L'auteur : Khioube
La course : Samoëns Trail Tour - Ultra Tour du Haut Giffre
Date : 16/6/2018
Lieu : Samoens (Haute-Savoie)
Affichage : 5121 vues
Distance : 83km
Objectif : Objectif majeur
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En mai 2017, je courais mon premier ultra à la Maxi-Race et, ayant plutôt apprécié cette jolie balade de 17h, je décidais de remettre le couvert en 2018. Avec mes bons vieux compères Tom et Clément, nous avons la bonne et un tantinet flippante surprise d'être pris sur la TDS. En vue de nous préparer pour la fin août, Tom et moi décidons de nous frotter à l'Ultra Tour du Haut-Giffre (pour Clément la machine, ce sera l'Ironman de Nice, mais il viendra tout de même faire un top 10 au kilomètre vertical de Samoëns).
Affichant 85km et 6400m de dénivelé, l'UTHG représente la même distance que la Maxi-Race d'Annecy et il n'y a "que" 1000m en plus à gravir. Pourtant, tout le monde nous a prévenus : cette course, elle est vraiment très dure et sera probablement bien plus longue. OK, nous savons que nous allons en baver. Il faut ajouter à cela le fait que, comme toujours, la prépa a été un peu bancale, tout au mieux. Je fais partie de ces coureurs qui, disons-le clairement, n'aiment pas beaucoup s'entraîner. Ou, plutôt, s'entraîner seul. Heureusement que j'ai la séance de spécifique du jeudi soir avec la Team Performance ! Assez peu de sorties longues, un off de 39km en Chartreuse à environ J-20, des petites sorties roulantes... cela fait peu. Ah, et beaucoup d'escalade depuis début mai, c'est l'activité sportive qui me motive le plus ces dernier temps et j'essaie de me convaincre que c'est un excellent complément à la course dans ma préparation (je n'y arriverai qu'à moitié, du reste).
Mal d'avance...
Accompagné de ma douce et de notre petite Maya, nous arrivons à Samoëns le vendredi après-midi. Avec Tom, sa Marie et des amis à eux, nous avons loué un beau chalet avec piscine pour le week-end, nous sommes au mieux pour nous préparer. Une petite baignade, et c'est déjà l'heure de la logistique (avec un oeil curieux sur Espagne-Portugal, toutefois). Sans trop savoir pourquoi, je ne me suis pas vraiment pris la tête pour cette course, je n'ai pas vraiment pensé aux détails. Peut-être une manière de ne pas trop stresser avant le départ : moins je prévois de choses, moins j'ai de chances d'oublier quelque chose. Imparable ! J'ai trois flasques, un coupe-vent, de la crème de marrons, pour le reste je me débrouillerai avec ce qu'il y a aux ravitos. À 22h30 je pars me coucher, le réveil est prévu à 2h. Inutile de dire que chaque minute va compter !
Bien ou bien ?
Après un petit déjeuner rapide, la tête dans le brouillard, et un selfie devant le local à skis (nous sommes bien en Haute-Savoie), Tom et moi filons vers la ligne de départ en trottinant. J'ai un peu de mal à me motiver, sur le coup, mais il est 3h30 du matin, il y a une piscine au chalet et on annonce du soleil, alors c'est plutôt le contraire qui serait étonnant...
Rira bien qui rira le dernier...
Le départ est donné, nous sommes au milieu d'un peloton de quelques six cents coureurs. Au bout de 30 secondes à peine, cela monte déjà. On ne tourne pas autour du pot, à Samoëns ! C'est parti pour une longue montée dans la nuit, rien de très difficile mais c'est quand-même la montagne : environ 1200 mètres de dénivelé positif sur onze kilomètres. Comme on pouvait s'y attendre, c'est Tom le bouquetin qui imprime la cadence, je le suis sans trop de mal mais je sens que j'irais probablement un tout petit peu moins vite si j'étais seul.
Rapidement le jour se lève, nous sommes seuls au monde et le paysage est superbe. Je repense au slogan de la course, "Samoëns, à en tomber amoureux", évoqué à plusieurs reprises par Zinzin Reporter dans son reportage sur l'édition 2016, et me dis que c'est plutôt bien parti.
