Récit de la course : Paris-Brest-Paris 2023, par poucet

L'auteur : poucet

La course : Paris-Brest-Paris

Date : 20/8/2023

Lieu : Rambouillet (Yvelines)

Affichage : 835 vues

Distance : 1250km

Objectif : Terminer

3 commentaires

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Dans la roue de la Légende

 

 

Paris Brest Paris 2023

Dans la roue de la Légende

 

Finalement il m’aura fallu plus de temps pour l’écrire que pour le rouler. Désolé, c’est un peu long …

Pour ma quatrième participation c’est toujours avec le même enthousiasme et sans stress particulier que j’ai pris le train en direction de Rambouillet dimanche 20 août au matin. Je ne me suis pas posé trop de questions et j'ai reconduit le plan qui avait bien fonctionné la dernière fois : départ avec les dernières vagues du lundi matin, rouler aux sensations, profiter autant que possible de l'ambiance, assurer un retour dans le délai de 84h accordé.

Pour mon Aethos par contre c’est une première, mais je ne m’inquiète pas pour lui. J’ai remonté ma roue dynamo, ma lampe Luxos après la prise USB qui permet de rester autonome, chaussé des pneus neufs, rechargé le Di2. Vu les conditions favorables annoncées j’ai pris juste une petite sacoche de selle, avec le minium vital : un maillot long pour la nuit, un imper, un pantalon étanche, un coupe-vent, des gants longs légers, un buff, du Cetavlon, de la crème Nok, un fond de gel Voltaren au cas ou, une brosse à dents et du  dentifrice. Pour une fois j’ai fait l’impasse sur la tenue de rechange et les jambières. Sur le cadre une petite sacoche avec la câblerie, une batterie de secours, une frontale. Devant bien sur la sacoche avec une petite réserve de bouffe basique (moricette, pain d’épice, pancake, pâtes de fruit), qui aura suffi pour les 3 jours.  C’est la première fois également que je pars sur cette épreuve avec les traces gpx sur mon Garmin. 

Le départ du lundi permet de réduire la logistique et le poireautage sur place au strict nécessaire. Il y a bien sûr toujours le risque d'une merdouille SNCF, mais cette fois tout s’est bien passé. Sur la ligne Strasbourg Paris Est certain TGV offrent à nouveau quelques places vélo en réservation, des bouts de wagons ou 4 sièges en enfilade ont été transformés en emplacement pour nos compagnons à deux roues. En montant à Selestat j’étais très à l’aise. A Strasbourg avec deux VAE aussi large que long posés dessus ça débordait dans le couloir … Quant aux cyclistes assis en carré de l’autre côté, difficile de déplier les jambes. Même pour un type de ma taille !!! Mais bon, après les pitoyables épisodes précédents, je ne vais pas faire la fine bouche. De plus il faut le dire, le train était à l’heure, au départ comme à l’arrivée à Paris Est. 

La traversée de Paris à vélo un dimanche d’aout est très agréable. J’arrive à Montparnasse avec suffisamment de marge pour prendre mon billet de TER. Puis trouver le quai qui convient, après un petit jardinage entre les étages. Les trains de banlieue sont indiqués en bas, or pour aller à Rambouillet sans prendre l’omnibus il faut aller en haut … 

Bref je rattrape le coup et retrouve avec soulagement les nombreux cyclos en attente sur le bon quai. En sortant de la gare je suis la joyeuse troupe et en quelques minutes je suis à la Bergerie, pile poil à l’heure prévu pour le retrait du dossier. Affaire réglée en trois coups de cuillère à pot, sans aucune attente. Je promène mes yeux un peu partout dans l’espoir d’y apercevoir Cloclo Kikourou dans son habit de bénévole. Sans succès, j’avais oublié qu’il était posté du côté des “internationaux”.  

La pelouse au bord du plan d’eau me parait idéale pour engloutir le pique-nique sorti du sac. J’enchaîne avec une petite sieste à l’ombre sans déranger la famille cygne, puis je vais prendre ma chambre à l’Ibis local distant de 4km afin d’y déposer mes affaires. 

