Récit de la course : Trail des 5 Moulins 2006, par boulard raymond

L'auteur : boulard raymond

La course : Trail des 5 Moulins

Date : 11/11/2006

Lieu : Mondeville (Essonne)

Affichage : 1664 vues

Distance : 45km

Objectif : Pas d'objectif

2 commentaires

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Le récit

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Samedi 11 novembre 2006

Trail des 5 moulins 45 km

Pour la beauté du geste

Titre de la chanson de Maidi Roth, tout un symbole sur l’acte accompli et sur ce trail prend toute sa dimension sur l’abnégation concernant Greg mon guide durant ces 45 kilomètres.

En septembre Greg me propose de l’accompagner sur un trail de longue distance, j’hésite avant de donner une réponse favorable, dernièrement j’avais participer au trail de Sully avec mon ami José Morin, l’expérience s’était révélée plutôt pénible compte tenu des mes multiples chutes malgré toute l’attention , la bienveillance de mon pote.

Je suis mal voyant, atteint d’une maladie rétinienne, dont la conséquence est une altération importante de mon champ visuel, provoquant des déplacements difficiles en sous bois et surtout une cécité nocturne.

Greg me dit : « si je m’engage sur cette épreuve avec toi c’est en connaissance de cause, il faut mettre au point des techniques de guidage de jour comme de nuit »

Avec Greg j’ai participé à des marches de nuit, Paris Mantes sur route 54 km, Bourges Sancerre en majorité sur chemin 58 km.

Je suis toujours à la recherche de sensations fortes, de défis, cette course nature de jour et de nuit me tentait fortement, l’engagement de la faire fut pris.

Une préparation sur 8 semaines principalement axée sur chemins et en foret, incluant 3 sorties nocturnes. Cet entraînement nous a permis d’acquérir des bases positives aussi bien au niveau physique que psychologique.

Si je fais cette introduction, ce n’est par une gloriole exacerbée , loin de moi cette idée. La vie est souvent semée d’embûches, malgré les difficultés rencontrées, le plus difficile n’est pas de tomber, mais de se relever, de repartir vers d’autres horizons, permettant un aboutissement vers des moments de bonheurs vrais et intenses.

Vendredi 10 novembre veille de la course , petit repas sympa à la maison préparé par Martine ma petite femme, riz cantonnais et vin de Bordeaux « haut Médoc » .

Samedi 11 novembre, il est 10h00, nous quittons St Marcel (Eure), la traversée de Paris se passe relativement bien, et vers midi nous arrivons à Mondeville (Essonne) ; on décide de retirer nos dossards pour aller déjeuner tranquillement.

On trouve un petit coin sympa, coté campagne, prés d’un hangar. Greg sort son réchaud, moi mon thermos alimentaire, dehors il ne fait pas chaud, le temps est couvert, venteux, on discute sur le choix vestimentaire pour la course.

13h00 on retourne à la salle polyvalente de Mondeville, histoire de prendre la température et de s’imprégner de l’ambiance des participants. Nous sommes agréablement surpris : les trailleurs forment une grande famille, tout le monde se salue, se parle, on retrouve la sérénité des coureurs de grandes distances. Nous avions ressenti la même chose lors de notre 100 km de Ponthieu.

13h30 il faut se préparer, pommader et graisser les parties délicates, collant long, double épaisseur pour le haut du corps, ajustement camel bak, ceinture, et lampe frontale.

13h50 nous sommes sur la ligne de départ, certes un peu fébrile mais pas du tout stressés. On nous annonce une participation de 208 coureurs pour cette première édition 2006 .
Nous écoutons le briefing du speaker : circuit de 45 km sur une boucle, un parcours très difficile. Le premier tiers dur, le deuxième tiers roulant, le troisième tiers un véritable casse pattes avec la terrible cote Tertre Blanche, des points d’eau au 13 et 31 km, ravitaillement liquide et solide au 21 km. Ce trail se court normalement en autosuffisance et fait partie du challenge Xtrém, ce label parle de lui même.

14h00 Samia donne le départ, prévu normalement au coup de pistolet, mais il se fera en décomptant 3 ;2 ;1, c’est parti. .Après un court passage en ville pour emprunter aussitôt le premier chemin à notre droite.
Le temps s’est dégagé, le soleil a fait presque instantanément son apparition. Pendant plusieurs kilomètres, nous empruntons des chemins de campagne serpentants entre champs labourés et prairies.

