Récit de la course : Trail des Citadelles - 70 km 2024, par Shoto

L'auteur : Shoto

La course : Trail des Citadelles - 70 km

Date : 31/3/2024

Lieu : Lavelanet (Ariège)

Affichage : 703 vues

Distance : 70km

Objectif : Terminer

4 commentaires

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TRAIL DES CITADELLES 72 Km poursuivi par les barrières horaires et les serre-files

TRAIL DES CITADELLES 31 mars 2024 = 72 Km

Mon 1er trail compétition en 2024. 

J’avais initialement prévu en ce début d’année de recourir le Maxicross de Bouffemont (95) près de Paris sur sa version 40 bornes en guise de phase préparatoire pour le beau Trail des Citadelles 72 km mais les Dieux du Trail en avaient sournoisement décidé autrement … je me fais effectivement une belle entorse sur les 25 Bosses en forêt de Fontainebleau tout début janvier alors que j’étais bien monté en puissance sur le dernier trimestre 2023. 

Fort peu démotivé toutefois, et fort de mon expérience de vieux briscard après 5 entorses subies dans ma vie sportive, je ne passe même pas par la case Kiné (tout en allant quand même faire un passage chez le Médecin et le Radiologue) … je connais par cœur les exercices de kiné à faire !  Je me colle donc activement des séances personnelles complètes d’exercices de kiné tous les jours ; glaçage, compression, massages puis renforcement et proprioception. Cela me prend 5 bonnes semaines avant de retrottiner … et ça marche !  La reprise se refait ensuite progressivement mais à vitesse relativement rapide. 

Le Hic dans l’histoire est que, vilain gourmand que je suis, je prends 4 kg pendant ma convalescence ! Une petite tendinite du talon d’Achille gauche vient également jouer des siennes.

 Me voilà le 30 mars au soir descendu à FOIX dans le beau pays Ariégeois bien loin de mes bases parisiennes après 8h de voyage pour courir le TRAIL DES CITADELLES sur sa version 72 km. Je veux me coucher tôt car demain nous partons à 6h00 depuis le village de LAVELANET. Les organisateurs ont eu l’idée saugrenue de nous faire courir le jour même du changement d’heure, au passage à l’heure d’été ! … donc nous perdons 1 heure de sommeil. Réveil 4H du matin pour moi, ce qui nous fait en fait un 3 heures ! … en fait même un 2 heures !  Car je me plante lamentablement dans le réglage de mon réveil de voyage … que je n’utilise jamais et qui était resté à l’heure d’été ! 

Pour couronner le tout, je suis dans une période professionnelle à forte pression et charge de travail intense, mes nuits sont entrecoupées d’insomnies perfides. Autant dire que j’arrive sur la ligne de départ en mode Zombie presque pas forcément heureux d’être là, moi qui pourtant suis un passionné de Trail. 

Je sais que je n’arrive donc pas dans les meilleures conditions pour me taper 72 km et 3 400 m de D+ mais fort de mes expériences en trail compétition sur plus de 40 épreuves plus ou moins longues, je me dis que ça va piquer mais que ça va passer … Oh ! le vilain arrogant trop sûr de lui !

6h00, place centrale de LAVELANET, nous sommes 387 valeureux partants et partantes à nous élancer à la frontale à travers le village longeant un camping où un jeune couple ensommeillé réveillé par la horde sauvage nous encourage gentiment en se moquant de cette troupe bien motivée de passionnés du Run Nature.

Je pars évidemment doucement, très doucement même, prenant malicieusement le luxe d’être dernier derrière les serres-files après une pause pipi longuette (Merci dame Prostate) et quelques prises vidéos nocturnes avec ma caméra GO PRO. A ce rythme de fond de cale, je ne risque pas de me cramer dès le début. Je redécouvre vite toutefois l’inconvénient lors des 1ères grimpettes pentues qui ne tardent pas à venir d’être bloqué derrière des traileurs au mollet moins trapu et moins charnu pour la belle côte. Pas grave, j’ai bien l’intention de prendre mon temps, d’autant que j’ai déjà (ou encore) envie de dormir !