Sous un soleil resplendissant, le parc du château est magnifique, une belle trouvaille pour le site de départ. L’an dernier j’avais regretté qu’il n’y ait pas de douches, je ne devais pas être le seul. Cette année l’organisation avait corrigé ce détail. Comme quoi ce qui nous apparait être une grosse machine c’est d’abord une équipe de pratiquants passionnés qui reste à l’écoute des modestes cyclos que nous sommes , des tendances et des contraintes imposées. Même l’ancestral règlement s’est mis a la page puisque pour cette vingtième édition puisque le port du casque avait été rendu obligatoire et que les prolongateurs étaient autorisés. 

Autant le premier point me semble répondre au bon sens, autant le second me laisse perplexe. C’est comme pour les bâtons en trail. D’un côté on cherche toujours à mettre la barre de la difficulté plus loin. De l’autre on s’autorise tous les artifices pour se faciliter la tâche. Il y a là quelque chose qui ne me parait pas vraiment cohérent. Cette année les vélos équipés de prolongateurs étaient donc très nombreux, peut-être même majoritaires.     

Bref, ce dimanche après-midi j’ai pu profiter de l’ambiance du départ des premières vagues et retrouver quantité de visages amis en surfant sur les suivantes. Sans trainer pour rejoindre mes pénates, à 21h j’étais sur la couette pour une courte nuit. 

L’hôtel assurait exceptionnellement un petit déjeuner complet dès 3h du matin. En arrivant dans la salle un groupe de québécois à l’accent impayable palabrait joyeusement, me plongeant instantanément dans la grande bulle cosmopolite du PBP !!!! Le temps de déposer mon sac à dos à la consigne, je file vers le départ et je me cale dans la file derrière le panneau Y. L’ambiance est détendue, il reste une grosse demi-heure à patienter, ça passe très vite … Quelques rangées devant il y a deux filles qui papotent. Je devine que c’est Elsa et Caroline, rencontres virtuelles, j’avais suivi leurs pérégrinations estivales sur FB. Je me faufile, bingo c’est bien elles, sympa de se retrouver dans le même sas et d’échanger quelques mots, en vrai. Une première pour les miss, confiantes et motivées elles abordent le mythe sans stress. Un peu plus tard c’est un cyclo qui m’interpelle. Dans la pénombre je peine à reconnaitre Pascal Poirez, une belle rencontre il y a deux ans sur Les Routes Blanches. Comme si c’était hier je revois notre premier clin d’œil au pied de la Madonne d’Utelle, le bon feeling direct.    

 

6810 inscrits, ce n’est pas une mince affaire que de faire partir en sécurité autant de monde sur la route. Le départ nocturne par vagues me fait penser à celui de la Saintélyon (époque moderne). Tous les quarts d’heure le speaker récite son laïus pour faire chauffer la foule. 27 vagues   identifiées par une lettre alphabétique s’élanceront ainsi de dimanche soir jusqu’à lundi matin (avec une interruption nocturne).   Et paf, 5h30 c’est parti, la meute estampillée par des plaques Y est lâchée. Une voiture ouvre la route et régule la vitesse à 30km/h, je trouve ça très sécurisant, notamment dans les traversées urbaines encombrées d’ilots et d’obstacles en tous genres. Les excités sont déjà partis, à cette heure les gens sont raisonnables, disciplinés. Y compris quand la voiture se gare et que le tempo grimpe d’un ton. Les jambes tournent toutes seules, c’est un grand bonheur de partir à nouveau à la conquête du graal. Je vois la lumière de Pascal s’éloigner progressivement, je ne cherche surtout pas à accrocher les plus rapides. Il suffit de patienter un peu, il est toujours possible de se recaler dans le sillage d’un paquet un poil en dessous.