Au bout de 2h10, nous arrivons au premier pointage (en 246ème position). La bande de coureurs qui monte à nos côtés s'exclame en voyant un ami à eux, également en tenue de course. Sur le coup, je me dis qu'il faut être sacrément motivé pour se cogner une ascension pareille à l'aube juste pour encourager ses copains, mais je comprends vite que le bougre participe aussi à la course. En fait, il est là depuis cinquante minutes : comme il le racontera alors en détail, un rien hilare et fier de lui, il s'était lancé le défi d'arriver au premier pointage en tête de la course pour voir un peu comment un tel ultra se passe aux avant-postes. "C'est des animaux, les mecs, franchement, ils sont à bloc !". Pourtant, ce n'est pas un clown, le loustic vaut quand-même 2h47 au marathon. C'est dire si les premiers vont vite à Samoëns, il y a du gros niveau dans la région ! Sans grande surprise, il explique que ses poursuivants (à qui il aura tout de même mis deux minutes dans la vue) lui ont jeté des regards peu amicaux en le voyant à l'arrêt au pointage. "Bah, au pire, j'ai fait exploser dix ou quinze mecs"...
Encore une heure de montée pour atteindre le refuge de Folly, où de très serviables bénévoles nous aident à refaire le plein d'eau, allant jusqu'à ouvrir et fermer nos flasques (le luxe).
Le refuge de Folly, sans les gugusses de l'UTHG
C'est là que les choses commencent un peu à se compliquer pour moi, parce que nous entrons dans la zone fortement enneigée. Or, je constate vite que je manque terriblement de stabilité dans les névés et cela me coûte beaucoup d'énergie. Je ne sais pas si mes Kalenji sont responsables de mes glissades ou si c'est moi qui manque de justesse dans mes appuis, mais c'est vraiment pénible : je dois glisser tous les dix mètres, au bas mot ! Tom prend un peu d'avance, je le sens facile. Après plusieurs kilomètres dans la neige, nous arrivons au col de la Combe aux puaires, qui marque le début de la longue descente (treize kilomètres) vers Le Pelly. Le début est assez drôle, puisque nous avons droit à un enchaînement de quatre ou cinq descentes sur les fesses dans la neige. Nous dévalons la pente comme des enfants, les doigts et le derrière gèlent un peu mais il fait beau alors c'est très supportable. Dans la descente, je galère tout autant qu'à la montée. Chutes dans la neige, bâton tordu, grosse gamelle sur une pierre mouillée, coude ensanglanté... on ne peut pas dire que je me régale. Par ailleurs, la descente est très technique et donc assez frustrante, car il serait vraiment irresponsable de courir vu le nombre de pierres et la raideur de la pente. Heureusement, le paysage m'aide largement à garder le moral puisque c'est à cet endroit du parcours que nous entrons dans le fameux Cirque du Fer à Cheval, qui compte un nombre impressionnant de cascades. C'est tellement beau qu'on se croirait à la Réunion ou dans Jurassic Park ! C'en est même dangereux, parce qu'il faut se forcer à regarder où l'on met les pieds.
Oui, j'ai piqué une photo à l'office de tourisme de Sixt.
Lorsque la descente se termine, nous avons droit à une portion assez plate, longue de plusieurs kilomètres. Nous sommes dans la vallée, il est bientôt midi, il commence à faire chaud, je vois bien que les gens autour de moi ont du mal à se motiver pour courir. Pour ma part, je mets un point d'honneur à ne pas marcher : je me répète que je suis un coureur, pas un randonneur, et que c'est sur les rares portions roulantes du parcours que je peux gagner un peu de temps par rapport aux autres (#coureurdesplaines). Et puis j'espère regagner les minutes que j'ai perdues sur Tom, car je sais pertinemment qu'il déteste ce type de terrain. Je l'aperçois d'ailleurs au loin au bout de quelques minutes, c'est donc ensemble que nous rejoignons le ravitaillement du Pelly, où nous verrons nos proches pour la première fois de la journée.
