L'auteur : jedaf
La course : Trail du Cassoulet - 32 km
Date : 6/10/2019
Lieu : Verfeil (Haute-Garonne)
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Distance : 32km
Objectif : Terminer
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Et franchement heureusement qu’il me restait un moral à toute épreuve dans ces chaussettes, car il n’y avait rien d’autre.
Près de 2000 participants pour toutes les épreuves se pressent dans le magnifique parc d’En Solomiac où le Trail du Cassoulet organise tous les ans, le premier week-end d’octobre, sa désormais célèbre manifestation de courses et marches.
Je suis allé récupérer mon dossard et celui de mon fils, hier soir, accompagné d’un ami qui parcourra les 14 kilomètres de randonnée libre. En prime nous avons reçu la traditionnelle terrine ainsi que sa boîte de Cassoulet.
J’arrive bien avant le départ. Je retrouve Nicolas au parc de stationnement et je lui remets le dossard et surtout la terrine avec la boîte de Cassoulet. Sans nous consulter nous sommes revêtus du même tee shirt, celui de la dernière et regrettée course du Forestrail, célèbre nocturne de Lévignac sur Save, se déroulant le premier week-end de février. Ce n’était que du plaisir ! Elle nous manque déjà.
Revenus à la salle Alain nous rejoint. Il est venu en avance pour assister à notre départ. Il participe à la marche libre de 14 kilomètres qui part à 9 heures 30. À le voir équipé j’ai plutôt l’impression qu’il va continuer jusqu’à Compostelle, il va falloir avertir les signaleurs de l’arrêter à l’extrémité de la boucle. Nous consultons la dernière mouture du tracé des parcours et dégustons de délicieuses viennoiseries arrosées de quelques cafés. Le temps est clair et doux, les conditions sont idéales pour souffrir.
Nombre de coureurs sont déguisés. L’organisateur offrira à chaque participant costumé une bouteille de vin de Fronton à l’arrivée. Je croise Jésus-Christ et sa croix ou encore l’homme préhistorique. Je vais vers le sas de départ. Les coureurs du 24 et du 32 kilomètres sont mêlés, les parcours divergeront à moment donné. Nous sommes près de 500 sous le portique dont 150 en ce qui concerne la course du 32 à laquelle je participe pour la troisième fois.
Les organisateurs préciseront plus tard qu’il y a une nette baisse d’effectifs cette année. Ceci paraît curieux si l’on songe que malgré les mauvaises conditions météorologiques 209 coureurs étaient à l’arrivée en 2018 et 201 en 2017.
Le responsable de la course donne ses dernières recommandations, l’adrénaline monte, les naseaux fument, le présentateur envoie la musique de départ et la course est lancée.
Je dois avouer que je me sens moyennement confiant. D’habitude j’affiche un farouche optimisme me permettant d’assurer un honnête rythme. Je conviens qu’il s’apparente plus à celui du TER Toulouse-Foix qu’à celui du TGV Paris-Strasbourg, en incluant les arrêts, les grèves et les pannes de caténaire, mais j’ose espérer parvenir d’une part à finir et d’autre part à ne pas finir le dernier, ce que j’ai adopté comme ma ligne de conduite. Mais aujourd’hui le TER ressemble plutôt à un tortillard à crémaillères dont les moyeux de roue sont grippés.
J’ai opté pour un déguisement d’une rare originalité avec une genouillère et des chaussettes de compression. J’ai une cheville qui, depuis plusieurs semaines, essaie de me faire comprendre que regarder les mondiaux d’athlétisme dans un fauteuil en lubrifiant mes cartilages à la kronenbourg lui conviendrait davantage que les pratiquer concrètement. Quant à mon genou gauche, il me dit avec force craquements que le trail de 17 kilomètres que j’ai fait la semaine dernière à Vacquiers ne lui a pas plu du tout, mais alors pas du tout. Oui, c’est vrai cela fait longtemps que je m’en sers mais quand même.
Nous traversons le magnifique parc d’En Solomiac pour atteindre la départementale que nous suivrons sur 500 mètres avant de rentrer dans Verfeil. Cette belle petite ville étant située sur le sommet d’une colline, le départ est toujours difficile. Le reste de la course présentant un dénivelé de 590 mètres ne présente pas de difficultés particulières à l’exception de quelques raidillons relativement courts. Nous rentrons dans le village puis nous le traversons pour aborder la campagne toulousaine que nous ne quitterons quasiment plus.