Le jour se lève vite, nous avons à peine fait 100 bornes que déjà on remonte des participants exotiques et/ou folkloriques partis la veille. Ceux-là ne verront pas Brest. A chaque édition je m’interroge : comment ces gens ont-ils fait pour se qualifier … ? Après une nouvelle petite bosse Mortagne tombe à pic pour remplir les bidons. A l’aller il n’y a pas de contrôle, je pioche une moricette et un bout de pain d’épice dans ma sacoche. J’enchaîne sans tarder en direction de Villaines la Juhel. Les conditions sont idéales, il est toujours possible de trouver de bonnes roues et de s’intégrer dans un groupe conforme à son état/niveau. Je parle du niveau physique, pour ce qui est des langues je suis nul et comme l’anglais est la langue la plus présente je ne pige rien aux discussions. Bref, c’est ainsi que j’arrive à ce premier contrôle avec une moyenne flatteuse qui flirte les 29km/h, un truc qui ne m’arrive jamais dans la vie normale. 

Il est presque 13h et il est temps de se mettre quelque chose de consistant dans l’estomac. Justement je croise François Meunier parti 15’ plus tôt qui me conseille le stand saucisses frites, plus rapide que la cantine. Ça me va . Quelques minutes plus tard je me pose à l’ombre avec ma barquette et un coca et je profite de ce petit répit pour consulter mes messages et faire un petit saut virtuel sur les réseaux.

La traversée de la Varenne après une belle descente sur Ambrières les Vallées est toujours aussi jolie. Tant pis, je lâche mon groupe, l’instant mérite bien une petite photo. Un peu plus tard c’est Eric Bainier alias Tintin reporter qui me rattrape et colle ma tronche sur sa vidéo souvenir. Nous ferons quelques kilomètres dans le même tempo avant qu’une pause technique nous sépare. Les lignes droites et les toboggans se succèdent ensuite jusqu’à Fougères. Au passage La Tannière et son fameux ravito ou il règne déjà une belle ambiance, je me note de ne pas oublier d’y faire une pause au retour. 

Le profil se fait plus favorable en arrivant sur Fougères, seconde contrôle au km 292. Il est 17h et la circulation est intense. Je pioche une nouvelle fois dans la sacoche. Longue d’une soixantaine de km l’étape suivante est facile, je me fixe l’objectif de rejoindre le prochain contrôle pour le diner. Tout se déroule à merveille, le self est au top à Tinténac, à 20h je suis à table avec un plateau d’excellente qualité. Ce ne sera malheureusement pas souvent le cas par la suite. 

Sur le point de repartir j’entends le speaker annoncer l’arrivée du premier concurrent sur le chemin du retour. Et des poursuivants à environ une heure. Tout à mon affaire je n’étais pas à en faire un sujet de polémique. Comme tous les quatre ans les réseaux s’en sont chargés dans les jours suivants, certains considérant le terme randonnée galvaudée quand un classement s’est incrusté sur le net. Mais à partir du moment où nous sommes équipés de puces et qu’un suivi live est accessible en permanence, il est illusoire de penser qu’aucun classement ne soit diffusé. Et puis il faut bien l’admettre, lorsqu’on arrive au bout du PBP on est fier d’annoncer son chrono et curieux de le comparer à celui des copains. Si l’idée de course n’est pas en phase avec le principe de l’évènement dans sa forme actuelle, le PBP est bien une randonnée chronométrée, comme tous les BRM. Chacun roulant comme il l’entend (ou comme il peut),  pour péter le chrono ou simplement terminer dans les délais. Que les temps soient communiqués ou pas, quelle importance en réalité ? Qui va réellement s’en souvenir ? Dommage toutefois que certains journaux nous saoulent avec l’idée d’un temps record alors que le parcours est différent à chaque édition. Si un record doit être évoqué c’est bien celui de Messieurs Jean Claude Chabirand  et Dominique Lamouller qui en toute humilité affichent aujourd’hui 13 éditions au compteur.         

