et parfois très longues aussi !
Au bout d'environ 8km, après être repassés de l'autre coté (versant orienté Nord) et un petit ravito en eau improvisé à la retraversée de la route, la descente s'interrompt brutalement dans un pré et nous attaquons la montée du Col Longet qui nous fera passer en vallée de St-Véran/Clausis.
Montée très régulière et bien raide : 585D+ en 3km, donc presque 20% de moyenne. Nous sommes désormais très espacés, mais je vais quand même faire un bon pacman tranquille d'une dizaine de coureurs, dans cette montée. Pas trop de souvenirs précis à part le combat avec les mouches dans la première partie qui se déroule entièrement dans un alpage très fourni et fleuri....et bien fourni en mouches, aussi, pour qui nous sommes des fontaines ambulantes. Le chabob a un gros avantage, il évite largement ce type de désagrément, ce dont je me rends compte ici car je l'ai rangé à cause de la pluie. Laquelle pluie va d'ailleurs progressivement cesser pour laisser la place à un ciel couvert mais moins menaçant.
Arrivée au col, cela permet de cocher une case de plus sur ce plan de progression. Ma course est mentalement découpée en étapes logiques, celle-ci étant "Col Longet, montée : assez raide, mais simple, doit se faire en 1h environ". Je ne sais pas si ce dernier point est respecté, mais les jambes, en haut, sont quand même déjà un peu lourdes. Donc, la prochaine étape ("Descente 550D- 10km, en trois parties") jusqu'à St-Véran va être un peu difficile à gérer.
La descente est tout sauf technique. En fait, on rattrape assez vite le chemin 4x4 qui dessert l'Observatoire de Chateaurenard et donc nous voilà partis pour 4km de descente de chemin 4x4. C'est looooong. J'y alterne marche et course, pour préserver au maximum les cuisses. Evidemment, je me fais redépasser par quelques coureurs, mais l'un dans l'autre, c'est assez efficace.
Quand nous rattrapons le parcours par où nous aurions du arriver, commence un nouveau "chemin des conduites", le Grand Canal selon l'IGN. Il est certes un peu différent de celui qui est dans le parc de la petite masure de Louis le Quatorzième derrière chez nous, mais presque à peu près aussi plat (pas tout à fait car cela descend très légèrement vu que le principe d'un captage d'eau c'est d'amener de l'eau vers le bas).....et interminable. Donc, mode marche nordique ON, toujours dans l'optique de s'économiser au maximum.
Je me console de ce pensum en admirant la vallée de Saint-Véran, qui remue quand même des tas de souvenirs anciens. Les nuages jouent avec les sommets, mais la pluie a cessé depuis le début de la montée du Col de Longet et la température est parfaite. Je suis à nouveau en débardeur depuis un bon moment. Il va falloir environ 40 minutes pour faire ces près de 4 kilomètres (quand on fait le parcours normal, il y a près de 2km de plus en très légère descente). Certes, en courant tout du long, il y a moyen de gagner du temps (et encore...pas plus de 5 à 10 minutes à mon avis) mais au prix d'un investissement d'énergie qui, à mon niveau, ne vaut pas le coup à mon avis. En gros, je gère à mort pour éviter de prendre un gros taquet dans la montée au Col des Estronques, que je redoute un peu.
C'est un peu pareil sur la descente finale sur St-Véran (car le chemin de captage passe assez largement au-dessus du village) qui se fait par un chemin caillouteux assez casse-pattes, pour perdre les 250 derniers mètres de dénivelé.
(en face, les Col des Estronques, réjouissance à venir)
Je m'attendais à pas mal d'animation dans St-Véran, mais c'est plutôt calme et je retrouve avec plaisir des lieux familiers avec sa rue principale (et quasi unique), le départ du Bouticari (le téléski a-t-il changé depuis les années 70 ?) et même un petit coup d'oeil rapide à 100m sur le droite à la "maison de l'ingénieur des mines" que mes parents louaient pour nos séjours d'hiver.
Bien sûr, je retrouve Élisabeth au ravito. Cette longue étape m'a quand même pas mal entamé et je sens qu'il faut que je prenne le temps. Je vais donc me poser tranquillement au bord d'une barrière et l'objectif est mis sur les bouillons chauds et les vermicelles. Je mesure encore une fois l'énorme avantage phgysique que procure le fait de pouvoir manger à peu près n'importe quoi sur un ravito sans trop me préoccuper que cela ne ressorte prématurément ! Élisabeth m'apprend que Nath est repartie juste quand j'arrivais, je suis donc environ 10 minutes derrière elle (en fait plus de 20, après vérification des pointages). Si ça se trouve, on va se retrouver à Ceillac. Je crois que je croise aussi crazy_french sur ce ravito...en tout cas clairement un kikoureur qui me fait de sympas compliments sur l'efficacité de ma marche nordique. S'il y a au moins quelque chose que je garde malgré mon entraînement trop léger, c'est bien ça !
En pratique, ici à St-Véran, je suis 183ème (donc 25 places gagnées, comme toujours sans vraiment s'en rendre compte....). Il est toujours difficile de dire si c'est au ravito...ou à celui d'avant car il n'est même pas bien clair si nous sommes chronométrés en entrée ou en sortie. Surtout, je vérifie sur ma montre que je suis plus ou moins dans le roadbook (faute de trace enregistrée correctement, je ne peux pas le vérifier en écrivant ce récit....mais le roadbook disait 7h24/7h39). Bref cela va plutôt bien même si je me sens quand même déjà vraiment fatigué.
Je choisis de mettre cela uniquement sur le compte de l'entraînement manquant, donc la solution est de juste continue à gérer à ma main. Les BH sont encore loin (plus de 2h20 d'avance), donc pas de panique. Et je repars donc tranquillement en marchant dans la descente dans le village, sur la route.
Il a quand même bien changé, finalement, le village. Il ne semble plus guère y avoir de fermes : quand on regarde de près, cela semble être un peu devenu un village de carte postale avec pas de mal chalets rénovés, un peu comme à St-Nicolas de Véroce. Je me demande si l'improbable musée "L'Habitat d'Autrefois" du "Père Philippe" existe encore, juste à côté de café "La Marmotte" tenu par son fils et chez qui mon papa avait ses habitudes pendant nos séjours (oui, bon, je me répète !).