La météo est clémente aujourd’hui, elle sera même idéale car nous débutons la course à une température ambiante de 4°C pour monter à 17°C max en milieu de journée sans pluie … sauf au moment où je rentre dans ma voiture le soir après le Trail !  Merci la bonne fée Météo du Trail !

Partir avec ou sans coupe-vent ? J’ai froid au départ mais je décide de partir avec la gore tex dans le fond du sac, juste avec mon tee shirt et mon manche longue. Je suis en short en bas et je n’ai même pas pris mes manchettes. Finalement bien en a pris. Je serai en tee shirt un peu plus tard après le 1er ravito et ce, jusqu’à l’arrivée. 

Alors que nous progressons activement et que nous atteignons le haut de la première grosse bute, la naissance de l’Aube au loin sur les montagnes un peu enneigées des Pyrénées est magnifique mais je dois regarder mes pieds et le terrain un peu technique pour ne pas faire un plat ventre. Un autre traileur s’extasie devant le panorama et notre situation de course, et tente de discuter avec moi. C’est son 1er ultra, il est tout excité et joyeux comme un gamin. Je lui réponds gentiment et l’aide à ranger ses bâtons dans son sac avant la descente mais je n’ai pas trop envie de parler en fait. Je me rends compte que je suis vraiment fatigué et même exténué par ma fatigue professionnelle … dommage, pas vraiment de bonnes conditions pour prendre mon pied aujourd’hui sur ce beau trail réputé.

Le jour est levé désormais, nous dévalons la première grosse montée de la course avant le 1er ravito du 16ème Kilomètres … sur une partie bitumeuse qui tape bien. Au moment de virer à gauche dans la forêt, mon tendon d’Achille gauche se bloque ! ma tendinite au talon d’Achille vient de se réveiller au bout de 14 km et la vive douleur allume dans mon cerveau tous les signaux d’alerte ROUGE !  Sacrée blessure !    C’est mal barré ! Moi qui ai fini 100% de mes trails compétition, vais-je aujourd’hui inaugurer un DNF sur ce trail à 800 km de chez moi ? Je marche doucement en cogitant sévère dans la montée suivante en forêt … aie aie aie … la douleur semble s’apaiser un peu et le tendon se détendre et s’assouplir … j’espère juste à ce moment-là pouvoir au moins aller jusqu’au château de Montségur au 42ème km … à défaut de pouvoir finir. Des éventuels kinés aux ravitos pourraient-ils me manipuler ?

Et puis, au fil de l’eau, la douleur passe gentiment. Il faut dire que j’ai bien strappé mes 2 chevilles en préventif entorse, le strapp a aussi le mérite de soulager les tendons arrières. Mes bâtons que je tarde à sortir feront aussi grandement office de soutien ! … bizarrement, je n’aurais plus du tout mal après 40 bornes … merci les endorphines ? Le corps a des facultés assez surprenantes.

 

BELESTA Ravito du 16ème km = je passe en 2H16mn = 355ème … Y a pas bcp de monde derrière moi ! J’ai 45 mn d’avance sur la BH toutefois. La BH, c’est mon point de repère du jour !

J’étais parti avec une poche camel bag d’1 litre pleine dans le dos et une gourdette ventrale de 300 ml devant. Je n’ai presque rien bu dans le dos. Je m’hydrate bien et remplis seulement ma gourdette à bloc. Quelques tucs et bananes et hop, je repars en marchant tout en doublant pas mal de monde trop attardé autour des tables. Ne pas perdre de temps car mon rythme du jour est fort ralenti et je suis pressé de dépasser la mi-course pour gagner en sérénité.

RDV pour le prochain ravito au 33ème Km. 