Bref, revenons à mon histoire. Il fait toujours doux, j’enfile les manchettes et le gilet jaune et repars seul avant la nuit. Je prends un gros kif lorsque le soleil tombe. Je viens de mettre les lumières quand un gros paquet me rattrape, une aubaine pour rejoindre Loudéac dans de bonnes conditions. Bonne ambiance dans le paquet qui roule sur un bon rythme, on serre juste un peu les fesses quand quelques furieux nous dépassent comme des tarés … 

Il est bientôt une heure du matin lorsque j’arrive à ce quatrième contrôle après 435 km. En allant pointer je succombe à l’odeur du café croissant, c’est la gourmandise qui m’installe au chaud pour un premier petit déjeuner avant de rejoindre le dortoir. Il y a de la place, je demande 2h1/2 de sommeil, c’est 8 euros le forfait. Il n’est pas temps de palabrer, mais bon, avec le recul ça me laisse perplexe … Ceci dit les bénévoles sont très sympas, l’un d’eux me conduit vers un lit de camp dans un immense gymnase où se déroule un concours de ronflements. Sous la couverture j’envoie un petit message à Christine Aubriot qui doit être dans les parages puisqu’elle attend son champion de  Mimi déjà sur le retour. Je ne crois pas avoir vraiment dormi, mais cette petite pause m’a bien revigoré. Cette fois la température avait bien baissé. Je me suis autorisé un second petit déjeuner avant de m’habiller chaudement et de reprendre la route. Christine m’attendait à la sortie de la zone pour un petit coucou sympa pendant que Michel profitait de quelques heures de sommeil dans la voiture. Ce sont ces instants qui resteront dans ma mémoire. Merci Christine !!!

Il n’est pas indispensable d’être sur le vélo pour communier au PBP : tous ces gens au bord des routes qui nous applaudissent jour et nuit, les bénévoles qui nous encouragent aux villes étapes, les motards attentifs à sécuriser le passage des groupes, les accompagnateurs qui prennent soin de leurs champions. Il parait même que le live était très bien fait et que certains se sont endormis sur leur clavier en essayant de nous suivre !!! 

J’ai pédalé seul et ne me souviens pas de grand-chose sur l’étape suivante, hormis que nous sommes passés à Becherel et qu’à chaque fois je me dis qu’il faudrait que je pense à une révision sérieuse des règles d’orthographe avant de m’étaler sur FB et/ou sur Kikourou … Allez, pourquoi pas pendant l’hiver quand le vélo sera au clou. Il n’était pas 9h lorsque j’ai pointé à Carhaix, mais encore l’heure d’un petit déjeuner avant de rentrer dans les fameux monts d’arrhées. Cette incursion au cœur du Finistère n’est pas de tout repos mais c’est incontestablement la plus agréable de la randonnée. Il faut saluer le beau travail de l’organisation sur le parcours pour le rendre plus attractif. A l’aller et en dépit de la circulation intense le Roc Trevezel reste un passage mythique avant la bascule vers la rade.

Vincent Guerrier et Christophe Graveleau, m’ont rattrapé dans la longue descente. Bien calés sur les prolongateurs les deux compères envoyaient grand train et j’étais ravi de prendre le sillage en direction de Brest. Quelle ferveur au bord des routes et dans les villages traversés. Les p’tits vieux à l’ombre devant la maison, les gamins qui tapent dans les mains en plein soleil, les familles qui remplissent nos bidons avec un petit mot d’encouragement. Seul PBP offre une telle ambiance …  Il faisait vraiment très chaud lorsque que nous avons rejoint ce sixième contrôle vers 13h30 ou nous avons profité du self, pour le coup vraiment pas terrible.

C’est l’une des particularités de PBP, sur les villes étapes les points d’accueil sont gérés par des associations locales et toutes les prestations sont payantes. D’autres grandes épreuves procèdent ainsi et le coût est compris dans le prix d’inscription. Il faut reconnaitre que nulle part ailleurs que sur PBP on ne trouve des selfs ouverts en continu avec des possibilités de restauration aussi variées. Ce principe adopté par l’organisation me parait logique et cohérent. Cela ne me gêne aucunement de faire chauffer la CB si les prestations sont en rapport avec le prix affiché. Comme toujours il y a de drôles de différences d’un site à l’autre, pas vraiment explicable. Cette année j’ai souvent trouvé les prix pratiqués abusifs.