Comme souvent après un ravito, on a un peu l'impression d'être tout seul sur la course, je n'ai jamais trop compris pourquoi car cela finit souvent par changer. En tout cas, je ne vois personne jusqu'au grand pré en-dessous du Raux, qui marque le début de la montée aux Estronques. Curieusement, je ne suis jamais monté à ce col, mais il a toujours impressionné l'ado que j'étais, avec ses pentes qui font face au village de St-Véran.
Et le profil de la course confirme un peu cela : c'est une montée de 800m en 4km, donc du 20% de moyenne très réguliers. Il peut surtout être redoutable par temps chaud car, du moins à mon niveau, on y passe en début d'après-midi. Et si je me souviens bien des récits des kikoureurs des 2 premières éditions de la course, certains y ont pris de belles cartouches.
Prudence, prudence, donc. Même si je vois maintenant du monde devant, je vais à nouveau limiter mes vélléités de pacman. Surtout qu'on atteint assez rapidement le seuil de 2400m où on sent clairement venir les effets de l'altitude.
Mais, au final, avec ce rythme régulier, eh bien je ne me rappelle pas de grand chose sinon que cela se passe bien. Le brouillard s'invite sur les 200 derniers mètres de montée et je crois me souvenir de pas mal de vent en haut, ce qui m'amène, il me semble à remettre le coupe-vent.
Là encore, pas de référence chronométrique, je ne suis même pas sûr d'avoir comparé le chrono au roadbook...j'imagine que j'ai plus ou moins mis le temps prévu.
Je m'attends à une descente assez rapide sur Ceillac, mais en fait je connais moins bien ce secteur et j'ai un peu oublié de regarder la carte de près. En fait, on va redescendre sur une des deux vallées (le Cristillan au Nord et le Mélezet au Sud) qui terminent la vallée de Ceillac, le village étant en fait à la convergence des deux. Le col des Estronques donne sur la vallée du Cristillan qu'il faut donc ensuite redescendre sur presque 4 kilomètres pour arriver au village et au ravito. En fait, c'est un peu comme pour Saint-Véran et ces liaisons assez roulantes sont finalement une caractéristique de cette course.
Et donc, bien qu'on descendre de 2650m à 1650m, il n'y a en pratique que 700m de "vraie" descente de col. Descente plutôt agréable, d'ailleurs, pas trop technique à mon souvenir et qui donc passe assez bien même si, encore un fois, je sais que je dois tout faire à l'économie sans m'enflammer. De toute façon, nous sommes désormais très dispersés et je crois me rappeler n'avoir vu personne (1 ou 2 coureurs, tout au plus). Le brouillard se dissipe rapidement : le temps reste menaçant (des pluies sont annoncées pour la fin d'après-midi, qui approche) mais sec pour cette partie.
C'est donc assez progressivement que je vois que nous descendons loin de Ceillac, qu'on ne voit d'ailleurs même pas (la vallée tourne). Cela me permet donc de me préparer mentalement à une nouvelle purge de plat descendant où je vais réadopter mon choix de marche rapide, entrecoupée de sections trottinées. A partir du hameau du Tioure le sentier devient un chemin de 4x4 (il y a une route en fond de vallée du Cristillan, mais on ne la rejoint pas). C'est franchement longuet et pas super drôle, surtout que le balisage nous fait vraiment suivre tout le chemin de 4x4, juste avant le vieux village de Ceillac, bien que le GR en coupe la fin. Je n'ai pas trop compris l'intérêt.
Heureusement, sur cette fin, on finit par voir le village, avec son église Sainte-Cécile curieusement isolée au milieu d'une petite plaine (c'est l'église de toute la vallée, même si le bourg principal a aussi la sienne), ce qui permet de savoir....qu'il faut un bon moment pour y arriver.
Et y arriver, je suis plutôt content de le faire car cela commence à bien tirer de partout et il a également commencé à pleuvoir (j'ai ressorti la veste de pluie). Et c'est bien content que je retrouve Elisabeth ici (pour la dernière fois de la course), laquelle m'indique....que Nath est toujours là et en train de se changer. Me changer fait d'ailleurs partie des plans. Je trouve donc un petit coin à côté de Nathalie dans la petite salle plutôt bondée et encombrée de coureurs, de bénévoles et de sacs d'allègement. On dirait un peu Bellevue sur le nouveau parcours de la Montagn'hard, le confort est assez sommaire.
Objectif général : se mettre en "mode nuit", même si celle-ci est encore loin (il est environ 17h) car le prochain ravito (La Barge) sera de l'autre côté du Col Girardin et devrait être atteint vers 21h. Comme de la pluie est prévue, je repartira avec la veste de pluie surtout que cette pluie commence....pendant que nous sommes dans le ravito. C'est aussi le moment pour manger assez solidement et je profite des pâtes bolognaises qui font beaucoup de bien. Bolognaise a priori récupérée en catastrophe par les bénévoles car il n'en restait déjà plus. J'imagine bien la petite épicerie du village totalement dévalisée !
Nous prenons notre temps pour nous changer, avec Nathalie, car nous avons la ferme intention, sans nous concerter, de repartir ensemble, comme à la MH 2021. Et si on finit ensemble, ça sera encore mieux.
Donc, au bout d'environ 30 minutes pour moi (et 45 pour elle), il faut bien ressortir... sous une bonne drache !
Et, pour commencer, il faut remonter la vallée du Mélezet jusqu'à la "station de ski". Donc en gros du plat légèrement montant sur 2,5km, avant d'attaquer les choses sérieuses.
Le mode marche est donc enclenché et je donne plus ou moins ce rythme qui nous convient bien à tous deux. Personne devant, personne derrière : il semblerait que ce sera une ascension en mode duo qui va se faire.
Pour monter au Lac Saint-Anne (situé sous le Col Girardin), il y a en fait un télésiège et un téléski, mais le sentier s'en éloigne assez nettement. Il passe en fait des barres rocheuses pour atteindre le Lac des Prés Soubeyrand, vers 2200m (le bas de la vallée est à 1700). Puis une section plus ou moins en traversée pour rejoindre les remontées et finir à un col intermédiaire à 2400m juste avant le Lac Saint-Anne. Il restera alors ensuite un coup de cul final assez court jusqu'au Col Girardin à 2700m.