Bien heureux trail où les traileurs autour de moi ont un accent qui chante le Soleil ! Ils doivent me trouver un drôle d’accent. Les ariégeois sont fort sympathiques et leur coup de jarret dans les montées montre des montagnards et randonneurs aguerris. Moi qui suis habituellement plutôt bon grimpeur, j’ai du mal à les suivre dans les montées … mais ma forme du jour, mon surpoids du moment et mon manque d’entrainement en dénivelé ne m’aident pas non plus.

J’évolue un moment derrière 2 papys basques traileurs compétiteurs du jour tractant une amie moins capée semble-t-il et plus novice. Ils parlent avec un fort accent, mi français mi basque (ou ariégeois ?). Les 2 messieurs ont bien la soixantaine. Le 1er mène un bon rythme régulier de montagnard trapu. Il s’est muni de 2 rustiques bâtons « bio nature » pour grimper et ça marche. Sur le plat, il trottine lentement mais on sent que les montées sont son dada.  Je retrouverai ce papy une trentaine de km plus loin sans ses acolytes probablement restés derrière. Malheureusement, il abandonnera ou sera rattrapé par les BH.  

Mauvaise nouvelle, nous sommes progressivement rattrapés par les traileurs du 57 km qui font le même parcours que nous jusqu’au 47ème Km à Montferrier. Je DETESTE çà car les dossards jaunes vont évidemment beaucoup plus vite que nous ! Nous ne sommes pas non plus dans le même caisson de course, pas le même rythme ! ceux qui nous doublent sont partis 1h après nous de LAVELANET. Autant dire que ceux qui nous doublent sont des cabris !  Les chemins sont étroits et toutes les 2 mn, nous sommes obligés de nous mettre sur le côté pour les laisser passer … c’est franchement pénible pour eux comme pour nous. Encore + quand on a les bâtons. Mais partageons le chemin ! puisque l’Orga en a décidé ainsi. Cela gâche un peu le plaisir.   

Beaucoup de bosses et de monotraces en forêt. Le chemin est beau mais nous ne sommes pas encore sur des crêtes aériennes, le parcours évoluant en moyenne entre 400 et 1 200 m d’altitude.

Au 24ème km je commence à souffrir et j’ai envie de dormir depuis le début de la course, je rentre en mode souffrance … je sens que ça va être long.  Aie aie aie … au moins ma course ralentie du jour ne sollicite pas trop ma tendinite de talon d’Achille. Mon entorse de cheville droite me fout une paix royale quant à elle. 

J’ai l’habitude dans mes trails de grimper plus vite que la moyenne des autres traileurs mais ce jour-là, je me rends compte que bien qu’étant en fond de classement, je suis en difficulté = mauvaise forme du jour + mal préparé et/ou baisse de niveau avec l’âge à 53 ans ? Je cogite mal à ce moment de la course, me demandant même si cela va être mon dernier trail compétition … quel C… !!!

 

Ravito de FOUGAX au 33ème km – durée de course 5h02mn – je suis 349ème - J’arrive avec 1H15 d’avance sur la BH = ouf soulagement !  J’ai gagné du temps et si je continue comme çà j’espère naïvement pouvoir faire une petite sieste que mon corps réclame au 61ème km !  … je me trompe lourdement. 

Je me délecte de 10 bonnes minutes pour me refaire la cerise, bien déguster mon combo tucs & bananes, boire mon Coca et refaire les niveaux.

Je suis heureux car la prochaine étape est la montée au château de Montségur au 42ème Km, les fameuses ruines du château Cathare plantées en haut de pics acérés. La vue doit être Top la haut ! Le speaker nous a annoncé au départ que le site ne devrait pas être dans les nuages. Je me vois même me reposer un quart d’heure la haut et profiter du panorama avant de redescendre vers le Ravito de Montferrier.

Montségur en approche ! nous découvrons le château de bien loin perché sur son éperon rocheux.  Raymond de Péreille, vassal du comte de Foix avait édifié ce château sur les bases d’un ancien castrum fortifié au début du 13ème siècle. L’histoire et le passé de ce lieu sont lourds car Montségur s’intègre à l’histoire célèbre des Cathares. Ici plus de 230 cathares ont vécu puis sont passés sur le bucher en mars 1244 après un siège de 11 mois car ils ne voulaient pas renier leur foi. Les murs la haut et les vieilles pierres portent le souvenir de ces martyrs cathares. Leur souvenir plane encore sur le site. 