Le pétard à la sortie de la cantine n’est jamais un cadeau. La récompense arrive avec le passage sur le pont A Louppe, l’autre passage mythique du PBP, qui nous conduit par le sud sur un retour inédit et vraiment réussi sur Carhaix. J’ai notamment apprécié le passage à Pleyben avec son petit point de ravitaillement et ses danses folkloriques. J’ai retrouvé les compères Vincent et Christophe à l’entrée de Carhaix, puis Pascal dans le parc à vélo. La brigade des Routes Blanches était réunie pour casser la croûte !!! La nuit n’était pas encore tombée lorsque nous avons repris une route encore bien cabossée en direction de Loudéac. Pascal s’est envolé dans les premières bosses, Vincent et Christophe ont décidé de s’accorder une pose sommeil au nouveau point d’accueil de Gouarec. Il était possible de dormir sous un barnum, avec des matelas mais sans couverture. J’ai eu peur de prendre froid, comme le marchand de sable ne s’était pas encore manifesté j’ai décidé d’enquiller les 50 bornes restantes jusqu’à Loudéac. Cette fois je me suis offert une douche (oh bonheur intense) puis j’ai rejoint le dortoir. A 2h du matin il y avait foule et les bénévoles devaient jongler avec les places disponibles … Finalement je n’ai pas attendu trop longtemps avant de :me glisser à poil sous la couverture. 3h de sursis pour les zones sensibles et un vrai sommeil réparateur pour regonfler le bonhomme.

Le temps d’engloutir un petit déjeuner le jour était levé et je suis donc reparti sans les lumières, avec de bonnes jambes. Juste désolé de voir autant de couvertures de survie et autres boites de coca abandonnées dans les fossés.  Les 85 km jusqu’à Tinténac sont faciles, j’ai pointé à ce 9ème contrôle (km 867) à 11h20 et j’ai profité de l’excellent self local ou il n’y avait pas encore foule.   

Sur le papier Tinténac Fougères c’est 61 km faciles. Sauf que le vent s’est levé. Evidemment il soufflait en sens contraire sur d’interminables lignes droites avec une circulation de plus en plus intense au fur et à mesure que nous nous rapprochions de la sous-préfecture d’Ille et Vilaine. Je ne me suis pas attardé après ce dixième contrôle (km 927), ayant en tête de boucler les 20 bornes jusqu’à La Tannière ou je savais que l’accueil est toujours chaleureux. Ce point de ravitaillement où tout est offert en échange de l’envoi d’une carte postale est un lieu incontournable de Paris Brest Paris. Il faut prendre le temps de s’y arrêter et d’échanger avec ses villageois qui passent des journées et des nuits à nous offrir un petit moment de réconfort. J’y ai englouti deux bols de riz au lait maison à tomber et une délicieuse crêpe confiture. Un moment extraordinaire de partage, une bouffée de pur bonheur qui remet du baume au cœur pour repartir vers l’étape suivante. 

Un peu plus tard, au plus chaud de l’après-midi, je me suis accordé une petite sieste à l’ombre. Sous le cagna il n’est pourtant pas rare de voir certains participants, souvent asiatiques, tout en long. Les filles portent pratiquement toujours une sorte de foulard qui remonte sous le pif … Je ne peux m’empêcher de les observer, toujours épaté de voir un coup de pédale aussi efficace ainsi affublées. 