Dans la montée initiale où je donne le rythme et après un début très solitaire, nous rejoignons progressivelent un petit groupe qui faisait une pause. L'un des coureurs de ce groupe semble trouver que le rythme lui plaît et nous emboîte le pas. Finie notre solitude à deux et....le silence (on n'est pas super bavards entre nous, Nath et moi, et ça nous va bien). Ce troisième compagnon est en fait plutôt du genre bavard, surtout pour raconter un peu tout ce qu'il a fait dans sa vie de trailer. Pas désagréable certes, mais un poil envahissant pour les taiseux que nous sommes.
Après avoir continué ainsi à faire le rythme, j'indique quand même à Nathalie que je vais légèrement ralentir, juste un peu avant le Lac des Prés Soubeyrand. Sans trop se concerter (on n'a pas besoin), elle passe devant et va très progressivement prendre de l'avance avec un autre coureur qui nous a rattrapés. Et moi je reste avec mon "bavard". Bon, ça ne me gêne pas plus que ça surtout que je découvre qu'il connaît indirectement le Raid 28 (bah oui, j'arrive des fois à caser 1 ou 2 phrases, même si je ne suis pas marin). Détail amusant, il me dit à un moment que "tiens, elle ne t'attend pas, ta compagne". C'est vrai qu'à avancer comme nous le faisions, nous pouvions donner l'impression d'un couple qui fait ses courses ensemble. Cela doit en dire pas mal sur notre complicité silencieuse, mais je détrompe quand même notre coureur sur l'état de nos relations. En gros, je lui dis que bien qu'on se connaisse fort bien et que nous finissons souvent aux mêmes positions dans les courses, nous ne courons pas toujours ensemble. En gros, on verra bien si on se retrouve et si c'est le cas on finira alors sûrement ensemble.
Je ne croyais pas si bien dire....:-)
C'est donc à deux duos séparés de quelques dizaines de mètres que nous faisons l'assez longue traversée qui rejoint les pistes de ski. On n'y voit pas grand chose car il y a beaucoup de nuages. La pluie a cessé mais le temps est vraiment très perturbé. L'ambiance est en fait un peu glauque !
Au moment où on rejoint les pistes de ski pour le coup de cul final avant le Lac Saint-Anne, je décide que j'ai trop chaud et que je dois tomber la veste de pluie. Ce qui en fait m'arrange puisque cela va me permettre de laisser partir le coureur un peu trop bavard et auto-centré pour pouvoir continuer dans le mode où je suis en train de me mettre : dans ma bulle. Une bulle dans laquelle je ne tolère que quelques personnes, mais Nath est trop loin devant, maintenant, pour y revenir. Je ne la vois plus devant car il y a pas mal de bancs de brouillard.
On arrive finalement au Lac Saint-Anne que je n'ai pas vu depuis...37 ans, souvenir d'une rando avec Elisabeth. Mais c'est toujours aussi beau, avec la Font-Sancte juste au-dessus, du moins quand les nuages veulent bien se déchirer. Ce qui, heureusement, va se produire par moments et me permettre de faire mes dernières photos de la course, au bord du lac, puis un peu au-dessus dans la montée finale vers le Col Girardin.
Cette montée est assez raide sur la fin, mais assez courte. Par contre, quelques névés interrompent ça et là le sentier ou obligent à le détourner. Sans être franchement dangereux, certains sont assez pentus et une glissade pourrait être douloureuse. Pas de quoi mettre les crampons, mais je préfère passer es névés à la montée, quand même. Je suis franchement lent sur cette partie-là, la fatigue se fait bien sentir. Mais l'avantage d'être déjà monté à cet endroit dans le passé fait que je me rappelle qu'il n'y a pas de mauvaise surprise : le col est bien à l'endroit où on pense qu'il va être (il y a donc au moins un col qui respecte cela !) et on y arrive assez vite.
Par contre, ce qui a changé, à peu près depuis le lac, c'est la météo. Et surtout, le vent. Orienté au Nord-Est, il nous arrive de travers et est assez fort (60km/h à l'estime, peut-être plus sur certaines rafales). On a donc hâte de basculer vite de l'autre côté où on devrait vite être à l'abri.
Un bénévole est posté au col, d'ailleurs, et il nous pointe. Ce sera a priori le seul pointage de ce côté là sur le suivi live. Il n'y en aura pas au ravito de La Barge, situé dans la haute vallée de l'Ubaye et où il ne doit pas y avoir de réseau, j'imagine.
Le bénévole m'indique qu'il y a environ 2 heures (donc plus ou moins quand nous étions à Ceillac), il a essuyé un gros passage pluvieux, avec le même vent et qu'il a carrément du aller s'abriter dans sa tente. Je lui dis que, selon ce que j'ai lu, les conditions devraient un peu s'améliorer dans la nuit. J'aurais du me taire !
En tout cas, je suis pointé à ce Col Giradin à 19h48, en 13h48, donc. Le roadbook prévoyait 13h51 ! Et là, pour une fois, je vérifie cela et je sais donc, à ce col que je suis "pile dedans". Cela va le faire, je me dis. Et c'est effectivement bien parti pour, même si je me sentais lent.
La descente....eh bien je ne la connais pas. Les deux seules fois où je suis monté au Girardin, c'était en rando d'un jour depuis la vallée de Ceillac. Et donc redescendu du même côté. Selon le profil c'est moyennement pentu jusqu'à 2400m, puis nettement plus raide sur la fin où on va littéralement "tomber sur le ravito" à 1878m. Pour une fois pas de longue purge à longer une vallée....du moins pas AVANT le ravito.
Trois kilomètres de descente, environ 800m de dénivelé, cela devrait nous faire environ 45 à 55 minutes, même sans se presser.
Et me presser, point ne fais-je. Je descends largement en "marché-couru", je ralentis pas mal sur le début de la partie raide. Et je ne vois personne. J'ai quand même un bon gros coup de fatigue et je me demande même un moment si je ne devrais pas arrêter à La Barge. Curieux d'avoir pensé cela alors que, finalement, j'étais bien au rythme prévu. Je pense que c'est ce qui devait suivre qui m'inquiétait, avec notamment la très longue descente de la vallée de l'Ubaye, sur 7 kilomètres, pour aller rejoindre le pied du Col de Sérenne et partir pour un long KV avec un début très raide.
