Récit de la course : Madeira Island Ultra Trail - 42 km 2024, par Zaille

L'auteur : Zaille

La course : Madeira Island Ultra Trail - 42 km

Date : 27/4/2024

Lieu : madère (Portugal)

Affichage : 743 vues

Distance : 42km

Objectif : Faire un temps

3 commentaires

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Galère à Madère

« Chouchou, j’aimerai qu’on se fasse quelques jours de vacances sur une île en avril prochain … ». Voilà l’origine de mon inscription au trail de 42k à Madère, le MIUT (Madeira Island Ultra Trail). LE 42 est l’un des « petits » formats de l’évènement où la course reine fait 115km pour traverser l’entièreté de l’île portugaise d’Ouest en Est.

 

La folie du trail

42km et 1700m de D+, rien de méchant, après les 53k et 2200m de D+ du Petit Ballon avalés en moins de 6 heures, je compte bien me faire plaisir à toute berzingue dans la nature madéroise. Après l’obtention des dossards, pour Laetitia et moi, le plus dur était fait de toute façon. En effet, le jour de l’ouverture de vente des dossards, nous étions alors dans les starting-blocks à l’heure précise devant nos PCs, CB en main, pour ne pas louper le coche et on a bien fait, en quelques secondes tout était parti !! La folie du trail !!

Après cette première épreuve menée de main de maître, nous pouvions tranquillement programmer notre séjour de 4-5 jours avec une arrivée dans l’après-midi de veille de course. Sportivement, les deux trails de début d’année me réconforterons sur ma bonne forme même si mon récent échec sur marathon me rappelait, cependant et une fois de plus, de rester prudent.

 

Première bière

Arrivée à L’aéroport Christiana Ronaldo à Funchal, il fait nuageux mais les 20°C et l’océan nous donnent la banane. On en prend déjà plein la vue et c’est en voiture de location qu’on se rend aussi très vite compte qu’ici, le pentu, c’est level expert. Les montagnes verdoyantes montent à la quasi-verticale et les routes ne s’y fraient un chemin qu’avec difficulté. Pour nous c’est direction Machico, la ville d’arrivée de toutes les courses mais aussi le centre nerveux de l’évènement.

Des drapeaux MIUT partout, on est bien au bon endroit. On se gare facilement et direction les dossards avec sac et matériel obligatoire. On se fait sertir un bracelet au poignet, une puce sur le sac et remettre le dossard sans même faire la queue.  Tout marche comme sur des roulettes. Le lot coureur se compose d’un maillot technique, une gourde en métal et une boîte de spécialités à déguster : royal !

Le soleil, la mer et l’ambiance au pied de l’arche d’arrivée nous invitent à boire notre première bière locale : la Coral. On est excité comme des puces et on a qu’une hâte c’est d’être demain. Le départ sera à 11h avec un bus MIUT à prendre à 9h30 pour rejoindre Monte, le lieu de départ juste un peu au-dessus de Funchal, la grosse ville de Madère.

 

PacePro calé sur 5h15

Réveil à 7h00, on se prend une heure pour se préparer et passer en express par la salle du petit déjeuner. Quelques bananes du jardin feront l’affaire me concernant. On retourne sur les coups de 9h00 à Machico où nous avons rendez-vous sur un parking pour prendre le bus. On fait connaissance avec une pyrénéenne qui se pose la question du court ou du long. C’est vrai que les échos qu’on a eu du 115k parti à minuit ne sont pas rassurants. Pluie, orage et abandons à la pelle de coureurs frigorifiés dans les hauteurs. Pour ma part je reste en court avec une veste (obligatoire) dans le sac en cas d’urgence.

Je profite du voyage en bus pour charger ma stratégie PacePro calée sur 5h15. Pourquoi 5h15 ? C’est en fait ce que je suis sensé pouvoir accomplir d’après les résultats des coureurs de mon niveau l’an dernier. En plus, cerise, c’est avec ce temps qu’en catégorie M50 on peut encore avoir l’espoir de monter sur une 3ème marche de podium. Je rêve un peu mais sait-on jamais …

 

C’est parti pour 8-9km de montée

Je passe mon temps de voyage à essayer de débloquer ma montre qui a décidé de se figer et ce n’est qu’une fois arrivé à Monte que l’exécution d’une manipulation hasardeuse que je réussie un reset « usine ». Toutes les données sont effacées mais au moins elle fonctionne, ouf, je peux enfin profiter un peu de l’ambiance de départ. Nous sommes un peu plus de 700 et il y a beaucoup de français que l’on reconnait au drapeau tricolore sur le dossard. Laetitia fait la traditionnelle queue pour les WC et je moi je teste un peu le terrain des premiers mètres de la course, du bitume au pourcentage bien sévère.