Le thermomètre était bien redescendu lorsque je suis arrivé à Villaines (km 1017, onzième contrôle) un peu avant 21h. Cette ville étape est toujours très animée, il y a toujours énormément de monde partout et notamment à la restauration. Mais nous y sommes accompagnés par des jeunes qui nous font passer en priorité au self, en quelques minutes j’étais à table dans la grande salle oû j’ai rencontré Catherine Walchel qui terminait son plateau. Quelques instants partagés oû nous avons évoqués nos problèmes de fesses. Ni voyez aucune allusion, après plus de 1000 bornes le cul est un sujet aussi sérieux que délicat … Un peu à la bourre Catherine est rapidement reparti dans la nuit afin d’assurer le délai de 90h. De mon côté j’avais repéré quelques transats isolés dans un coin et j’ai voulu faire une tentative de sommeil. Dans la pénombre il y avait une fille isolée, droite et immobile face à un mur. Tout à coup elle s’est pliée, à ses genoux il y avait un tapis, c’était tout simplement l’heure de la prière … Paris Brest Paris est un extraordinaire melting pot, mais ici comme ailleurs il est impossible de commander le marchand de sable. Le sommeil n’est pas venu, je suis moi aussi reparti dans la nuit, accrochant de temps à autre un petit groupe. Je me suis dit qu’il serait probablement possible de trouver un petit coin pour dormir à Alençon.  

Je ne saurais plus dire oû, il y avait une belle ambiance au cœur du village, des thermos de café sur la table. Et un grand panier rempli de fruits qui ressemblaient a des abricots … Le gars me dit “n’hésitez pas, prenez donc des quetsches, elles viennent du jardin”. Glups, des quetsches toutes rondes et orangées. Alors s’est engagé un grand débat sur le thème de “qu’est-ce qu’une quetsche”. Evidemment j’étais en minorité et j’ai eu du mal à faire passer mes convictions. Mais bon, faut reconnaitre que les quetsches hors normes du Perche étaient délicieuses. J’ai repris un café, chaleureusement remercié nos hôtes et j’ai repris la route. Enfin les lumières de la ville sont apparues au loin, je suis arrivé à Alencon en même temps que le marchand de sable. Spectacle incroyable, la nuit était douce et il y avait des tas de cyclos vautrés partout. Je me suis un peu avancé dans la ville jusqu’à trouver un petit parc légèrement excentré. J’ai réglé le réveil et j’ai dormi comme un loir enroulé dans ma couverture de survie. Que j’ai pris soin de replier et de ranger 2h30 plus tard.

En repartant j’ai vécu un incroyable moment d’euphorie, le compteur calé au-dessus de 30, je ne sentais plus les pédales. La sensation de fendre la nuit et d’avaler les bosses, à jouir du bonheur d’être là, à me faire monter les larmes aux yeux. Malheureusement ça n’a pas duré !!!    Il a fallu que je m’octroie un petit supplément sommeil après le petit déjeuner englouti à Mortagne (km 1098, douzième contrôle) avant de reprendre la route pour Rambouillet.

Pendant quelques kilomètres encore l’âme du Perche s’offre à nos roues. A Senonches on oublie la trace de l’aller pour bifurquer légèrement vers le nord. C’est alors que le plaisir de rentrer se transforme en cauchemar. Le crochet par Dreux avec ses interminables bouts droits au milieu des champs de betteraves exposés sur un revêtement qui termine de te raboter le cul est d’une infinie tristesse. Ces dernières années j’ai tellement pris l’habitude de naviguer sur des traces fignolées aux petits oignons que je ne supporte plus ces parcours bestiaux. 

Il est 9h30 du matin lorsque je rentre dans l’immense gymnase drouaisien qui a des airs de radeau de la méduse. La barquette de riz englouti réconforte mon estomac mais pas vraiment mon esprit chamboulé, qui s’interroge sur l’intérêt de rouler sur des routes aussi nulles. La corvée n’est pas complétement terminée. La sortie de Dreux est du même acabit, je trouve bien quelques roues alertes pour me soutenir lors de cette mauvaise passe. Chaque kilomètre me semble durer une éternité avant d’apercevoir enfin les vallonnements de Chevreuse et la belle forêt de Rambouillet. Je navigue dans un petit groupe avec un allemand, un australien et quelques japonais. Une belle harmonie s’instaure, chacun jette ses dernières forces et s’en donne à cœur joie pour boucler les derniers kilomètres. 