Je ne vois personne dans cette descente ce qui, incidemment, veut dire que personne ne me rattrape et donc que j'avance normalement ! Un petit passage légèrement aérien (TRES légérement!) est abordé avec prudence, mais rien de méchant et je dévale ensuite sur le fond de vallée. C'est vraiment très raide, mais sans autre difficulté.
J'arrive au ravito en me disant en gros que moins j'y traîne, mieux ce sera. J'y avais prévu 1/4h mais je pense y passer seulement 10 minutes. Juste le temps de me mettre vraiment en "mode nuit" et totalement dans ma bulle. Une bulle étanche car il commence à pleuvoir. C'est donc avec la veste de pluie, le buff, la capuche, les gants et les demi-moufles étanches que je repars. Maintenant je sais que, sauf imprévu, je dois finir et je peux finir en marchant comme je sais faire, vite mais sans me dépouiller. Pas d'impression de sommeil qui tombe, je devrais passer la nuit sans souci, et retrouver le jour juste à l'arrivée.
Pour ce qui suit, le plan est simple : marcher le plus vite possible dans les 7km de fond de vallée, alternativement en sentier et sur la route, qui vont nous amener au pied du Col de Sérenne. Ce col remplace le Col des Houerts, plus haut de 200m à presque 2900m, dont le versant Nord est encombré de trop de névés pour être sûr. C'est pour cela que nous avons cette si longue liaison peu passionnante (sur le parcours normal, il n'y a que 2,5km).
Après tout, cela ne fera qu'une heure, me dis-je. Et marcher une heure, j'aime ça, non ?
Totalement occupé par cette perspective, je n'ai donc pas du tout percuté au ravito que, apparemment (d'après les coureurs qui sont passés à ce moment ou un peu après), les bénévoles avaient des infos pas forcément réjouissantes sur l'évolution de la météo et en parlaient aux coureurs, allant parfois jusqu'à presque les décourager de continuer. Je n'ai perçu rien de tout cela, je ne sais pas si c'était déjà comme ça quand je suis passé ou bien un peu plus tard. J'ai ensuite lu que ceux qui sont passés environ 2h plus tard à La Barge (j'ai du y passer vers 21h car je pense avoir encore respecté mon roadbook) avaient eu une descente rendue très difficile et glissante par la pluie.
Pour moi, pendant cette heure de marche solitaire, rien de tout cela. Il pleuvait par moment, parfois un peu fort, mais sans excès. Et sans vent (évidemment, en fond de vallée...). C'était donc juste....long.
Bien sûr, j'espérais l'arrivée de la montée du Col de Sérenne, histoire de changer de terrain. Tout en la redoutant car, sur le profil le début a l'air bien raide (500 en 1,6km soit plus de 30% de moyenne). Elle arrive enfin, après une dernière traversée de la route (route que nous avons parfois empruntée et où le seul passage était certainement celui des suiveurs de coureurs). Et l'ambiance est tout de suite à du plutôt sérieux ! Cela monte immédiatement très fort et je me dois d'adopter un train, sinon de sénateur, du moins d'assistant parlementaire (coucou, Jacques!). Evidemment, j'ai tout de suite trop chaud mais pour ne pas couper mon rythme, je garde la veste, même si la pluie a cessé sur cette partie raide. Quelques coureurs, dont un binôme de coureuses, me rattrapent et me dépassent. Même plusieurs fois car beaucoup ont quand même les pattes un peu sciées par cette montée et font des pauses. Pour ma part, je reste fidèle à mon "tant que tu avances, tu ne recules pas". De temps en temps, un coup d'oeil vers le haut est impressionnant. Il fait nuit noire (pas de lune et, de toute façon, on ne la verrait pas), on ne voit donc fugitivement qu'une frontale ou deux.....haut, très haut (comme toujours de nuit, les frontales semble être très haut).
Et cela va durer toute la montée, cette absence totale de repères. Juste, devant, la faible lueur de la balise suivante, souvent tellement au-dessus qu'on croit à une étoile jusqu'à ce qu'elle se rapproche...et qu'une autre apparaisse encore plus haut. Peu à peu, j'ai fini, avec cette régularité, par semer les frontales qui me suivaient....et ne plus trop en voir devant. Et, peu à peu, la pente s'adoucit : les lueurs des balises suivantes sont moins perchées très haut et on voit parfois des lumières plus lointaines, soit de balises, soit de frontales. En gros, nous sommes entrés vers 2150m, dans le vallon de Sérenne et....il est très très long : 530m de dénivelé en 3,7km. C'est là qu'on est content d'avoir un roadbook gravé dans la tête avec un seul chiffre intéressant : 2675m, l'altitude du col. Et donc, sur la montre, une seule information utile : l'altitude. Comme ça, pas de fausse joie en voyant des lumières au loin qui font penser que "le col est là-haut".
Surtout qu'en parallèle, la pluie a repris. Et a surtout repris de plus en plus fort. Je suis toujours dans ma bulle, je suis bien sûr mouillé, j'ai les pieds trempés, mais bien que je n'aie qu'un tee-shirt sous la veste, je n'ai pas froid car la température reste assez douce. Et donc, j'avance....lentement mais inexorablement. Je ne m'arrêterai pas une seule fois de toute cette montée. Juste, de temps en temps un coup d'oeil vers le haut et la recherche de la prochaine balise (mais le sentier est assez bien marqué, sans trop de fausses traces). Parfois un petit espoir en voyant des lumières plus haut, que le col soit là-haut.....espoir vite démenti par un coup d'oeil à la montre. C'est long, très long.
Surtout que, progressivement, le vent fait son apparition. Ce vallon est orienté à peu près vers le Nord et le vent vient du NE, donc on l'a de 3/4 face. Ce sont je ne me rends pas vraiment compte, c'est que j'ai les mains qui se refroidissent progressivement, ce qui est fréquent chez moi. Probablement à cause de la pluie et de mes gants pas totalement étanches.
Et là, plutôt que de le ré-écrire, il ne me reste plus qu'à vous ressortir, pour ce récit, ce que j'ai écrit sur le forum juste le lendemain de la course car, là, mes souvenirs étaient encore bien clairs. Il y a un peu de redites, mais c'est volontaire.