Cela fait beaucoup de bien de voir nos familles, nos amis, de prendre des nouvelles les uns des autres, d'entendre Maya dire "Allez Papa !"... Il est également très plaisant de boire et de manger, naturellement, même si j'ai déjà un peu du mal à ingérer du solide (la pastèque et les oranges font un bien fou, en revanche). À ce stade, Tom me semble en super forme et je suis convaincu qu'il ira au bout ; en revanche, je ne suis pas d'un optimisme béat quant à mes chances de rallier la ligne d'arrivée. Fichtre, cela fait déjà huit heures que nous sommes partis, nous n'avons pas encore fait trente-huit kilomètres et je suis déjà bien entamé...
Tom et moi quittons le ravitaillement ensemble, c'est parti pour la troisième bosse. Au programme, cinq kilomètres et huit cents mètres de dénivelé. Rien d'insurmontable en soi, surtout que l'ascension se fait dans les bois, soit plutôt à l'ombre. Le souci, c'est que je commence à beaucoup souffrir : même en marchant très lentement, j'ai le coeur qui bat la chamade. Et même lorsque je m'arrête, je peine à reprendre mon souffle. Dans la tête, je bascule : bon, j'aurai quand-même fait quarante kilomètres, vivement la piscine, cela arrive à tout le monde de jeter l'éponge. Tom m'attend gentiment, je lui explique que je pense abandonner, il essaie de m'en dissuader mais ma décision est presque prise (presque, car je sais que les ultras sont faits de hauts et de bas et je tâche donc de garder l'esprit ouvert à toute éventualité miraculeuse). À force de mettre un pied devant l'autre, j'arrive au sommet. J'y retrouve Tom, qui m'attend à l'ombre d'un petit refuge en discutant. Vu qu'il me semble toujours aussi fringant et que j'ai vraiment envie de souffler, je l'invite à continuer à son rythme : je lui fais perdre du temps précieux et préfère avancer à l'allure que mon corps réclame. Il accepte avec réticence, et me confiera plus tard avoir culpabilisé pendant toute la descente. Il ne fallait pas, l'ami ! Une petite pause de cinq minutes à peine et c'est reparti. La descente se fait par une piste de 4x4 plutôt caillouteuse, ce n'est pas glamour du tout mais ce n'est pas trop exigeant non plus. Malgré la phase difficile que je traverse, j'arrive à chasser les idées noires et à voir le positif : j'arrive à peu près à courir dans la descente. Cela étant dit, j'ai mal au ventre dès que j'accélère. Est-ce la faim, la soif ? Je finis par m'arrêter sous un arbre et descends d'une traite ma dernière flasque. L'effet est presque instantané, la descente se fera à peu près sans douleur jusqu'en bas.
Quand je retrouve toute la bande à Salvagny, au bout de dix heures de course, j'apprends que Tom ne m'a précédé que de cinq minutes. Voilà qui est rassurant, je n'ai donc pas été si mauvais dans la descente. J'explique à Clément mon souci, il me dit qu'il a connu les mêmes déboires à l'Ice Trail Tarentaise l'année précédente et que je souffre simplement d'un début de déshydratation. Ses consignes sont claires : tu repars, tu montes lentement en surveillant le cardio, et surtout tu bois ! Rien de révolutionnaire, mais il sauve franchement ma course à ce moment-là, car je prends conscience que ma situation n'est pas irréversible.
Il faut repartir pour un quatrième tour de montagnes russes, mais cette fois je somme Tom de faire sa vie, j'ai trop besoin de prendre mon temps. La bosse que nous nous apprêtons à affronter ressemble sensiblement à la précédente, elle est juste un peu plus longue. La première partie se fait dans les bois, je constate que j'arrive à peu près à garder le contrôle de mon pouls. Encore une fois, le paysage aide vraiment à se changer les idées, notamment lorsque nous traversons de jolis petits torrents dans lesquels je plonge systématiquement ma casquette (en rêvant de m'y étendre tout entier). À ce stade, tout le monde autour de moi fait des pauses régulières, si bien que les visages commencent à être familiers à force de faire le chassé-croisé. Je fais la fin de l'ascension avec une coureuse dont l'allure modérée me convient bien, nous échangeons quelques banalités qui font passer le temps ("eh ben, il y en a des lacets dans cette montée !", "mais on est sûr qu'il existe vraiment ce refuge, ou c'est comme le dahut ?!"). Deux heures et demie après avoir quitté le ravitaillement, j'arrive au fameux refuge de Grenairon.