Avant d’attaquer la rude montée, nous évoluons sur des monotraces montants en forêt. Je suis crevé et décide de m’arrêter un peu sur le côté pour me reposer et me ravitailler. Pâte de fruit + eau. Les nombreux coureurs du 57 et du 72 km qui me doublent voyant ma mine blanchâtre et déconfite m’encouragent. Sympathique ! A ce petit jeu, les dames semblent montrer plus d’empathie que leurs collègues masculins.  La gente féminine serait-elle plus généreuse ? (joke)

Au pied de la roche, en sortant de la forêt, une foule de touristes et de supporters hurlent des encouragements aux traileurs. On se croirait au tour de France ! Le château est démasqué. Il est planté au-dessus de nous sur le fronton nord des Pyrénées en haut d’un roc acéré à 1 207 m d’altitude. Particularité de la course ; nous croisons à partir de cet endroit les traileurs qui redescendent du château. Le chemin bien que technique reste presque confortable car des marches ont été aménagées pour les touristes. Seul Hic au problème, il caille !!! le vent est fort ici et il est froid ! je suis en tee shirt mais j’ai la flemme de sortir de mon sac mon coupe-vent. Ce sera donc une montée à Montségur active en poussant sur mes bâtons pour tenter de me réchauffer !

Je sors ma GO PRO pour filmer depuis la passerelle de bois l’entrée (où je suis bipé 357ème ) Je traverse les ruines du château à ciel ouvert 780 ans presque jour pour jour après la fin des Cathares sur ce lieu. Il ne reste pas grand-chose finalement du vieux château et de sa reconstruction post cathares. Nous ressortons de l’autre côté pour faire le tour en bas des murs d’enceinte puis redescendre. La vue est époustouflante et il est bien dommage à cause du chrono et du vent froid de ne pas pouvoir rester ici un peu de temps à admirer les lieux. Triste vie de laborieux traileur ! je reviendrai en mode touriste en famille.

Maintenant, voilà une descente active vers Montferrier. Je trottine activement dans les descentes pour ne pas perdre de temps et compenser ma lenteur du jour dans les montées. 

 

RAVITO DE MONTFERRIER 47ème km : je suis en 353ème position – il est 14h23.

Arrivée à Montferrier après 8h22 de course au 47ème Km … et là, c’est la douche froide ! je n’ai que 10 minutes d’avance sur Madame la Barrière Horaire !!!!  Horreur !!! Moi qui ne suis pas habitué à courir si près des BH dans mes courses, l’effet est particulièrement désagréable ! Je suis effondré. Je rentre dans le ravito couvert qui ressemble à un mouroir … une trentaine de traileurs sont avachis sur des chaises ou à discuter passivement autour des tables du ravito. Cela ne sent pas la gagne ici ! Je ne baisse pas les bras, décidé à ne rester ici que quelques minutes pour chopper quelques victuailles et repartir vite, même très vite. Pas le temps de remplir le camelbag, je remplis 2 gourdettes ventrales, avale à la volée de quoi manger car il va me falloir des forces pour le combat. 

Un type avachi explique doctement à un autre toutes ses bonnes raisons d’abandonner ici sans regret alors qu’il prétend ne pas être blessé. Je le fusille du regard. Ma fatigue et mon stress du moment se transforment injustement en colère passagère. J’ai envie de le secouer le lascar et lui dire : « Hey Mec ! Bouge-toi le cul ! Tu n’es pas venu là pour abandonner à la moindre difficulté ! Finis ce que tu commences ! Lève-toi et marche !  Accroche-toi et bas toi ! » 

Mais qui suis-je pour le juger ce traileur ? Il fait ce qu’il veut ! c’est son sujet pas le mien. A chacun sa philosophie de course. 