Le Col de Serenne lui-même est en gros en deux parties sur son versant Sud. Au départ de Saint-Antoine, on traversait la route pour entamer une montée extrêmement raide (à peu près 500D+ sur 1,6km, donc une moyenne de 30% environ). La deuxième partie est la longue (très longue) remontée du Vallon de Serenne, bien plus "facile" (530D+ sur 3,7km donc 10-15%). La descente est elle aussi en deux parties : d'abord celle du Vallon Laugier, peu pentue encore (520D- sur 5km) puis une plongée rapide sur le Vallon de Rif Bel (380D- sur 2,2km).
La longueur et la difficulté très importante de la montée et AUSSI la longueur très importante de la descente ont leur importance.
Nous avons démarré l'ascension de Sérenne aux alentours de 22h30 (je n'ai pas encore exploité ma trace). J'étais quelques minutes derrière Nath qui avait pris les devants dans la Col Girardin après que nous ayons fait la montée depuis Ceillac ensemble. Je pense avoir mis environ 2h pour monter (à confirmer : c'est ce que prévoyait mon roadbook et je le respectais plutôt bien).
L'ascension a démarré dans des conditions très légèrement pluvieuses. Précédemment au passage du Col Girardin, nous avions essuyé un vent très fort que j'estime orienté Nord-Est. Nous y étions passés sans pluie alors que, a priori, les prévisions météo les plus fraîches tablaient sur de possibles fortes averses en début de soirée, donc plus ou moins à notre passage. En pratique, pendant toute l'heure de descente entre La Barge et Saint-Antoine, je n'ai pas souvenir de pluie importante et, dans cette vallée très encaissée, nous étions protégés du vent.
Côté équipement, j'étais en t-shirt sans manche et veste de pluie Evadict, avec des gants assez légers (les gants Evadict avec sur-moufles imperméables intégrés). Sur la tête, un buff et en permanence la capuche de la veste (pour ceux qui connaissent, ces vestes sont pour moi très bien conçues et bien étanches....mais cela reste de la veste de trail classique 10000/10000). Dans le sac, un bas long et un haut long avec manches, dans des poches étanches. En gros, j'avais décidé de partir "dans une bulle" et ne pas en sortir.
Toute la partie raide s'est faite à allure très très lente après voir descendu la section de liaison en environ 1h en ne courant pas un mètre (mais en marchant très vite). J'estime avoir mis 1h pour monter cette section initiale et l'effort faisait que je n'avais aucunement froid. Il ne pleuvait quasiment pas et j'ai du la terminer vers 23h15 (à confirmer avec la trace). Pendant toute ces partie, nous avions des sommets à notre droite (donc, au NE) et pas de vent du tout. Ni, donc, de pluie.
Tout a changé dans le vallon de Sérenne. Certes, d'un côté, cela devenait beaucoup plus facile : terrain très roulant sans cailloux, pente faible. Mais, d'une part fatigue accumulée et, surtout, le vent de NE qui se mettait à nous déferler dessus pendant que la pluie est devenue progressivement de plus en plus forte.
Je ne ressentais pas particulièrement de froid sauf aux mains. Je suis déjà naturellement sensible de ce côté là, mais j'avais fait le maximum de ce que je pouvais faire (alors qu'il m'est parfois arrivé de mettre des gants trop tard). J'ai monté tout cela tout seul sans trop jamais même savoir où j'en étais de la montée car les conditions faisaient que même regarder la montre en mettant mes lunettes portables de vue pour lire l'altitude (je savais évidemment l'altitude d'arrivée) était un effort trop difficile. Seul objectif : les petites lumières des prochains fanions.
Pendant ce temps, la pluie n'a pas cessé de se renforcer. Sans être très très forte (je n'ai jamais senti que la veste ne résistait pas), elle était constante. Et les appuis commençaient à devenir de plus en plus difficiles en montée.
Et le vent était quasiment constant (si vous regardez la carte, les crêtes au NE de ce valon sont relativement loin).
Je me suis vu arriver au col presque par hasard et là, les événements se sont enchaînés très vite.
A peu près à quelques dizaines de mètre du col, j'ai commencé à voir plusieurs frontales bouger un peu de droite et de gauche et entendre des voix assez fortes. Dès mon arrivée à 10 mètres du col, ce qui était manifestement "quelqu'un de l'orga" était en train de dire au couple qui arrivait juste avant moi de ne plus avancer vers le col et attendre car il se produisait "quelque chose" au col et il ne fallait pas que les coureurs y montent. J'ai rapidement entendu mentionner le mot "hélico" sans plus de détails. Donc, avec le couple et avec l'aide de ce secouriste (V. : je préfère ne pas donner son prénom) nous avons donc essayé de nous trouver un endroit à l'abri du vent. Il nous a demandé de nous protéger le mieux possible avec nos couvertures de survie et nous serrer le plus possible entre nous. Il a commencé à aider la jeune femme du couple à se protéger (aller mettre une couv. de survie seul dans 50 à 80 km/h de vent, sous la pluie!).
Pendant ce temps, moi je galérais totalement rien qu'à sortir la couv. de survie du sac, puis à la déplier, puis à m'y enrouler assez vainement dedans : doigts gelés et extrêmement rapidement, je me suis mis à trembler de partout. Et c'était pareil pour la jeune femme.
Fort heureusement, j'avais un peu "fait le trou" en montant et aucun autre coureur n'arrivait. Donc, presque immédiatement, le responsable du poste (L.) a pris la décision de nous faire remonter en urgence dans leurs tentes. Le couple a été injecté à grande vitesse dans la tente de leur matériel et moi, encore plus vite, dans ce qui était initialement leur tente "de vie". Et V. m'a "pris en main" dans la tente où j'ai découvert.....un autre coureur (J.) dont j'ai appris qu'il était là depuis une heure et était enroulé dans un duvet, une couv. de survie et des couvertures "thermiques chauffantes".
En quelques secondes, le coureur trempé (et très boueux!) que j'étais a été transformé, avec ses faibles moyens (je tremblais énormément, sans contrôle), et l'aide de V. (et même de l'autre coureur), en un genre de saucisson, avec tout ce qui leur tombait sous la main (plus de duvet, mais des couv. de survie, des couvertures "chauffantes"), etc.
J'ai appris plus tard que ma température corporelle aurait été mesurée à 33°C à ce moment là. Aux dires de L., ils ont jugé que je devais être mis dans la tente qu'ils avaient déjà identifiée comme la tente des "cas les plus préoccupants", sous surveillance permanente d'un des secouristes.