La première partie du trajet nous amène à Bonrepos-Riquet et notamment au château où Pierre-Paul Riquet résida quand il créa et construisit le canal du Midi. Cette section est aisée, les chemins sont secs mais un peu de pluie étant tombée cette semaine, la terre a été légèrement ameublie. Le problème avec les terres argileuses est que le sol sec peut être aussi traumatisant pour les chevilles que le bitume. Et le choix des chaussures est délicat. J’ai choisi de porter des Speedcross 4, mais je ne sais si des chaussures de routes mieux amorties n’auraient pas été plus judicieuses. Nicolas a choisi de courir avec des chaussures sans amorti à la semelle très fine. Il se sent beaucoup mieux à courir ainsi. Je ne pense pas en ce qui me concerne que ma cheville droite et mon genou gauche seraient d’accord.
Très vite la course s’étale. Ce qui est normal. Mais elle s’étale loin devant. Ce qui est plus gênant.
Je me sens rassuré. J’ai craint toute la semaine de ne pouvoir courir longtemps. Actuellement le genou ne me fait pas mal. Une fois échauffé il assure sa fonction. Très rapidement nous arrivons au château. Cet endroit est le point commun de toutes les courses. Le buffet est abondamment pourvu. Nous passons dédaigneusement devant les biscuits, bananes et autres colas. Je bois de grands verres d’eau plus par précaution que par soif. Mon fils s’arrête devant les saucisses grillées de Toulouse. Il y en a à volonté, bien chaudes elles sont délicieuses. Nous les poussons avec un gentil vin de Fronton. C’est un bon moment. Les bénévoles sont sympathiques. Nicolas leur demande qui était le premier du 32 à être passé. Ils ne le connaissent pas, mais il est passé il y a déjà un bon moment. Il ne s’est pas arrêté. Venir au cassoulet et ne pas prendre le temps de déguster une saucisse avec un bon verre de vin ? les valeurs du sport se perdent.
Un deuxième petit Fronton et nous repartons. Deuxième étape significative, le lac du Laragou. Le parcours est un peu plus délicat, sans pourtant le comparer à une course en montagne. Nous échangeons avec un coureur de Limoges et nous nous séparons à la sortie du parc. Sentiers forestiers, chemins dans les champs, nous courons tranquillement à un bon rythme. J’approche des 10 km/h ce qui pour moi constitue une grande satisfaction. Il n’y a plus vraiment grand monde sur notre course. Nous apercevons encore derrière nous quelques traînards. Cela me rassure. Deux lourds raidillons m’obligent à poser pied à terre. À l’issue du dernier nous nous retrouvons à Montpitol où se trouve le deuxième ravitaillement, essentiellement de l’eau et quelques cakes. Suffisamment pour nous requinquer. Une coureuse nous rejoint au ravitaillement. Nous partons avant elle, mais elle nous rattrapera plus tard dans les bois. Nicolas n’oublie pas de demander le résultat du match de l’équipe de France de rugby qui mène contre le Tonga 10 à 0.
Passé le village de Montpitol nous retrouvons un chemin qui traverse des champs agricoles. Nous apercevons une rubalise qui interdit le passage. Une signaleuse nous précise que nous devons gravir le talus, longer le champ et quelques dizaines de mètres plus loin redescendre sur le chemin habituel. Sur le tronçon condamné nous apercevons un arbre isolé. Le signaleur qui se trouve plus bas nous explique que s’y trouve un nid de frelons que les organisateurs n’avaient pas repéré et que des coureurs se sont fait piquer. Effectivement un véhicule de secours des pompiers était garé à Montpitol près du ravitaillement et un coureur s’y trouvait encore. Le trail n’est pas sans risque.
Mon allure moyenne à médiocre me paraît soudainement salutaire, les 150 coureurs qui m’ont précédé ont balayé tous les dangers du trajet.
Nous empruntons des sentes forestières puis un tronçon routier qui nous déposeront au bord du lac du Laragou dont nous ferons les deux tiers du périmètre, sans doute deux bons kilomètres. Nous sommes à peu près à mi-parcours ou presque quand nous apercevons les flots.