Le refuge de Grenairon, sans les bières fraîches
Je suis pointé par deux bénévoles très sympathiques, dont j'envie furieusement les bières fraîches. Je suis surpris de voir Tom, vu la lenteur avec laquelle j'ai avancé, mais il a dû faire une bonne pause à cause d'un début d'hypoglycémie. Je le laisse repartir seul, j'ai encore un peu besoin de souffler. A nouveau, nous devons emprunter une voie carrossable sans grand intérêt pour rejoindre le ravitaillement, mais comme j'arrive à bien courir le temps passe vite. Au refuge, dont la source n'est plus potable à l'heure actuelle à cause de la boue, on m'a promis une fontaine au bout de trois kilomètres. Etant presque à court d'eau, c'est avec la perspective très enthousiasmante de me rafraîchir que je dévale la pente ("dévaler" n'étant probablement pas le terme idoine). Je crois que j'ai rarement été aussi heureux de trouver un point d'eau... Après une énième pause, je file pour retrouver toute la bande au ravitaillement de l'impressionnante Cascade du Rouget, que nous pouvions déjà admirer depuis le sommet ou presque.
La cascade du Rouget (merci, l'office de tourisme)
À nouveau, je n'ai pas trop perdu de temps sur Tom, nous n'avons que deux minutes d'écart au pointage. Je me sens vraiment mieux que quelques heures plus tôt : le légendaire Miracle de l'Ultra s'est produit ! Cette fois, il ne reste plus qu'une bosse, je vais m'en sortir. L'abandon n'est plus d'actualité, d'autant plus que nous sommes à l'endroit précis où Clément avait dû abandonner lors de l'édition 2017, la faute à un genou récalcitrant : nous nous devons d'aller au bout de la course pour lui ! Dans ma tête, j'ai l'impression dangereuse que la course est presque finie, parce que j'ai l'impression de revivre les sensations du dernier ravitaillement de la Maxi-Race à Menthon Saint-Bernard. Allez, plus qu'un gros effort, une grosse montée et une grosse descente, ensuite on file à la douche. Sauf qu'à la Maxi-Race, c'était l'affaire de deux heures. Or, l'UTHG n'est vraiment pas la Maxi-Race, on l'aura compris depuis longtemps. Préférant savoir à quelle sauce je vais être mangé, je demande à Clément combien de temps il me faudra vraisemblablement pour surmonter ce dernier obstacle. Ce dernier a la sagesse de ne pas me raconter de salades : vous allez mettre au moins cinq heures. Comme résumer ma réaction ? "Oh-putain-la-vache", c'est sans doute ce qui la traduit le mieux. Je savais que j'en avais encore pour un moment, mais c'est bien pire que ce que j'imaginais...