Je ressors du ravito sous le soleil. Il fait chaud mais pas trop. Je marche dans les rues du village en grignotant. Ma colère retombe et je me découvre une furieuse envie de me battre pour ne pas me faire rattraper par les BH. La fatigue a disparu avec l’adrénaline. Je me redécouvre une certaine qualité d’obstination et un mental fort appréciables qui m’avaient grandement aidé dans le passé sur des épreuves sportives engagées, en RAID multisport, alpinisme, compétitions d’arts martiaux et lors de mon service militaire en tant que commando parachutiste. « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » écrivait Nietzche. 

Allez hop ! au boulot ! il reste 25 km, je ne suis pas blessé et je vais me battre comme un lion pour ne pas me laisser rattraper par les barrières horaires qui sont mes ennemies du jour. L’abandon n’est vraiment pas une option !

Prochain ravito dans 14 Km … go go go ! 

Je découvre que les nombreux dossards jaunes du 57 km ont bifurqué pour rejoindre directement LAVELANET ; tant mieux ! bonne nouvelle ! chouette ! cela redonne de la saveur à la course et du calme ! Paradoxalement et malgré les circonstances, je vais commencer à prendre du plaisir sur cette course. Le terrain est relativement plat sur une dizaine de km. Je trottine au maximum alternant marche nordique en poussant activement sur les bâtons et course à pied. Ne pas perdre de temps !

Nous suivons des chemins boueux transformés en mini rivières sur certaines portions et je ne me prive pas de planter les pieds dans la boue puis dans l’eau fraiche qui fait du bien. Pieds mouillés ? tant pis ! Je vais tout droit, pas de perte de temps ! je progresse en mode guerrier.

 Les espaces sont faits et je double (ou je me fais doubler) désormais rarement. 

Découverte de l’étape … montée au château cathare de ROQUEFIXADE perché moins haut que Montségur. Nous arrivons sur le village après une abrupte montée. Le Bénévole présent m’annonce ROQUEFIXADE. Je crois naïvement être arrivé au château … mais celui-ci comme tous les châteaux cathares est planté bien au-dessus sur son éperon rocheux à 1 000 m d’altitude !  

Ce château a plus de 1 000 ans. Je traverse le petit village médiéval situé à son pied quelques centaines de mètres plus bas sous la protection de l’imposante demeure. Je trempe mon beuf dans la fontaine en pierre plantée au milieu d’une jolie petite place en pierre très typique. Et c’est parti pour la montée sur un chemin large à touristes.

Plus haut, après avoir doublé un type qui vomit, un bénévole m’annonce que nous n’entrerons pas dans les ruines du château qui est un cul de sac mais que la vue depuis la crête est très chouette. Dommage ! Je vois évoluer sur une crête au-dessus de moi les traileurs qui me précèdent. Je pousse activement sur les bâtons sentant que le cardio est faiblard mais ça tient ! J’avance à la vitesse de l’escargot au galop mais j’avance. 

Arrivé sur la crête, je sors ma tête et ma douloureuse nuque de la vue de mes pieds et des cailloux pour me retourner et admirer un peu le château … et là c’est l’effet Waouh ! Quelle vue ! Quelle perspective sur le château qui se découvre pleinement d’ici !  Je me rends compte que la photo du pitch du trail des Citadelles a été prise d’ici. Le photographe ne s’est pas trompé ! Quel panorama. L’alignement du château de ROQUEFIXADE sur son éperon rocheux et du vaste panorama arrière sans limite jusqu’aux contreforts des belles montagnes pyrénéennes éloignées, est du plus bel effet. Avec la belle luminosité de ce début d’après-midi, le spectacle est vraiment exceptionnel. On dirait un tableau vivant ! Les traileurs que je vois progresser en dessous pour monter à moi rajoutent une petite touche grandiose au tableau général … quel pied ! 

