Récit de la course : Trail des Cerfs - 45 km 2019, par ilgigrad

L'auteur : ilgigrad

La course : Trail des Cerfs - 45 km

Date : 19/5/2019

Lieu : La Queue Lez Yvelines (Yvelines)

Affichage : 2503 vues

Distance : 49km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Les cerfs extended

Vous connaissez l’expression “prendre cher” ? “To take expensive” pour les anglophones; j’ai écumé les abimes du Mordor, j’ai vu les yeux de Sauron et j’ai pris cher.

Un dossard gagné sur un TASK grâce à Kikourou; un joli cadeau deux semaines après mon cinquante-troisième anniversaire.

 

La semaine avait mal commencé; le trimestre aussi d’ailleurs. J’enchaîne les petits coups de moins bien et une grosse démotivation pour la course à pied; j’investis toute mon énergie dans mon projet de start up, il en reste moins pour le sport. Un trail des lavoirs terminé très péniblement le dimanche précédent. Le manque d’entraînement se paie comptant. Une douleur à la cuisse; une grosse contracture sans doute, apparue mercredi lors d’une séance de fractionnés sur piste. J’ai voulu vérifier comment cela passerait en courant lentement et je suis allé tourner pendant deux heures hier, la veille donc, à la colline d’Elancourt avec Anne. 10 bornes et 800m de dénivelé. En restant sur la même allure, ça pouvait passer.

 

Couché à minuit, réveil à quatre heures. à cinq heures je prenais la route et à six je retirais mon dossard dans le gymnase de la Queue-lez-Yvelines.

 

Je croise Steph-le-Givré qui m’explique qu’il vient de se découvrir une nouvelle hernie discale; il semble très affecté. On se reverra dans quelques semaines à Saint-Nicolas de Veroce et j’espère qu’il pourra prendre le départ de la Montagn’hard.

 

Je pars avec un équipement minimal. Deux flasques de 500ml, une veste coupe vent, une barre chocolatée CLIFF, une poignée de bonbons Haribo récupérés sur le Marathon de Paris et surtout une pomme-pot’. Pas de téléphone ni de veste imperméable; même si on annonce de la pluie en fin de matinée, je ferai sans.

Une petite photo avec Benjamin, le seul autre coureur qui portera le maillot jaune Team-Outdoor sur le 45 ce matin. Lui devant et moi derrière.

Le départ est donné à sept heures dans la brume; je trottine très tranquillement et en moins de trois kilomètres, je me laisse dépasser par la quasi-totalité du peloton. 

 

Ma contracture d’une part, le manque d’entraînement d’autre part. Si je passe au dessus de 10km/h, je risque de ne pas aller bien loin. De toute façon l’objectif c’est de faire un peu de volume pour la Montagn’hard et il y a peu de chance que je parte sur un 100km à 12km/h.

 

Dès le début du parcours on s’enfonce dans un environnement champêtre; on court à travers des champs de blés encore verts. J’atteins la forêt domaniale de Rambouillet au bout d’une petite demi-heure. C’est géant. Je cours seul ou presque. Il ne reste que deux gars qui naviguent à mon allure à une centaine de mètres derrière moi; puis devant.

Les kilomètres ne passent pas particulièrement vite mais je profite de ces jolies monotraces à travers la fougère et les pins. Le parcours est plutôt roulant; les côtes dont courtes et il faut sans cesse relancer.

Je fais le décompte à partir du quinzième. Le premier ravitaillement est à vingt. J’arrive dur un grand carrefour. Des coureurs arrivent face à moi; à nous; les deux autres sont justes derrière moi. Ce sont des coureurs du 35km. Ce qui est étrange puisque nous sommes supposés suivre le même chemin jusqu’au premier ravitaillement. 

Ils comptent seize kilomètres au chrono, moi déjà vingt. Au vingt-et-unième, on reconnaît un tronc d’arbre en travers du sentier qu’on a déjà rencontré. On comprend qu’on vient probablement de faire une boucle gratuite. Ça me fiche un coup. Compte tenu de ma forme du moment, je n’avais pas trop prévu de faire du zèle. Je retrouve la bifurcation que nous avions loupé au niveau du vingt-troisième kilomètre. Un chemin qui partait sur la droite alors que nous circulions sur une large piste forestière. Je ne comprends pas comment j’ai pu ne pas voir les rubalises qui indiquaient ce chemin. Pourtant, les deux autres qui courraient devant moi, allaient boucler une nouvelle fois, et un groupe de coureurs du 35km avec eux. J’ai crié, crié, pour qu’ils reviennent.