Et tout cela, alors que 3 à 5 minutes avant, j'étais encore un trailer en train d'arriver, certes très mouillé et avec "très froid aux mains", à un col en pensant repartir de l'autre côté.
Tout en faisant le maximum pour essayer de me réchauffer avec leurs faibles moyens, V. nous a expliqué que "de l'autre côté c'est encore pire pour le vent et la pluie", donc il a été très très vite évident que ni l'un ni l'autre d'entre nous ne repartirions. Sans parler des (a priori trois autres) personnes qui étaient dans l'autre tente, dont le couple avec qui j'avais tenté de m'abriter.
Pendant tout ce temps, je suis resté bien conscient de ce qu'il se passait autour (par les bruits), notamment parce que (je l'ai appris après), V. était resté justement pour cela, et vérifier que je ne m'endormais pas et que j'arrivais à me réchauffer. Et l'autre coureur, J., a été super en cela aussi alors qu'il m'expliquait que cela faisait en fait 1h qu'il était là, et initialement dans le même état que moi. En fait, c'est lui qui avait été arrêté le premier et c'est pour lui qu'il était en train de se décider un secours hélico.
Et, en gros, ce qui s'est alors organisé, c'était de préparer les lieux pour DES évacuations en hélico. L'alternative était de nous faire redescendre par nos propres moyens vers un point d'évacuation situé à 45 minutes à pied, près de la Cabane des Couriets (sur le versant de Vars). Mais cela voulait dire partir sur le versant le plus exposé au vent et obligatoirement avec un secouriste par "évacué". Or, on était potentiellement 6 à évacuer et cela voulait quand même dire de remettre nos vêtements trempés par dessus le peu de sec qu'on avait pu utiliser de nos propres sacs. Je crois que nous nous sentions tous incapables de faire cela et eux nous jugeaient à juste titre incapables de le faire, aussi. D'autant que cela voulait dire de déplumer une équipe de...3 secouristes.
Ce que j'ai appris après, c'est qu'ils ont alors choisi de profiter de disposer d'un endroit quasiment plat permettant à l'hélico de se poser. Et aussi qu'il n'y avait pas de brouillard (alors qu'il y en a parfois eu sur les cols, dans la journée). Par contre, cela nécessitait d'interdire le passage de tous les coureurs qui arrivaient et, surtout, l'extinction absolue de toute source de lumière (les hélicos du PGHM sont équipés de vision nocturne). Je crois que j'entends encore L. hurler des dizaines de fois "éteignez vos Petzl!".
L'avantage de l'hélico, aussi, est que cela a permis d'amener très rapidement un médecin (du PGHM, je crois bien) sur place pour évaluer nos états respectifs en complément du gros travail déjà fait par l'équipe sur place. Ce qu'a permis de faire une première rotation.
Entre les rotations, les secouristes sur place ont du gérer les coureurs qui continuaient à arriver. Là, je ne sais pas trop comment ça s'est passé très précisément, mais le jugement sur place étant que la descente par le tracé de la course étant jugée risquée (descente beaucoup plus longue et aussi, selon le jugement de l'équipe encore plus exposée au vent), le moins pire pouvait être de faire redescendre par où ils étaient montés, ceux qui arrivaient. Je ne sais pas si ça s'est fait, mais en tout cas, je crois que la décision d'arrêter dès que possible les coureurs à Saint-Antoine (où il n'y avait aucun bénévole en poste) a été prise très vite.
Je pense au final qu'en fait, ils ont fait passer les coureurs vers la descente avec le plus de recommendations possibles et en évitant d'en immobiliser trop longtemps (uniquement sur les rotations d'hélico). Et là aussi, c'était sûrement la bonne décision, à ce qu'il me semble.
La deuxième rotation est arrivée "quelques minutes" après la première et a embarqué mon "collègue de tente" qui a enfilé un peu ce qu'il trouvait de ses fringues éparpillées dans la tente, au milieu d'un bordel sans nom (et de moi qui recommençait ponctuellement à grelotter mais commençais à me stabiliser).
Et, dans le même timing, la troisième rotation : là, en gros on m'a dit de me préparer à sortir de la tente quand on me le dirait après avoir enfilé ce que je pouvais, en laisser toutes mes affaires autres sur place : "dès qu'on te le dit, tu te lèves, tu sors de la tente, je t'aide, on monte le plus vite possible 20 mètres au-dessus, tu t'accroupis, tu protèges les yeux, et dès que l'hélico se pose, tu restes baissé, tu montes dedans et tu laisses faire les gendarmes". Je dois dire que, sur le coup, on fait tout sauf le fier.
Sauf quand on entend juste après "bon, avec le Monsieur de le tente, on emmène aussi Nathalie". COMMENT CA, NATHALIE ? Et c'est là que je comprends que dans l'autre tente, celle qui reste, c'est notre FWN à nous qu'on a. Ce qui se confirme quand on se retrouve tous les deux accroupis en baissant la tête avec un hélico au-dessus de notre tête. Je ne vous dis pas la tête de Nath quand elle a vu que c'était moi qui partais avec elle!
Et, 3 minutes plus tard, on était avec Nath en un endroit inconnu (de moi, en tout cas, j'avais juste entendu "Jausiers") à faire le débarquement de victimes qu'on voit faire dans les films...et se retrouver groupés avec notre 4 autres compagnons d'infortune avec autour de nous des tas de gendarmes, des pompiers qui ont été aux petits soins pour nous 6 qui, en fait se remettaient plutôt bien.
En pratique, Jausiers, c'est dans le 04 parce que c'est le PGHM du 04 qui a géré ces secours, le col étant à la limite des 2 départements, mais nous venions du 04.
Au final, en discutant, on a à peu près refait le film des événements sur ce col.
Cela a commencé par J. qui passait 1h avant nous et qui en arrivant au col (il commençait à pleuvoir fort et le vent était très violent, il l'est resté tout le temps) a dit que ça n'allait pas fort. Il présentait tous les signes d'hypothermie.
L'équipe a commencé, donc par gérer son cas, tout en voyant progressivement arriver (toutes les quelques minutes) des coureurs en état de moins en moins bon.
C'est, je pense, au moment où l'évacuation de J. se décidait qu'ils ont vu arriver Nath au col, qui a répondu qu'elle avait vraiment très froid. Elle présentait a priori tous les signes d'hypothermie....et là, paf, ils se retrouvent avec 2 victimes.