Je sens une lassitude me gagner. J’ai eu beau ingurgiter des saucisses grillées, du vin de Fronton, des barres caloriques, du cake, rien n’y fait. Il ne s’agit pas d’une fringale qui m’aurait laissé les jambes flasques, des étincelles à la périphérie de la vision ni d’une déshydratation, j’ai veillé à boire régulièrement, mais bien d’une fatigue de celle que l’on éprouve quand votre épouse vous propose gentiment d’aller passer une journée chez sa tata préférée ou à un anniversaire de supermarché, de celle qui vous assomme quand vous apprenez que le contrôle technique a décelé sur votre véhicule un point de rouille que l’on ne peut réparer qu’en changeant le châssis et les quatre portières dans les 24 heures, de celle qui vous démolit quand votre fils vous dit : « Courage, on en a fait 15, c’est presque bon. La deuxième partie est moins difficile. » Mon genou gauche commence à m’appeler gentiment, ma cheville droite par une douce douleur me signale le nombre de pas que je fais sans que j’aie besoin d’une montre espion pour ça. Je m’affaisse doucement, ma foulée longue et soyeuse devient courte et brinquebalante, je vibre, je fume, je craque. Mon fils toujours affectueux envers son père me dit : « Tu sais il y a longtemps que je n’ai pas couru sur une telle distance. J’ai un peu mal aux cuisses et aux fesses », puis il repart en gambadant tranquillement, s’arrête, me regarde et repart, s’arrête, me regarde et repart…
J’ai horreur de cette partie du trajet. Cela fait ma troisième participation au 32. Le lac est nu, il est plat (quoique à bien y réfléchir, la surface d’un plan d’eau est rarement bombée), il nous explique à tout instant la lenteur à le parcourir. De plus, on voit au loin. Devant je m’aperçois qu’il n’y a plus personne. Aucun espoir de doubler quelqu’un. Si j’avais cette chance, même un coureur qui ramperait, cela me satisferait. Rien ! Où sont-ils ? Derrière personne, ou plutôt si. De l’autre côté du lac la vue porte loin, jusqu’à la sortie du chemin forestier. « J’aperçois 2 gars à VTT. Je pense que ce sont les serre-file. Et il y a encore un coureur. Il ne faut pas se laisser rattraper », me dit Nicolas. C’est super pour le moral, courir pour l’avant-dernière place. Il continue de m’encourager : « Ne t’inquiète pas, tu ne seras pas le dernier. Juste à la ligne d’arrivée je te laisserai passer devant » dit-il avec un sourire. Gentil fils !
Il doit rester 16 kilomètres et je dois veiller à ne pas me laisser dépasser par un coureur plus épuisé encore que moi. Je sors mon mental des circonvolutions profondes où il s’est terré pensant que je l’oublierais et je le mets aux commandes. J’enclenche le poussoir virtuel « automatique mode survie ». Désormais je chasse toute pensée négative. C’est-à-dire que je ne pense plus. Je sais faire.
Quelques promeneurs ou pêcheurs, une association de modélisme ponctuent notre parcours. Nous quittons les queues vaseuses et visiblement en manque de pluies. Nous pénétrons dans les champs avant d’entrer dans le sentier botanique. Il a soif le sentier botanique, comme moi. Je croque dans ma barre énergétique et je pousse de quelques gorgées d’eau. Je partage ma réserve dorsale avec Nicolas. Il a oublié sa gourde au premier ravitaillement. On ne peut pas manger de la saucisse, boire du Fronton et gérer efficacement ses réserves d’eau. Il m’explique que ce n’est pas une grande perte, elle fuyait à chaque foulée. Elle servait plus d’humidificateur que de réserve de boisson. Heureusement ma réserve nous a suffi pour presque tout le parcours.
« On est à 20 kilomètres », me dit-il. Nous parcourons de belles orées de forêts puis quelques raidillons nous attendent avant de trouver un troisième ravitaillement où nous pouvons nous réhydrater tout en nous enquerrant du résultat du match France-Tonga. La France a gagné 23 à 21. Mais les commentaires sont conformes à notre bon vieil esprit français. Ils ont gagné mais ce fut juste, ils n’ont pas bien joué, ils ont failli se faire remonter, ils prendront une raclée contre les Anglais et j’en passe.