Un dernier selfie à deux (couplie ??) devant l’arche de départ et on se positionne dans le premier tiers du peloton pour écouter les ultimes recommandations du speaker. On y est, c’est pour de bon, le départ est dans 5, 4, 3, 2, 1, … C’est parti pour 8-9km de montée. J’essaie de trottiner mais très vite cela devient impossible ou juste dérisoire tellement ça grimpe et tellement il y a du monde. On est encore sur le bitume qu’un bâton devant moi dérape et manque de peu de m’embrocher … No comment !

 

Magnifique

Un premier single créé un court instant un bouchon avant d’arriver sur un chemin plus large mais toujours aussi raide. J’alterne encore course et marche mais très vite je me raisonne, ça n’a pas de sens, je ne fais que me fatiguer pour au final ne pas avancer plus vite. On fait connaissance avec les premières marches. L’île est connue pour ses multiples sentiers aux multiples marches. Celle-ci sont en pierres et de forme arrondie. Elles ne sont pas très saillantes et on pourrait presque les oublier.

On est en plein soleil pour l’instant et je me demande si je ne vais pas souffrir de la chaleur (Spoiler : Ahahah). Je cherche l’ombre même mais très vite on sera à l’abri dans de petits sentiers bien abrités par une végétation luxuriante. Km3, je n’ai quasiment pas couru mais enfin un peu de répit, de courte durée, pour trottiner un peu. Km5, voilà la petite descente que j’avais repéré sur le profil de l’ascension, juste après le Pico Alto où une vue à 360° donne une idée du bordel dans lequel je suis entrain de me balader. C’est magnifique, terriblement magnifique !

 

Levada

On court à présent à côté d’une Levada, ces petits canaux d’irrigation maçonnés le long de certains sentiers. Ils sont bien chargés en eau et le bruit plus ou moins torrentiel accompagne la pente plus ou moins abrupte du tracé. Ici, impossible de dépasser, on marche à la queuleuleu et je crois que ça arrange tout le monde. Certaines parties sont quand même très escarpées et il n’y a guère qu’un garde-fou en câble métallique entre nous et le vide.

Il fait humide et la température a bien baissé. Le terrain devient même glissant par endroit, surtout sur les pierres maculées d’un peu de boue. Je commence à appréhender la descente qui s’approche car on y arrive enfin au bout de ce gros morceau. A environ 9km, on bascule dans la descente juste après le premier ravito où je me rince un peu le gosier au Pepsi agrémenté de quelques chips.

 

Fatigue

J’espère à présent envoyer un minimum sur une descente de presque 18km. Ça commence mal, de la grosse caillasse, je remarche, des racines, ça glisse, mince alors ! Je ne vais vraiment pas vite. Finalement un chemin un peu plus roulant mais le long d’une nouvelle Levada. On y a juste la place pour un pied et on y court un peu comme sur une poutre, l’attention doit être à 200%, c’est vraiment usant.

Se succèdent petits singles encombrés de pierres ou racines et gros chemins rocailleux bien glissants. De temps en temps, une petite prairie, des moutons mais les moments où je peux courir en aisance sont quasi inexistants et ça m’épuise à petit feu. Je sens d’ailleurs une fatigue généralisée en moi, presque une envie de dormir. Je pense à mon début de saison et mon marathon raté, était-ce un premier signal ? Un second signal était-il en train de s’allumer ici alors qu’il reste encore 2/3 de course ?

 

Définitivement rincé

Avant le second ravito du km22 on fait connaissance avec une nouveau type de marche, celles en rondins. Elles sont de longueurs inégales mais plutôt longues ne permettant pas une descente deux par deux. De plus le rondin, en bois, est bien glissant car dès qu’on est dans les hauteurs, une bruine, voire une pluie, prend un plaisir sadique à déposer une fine couche humide sur le terrain. Une ou deux glissades suffiront pour modérer mes ardeurs et je deviens comme paralysé par moment ne sachant plus comment franchir certains obstacles.

Km22, nouveau ravito, je suis définitivement rincé. Je m’assoie sur un banc et suce des quartiers d’orange à la chaîne. Il y a toujours beaucoup de choix sur les ravitos : des fruits, de la patate douce, du fromage, même des tucs ! J’ai fait la moitié mais je sais que je vais en baver pour boucler le chantier. Je ne repars pas serein du tout vers une nouvelle section d’escalier en rondin.