Puis la préparation des conditions d'évacuation hélico, l'arrêt des premiers coureurs (nous) et là, bim......3 victimes de plus! Puis une sixième arrivée, il me semble, dans les suivants. Cela sentait l'effet boule de neige qui pouvait devenir dramatique. Et....trois secouristes en haut de ce col.
Est-ce de la chance ou bien est-ce la bonne gestion par l'équipe (et aussi le PGHM et le PC Sécurité), là je ne sais pas dire. Mais j'ai par contre été témoin de la très grande efficacité de tout ce petit monde, le professionnalisme de tous et le sang-froid du chef d'équipe, là-haut.
Chapeau bas à tous car nous vous devons d'avoir pu passer une journée normale ce dimanche (et boire pas mal de bière avec les potes, et refaire le monde et la course, pour ce qui me concerne).
Et cela, pendant que, ailleurs, d'autres décisions devaient être prises : la fin de parcours qui posait problème, devoir décider d'arrêter ou pas la course à cause de cela, gérer les nombreux coureurs arrêtés dans l'Ubaye. Et même les divergences de point de vue sur ce qu'il fallait décider ou pas. Je ne sais pas dire, mais moi j'ai juste vu des gens gérer ce qui pouvait devenir un moment dramatique (avec moi dedans aux premières loges) et le bien gérer avec les moyens dont ils disposaient.
Est-ce qu'on pouvait anticiper cette évolution météo ? Il n'était pas a priori pas du tout prévu qu'il pleuve toute la nuit avec un vent pareil. Est-ce qu'on pouvait nous arrêter quand nous sommes passés à La Barge? Je ne suis pas certain non plus, ce n'était pas DU TOUT l'ambiance qu'il y avait alors au ravito. Quand j'y suis passé, cela blaguait un peu sur le temps, il me semble, mais je voulais entrer dans ma bulle de la nuit, donc je suis resté concentré sur ce que j'avais à faire et en gros à me dire qu'il me restit une nuit entière pour faire 30 kilomètres. Nous venions de passer le Col Girardin dans des conditions somme toute assez gérables : un vent très fort au sommet, mais pas de pluie. J'y avais discuté avec le seul bénévole présent là-haut qui m'avait dit avoir essuyé un moment très difficile pendant 30 minutes, vers 17h30 (nous étions alors à Ceillac) avec vent très fort et forte pluie (donc un peu ce que nous avons eu plus tard eu Sérenne). Mais j'ai l'impression que cet épisode était alors au vu des prévisions du moment, le dernier qui devait avoir lieu. Très clairement, donc, vers 21h à La Barge, c'était l'état d'esprit qui prédominait. Y avait-il des informations contraires, je ne sais pas. C'est sûr qu'a posteriori, il est facile de se dire qu'on n'aurait pas du nous envoyer monter au Sérenne. C'est d'ailleurs ce qu'on décidé, souvent d'eux-mêmes, les quelques dizaines de coureurs passés 2h plus tard pendant, d'ailleurs, que se prenait la décision de bloquer les coureurs au pied du Sérenne. Cela, je l'ai su d'un de ces coureurs, qui a arrêté de lui-même à La Barge avec une quinzaine d'autres....et qui, faute de navettes disponibles pour rapatrier tout le monde, a fini par être amené par....les gendarmes locaux au PGHM de Jausiers pour être rapatrié avec nous.
La suite de la nuit a été encore longue pour Nath et moi. L'équipe locale de gendarmes et pompiers s'est d'abord assurée que nous allions bien et que nous pouvions être rapatriés sans assistance médicale particulière. J'ai l'impression qu'on a vraiment été chouchoutés par tous ces professionnels qui sortaient de leur astreinte pour monter cette mini cellule médicale d'urgence dans le local d'instruction du PGHM. Merci encore à tous.
Nos 4 compagnons de baptême improvisé d'hélico ont été rapatriés par des proches qui étaient déjà du côté Ubaye et avaient donc relativement moins de route pour venir les récupérer. Après un peu d'hésitation, j'ai préféré jouer la prudence et ne pas demander à Elisabeth de venir nous chercher : nous logions à Ville-Vieille et cela signifiait quand même 2h45 de route aller-retour en pleine nuit, via un col de montagne à 2200m. Nous pouvions donc attendre qu'une solution côté orga puisse être trouvée pour nous ramener à Guillestre, sans urgence. On a donc vécu la vie (très calme à nouveau) du PGHM04 de Jausiers, avec la présence régulière de l'officier ou sous-officier de permanence qui s'assurait que nous allions bien et nous tenait au courant des possibilités de rapatriement. Finalement, c'est Lucie, de l'équipe d'organisation, qui est venue nous chercher avec, donc, le coureur revenu de La Barge et avec qui nous avions partagé son expérience de descente du Girardin sur l'Ubaye sous une pluie battante et dans des conditions devenues très délicates (risques de glissade, avec un passage assez court, mais un peu exposé au-dessus de barres rocheuses, où le faux pas est un peu interdit).
Et, en gros, vers les 6h30-7h du matin, nous étions de retour, en parfaite santé à Guillestre, en conclusion de ce qui aurait pu être vraiment dramatique si la situation avait dégénéré (pas tant pour nous que pour d'autres coureurs). Et on a eu tout le temps ensuite pour découvrir tout ce qu'il s'était passé par ailleurs sur la course, notamment l'arrêt définitif à Basse Rua après que les coureurs aient initialement été détournés sur une fin de parcours qui shuntait le passage sous le Pic d'Escreins. Découvrir aussi que la descente du Col de Sérenne s'était avérée moins exposée à des conditions météo très difficiles qu'imaginé (mais cela, au col lui-même, je défie quiconque de l'imaginer). Découvrir aussi que nos super secouristes du col avaient finalement du redescendre eux-mêmes et leur matériel complet (y compris les diverses affaires de trail de leurs victimes, donc nous!) par cette montée infernale. Le but était alors de s'assurer, tout simplement, qu'il ne restait pas de coureurs entre le haut et le bas du col. Rappelons en effet qu'il n'y avait pas de pointage en haut de Sérenne, donc pas de décompte possible des coureurs manquants à l'appel.