Nous évoluons dans une bonne allure. Greg me propose pour les ravitaillements individuels de les faire en courant, cela me paraît possible, cette suggestion est significative, celle d’être bien rentré dans cette course et permettra de compenser partiellement le temps perdu pendant la période nocturne.

Nous pénétrons dans les sous bois, la foret en cette période de l’année est magnifique, bref ce trail se présente plutôt bucolique.
Je monte les premières cotes en tête, dans les descentes Greg prend relais et m’indiques les embûches à éviter. Nous sortons du bois pour emprunter des chemins bordant champs, prairies et forets.
Les sentiers et chemins sont carrossables. Selon leurs natures, je me place à gauche ou derrière mon jeune ami. On se dit que ce tronçon n’est pas si terrible que cela, on a parlé trop vite : se présente devant nous un sentier étroit qui monte raide. On opte pour la marche rapide par sécurité. Il faut faire attention aux branches, racines, pierres dissimulées sous les feuilles qui jonchent le sol. Je glisse, un coureur m’aide à me redresser, il a décelé mes difficultés. Avec Greg il va me guider jusqu’au haut de la bosse en m’indiquant les obstacles à éviter.
Devant, une féminine trottine imperturbablement malgré le fort dénivelé.
Au loin on entend les coup de fusils et les cris des rabatteurs, sans doute une battue aux sangliers, « les bipèdes seront épargnés » nous a promis l’organisateur.
On plonge vers la plaine pour rejoindre un chemin herbeux qui nous conduit au premier ravitaillement en eau.

Nous repartons rapidement après une courte pause, le temps de se désaltérer, et nous rejoignons la foret. Le chemin balisé est raide, le sol est sablonneux, des troncs qui faut éviter ou passer par dessus, éviter des rochers.
La géologie du terrain dans cette partie de l’île de France est curieuse, « pourquoi du sable et des gros rochers ? ».

Environ 18 km de parcourus, le terrain devient moins accidenté, succession de sentiers en sous bois et chemins en plaine.
L’osmose est parfaite entre nous deux, les techniques de guidage tactile ou à la voix fonctionne parfaitement en foret. ou en plaine.

Nous sommes sur un chemin étroit mais roulant. Devant Greg m’indique l’état du sol, je suis derrière, concentré, à l’écoute. Je déroule ma foulée, deux coureurs me suivent ; arrivé à ma hauteur, l’un me dit « respect mon gars », en passant à coté de Greg, pose la main sur son épaule et disent « merci pour lui » .

Mots simples d’encouragement dont le contenu est plein d’humanisme et d’intégration pour cette course ; nous sommes très touchés par cette fraternité.

Sur notre gauche, on longe une rivière : elle doit ou devait alimenter les incontournables moulins de la région. On traverse un petit pont, sur notre droite un moulin en travaux de restauration, on rejoint un petit sentier tortueux qui débouche sur le village de Courance. Pas une âme qui vit dehors pour nous encourager, cet endroit est typique et beau.
Sous le préau de l’école, les bénévoles souriants nous accueillent avec gentillesse , proposent soupe, eau bananes et divers friandises.
Je discute avec un coureur de la Martinique ( il fournit les bananes à l’organisation ) transit par le froid. Il décidé d’arrêter la course ici. De son coté Greg discute avec un coureur ( maillot orange et chaussettes noires montantes) sur notre course et témoigne beaucoup de soutien à notre défi.

Il faut repartir à petite foulées. Sur la grande allée limitrophe au château, un bagnard court à coté de nous, nous discutons et plaisantons avec lui sur son déguisement . Il nous explique que depuis 10 ans il a parcouru 35000 km et toujours dans cette tenu. Coup de chapeau à l’artiste.

Chemins roulant se succédant, sous bois agréables avec de belles propriétés. Une partie assez importante de goudron, ce revêtement me permet d’allonger ma foulée, Greg arrive à ma hauteur , il me dit de temporiser.
Village de Dannemois, nous traversons un petit pont, au abord un moulin peut-être celui de Claude François.