 

Anne Lise Séguret

On me dépasse de tous les côtés et je m’arrête même régulièrement pour laisser passer un train de coureurs. Je laisse même ma place à une élite du 115k qui, je l’apprendrai plus tard, finira 2ème féminine, la talentueuse Anne Lise Séguret. Je sais que le prochain ravito est à 8km donc la prochaine échéance n’est pas si lointaine et ça me motive un peu.

Les escaliers se suivent et ne se ressemblent pas. En pierres taillées, en terre, en rondin, … C’est vraiment usant d’autant plus qu’il y a des relances tout le temps. Au loin, enfin, la mer, ou plutôt l’océan, c’est beau, ça fait du bien mais je sais que la 2ème grosse difficulté ne devrait pas tarder mais pour l’instant ça descend avec même un peu de bitume avant le nouveau ravito.

 

Tu cours plus ?

Km28, Porto Da Cruz, dernier ravito avant les derniers 15km et juste avant la dernière grosse montée. Je m’assoie une fois de plus, je prends mon temps, je bois de l’eau pétillante et mange un peu tout ce qui me tombe sous la main, mes batteries sont à plat et : « Bah, tu cours plus ? ». Incroyable, Laetitia, plutôt en forme, qui débarque ! Elle me dit pourtant être bien entamée mais visiblement moins que moi. Une première pour nous, nous allons peut-être finir la course en ensemble.

Elle passe aux toilettes (je ne suis plus à ça près et en plus ça me permet de me rassoir) et on repart ensemble. On n’échange pas trop, malgré la facilité momentanée du terrain qui longe l’océan à cet endroit où les vagues sont impressionnantes, c’est splendide et on s’approche autant que possible de la berge pour profiter du spectacle. Mais voilà qu’elle arrive, elle est déjà là en fait, la montée tant redoutée.

 

Marche après marche

Un petit panneau à la sortie du ravito indiquait le profil de ces derniers 15km avec une longue partie de plat juste après la grimpette, c’est l’objectif que je me mets en tête. 3km de montée puis du plat et enfin la descente finale, ça va le faire. C’est parti pour des escaliers, en béton cette fois, qui sillonnent entre petites propriétés et jardins où quelques ancêtres bichonnent leurs plantations. Marche après marche, j’avance et petit à petit je vois Laetitia s’éloigner … Je ne veux surtout pas qu’elle m’attende, qu’elle ne gâche pas sa course pour moi. Je la vois qui se retourne, on se fait un dernier signe avant de rentrer à nouveau dans ma bulle.

Que c’est dur. Le paysage de carte postale n’existe plus, il n’y a plus que des marches. De temps en temps on traverse une rue, un chemin mais avec toujours de nouveaux escaliers au bout. Je suis anormalement essoufflé alors que je suis presque à l’arrêt. Je m’autorise des arrêts dès que possible mais rêve d’un endroit où m’affaler. Je force la machine, chaque tronçon est une nouvelle étape de gagnée, une nouvelle victoire.

 

Je sors tout doucement du trou

Un photographe en-haut d’un énième enchevêtrement de marches immortalise cette Bérézina et je vois qu’enfin la montée s’achève. Je ne peux pas résister à l’appel d’un muret sur lequel je m’allonge ; Je n’en peux plus, je m’offre une pastille de dextrose que je déguste lentement au soleil. Quelques coureurs s’inquiètent, me demandent si tout est OK ? J’ai comme une impression de déjà-vu, Millau 2022, la même position, presque le même muret mais une tout autre boucherie !

Finalement je repars, il le faut bien. Je marche puis trottine et commence à reprendre un peu de vitesse et même du plaisir. Je sors tout doucement du trou dans lequel j’étais tombé … J’apprécie à nouveau les paysages sur ce petit chemin en balcon avec vue sur l’océan. J’arrête de me plaindre et jauge la chance d’être là. Je commence même à redépasser du monde et les quelques encouragements de randonneurs me mettent du cœur à l’ouvrage, c’est reparti.

 

Au loin Machico

Ce sentier sera mon meilleur souvenir. Tantôt emprisonné dans la végétation, tantôt ouvert sur l’océan, il me laisse enfin courir, doucement mais en aisance malgré parfois un ravin bien flippant sur ma gauche. Les km s’égrènent lentement et le décompte commence. Plus que 10km avec au moins 2-3 de descente. Le moral lui aussi revient même si la fatigue est bien là. Je regarde ma montre et pense éventuellement arriver sous les 6 heures. Je me demande combien de temps Laetitia va mettre et rêve d’une place sur la boîte par catégorie pour elle, ce serait incroyable sur un tel évènement !!