Après un dernier baiser à la famille, un petit sandwich, une soupe et beaucoup d'eau (gazeuse, car Clément en a décidé ainsi), nous repartons au combat. Tom est catégorique, cette fois nous restons ensemble. Je ne suis toujours pas convaincu que ce soit dans son intérêt, mais j'accepte de bon coeur, touché par cette énième preuve de sa bonté (inversement proportionelle à son amour du bitume). La dernière ascension promet d'être un sacré chemin de croix, puisque nous devons engloutir 1700 mètres de dénivelé en onze kilomètres. Alors que je commence déjà à en avoir marre de grimper, Tom m'annonce que nous avons fait un quart du dénivelé. Mais ça va être in-ter-mi-nable, bordel ! Heureusement, nous avons encore droit à de superbes cascades, à des torrents déchaînés, et à quelques portions moins raides qui permettent de se refaire la cerise. Le hic, c'est qu'avec l'altitude la neige réapparaît et, conformément à ce que l'organisation avait annoncé, certains passages sont un peu périlleux : il faut traverser des névés en dévers, et le moindre faux pas nous ferait glisser une dizaine de mètres plus bas. Rien de très dangereux en soi, mais si l'on peut éviter de jouer à Stallone dans Cliffhanger, c'est mieux. Nous finissons par arriver au tout petit refuge de Sales, où nous sommes accueillis par deux bénévoles très sympathiques qui ont beaucoup de mérite à attendre les coureurs dans le froid, alors que la nuit s'apprête à tomber. Ce refuge ne compte pas parmi les ravitaillements officiels de la course, mais ils nous proposent tout de même de l'eau et des oranges. Pendant notre courte pause (s'arrêter plus de cinq minutes, c'est la garantie de se refroidir), je suis frappé par ce que j'entends dans leurs talkie-walkies : toutes les cinq secondes, un bénévole annonce un abandon. C'est l'hécatombe ! Après avoir remercié les bénévoles aussi chaleureusement que possible, nous reprenons notre route. La neige est toujours aussi pénible à traverser, mais un nouveau divertissement s'offre à nous : une bande de bouquetins vient nous tenir compagnie, le temps d'un selfie.
Même pas empaillés !
Tom, qui connaît le secteur et a un sens de l'orientation bien meilleur que le mien (ce qui n'est en rien un exploit), estime que nous ne devons plus être bien loin du col Pelouse, qui marque la fin de l'ultime ascension. Sauf qu'il manque du dénivelé, ce serait un peu trop beau pour être vrai. Au bout d'une petite portion plate (dans la neige, toujours), nous apercevons au loin le chemin qu'empruntent les coureurs qui nous précèdent : encore une longue montée dans la neige et les cailloux, youpi ! Cette course est incroyable, nom d'une pipe en bois ! Elle est unbolibobol ! Le point positif, c'est qu'a priori nous devrions franchir le col de jour. Cela fait longtemps que j'ai remis ma lampe frontale, comme en témoigne le bouqfie, mais le ciel est encore clair et la neige accroît encore la luminosité ambiante. En jetant un oeil à ma montre, je constate que cela fait plus de dix-sept heures que nous avons quitté le centre de Samoëns, ce qui signifie que j'ai dépassé le temps maximum que j'ai passé sur une course. Plus que jamais, c'est l'inconnu !
Au bout d'une demie-heure, nous apercevons une silhouette dans le brouillard, une cinquantaine de mètres au-dessus de nous.
- "C'est ici, le col !", crie le bénévole.
- "Oh bordel, on t'aime déjà, toi !", je lui réponds.
- "Je sais, tout le monde me dit ça aujourd'hui !"
Une fois à ses côtés, nous lui demandons de nous briefer rapidement sur ce qui nous attend. Le dernier ravitaillement se trouve quatre kilomètres plus bas. Il faudra d'abord emprunter une descente enneigée, mais il a veillé à ce que la trace soit large et visible. Soit. Nous allumons les lampes et nous filons, impatients de pouvoir manger une nouvelle soupe de vermicelles et de souffler avant le dernier coup de collier. La descente dans la neige s'avère plus périlleuse encore que la montée, ce qui explique que deux autres bénévoles soient postés là pour vérifier que nous ne glissons pas dans la pente. Chapeau à eux, il fait froid, la nuit va être longue et ils n'ont pour seule compagnie que leur réchaud et leur talkie walkie.
Nous ressentons un certain soulagement lorsque nous quittons le dernier névé du parcours, d'autant plus que les lumières du refuge du lac de Gers brillent juste en-dessous de nous et nous servent de phare dans la nuit.
Le lac de Gers, nous venons de tout en haut à gauche.
C'est plus joli de jour...
