L'auteur : L Espadon
La course : Tarn Valley Trail
Date : 6/5/2022
Lieu : Mas De La Barque (Lozère)
Affichage : 790 vues
Distance : 160km
Objectif : Terminer
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Malgré un profil peu alpin et en quelque sorte « roulant », similaire à celui de l’Ultra Trans Aubrac (UTA, 106km, 3600D+) effectué 3 semaines plus tôt, mon expérience sur cette première édition du Tarn Valley Trail (TVT, 157km, 6200D+) contraste singulièrement avec celle de l’UTA. Au jeu des différences, on trouve :
- L’ambiance : ultra-festive pour l’UTA (speaker survolté au départ, avec sono à fond et feu d’artifice), beaucoup plus intimiste pour le TVT (pas de sono au départ, une seule épreuve, seulement 300 partants, balisage light,…).
- Les sensations : au moins 80km de souffrance sur l’UTA, où je me suis senti assez vite dans un très mauvais jour, contre 80km de pur bonheur sur la première partie du TVT.
- La gestion de course : un départ beaucoup trop rapide sur l’UTA, qui m’aura valu de descendre au classement à chaque point de contrôle à partir du 20e km, contre un départ beaucoup plus prudent sur le TVT (malgré un profil très descendant sur les 39 premiers km) qui me permettra de grimper petit à petit au classement à chaque ravito (sauf sur le dernier).
- Les rencontres : comme j’ai passé mon temps à me faire doubler sur l’UTA, je n’ai pas eu l’occasion d’échanger avec les autres participants, alors que sur le TVT j’ai beaucoup croisé les mêmes coureurs entre les km 40 et 80, ce qui m’a permis de pas mal papoter avec eux. Puis vers le 85e km, un peu avant la nuit, j’ai eu la chance de croiser une participante qui m’a accompagné pendant environ 7 heures. Merci Adèle !
- Le moral : l’idée de l’abandon ne m’a pas quitté de tout l’UTA, alors qu’elle ne s’est pointée qu’au 100e km sur le TVT.
- Le résultat : finisher sur l’UTA, abandon sur le TVT après 110km (109,7 pour être précis).
Et oui, aussi étrange que ça puisse paraître, le TVT s’est beaucoup mieux passé, et s’est pourtant terminé sur un piteux abandon.
Retour en arrière. Réveil à 1h du matin vendredi, départ de la navette depuis Millau à 2h30, et arrivée au Mas de la Barque (départ de la course) à 5h45 (oui, 3h15 de navette, c'est long). Vent très froid, on se met à l’abris, puis très vite départ intimiste à 6h30 sans la frontale (il fait déjà jour) et en silence. On attaque avec de la descente, la plupart des gens partent au taquet mais je me force à y aller mollo. Malgré tout je prends de l’avance sur mon temps de course (jusqu’à une heure d’avance, que je conserverai jusqu’au 83e km). La première section est magnifique : le plateau du Mont Lozère est splendide. Ensuite on passe par une section forestière sympathique mais assez quelconque, qui nous fait rejoindre la vallée du Tarn. A partir de là c’est un festival pour les yeux : Quézac, Castelbouc, St Chély du Tarn, le GR736 nous offre des paysages magnifiques et nous fait passez par de très beaux villages (allé, il y a bien eu quelques km un peu ennuyeux après Bédouès, où on s’est tapé un peu de bitume, mais c’est vraiment marginal).
Bref, j’arrive à Saint Enimie (km 78) après une descente bien technique mais que j’ai beaucoup appréciée (je crois que je suis un des seuls). J’en suis environ à 12h20 de course (de mémoire), et je suis super bien. Commence alors un monotrace vallonné de 5km, au-dessus du Tarn, qui doit nous mener au ravito de St Chély. C’est essentiellement plat… je dis essentiellement car ça ne fait que monter et descendre, mais jamais très longtemps, et c’est en réalité affreusement casse-pattes. A chaque virage du Tarn je guette St Chély, qui ne vient jamais. J’y arrive finalement, un peu abîmé. Il est 19h30 (je suis en course depuis 13 heures). La section suivante débute avec presque 10km de la même chose ; c’est sur cette partie que je vais être rejoint par Adèle, dossard 44, qui est ravie de trouver un compagnon de course car elle a un peu peur de se perdre pendant la nuit (le balisage est en effet léger, c’est un choix assumé de l’orga). C’est un moment où j’ai un petit coup de mou (le 1er) mais le fait de papoter m’aide à penser à autre chose. Elle se cale sur mon rythme, on marche beaucoup, mais on avance, et arrivés à la grosse montée vers le ravito de Rieisse je suis trop content que ça monte enfin franchement. Je reprends du poil de la bête et imprime un bon rythme (Adèle finit par me dire qu’elle est OK pour que je continue de parler, mais qu’elle ne va peut-être plus répondre – en fait c’est faux, je l’entends souffler derrière moi, mais elle continue de papoter).