Je ne me prive pas de marcher un peu dès qu’un petit coup de cul se présente mais cours la plupart du temps. Une première descente s’amorce mais une fois de plus bien encombrée au point de me forcer à être plus lent encore. Au loin, une ville, Machico, l’arrivée, il ne reste pas grand-chose, 5-6 km. On court à nouveau le long d’une Levada mais sur une espèce de muret pas très large. Je croise des chiens, des moutons, on s’approche de la civilisation.

 

Chute

J’ai soif, je ne sais pas pourquoi je n’ai pas fait le plein au dernier ravito, débile que je suis. Je sirote les derniers centilitres de mes flasques surdosées en poudre iso. C’est écœurant, trop sucré et je crois même que ça me fait mal au bide mais c’est tout ce qu’il me reste. A un endroit un robinet laisse couler de l’eau. Nous sommes plusieurs à nous arrêter pour s’y tremper la tête ou la casquette, ça me fait un bien fou, j’ose même m’y mouiller les lèvres.

Voilà, plus que 2-3 km, toujours le long de ces petits canaux d’irrigation, j’avance, ne pense qu’à l’arrivée et … trébuche sans explication pour tomber sur le côté dans un début de ravin jonché de ronces. Une chute sans gravité mais qui a déclenché une crampe au mollet libérant quelques cris de douleur. Deux coureurs s’arrêtent et pensent appeler les secours. Je leur explique avec mon anglais LV2 que ce n’est qu’une douleur musculaire. Ils me sortent des ronces en me tirant par les bras, merci à eux. Je reprends mes esprits en m’asseyant sur une pierre. Le mollet reste douloureux mais je vais pouvoir repartir, à la marche pour commencer puis en foulée légère.

 

Derniers encouragements

Du bitume, on rentre en ville pour de bon et ça descend. Ça descend pour de bon, même trop. Le genre de dénivelé négatif qui vous oblige à freiner avec les talons. Les quadris font sérieusement la gueule mais là il faut qu’on en finisse, j’ai passé les 6 heures. Encore un pré en pente raide à traverser et voilà la ville, la plage, l’arche au loin. Il y a du monde, je slalome entre les touristes avec poussettes, les promeneurs avec leur chien et devinent approximativement le chemin vers la délivrance. La foule se resserre, les derniers encouragements, le tapis d’arrivée, les barrières, …On y est, c’est fini, 6h15, une heure de plus que rêvé, ouch !

Au ravito d’arrivée, je vois Laetitia, elle est là depuis à peine 2 minutes, je la pensais pourtant bien 15 minutes devant moi mais elle aussi a finalement souffert sur ce dernier tronçon. On se congratule en serrant fort mais ma déception est bien là même si elle est quelque peu atténuée par un 2ème essai réussi sur 42k pour ma belle.

On voulait rester sur place mais le temps d’attente pour la douche nous fait changer d’avis tout comme la météo qui tourne à la pluie. On remballe et c’est dans la voiture que l’on fera notre débriefing avant de profiter de la douche de notre chambre d’hôte et d’aller flâner à Funchal une bière à la main …Evidemment !

 

Avec le recul de quelques jours, j’essaie d’expliquer, comprendre, ma contre-perf. Je pointe d’abord mon manque d’humilité vis-à-vis du terrain madérois. J’ai tellement sous-estimé ce 42k que je m’y voyais me promener comme dans les Vosges du Nord. Je n’ai même pas pris soin de repérer les ravitos et y suis allé vraiment la fleur au fusil. Je rajouterai à cela une accumulation de km et de courses depuis l’an dernier qui, je pense, commence à laisser des traces de plus en plus visibles. La faute à un vrai manque de récupération. Je prends cette nouvelle claque comme une leçon qui, j’en suis sûr, m’aidera pour mes projets futurs … Espérons-le du moins !

 

3 commentaires

Commentaire de PhilippeG-641 posté le 03-05-2024 à 11:49:44

Bravo à toi Zaille pour ce 42 à Madère !
C'est vrai que les chemins du MIUT ne sont pas faciles du tout ;-)
Pas simple à gérer et il faut y arriver bien en forme.
J'étais sur le 115 et imagine l'accumulation des contraintes que tu as bien vécues :-)
Bonne récupération à toi !

Commentaire de Shoto posté le 04-05-2024 à 04:17:09

Bravo Zaille pour ta place de Finisher et merci pour récit qui nous fait ressentir tes émotions. Sympa de courir en couple. Belle expérience. Madere est une île magnifique et même si tu as souffert, courir le Miut est déjà une magnifique expérience en soi. Bravo !

Commentaire de laulau posté le 08-05-2024 à 09:19:58

Un peu déçu de ta course...ne t'inquiète pas, dans une carrière de trailer, ça arrive toujours ! Je viendrai à Madère plutôt en mode touriste randonneur !

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