Mais, une fois de plus, il est absolument impossible de courir, tant le terrain est accidenté. On dirait qu'il y a eu un éboulement juste avant notre arrivée ! Que des gros blocs de pierre, nous nous traînons et le refuge semble toujours aussi loin. La descente est particulièrement difficile pour Tom, dont la chaussure frotte contre la malléole depuis plusieurs kilomètres et le fait souffrir à chaque pas. J'essaie de le soutenir, je lui dois bien cela, mais je ne peux pas faire grand-chose pour lui. Tom serre les dents, nous finissons par atteindre le bord du lac et, après un single assez tranquille, nous arrivons au ravitaillement où les bénévoles nous accueillent avec des applaudissements qui font très chaud au coeur. Nous mangeons une soupe, Tom s'extasie sur de simples sandwichs au jambon comme s'il revenait d'un séjour de deux semaines sur une île déserte ; pour ma part, je suis pris de nausée en mangeant des fruits secs, mais cela n'ira pas plus loin. Avertissement sans frais...
Vient un moment que j'attendais depuis longtemps : trois kilomètres de plat ! Wouhou, je vais pouvoir courir ! Je m'attends à ce que Tom fasse un peu de résistance, mais il m'épate encore une fois. En l'espace d'une demie-heure, nous doublons bien une dizaine de concurrents, parce que peu ont encore la force de courir. Nous nous appuyons sur cela pour nous motiver : trois mecs à cent mètres, on va les croquer ! Après cette longue portion dans la forêt, la descente vers Samoëns commence. Et là, l'UTHG réserve une énième surprise, comme si les organisateurs avaient voulu nous faire souffrir jusqu'à la ligne d'arrivée. Des sentiers assez raides dans les bois, qui me rappellent beaucoup ceux qu'offrent les Monts d'or. Rien de difficile, mais c'est un supplice pour Tom qui est obligé de s'arrêter toutes les cinq minutes, n'arrivant plus à gérer la douleur. Pourtant, il repart à chaque fois de plus belle en serrant les dents. Un warrior ! Alors qu'il est bientôt une heure du matin, nous arrivons enfin. À vol d'oiseau, nous sommes à cinquante mètres de la ligne d'arrivée. Sauf, sauf... qu'il faut faire tout le tour du parc, soit un petit kilomètre qui ne sert strictement à rien. Bon, moi, il ne me dérange absolument pas, vous aurez compris que le roulant m'avait manqué. Tom, lui, n'est pas dans son élément mais il continue d'avancer à bonne allure. Nous nous savons suivis par un petit groupe, alors nous mettons un bon coup d'accélérateur pour sécuriser notre classement ; et puis, essentiellement pour déconner, nous éteignons nos frontales pour ne pas être repérés par nos poursuivants, façon Saintélyon vintage. Cette fois, il ne reste plus que deux cents mètres. Nous sommes vraiment heureux de voir cette satanée arche d'arrivée, même si nous la franchissons dans la nuit. Soudain, nous entendons des "c'est eux !", et découvrons toute notre brochette d'amis. Un bisou, des tapes amicales, des félicitations, nous passons la ligne d'arrivée bras dessus bras dessous, fiers d'être allés au bout de cette incroyable aventure. 20h54 de course, nous sommes 289èmes !
Conclusion
L'objectif de la course était simple : finir en étant suffisamment frais et heureux pour avoir envie d'aller à la TDS dans deux mois. Je n'aurais pas pensé dire cela pendant la course, mais le contrat est rempli. J'ai beaucoup appris, je pense, sur ce qu'est vraiment un ultra. Il faut savoir rester positif, patient, rigoureux, et s'appuyer sur les autres si on a la chance de pouvoir le faire. Alors, merci encore de tout coeur à tous ceux qui étaient là pour me soutenir, surtout mes deux chéries, et un merci tout particulier à Tom !
Les choses à noter :
- Je dois boire, beaucoup, dès le début... et sans doute dans les jours qui précèdent la course. Se forcer à arriver au ravito en étant presque à sec !
- Le remplissage des flasques, c'était le flou artistique. Un peu de Coca, de la Saint-Yorre, et voilà le travail. Je pense que je vais tester les cachets effervescents, cela fait du travail en moins et c'est un peu plus rigoureux.
- Il faut aussi que j'apprenne à me nourrir en courant. Le contraste entre Tom et moi est saisissant : alors que nous avions tous les deux décidé de tourner à la crème de marrons, j'ai calculé que j'en avais mangé plus ou moins 60g... contre presque un kilo pour Tom !