Oubliés les pavés de 2019 pour finir dans la Bergerie, cette fois on rentre dans le parc par une belle allée qui offre une vue plongeante sur le magnifique château de Rambouillet, pour un final somptueux. Passé sous l’arche j’aurais aimé prendre le temps, déguster l’instant, discuter et remercier … Il était midi passé de quelques minutes et ce n’était juste pas possible : l’affluence était à son comble, l’organisation sous tension toute occupée à fluidifier la zone. C’est ainsi que je me suis rapidement retrouvé devant les bénévoles qui assuraient l’ultime tamponnage et la distribution des médailles. Une nouvelle récompense de toc qui terminera dans un placard, un bout de ferraille qui me laisse de marbre. Par contre le joli maillot imprégné de tous les souvenirs, celui là j’aurai plaisir à le porter. De mon point de vue il vaudrait mieux offrir le maillot et laisser la médaille en option …

Cloclo dans son habit de bénévole avait eu la gentille de m’attendre, le temps d’une photo collector pour Kikourou. Schwarzy arrivé quelques heures plus tôt patientait également pour me choper au passage sous l’arche. Quelques instants plus tard le ciel s’est lâché. J’aurais préféré profiter des douches mais mes affaires étaient en consigne à La Bergerie, à l’autre bout du parc. Et pis il parait qu’il n’y avait plus d’eau (dans les douches). Bref, on s’est donc mis dans la queue pour aller manger. Comme c’était très long on s’est dit qu’on allait boire une bière en attendant. Mais là aussi il y avait queue … Mais tout s’est bien terminé, on s’est incrusté auprès de Catherine dans la file initiale, avec nos bières issues de la seconde. C’est bon ? Tout le monde suit ??? 

Nous nous sommes séparés après ce bon repas, chacun avec son plan pour rejoindre ses pénates. Sans regret j’ai abandonné ma tenue de vélo pour enfiler des fringues propres, je   suis repassé par la gare de Rambouillet pour grimper dans un TER évidemment blindé de vélos. Cette fois la traversée de Paris a été moins marrante. D’abord parce qu’il y avait foule en cette fin d’après midi de semaine. Et puis aussi parce que j’avais les cannes raides et qu’avec simplement un short il m’était impossible de poser mes fesses sur la selle …  

Mais j’avais le cœur léger, ravi d’avoir bouclé un quatrième PBP globalement bien maitrisé. Pas d’embrouille à la gare de l’Est, le TGV était a l’heure, il y avait une petite place pour mon vélo. Le soir même j’ai retrouvé un vrai lit à la maison et j’ai dormi comme un sac !!!

Je ne me souviens déjà plus de mon temps final. C’est d’autant plus facile d’oublier de le mentionner ici, car là n’est pas l’essentiel. Je dispose encore d’une petite marge sur le délai accordé par le règlement, ce qui devrait m’autoriser à envisager une cinquième participation en 2027 … Je pense que les jambes en seraient capables. Mais je doute d’avoir le cœur à me farcir à nouveau les tristes bouts droits évoqués plus tôt, juste pour une ligne de plus au palmarès. Il me reste un peu de temps pour cogiter.

Merci à l’Audax Club Parisien et à toute l’équipe qui tous les 4 ans réanime la flamme pour entretenir la Légende de Paris Brest Paris !!!     

ALBUM PBP 2023 by Poucet

 

 

3 commentaires

Commentaire de philkikou posté le 06-09-2023 à 22:53:01

De la lecture pour le post-Week-end Kikourou ;-)

Commentaire de cloclo posté le 06-09-2023 à 23:28:08

Merci Gilles pour ce super compte rendu, ça donne envie pour 2027. Et je n'ai pas attendu ce week-end pour le lire ;-)

Commentaire de shef posté le 07-09-2023 à 12:16:33

Bravo!

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