Je dois dire qu'ils étaient, eux, un peu énervés d'avoir du faire cela eux-mêmes pendant que l'équipe du PGHM redescendait beaucoup plus facilement par l'accès alternatif côté Vars. Il y a eu clairement des points de tension entre l'équipe d'organisation et les autorités de la gendarmerie (encore un peu plus compliquées, peut-être, par le fait qu'il y a deux départements concernés, donc deux PGHM). Mais là, je suis plus dans l'inconnue et les hypothèses gratuites.
En tout cas, pour ma part, je ne peux (et je pense que Nath est d'accord) être épaté par le professionnalisme et le sang-froid de tous ceux qui se sont occupés de nous....et de tous les autres coureurs. Vivre une crise de l'intérieur amène beaucoup à relativiser sur les jugements qu'on peut porter dans les situations d'accident. A nouveau (mais moins dramatiquement qu'à l'UTHG), la montagne nous a rappelé que l'ultra-trail en montagne n'est pas une simple activité de loisirs et qu'on doit y être prêt. Et que même si on y est prêt (je pense que nous l'étions), la bascule entre des moments simplement difficiles et un accident peut être très rapide.
Ne l'oublions peut-être pas quand on râle sur le prix des organisations et des courses que nous faisons. Les secours dont nous avons bénéficié, ils sont tout sauf gratuits. Il aurait même fallu plus de monde à ce col pour éviter ces moments très critiques ou, du moins, pouvoir les gérer avec moins de stress. Mais, pour cela, il n'y a aucun miracle : il faut de l'argent. L'ultra-trail est un sport cher? Oui. Mais il devrait même l'être encore plus, peut-être. Ou alors nous devons être prêts à en subir les conséquences, il faut choisir.
Il aurait certainement aussi fallu avoir 1 ou 2 bénévoles non secouristes en plus là-haut, pour que l'équipe de secouristes puisse se concentrer encore plus sur leur travail. Mais les bénévoles de "postes montagne", ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Les 3 gars là-haut ont passé deux jours entiers au sommet de ce col, en incluant les trajets de montée et de descente, sans relève. Idem pour le bénévole, tout seul, de Girardin. Là aussi, si on veut que nos courses continuent à avoir lieu, il faut y penser. D'ailleurs l'organisation du GRGQ en est même à payer des bénévoles locaux pour être totalement certains qu'ils seront en poste pendant toute la course sur ces points particuliers, apparemment. Bref, on pourra certes faire du yakafokon à l'envie après ce week-end. Mais moi j'ai juste vu une équipe admirable pendant 3 jours, et des organisateurs passionnés qui méritaient bien qu'on leur montre toute notre admiration et notre estime hier soir (je fini ce très long "récit" ce lundi matin). Et cela, il fallait vraiment le dire.
Finalement, je n'ai pas terminé mon 100km, mais j'ai fait une superbe course dont je suis fier et, en fait, c'est comme si je l'avais terminée....et envisager le prochain. Et j'imagine que Nath, avec qui j'ai désormais un moment exceptionnel de plus, pense à peu près la même chose. Et c'est sans compter les moments "partagés" avec Elisabeth....imaginez ce que ça a été pour elle d'apprendre à 2h du matin que son chéri avait été évacué en hélico.
On avait vraiment bien mérité les 3 ou 4 bières à l'arrivée....et la connaissance ultime, juste au moment de partir, avec notre kikoureur DJ Gombert qui s'occupait de la caisse des bières (il me reste un bon pour 2 bières, d'ailleurs) !
Et je vous passe bien sûr l'attente des podiums avec les amis Soffian/st_ar et PhilippeG, le debrief final de nos aventures avec nos secouristes préférés, redescendus très très tard du Col de Sérenne avec tout leur matériel......et une partie de celui de leurs victimes, donc nous....le tout à l'venvers du parcours pour s'assurer qu'il ne restait pas de coureurs en perdition entre le bas du col (où la course a été arrêtée pour ceux qui nous suivaient) et le haut de ce même col. Il en restera, des souvenirs de ce 100km du Queyras.
Un petit goût d'inachevé, bien sûr, mais le sentiment que c'est un peu juste les circonstances qui m'ont empêché de terminer, plus que les capacités. Et, de toute manière, nous avons été très nombreux à être arrêtés d'une façon ou d'une autre, sur ce 100km (et aussi parmi les derniers du 160km), notamment au bas de la descente de ce Col de Sérenne. Donc, si j'avais continué sans cet arrêt fatal, j'aurai été arrêté 7 ou 8km plus loin, tout simplement.
Peut-être reviendrai-je sur ces courses, qui le méritent énormément (et encore plus avec leur parcours normal). On verra bien car les années passent, n'est-ce pas ?
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4 commentaires
Commentaire de Benman posté le 23-08-2024 à 09:39:52
Quelle aventure quand même!
C'est trop chouette de pouvoir écrire tout ça quelques heures et jours après, au sec, en bonne santé et avec le tri sélectif qui s'est fait entre les bons et les mauvais souvenirs.
Commentaire de Cheville de Miel posté le 23-08-2024 à 10:01:39
J'avais pas du tout suivi cette aventure ! Encore un récit au top. C'est fou que tu ne te soit pas rendu compte de l'hypothermie. ça fait bien réflèchir sur les états que l'on peut avoir sans s'en rendre compte. Plus qu'à retourner dans la malle au souvenir pour boucler la boucle.
Commentaire de Twi posté le 23-08-2024 à 13:47:36
Quel sens du suspens ! Un retournent de situation qu'on n'a effectivement pas vu venir (sauf peut-être avec le sous-titre qui aurait pu nous mettre la puce à l'oreille).
Un beau récit "de l'intérieur" qui montre tout le professionnalisme et le sang-froid des bénévoles et secours en tout cas
Sinon pour réserver une descente en hélico du Mont Pivin, il faut s'inscrire quelque part ?
Commentaire de PhilippeG-637 posté le 07-09-2024 à 22:00:13
Génial ton récit Christian, comme toujours d'ailleurs ! Rempli de plein de détails aussi bien historiques que géographiques et avec toujours la volonté d'apporter un témoignage solide et constructif.
J'adore ta vision des choses ;-)
Bien content une nouvelle fois de se croiser aussi loin.
Tes sensations bien détaillées me font ressurgir les miennes même si je passe quelque fois à un moment différent de la journée ou de la nuit.
A bientôt !
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