Truc marrant, un chien que j’avais vu au ravito de St Chély nous suit depuis un moment. Il s’avère qu’il suit des coureurs depuis le km 60… il ne s’est arrêté qu’à la base de vie du 110e km (comme moi !), épuisé (comme moi aussi).
Bref, on rejoint le ravito de Rieisse à 22h30, et je suis toujours en avance sur mon planning de course. La section suivante fait 13,8km, et je ne sais pas encore que je mettrai 4h20 à les parcourir…
En repartant du ravito (km 96), c’est pas génial : j’ai très vite froid, mes jambes se figent, et je n’ai plus d’énergie. Rétrospectivement, il est clair qu’en plus d’avoir froid (c’est la nuit, sur les causses, et il y a du vent, normal), sommeil (avec presque une nuit blanche avant course, et une autre en cours, normal aussi) et mal aux jambes (après 96km, encore normal), je suis très probablement en hypoglycémie (même en ayant bien mangé au ravito, si j’analyse froidement les choses, je ne me suis pas assez alimenté depuis le ravito précédent). Au début j’ai du mal mais comme c’est plat ça va encore. Puis commence une descente très technique vers Les Vignes dans laquelle je vais au ralenti : j’ai affreusement mal aux jambes et je n’ai plus la moindre énergie. L’idée insidieuse de l’abandon, que je n’avais pas encore croisée sur cette course, s’invite dans ma tête. Plusieurs fois je dis à Adèle, qui mène désormais la danse, de ne pas m’attendre et de faire sa course. Mais elle me répond invariablement que ma présence l’a aidée sur la section précédente et qu’elle veut qu’on aille ensemble jusqu’à la base de vie de Saint Rome de Dolan au km 110. Elle fait la conversation pour me changer les idées. Vraiment sympa cette meuf ! Arrivés au village des vignes, il reste une montée assez rude de 5km jusqu’à la base de vie. Là ça devient encore plus difficile ; je veux juste que ça s’arrête et je perds toute lucidité. J’aurais dû mettre à profit ma lenteur pour manger, manger, et encore manger, mais non, je n’ai pas faim (que je crois). Je finis par convaincre Adèle qu’il faut qu’elle trace si elle veut pouvoir prendre le temps de dormir un peu à la base de vie (ce qu’elle avait prévu) avant de repartir avec sa pacer.
J’arrive à la base de vie un peu avant 3h du matin, épuisé, frigorifié, les jambes en béton, et le moral dans les chaussettes. Je me gave de petits fondants à la chataigne (un délice) et de fromage. Ca remonte le moral. Ecoutant les conseils de plusieurs personnes, je décide d’aller dormi un peu avant de prendre toute décision concernant la suite. Je dors 30 minutes dans un lit. Quel pied ! Au réveil, grosse hésitation ; j’étais pas loin de repartir… mais il y avait trop de souffrance en perspective. J’ai rendu mon dossard à 4 heures du matin.
Une navette m’a ramené à Millau à 6h00, où j’ai pu voir arriver le 15e de la course, et où j’ai (encore) mangé. A 7h00 ma chérie est venue me chercher. Retour au camping (bungalow), douche, puis dodo. Bonheur.
Le lendemain, balade en famille avec ma chérie et nos enfants sur la fin du parcours (qui passait juste au-dessus de notre camping). Heureux hasard, on croise Adèle et sa pacer (qui a fait les 50 derniers km avec elle). Elle terminera en 33h18. Bravo à elle !
Déçu d’avoir abandonné bien sûr, mais pas de regret : c’était je pense la bonne décision. J’aurais certainement pu aller au bout, mais au prix de souffrances dont je n’avais pas envie. Il y a du positif à retirer de cette expérience : des sensations géniales pendant 80km, plusieurs rencontres enrichissantes, et des souvenirs de paysages magnifiques plein la tête.