Une grande descente où j’ai de nouveau du mal à avancer. Je n’arrive pas à me lâcher en descente. Alors que ces moments sont très appréciés des coureurs qui y trouvent matière à gagner du temps et à récupérer je suis tout en retenue, il semble que je craigne de tomber, de me blesser alors qu’il n’y a aucune raison particulière pour cela. Je perds du temps là où je devrais en gagner, pour peu que je marche en montant et que je me traîne sur le plat.
Je décide d’être positif en transformant la pensée « qu’est-ce qui ne va pas » en « qu’est-ce que je peux améliorer ». Une réponse m’apparaît, mais elle est loin de me rassurer : Tout. Pour être encore positif cela m’ouvre de grands horizons.
Une traversée de bois, un long chemin sympathique au creux des vallons et l’on aperçoit au loin la route de Lavaur, la D112. Cette route nous la traversons par-dessous, dans une buse où l’on ne peut marcher que courbés. Claustrophobes s’abstenir. Ce parcours d’une vingtaine de mètres est terrible pour les cuisses. On est obligé de le parcourir en canard. En 2017 j’avais les cuisses en feu. J’étais obligé de m’aider de mes mains pour progresser, ce n’était plus en canard mais en blaireau que j’avançais, avec l’odeur de surcroît. Cette année curieusement je n’ai aucun problème de cuisses. Il est vrai que je me suis entraîné et que j’ai acquis un peu d’expérience. Ce qui rend d’autant plus étonnant ce manque de forme. Nicolas n’oublie pas de regarder en arrière. Sa crainte est que les vélos des serre-file nous rejoignent ce qui signifierait que nous sommes les derniers. Heureusement mon collègue de souffrance tient le coup. Il est toujours loin derrière mais l’écart se maintient. Un sentiment sadique me traverse. Je souhaite qu’il souffre assez pour ne pas pouvoir me rattraper mais pas suffisamment pour ne pas être contraint à l’abandon. Je me sens illuminé par l’esprit olympique. C’est beau le sport quand même.
La monotrace qui débouchera au lac de la Balerme traverse un bois et est particulièrement délicate par temps de pluie. Elle est irrégulière et souvent en dévers. L’année dernière c’était une vraie patinoire et nous y étions plusieurs. J’avais pu ainsi remonter quelques places profitant lâchement de la détresse des coureurs qui agrippés aux arbres essayaient vainement de trouver un appui solide à leurs chaussures visiblement dépourvues de crampons. Cette année nous y sommes seuls. À la sortie du bois un petit changement de parcours nous emmène au dernier ravitaillement situé cette année sous une grange ouverte.
C’est avec bonheur que j’y retrouve des saucisses grillées. J’en dévore plusieurs avec gourmandise. Nous buvons avant de repartir pour le dernier effort. Il n’y a pas de vin de Fronton. Il doit rester 4 kilomètres. Les tenanciers de la gargote provisoire sont très conviviaux. Nous échangeons sur la course. Ils nous confirment que les temps de passage ont été améliorés cette année, mais ils précisent qu’il y a eu beaucoup d’abandons, 14 après vérification à l’arrivée sur 150 coureurs au départ. C’est à peu près 10 % des participants. Cela me rassure un peu puisque je sais maintenant que je finirai cette course, ce que d’autres n’ont pas fait.
J’ai encore la satisfaction coupable de n’apercevoir toujours pas le serre-file accompagnant mon compagnon d’infortune. Nicolas regarde toujours au loin pendant que j’explique au tenancier du bar de la Balerme que j’applique une pratique de course particulière qui se résume en ces termes : courir médiocrement mais régulièrement. Nous rions. Nous démarrons. J’attrape au passage une ultime saucisse grillée. À partir de là je connais parfaitement le parcours. Je le pratique souvent y compris les raidillons en guise d’entraînement. Je le fais toujours en courant mais après 28 kilomètres dans les cuisses les conditions sont différentes. « Fais-toi plaisir » je dis à Nicolas « ne m’attends pas, il n’y a pour moi aucun souci, je finirai. » Il refuse. Il m’attend. Une partie plane suit les bordures du lac puis un sentier grimpe violemment sur la colline pour rejoindre une route communale. Je n’essaie pas de courir, je marche d’office d’autant que courir à petits pas est moins rapide et économique que marcher en allongeant les foulées, ce qui de plus constitue un bon étirement. Un signaleur nous fait traverser et nous oriente sur un tracé dans un champ qui nous amène sur le grand chemin qui file vers En Solomiac.