Arrivé en trois heures au ravitaillement du vingtième kilomètre. J’indique à un signaleur qu’on vient de faire un détour et qu’il n’est pas impossible qu’il y ait d’autres concurrents dans ce cas. 

Je ne profite pas du ravitaillement car, contrairement à mes vagues estimations de temps de passage, la barrière vient de se refermer. Le fermeur n’est pas loin et le signaleur nous autorise à partir dans sa direction. Un seul de mes compagnons d’infortune se lance dans cette extension réservée aux coureurs du 45km, l’autre se rabat dur le 35km. 

 

Cette boucle est longue de 11km. On devrait donc la terminer, avec nos quatre kilomètres de rab’, au trente-cinquième kilomètre à nos montres.  Il en reste vingt-cinq. Une grosse moitié. Encore une fois je suis enchanté par le paysage que je traverse; la nature au milieu de laquelle je cours. Cette forêt de Rambouillet est, avec celle de Fontainebleau, sans doute la plus jolie d’Ile de France. 

Je décompte les kilomètres qu’il me reste jusqu’au prochain ravitaillement. J’avale ma pomme-pot’. En revanche, je suis à sec. Plus d’eau dans mes bidons.

8,7,6,5... quatre heures de course; c’est serré mais je devrais pouvoir être dans les temps sur la prochaine barrière. Je me sens même pousser des ailes. Je n’accélère pas vraiment mais je me sens mieux. Forcément, quand on prend du sucre, on retrouve un peu d’énergie. Je lâche mon «  compagnon » loin derrière.

4,3,2,1,... je devrais arriver dur le ravito... et puis rien. Il n’y a d’ailleurs plus de rubalise.

Je reviens sur mes pas en espérant trouver un signe de bifurcation. Le problème c’est que le fermeur qui talonnait l’autre coureur, retire la rubalise. S’ils sont passés entre temps, je me retrouve sans balisage.

Je suis perdu. 

À défaut de retrouver le balisage je décide d’aller en direction du point de retour. Perdu pour perdu, autant rentrer. Sur ma montre, à vol d’oiseau, j’ai 10km jusqu’au gymnase. Avec les trente-six kilomètres que j’ai déjà courus, j’aurai eu ma dose du jour. 

Je croise un type à cheval il me dit qu’il a vu quatre personnes démonter un barnum, tout près, au bout d’un chemin qui part sur ma gauche. Je fonce dans la direction indiquée en espérant les atteindre avant qu’ils ne soient repartis. Je les rejoints en moins de cinq minutes. J’étais effectivement tout près lorsque je suis revenu sur mes pas au trente-quatrième kilomètre.

Ils ont fini de tout remballer dans une remorque. Je demande s’il reste un bout d’orange, de banane et surtout un peu d’eau. Ils répondent que c’est au fond de la remorque et qu’ils ne peuvent pas tout décharger. Dont acte, je repars en continuant à suivre mon azimut puisque le reste du parcours a lui aussi commencé à être débalisé. 

J’ai commencé par tirer des bords en tournant autour de l’axe de retour. Je crains qu’avec cette technique je n’aie encore beaucoup de kilomètres à faire; on n’est pas à Manhattan, les chemins sont sinueux et certains reviennent dans la direction inverse de celle que j’ai voulu suivre au départ. Je coupe à travers les bois; j’enjambe les troncs et les branches; je passe à travers les fougères et les ronces. C’est un peu sauvage.  Je coupe à travers les champs. Les hautes herbes; je passe au dessus des clôtures parfois au dessus. Il faut en longer d’autres; infranchissables. Des murs aussi. En rampant sous une clôture entre un enclos à chevaux et un champs de blé, je suis piqué sur toutes mes jambes. J’imagine que ce sont des plantes, ou alors des insectes. Mes deux jambes sont cramoisies. Je ressens comme de vives brulures. C’est insupportable. J’ai déjà plongé dans des orties ou dans un bain de fourmis. C’est bien pire et ce soir, plus de huit heures après, je serre encore les dents.