Quelles leçons tirer de cet échec (car c’en est un) ? Plusieurs, toutes assez évidentes finalement :
1) comme pour l’UT4M 160 XTrem l’été dernier, je n’étais pas assez préparé pour ça. Quel que soit le dénivelé, 100 miles ça n’est pas 100km, et pour que ça passe il faudrait un investissement personnel que je ne suis pas prêt à mettre pour l’instant (en tout cas j’y arrive pas).
2) Enchainer deux ultras à 3 semaines d’écart, c’est un beau challenge mais ça n’est pas très raisonnable.
3) Le manque de sommeil est un vrai problème : la nuit blanche d’avant course (pour cause de navette) n’aide pas quand on passe la nuit suivante à galoper dans les montagnes. Au-delà du manque de sommeil, la nuit c’est mentalement dur à gérer. Sur l’UT4M j’avais déjà eu un sacré coup de mou pendant la nuit (qui s’était néanmoins dissipé au petit matin).
4) Il faut se méfier de ses bonnes sensations. Sur l’UTA j’étais dans un mauvais jour et j’ai tenu tout le long au mental. Sur ce TVT, j’étais sur un petit nuage, tout fier de ma bonne gestion de course et de mes excellentes sensations, et quand la 1ère grosse difficulté mentale s’est pointée, j’ai craqué d’un coup.
5) L’alimentation est cruciale. J’ai maintenu une bonne alimentation pendant 80km, mais ensuite ça a été plus compliqué, et ça n’a pas aidé.
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6 commentaires
Commentaire de keaky posté le 10-05-2022 à 14:25:57
Merci pour ton retour L'Espadon !!! Et très belle itinérance malgré une fin ne re(fletan) pas le début de course. Tes leçons résument en quelques phrases la mantra de l'ultra ; préparation, repos, sommeil, gestion... Encore bravo !!!
PS : Superbe titre de récit :D Bonne récup'
Commentaire de L Espadon posté le 14-05-2022 à 01:02:24
Merci keaky pour ton commentaire !
Et j'aime beaucoup le coup du flétan :-)
Commentaire de Zucchini posté le 17-05-2022 à 10:31:14
Salut l'espadon! Merci pour ton récit et tes analyses ! Je suis d'accord pour la gestion du sommeil, c'était bien compliqué avec la navette la nuit précédente, à 2h30, pendant 3h dans un bus scolaire. Très clairement c'était un handicap cette histoire! Et comme toi, c'était très difficile de partir de la base vie. J'ai trouvé l'orgueil nécessaire, mais c'était à deux doigts ! Et la période entre 4h et le lever du jour fut un supplice, je fermais les yeux en courant, je baillais, j'avais pas de jus. Le lever du jour à arrangé tout ça d'un coup, la minestrone et les lentilles faisant le reste :) au final je termine en courant tout le long, mais harassé, et 10 jours après, je n'ai pas récupéré le déficit de sommeil !! Bonne récup' à toi
Commentaire de L Espadon posté le 17-05-2022 à 22:51:23
Merci Zucchini, et bravo pour avoir eu le mental de continuer après la base de vie !!!
J'espère que tu vas récupérer ; moi ça va plutôt bien car après 2 jours j'avais plus mal aux jambes (le vélo d'appartement en regardant des séries, c'est top pour la récup) ; j'ai même fait une belle séance en côtes mercredi dernier, et j'ai battu mon record perso sur un parcours-type d'une heure près de chez moi dimanche. A+
Commentaire de Zucchini posté le 18-05-2022 à 04:32:25
Décidemment on a pleins de point de commun (en plus d'aimer le poisson :)). Oui, le home trainer, et mieux encore le vélo elliptique sont des alliés de choix pour la récup, pour l'hiver, et même en pleine saison pour varier et éviter les chocs.
Motivé pour prendre ta revanche sur ce TVT en 2023 ??
Moi je crois que oui, pour mieux gérer la distance et la nuit :)
Commentaire de L Espadon posté le 13-06-2022 à 00:26:00
Revenir sur le TVT en 2023 c'est tentant. Mais faudra que je puisse trouver le moyen de mieux être préparé. Ca dépendra du boulot :-S
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