Je n’ai malheureusement pas le temps de m’attarder, je filme toutefois la scène pour ma future vidéo (que je mettrai sur le site kikou) et réattaque la grimpette en ayant profité du plus beau moment de la course.

Je trottine sur le haut de la crête avant de replonger sur une descente technique où les rochers forment un parcours du combattant pour nos chevilles. J’utilise mes bâtons pour me stabiliser. 4 appuis valant mieux que 2.

 

Ravito de ROQUEFORT au 61ème Km – 11h19mn de course – je suis désormais 324ème

La jeune femme de l’Orga qui me bipe m’annonce avec un grand sourire : ça passe ! Yes ! mais toujours que 10 mn d’avance sur la satanée BH …

Moi qui me refusais à regarder le chrono pour éviter de rajouter du stress, je suis soulagé. Ma méthode du moment est simple ; donner le meilleur de moi-même tout en évitant de me cramer complètement par une hypoglycémie meurtrière, continuer à progresser le plus activement possible sans oublier qu’il reste des heures de course et des km – cela s’appelle gérer son effort sur le fil du rasoir et optimiser sa course ! Pas rapide quand même … dans la forme du jour. Heureusement que mon expérience en trail m’aide grandement aujourd’hui. Je compense ma méforme par la technique. 

Au ravito de Roquefort, un gentil bénévole me propose de m’aider à me ravitailler sans enlever mon sac à dos. Merci à lui ! Il me sort du sac mon grand bol de soupe pliable que je n’avais pas ressorti depuis la CCC 2018. Car bonne nouvelle ici, il y a peu de monde et beaucoup de SOUPE !!! J’adore ! je vais prendre le temps de boire 2 grands bols de soupe aux vermicelles qui vont grandement me servir pour la suite. Se réhydrater, se gorger de sels de minéraux et prendre le plaisir de manger salé. Je suis en effet écœuré par le sucré et le coca.

Je repars vite en marchant et en grignotant. Un type de l’Orga marche à me côtés et m’aborde pour me féliciter et m’encourager, m’expliquant le relief du parcours à venir. Il prétend pour me rassurer sur les BH que l’orga va probablement repousser un peu les barrières horaires du jour pour tenir compte de la fatigue générée par le changement d’heure et la relative chaleur … ce qui sera finalement faux. Sur le moment je suis soulagé et cela baisse la pression, je ne voudrais pas finir ma course au 67ème km, le prochain ravito. Mais mon objectif à ce moment est de rester quand même dans les BH officielles. On ne va pas abuser de la gentillesse de l’Orga !

Dernier coup de cul avant le ravito liquide de RAISSAC au 67ème Km. Je rattrape et discute avec un couple de jeunes traileurs où la fille râle et se plaint de montées interminables. Elle est crevée. Lui encore frais ouvre devant nous une portion de route en descente. 

 

RAISSAC 67ème km … last ravito (liquide) et check point bip chrono caché derrière une ferme avant un « mur » … la dernière montée du parcours.  

Le Bénévole nous annonce un quart d’heure d’avance sur la BH. Je suis en 320ème position et cela fait 12h44 que nous courrons. Ça sent presque la fin ! Je suis crevé. Je m’assois près du lavoir et m’hydrate bien. Le ravito est seulement liquide ici. Je prends un peu de force pour la dernière montée qui s’annonce difficile. Un autre couple doublé précédemment rejoint le ravito. Le bénévole leur annonce que de toute façon, à partir d’ici, nous sommes certains d’être classés même si nous arrivons après 20h … ce qui sera aussi faux ! Comme quoi, il ne faut faire confiance à aucune déclaration ! Le type du second couple est euphorique à cette annonce et chante presque de joie alors que sa copine est presque léthargique. Le Bénévole déclare d’un ton péremptoire et avec fermeté qu’il va arrêter ensuite sans concession tous les coureurs qui passeront ici après 19H l’horaire officiel de la BH. 