Dans leur immense mansuétude les organisateurs nous dérivent vers un chemin creusé à droite qui allonge le parcours. Cette année il est sec sinon il s’apparente plus à une piste de bobsleigh qu’à un sentier pédestre. Un chemin plus large et un court mais meurtrier raidillon puis une route apparaît qui nous amène vers le tronçon final bordant un souvenir de ruisseau.
Avant d’aborder la piste de bobsleigh Nicolas observe l’horizon derrière nous, ce que je me refuse toujours à faire. J’ai bien assez de mal à ne pas penser à ce qu’il me reste à faire pour me préoccuper de ce que j’ai déjà fait. Je sens que je vais développer une phobie du VTT. Nous avons déjà pulvérisé le record des deux dernières années. Pulvérisé dans le mauvais sens puisque je mettrai un bon (mauvais) quart d’heure de plus. C’est là qu’on voit la différence de niveau. Là où certains s’étalonnent en 1/10 de seconde, je mesure mes performances au quart d’heure près. Bientôt je passerai à l’heure et si cela continue j’annoncerai pour le 32 kilomètres le jour approximatif de mon arrivée. Il faudra que je me munisse d’une tente et d’une provision de soupe pour passer la nuit entre deux ravitaillements. Au loin il voit les serre-file : « Je crois qu’il a abandonné » me dit-il. Une chape de plomb me submerge. Je songe à changer ma devise. Elle est actuellement « Finir et pas le Dernier. » Je pense qu’elle deviendra « Finir quitte à pourrir les serre-file. » « Non je le vois. Il marche. » Je sens les forces me revenir. Je récupère mon moral que j’avais laissé tomber sur le chemin et je repars vif et alerte à facilement… 4 km/h.
Juste avant l’entrée glorieuse dans le parc d’En Solomiac il y a un mur à gravir d’une vingtaine de mètres puis c’est la vision enchanteresse du portique d’arrivée. Mon épouse est là qui m’attend. Elle éteint l’écran du portable sur lequel le 18 était en attente d’appel et le remplace par l’application photographie. Je ralentis pour être sûr que je ne provoque pas par ma vitesse un flou de bougé. Alain est présent qui visiblement a fait demi-tour avant St Jean-Pied-de-Port et son épouse Michelle. Plus qu’un virage et le portique est à 10 mètres. Mais non, une signaleuse nous montre le vrai passage qui nous fait descendre un talus et 2 mètres plus loin grimper un dernier escalier. Le portique est traversé le bip retentit témoignant de notre passage. Le présentateur nous demande nos impressions. Il devait lui tarder qu’on arrive pour aller boire une bière. Une charmante hôtesse me glisse dans les mains une boîte de gel énergétique. Je ne sais si un certain machiavélisme n’accompagne pas ce geste. C’est malgré tout un merveilleux moment. Quelle que soit sa performance on a accompli ce pour quoi on était venu. La souffrance n’est plus qu’un souvenir qui s’estompe déjà.
Je suis classé 135ᵉ sur 136 coureurs arrivés alors que 150 étaient au départ. Je suis le 3ᵉ V3. Quelques minutes après mon arrivée mon unique poursuivant franchit à son tour la ligne d’arrivée. Merci Eric, heureusement que tu étais là. Les effectifs étaient moindres cette année pour des conditions météorologiques meilleures, peut-être est-ce l’influence de la Coupe du Monde de Rugby et notamment celle du match France-Tonga.
Comme on apprend toujours de ses difficultés et jamais de ses réussites je dirai que faire une course de 17 kilomètres le samedi et remettre ça le dimanche de la semaine suivante avec un 32 kilomètres est sans doute un peu excessif pour ma modeste compétence. Mais que surmonter fatigue et douleurs pour finir coûte que coûte est sans doute la meilleure victoire que je pouvais espérer.
Et pour terminer je me permets de vous faire part de mes cogitations d’après course :
Le jour même je pensais : Plus jamais ça.
Le lendemain j’analysais: Désormais je ferai plus court.
Le surlendemain je m’insurgeais: Je n’en resterai pas là.
Et puis j’espérais: Vivement le prochain 30.
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