 

J’ai pris un par un quatre ou cinq des petits palets de la roulette Haribo histoire de trouver un peu d’énergie pour les quelques kilomètres qu’il me restait à parcourir. J’imagine qu’ils ont réussi à développer le concept de bonbons gélatineux sans sucre. Non seulement ce n’est pas bon mais en plus ça n’a pas le rendement que j’en espérais. J’étais cuit. 

Je n’avais pas très envie de chocolat mais il ne me restait que ma barre CLIFF. D’habitude j’adore ça mais là j’étais écœuré. A part la pomme-pot’ et les quelques gélatines, je n’avais rien avalé en presque six heures de course. Pour tenir une heure encore je me suis forcé à manger la barre CLIFF. Ce n’était pas désagréable. J’ai même trouvé ça plutôt bon. Ça m’a boosté. J’ai pu avancer pendant la dernière demi-heure, plus vite que je ne l’avais fait sur les deux dernières heures. 

J’ai finalement retrouvé le complexe sportif d’où j’étais parti à 13h30. 6h30 de course pour 49km au moins. Les chronométreurs n’avaient pas encore commencé à démontrer l’arche d’arrivée. J’ai donc pu être enregistré comme bon dernier de ce 45km. Il faut une première à tout, même à être le dernier.

Il n’y avait plus aucun coureur dans le gymnase. Plus de ravitaillement. Mon sac au milieu d’une consigne vide et des bénévoles qui fêtaient entre eux la fin de leur événement. J’ai pendant longtemps espéré ce buffet final. Mais là, puisque tout avait disparu, mon arrivée n’avait plus la même saveur. 

J’ai pris mon sac et je suis allé me changer dans ma voiture.

Un joli parcours donc, ou plutôt, de jolis chemins. Je ne reviendrai pas sur le balisage ni surtout sur le debalisage un peu rapide. 

Je voulais faire du volume; c’est fait.

 

 

4 commentaires

Commentaire de Shoto posté le 20-05-2019 à 07:55:28

Ce n'était pas ton jour. Bravo pour ton courage et ta ténacité. Je dois te remercier car je faisais partie des coureurs du 35K que tu as interpellé car nous partions sur un mauvais chemin. Je me souviens de ton maillot jaune et de ton neuf. Il est vrai que le balisage n'était pas trés serré ...Bon rétablissement.

Commentaire de ilgigrad posté le 27-05-2019 à 07:23:39

Je suis ravi que tu n’aies pas eu à faire 4km de plus...
J’ai lu ton récit; bravo pour ta jolie course.
À bientôt sans doute sur un sentier francilien, avec ou sans dossard épinglé sur le ventre.

Commentaire de bubulle posté le 20-05-2019 à 09:09:09

Ah mince, quelle aventure!

Le balisage, au Trail des Cerfs, n'a jamais été exceptionnel, et notamment, les bifurcations sournoises au milieu des grandes allées. Bien sûr, c'est à nous d'être attentifs et je sais que toi même ne feras jamais trop le reproche à des organisateurs, mais c'est très très loin d'être la dernière fois que j'entendsce type d'histoire sur les Cerfs. Le parcours qui reboucle parfois à des endroits très très proches n'aide pas beaucoup à éviter le genre de gag où tu pourrais partir involontairement sur une mini course horaire en boucle.

En tout cas, un grand bravo pour ton retour barkleyesque car, connaissant le secteur, je sais que c'est tout sauf évident de retrouver son chemin pour revenir sur La Queue.

Et donc, belle performance malgré tout cela. En forme ou pas, ce sera une bonne prépa pour la Montagn'hard. Déjà, tu as su partir tranquillement su run parcours qui, pourtant, est largement roulant au début. Et ça, quand on connaît bien notre Ilgi, c'est un progrès énorme.

A bientôt à St-Nicolas !

Commentaire de ilgigrad posté le 27-05-2019 à 07:20:09

Merci Bubulle,
J'étais peut-être trop désinvolte; toi tu ne te serais jamais perdu, tu aurais regardé le parcours avant la course et tu t’en serais souvenu, à la courbr de niveau près. Mais bon, se perdre ne m’effraie pas plus que ça; arriver dernier d’une course non plus. Je pensais en revanche à certains du “quinze kilomètres”, pour qui se lancer sur une telle distance était déjà un challenge, qui comptaient chaque hectomètres et pour lesquels faire 4km de plus aurait été un chemin de croix.
...quant au retour, tu as raison, c’était la Barkley.

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