Terminé le bitume on retrouve les sous bois, un sentier qui monte sans problème, puis surprise devant nous, la cote du tertre blanc, un vrai mur. Pas à pas nous avançons sur le sol de sable mou, notre physique est sollicité, par moment nous sommes rétifs.
En haut greg me rattrape et m’aide à me hisser. Heureusement car je pense que j’avais droit à un tour gratuit, le droit de remonter.
Pas le temps d’admirer le paysage, il faut aussitôt négocier la descente et récupérer. Passable tranquille en sous bois; on discute avec un coureur qui me parle de mon handicap, c’est un trayeur expérimenté, il est de là région, il nous raconte ses différents périples.
On longe un champ, des monticules de betteraves amassés sur le coté, le chemin est gras, glissant, la boue colle aux godasses.

De nouveau en foret, l’ombre à envahie les lieux, plus question de se déplacer seul. Je m’accroche à Greg., soit sur son coté ou derrière, la main sur le Camel Bak.
31 km, dernier ravitaillement, liquide seulement, petite pause pour se rafraîchir, on sort les frontales et on s’enfonce dans la nuit noire.
Désormais je cours aux consignes de mon guide. Grâce à ses recommandations, je visualise dans ma tète la configuration du terrain..
- Attention racines
- Troncs couchés
- Passage difficile, on marche
L’entente est parfaite. Nous courons sur chemin large ce qui me permet d’être à coté de Greg, je distingue certains bâtons lumineux qui nous indique la direction à prendre, on double des coureurs , j’éprouve du bien être, je me sens vivant.

Il faut marcher car le profil devient très raide, tourmenté et on doit couper à travers la foret. Plus de chemin. de sentier, il faut slalomer entre des difficultés, racines et troncs d’arbres à éviter, se faufiler entre de gros rochers. Le physique est sollicité, je m’épuise, une crampe me tétanise sur place le mollet. Greg m’étire la jambe.
Doucettement on repart pour attaquer la descente et répéta aussitôt pour reproduire les mêmes difficultés.

Finalement on atteint la vallée ; il faut que je marche pour me détendre, le chemin est parfois étroit, se creuse en fondrière, souvent large, gras glissant. Plusieurs baliseurs nous indiquent la direction à prendre , le dernier nous disant « plus que 3 km et c’est fini les gars ».
Petite erreur de notre part sur la fin du parcouru , pas évident pour Greg de guider et suivre les balises dans la pénombre , on se retrouve sur partie goudronnée, super on retrouve la foulée de fin de parcours ; on passe sous la ligne d’arrivée en 5 h36.

Moment intense d’avoir réalisé quelque chose de dur et de beau à la fois.

Entretien amicale avec le responsable de l’organisation concernant notre petite variante de fin de parcours, puis il nous propose d’aller nous restaurer.

Conclusion :

Si un trail doit être fait, c'est bien celui-là. Mais il est très exigeant, il demande effort et volonté, courage et humilité parfois.
En se donnant les moyens d’une bonne préparation physique et mentale, il reste cependant à la portée de beaucoup de coureurs.

Ecrire pour évacuer une certaine douleur, courir pour faire accepter ses différences. Sous ces formes de résilience, la capacité de vivre, de réussir, de s’intégrer , triomphe en dépit de l’adversité

Mille fois merci :

A ceux qui ont tracé ce sillon magique de 45 km, aux organisateurs qui ont travaillé sans compter, aux bénévoles toujours présents, très actifs, et de leurs gentillesses.


Remerciements :

A Greg, mon jeune compagnon d’aventure, à qui je témoigne toute ma gratitude pour sa patience, sa gentillesse, sa générosité durant ce trail atypique, rédempteur face aux difficultés de la vie.

A, Martine ma femme, Séverine et olivier mes enfants, Céline, Sébastien et mes petits enfants de me soutenir dans mes projets et défis parfois un peu fou.

Aux coureurs rencontrés au fil des kilomètres, de leurs témoignages de sympathies et d’encouragement à mon égard durant ce périple.

A Danièle Delafolie et sa fille Laurène , passionnées de littérature, pour la correction de mes différents récits.

Raymond BOULARD

St Marcel le 24 novembre 2006

2 commentaires

Commentaire de riri51 posté le 25-11-2006 à 18:12:00

Félicitations pour ta course et merci pour ce CR plein d'émotions et de partage.

Commentaire de gdraid posté le 29-11-2006 à 09:21:00

Bravo Raymond, rien n'arrête la passion !
47km et 1000m de dénivelé réels en 5h36' !
Tu cours comme un Champion, les mollets du jeune Greg doivent s'en souvenir...
Jean-Claude, finisher en 7h24'

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