Suite à ces annonces presque « positives » pour nous, je repars serein bien décidé à prendre mon temps dans la montée car je sais qu’elle est longue et abrupte. Il reste 6 km à parcourir jusqu’à LAVELANET. Une grande montée suivie d’une longue crête technique (où selon le speaker du départ de course, les meilleurs locaux la parcourent en 12 mn !) puis une descente directe sur LAVELANET centre. 

Je plante les bâtons dans la face abrupte du chemin perché au-dessus du dernier ravito de la course, écoutant mon vieux cardio peiner comme un moteur de vieux tracteur fatigué. Il ne fait pas trop chaud et nous avançons. Je ne connais pas la longueur du mur à gravir et je décide de prendre mon temps car je suis exténué, pressé toutefois que la course et ma souffrance se terminent.  Au tiers de la pente, je me pose, clignotant à gauche, laissant le couple qui me suit me doubler. Puis je repars ahanant comme une bête de somme dans cette montée interminable, bénissant mes bâtons sur lesquels je me tracte comme un naufragé. Je lève la tête et vois bien plus haut le couple qui m’avait doublé, ils paraissent bien loin désormais sur une côte encore bien raide ! Nouvelle pause aux 2 tiers du dénivelé … çà n’en finit pas ! … enfin la pente s’atténue, et nous progressons toujours en montée sur un monotrace étroit en forêt aérée dans une végétation basse. J’ai l’impression d’être dans le mur du Cade sur les courses des Templiers !

Enfin la crête ! Je suis désormais tout seul et j’avance en marchant … je n’ai plus envie et plus la force de courir. Plus la force non plus de marcher activement en poussant sur les bâtons. Un rictus de souffrance défigure mon visage. Je ne dois pas être bien beau à voir !  Au bout de 300 mètres, la forêt s’éclaircie, le chemin se resserre et je découvre de part et d’autre de la crête à gauche et à droite une vue bien dégagée et lointaine. LAVELANET au loin à droite le long de la crête et d’autres villages à gauche tout en bas plantés dans les vallées. C’est beau et il ne fait pas encore nuit malgré la pénombre naissante. 

Je pense à ce moment être dernier et finir tranquillement comme un dernier, même peut être après 20h00, en ressortant la frontale.

Que Nenni ! on ne sait jamais comment un trail évolue et se termine. Comme dans la vie, nos prévisions ne sont jamais certaines et sont souvent chamboulées par le destin ! J’entends soudain des coureurs qui me rattrapent dans le dos. Je ne tourne pas la tête et leur demande s’ils veulent passer … le type me répond en gros avec une légère variante dans le texte : « Mec ! Nous sommes les serre-files, alors non seulement on ne va pas te doubler mais tu vas te grouiller et accélérer pour finir sous les 20 heures si tu veux finir classé » ( ?!!) … ah ouai ! moi qui voulais terminer tranquillou suite à l’annonce trop optimiste du dernier bénévole à RAISSAC, ça change tout !

Je booste soudain de nouveau ma course, retrottinant et surpris même de retrouver des forces grâce à l’adrénaline du moment. Nous rattrapons rapidement d’autres coureurs attardés. Un jeune traileur annonce qu’il ne peut plus courir car sa hanche est bloquée depuis plusieurs kilomètres … aie aie aie … je le double, ce qui me permet de lâcher mes serres-files, ces cerbères gardiens des enfers de la barrière horaire qui bloquent sur ce pauvre traileur à l’agonie.

Je fonce désormais. Nous entendons maintenant en dessous le speaker depuis la place centrale de LAVELANET vociférer à l’attention des retardataires. Le son monte et j’ai l’impression qu’il me crie dans les oreilles. Pas le temps de m’enthousiasmer de pouvoir entendre enfin le speaker. Il braille les paroles glaçantes suivantes : « je vous vois vous les derniers en haut sur la crête !  Il vous reste 4 mn pour passer la ligne d’arrivée si vous voulez être classés !!! » 