- Ma ceinture Sammie, je l'adore, mais au bout de huit heures c'est vraiment étouffant. A garder pour les sorties courtes.
- Un sac, cela se prépare. Vu le matériel à trimballer dans le règlement de la TDS, j'ai vraiment intérêt à optimiser cet aspect. Ce ne sont pas les tutos qui manquent, de toute manière...
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12 commentaires
Commentaire de Jean-Phi posté le 20-06-2018 à 21:58:17
Superbe CR et bravo pour ta course. Elle est en effet réputée pas facile !
Commentaire de Khioube posté le 21-06-2018 à 11:24:51
Merci, Jean-Phi ! Je suis bien content d’avoir enfin participé à un vrai gros morceau comme celui-là, moi qui suis plutôt un traileur de la Saintélyon...
Commentaire de Arclusaz posté le 21-06-2018 à 21:40:50
un nouveau palier franchi !! bravo
bon, y a encore un peu de prépa à faire pour la TDS mais ça va le faire....
Commentaire de Khioube posté le 22-06-2018 à 00:13:58
Merci ! Je n'ai pas beaucoup de mérite, l'ascension jusqu'au col Pelouse était de la rigolade par rapport à l'ascension des Sœurs Vially... Pour l'entraînement, je reprends demain. Bon, de l'escalade. Mais je vais courir dès lundi, hauts les cœurs !
Commentaire de keaky posté le 21-06-2018 à 23:21:01
Félicitations à vous deux, super CR !!!
La TDS va te sembler facile à côté, j'en suis sûr ;)
Commentaire de Khioube posté le 22-06-2018 à 00:16:55
Merci ! J'espère que la TDS me semblera plus facile, en effet! J'ai bien envie de te croire, je crois comprendre que tu sais bien de quoi tu parles... Je vais bientôt lire ton récit de la TDS, d'ailleurs, j'ai besoin d'inspiration !
Commentaire de Garraty posté le 23-06-2018 à 11:29:28
Très chouette récit.
Perso, j'ai mis les warnings à Salvagny soit 47kms de course. Je n'ai pas su repartir.
Je me referai la cerise à la TDS j'espère; j'y serai aussi.
Commentaire de Khioube posté le 23-06-2018 à 22:00:38
Désolé pour toi... C'est assez tentant, sur cette course, on revient régulièrement à la civilisation, les ravitos sont accessibles aux proches... J'aurais fait comme toi si on ne m'avait pas botté les fesses ! Allez, on finit la TDS !
Commentaire de nicolas13 posté le 24-06-2018 à 17:13:53
Excellent votre récit qui résume bien l'aventure que nous avons vécu :-) Et merci pour la dédicace concernant mon défi d'être passé au sommet en tête ; j'ai bien rigolé en vous lisant !
Ravi d'avoir fait votre connaissance et à très bientôt :-)
Je viendrais t'encourager sur la TDS Thibault ; au Cormet de Roselend certainement !
Bonne préparation !
Nicolas
Commentaire de Khioube posté le 25-06-2018 à 16:10:12
Ha ha, si j’avais su que tu lirais mon récit ! Merci encore pour avoir animé notre début de course, tu nous as bien fait marrer avec ton histoire - assez pour que jaille chercher ton nom et ton pedigree, tu l’auras remarqué ! Au plaisir de te croiser sur la TDS, je te saluerai si je te vois sur mon chemin !
Bon été,
Guillaume
Commentaire de nicolas13 posté le 27-06-2018 à 10:10:36
Pour être franc avec toi, il s'agit d'une copine de mon club qui est tombée dessus par hasard en fait ! Ajoute moi sur Facebook ; de cette manière je pourrais également te suivre durant la TDS pour t'accompagner une nouvelle fois ;-)
Bonne fin de préparation à toi aussi !
Nicolas
Commentaire de Helltrail posté le 03-11-2018 à 12:24:13
Hello,
inscrit depuis hier sur l'UTHG, comme toi visiblement!, c'était si bien que ça ? :-); en tout cas pressé d'y être, bon on va se calmer car c'est dans 7 mois...
comment as tu trouvé la TDS en comparaison ?
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