P …. !!!!   Dernière descente, je fonce m’appuyant comme un dément sur mes bâtons pour booster ma fin de course ! Envie d’uriner mais pas le temps de m’arrêter ! Je dévale la pente comme un malade ! pas de temps à perdre, nous sortons des derniers arbres, un dernier escalier que je dévale derrière un des couples de traileurs déjà rencontrés. Je touche en bas le bitume final galvanisé par le speaker qui continue d’hurler comme un forcené dans son micro. Dernier sprint où je double quelques retardataires plus fatigués que moi … ligne d’arrivée ! Le speaker annonce que je suis dans les temps et que c’est gagné ! Je franchis la ligne en levant mes bâtons et en criant de joie fatiguée. L’écran devant moi m’indique une 322ème place et un temps final de 13H58 … 2 minutes avant la dernière barrière horaire !!! … je suis effaré … seulement 2 minutes sur une course de près de 14H !

Je n’ai rien lâché mais je peux dire que j’ai senti le vent du boulet !!! La première fois sur mes 42 trails compétitions 100% Finishers !!!

Accueil chaleureux et sympathique des bénévoles sur l’aire d’arrivée plantée au milieu de la place centrale de LAVELANET devant le gymnase d’accueil des coureurs. 

Après le beau beuf de cadeau d’inscription, pas de médaille d’arrivée mais un beau tee shirt Finisher que j’offrirais à ma fille. L’orga nous offre à nous du 72 Km la pasta party de la veille et le repas d’après course + des boissons. 

 

DEBRIEFING D’APRES COURSE :

-        Beau trail que je recommande, avec ce nec plus ultra de monter admirer 2 châteaux Cathare et de passer dans Montségur, 

-        Pas le plus dur Trail que j’ai fait mais l’un de ceux où j’aurais le plus souffert, 

-        Prépa tronquée par une entorse = mes datas d’analyses statistiques montrent un volume de Km d’entrainement diminué de l’ordre de 10% de km en CAP mais surtout beaucoup moins de sorties vélos (à cause du climat hivernal pourri à Paris) donc trop peu de foncier général. Mes 3 sorties 25 BOSSES n’auront pas suffi pour combler les lacunes de ma préparation. Et annulation de mon trail préparatoire prévu sur 40 km en Février … logique donc de « payer la facture » sur ce trail exigeant de 72 Km ! 

-        Mon entorse m’a foutu une paix royale, cheville bien strappée. Cependant ma tendinite au talon d’Achille gauche a fait des siennes en 1ère partie de course.  

-        Les Barrières Horaires sont stressantes et cela gâche tout même le plaisir du Trail. Mais « à vaincre sans péril on triomphe sans gloire » … piètre gloire tout de même de finir à 2 mn de la BH de 20h ! Merci les Serre-files qui m’ont boosté au final … une première pour moi ! Elle restera dans les annales cette course !

 

RDV : mes prochaines échéances

-        2T2M 40 bornes (95) = en AVRIL

-        La barjo 90 km (50) = en JUIN

-        Montgn’hard entre amis (74)=  mini hard 27 km = en JUILLET

Vive le trail ! 

4 commentaires

Commentaire de Yannael posté le 07-04-2024 à 22:26:22

Félicitations pour l'abnégation. Un récit qui m'aura tenu en haleine. Si on ajoute le temps de lecture (et elle était agréable), ça dépasse les 14h !

Commentaire de Shoto posté le 13-04-2024 à 07:01:06

Merci beaucoup Yannael pour ton sympathique message :-)

Commentaire de laulau posté le 08-05-2024 à 09:31:16

Tu as eu chaud aux fesses avec ces bh ! Merci pour ce récit long mais toujours agréable à lire. Il faut toujours prendre le départ d'un trail long reposé et sans blessure...sinon c'est galère assurée ! Bonne suite sur les sentiers !

Commentaire de Shoto posté le 08-05-2024 à 10:56:30

Merci Laulau pour ton message.
Oui tu as bien raison, il faut essayer d'arriver sans blessure et reposé sur le départ d'un trail long. Arriver en bonne forme au départ est déjà la moitié de sa place de Finisher gagnée !

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