Récit de la course : Trail du Sancy - 33 km 2017, par Pastisomaitre

L'auteur : Pastisomaitre

La course : Trail du Sancy - 33 km

Date : 23/9/2017

Lieu : Le Mont Dore (Puy-de-Dôme)

Affichage : 2760 vues

Distance : 33km

Objectif : Pas d'objectif

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Les paroles s'envolent, les écrits restent

Cédric, force tranquille, calme en toutes circonstances,  décida ce printemps 2017 de cocher sur son agenda ce trail du Sancy, prévu pour le mois de septembre de cette même année, comme s’il s’agissait d’un week-end posé sur la rive d’un lac, à attendre que les cannes à pêche modernes ferrent et lèvent un certain nombre de carpes, qui seraient relâchées instantanément.

Oui, cela relève du cliché mais, comme dans un trail de montagne, tel que ces 33 kms pour 2000 D+ dans le massif du Sancy, la valeur intrinsèque d’une partie de pêche qui aura coûté quelques centaines d’euros de matériel pour, finalement, ne rien ramener à la maison, ne peut être précisément appréhendée qu’une fois vécue.

Certes, tout le monde ne peut pas comprendre quelle force divine nous pousse à nous aligner sur un tracé de plusieurs dizaines de kilomètres en montagne, le tout sur des chemins escarpés, avec du dénivelé, voire sous la pluie, et dans un temps imparti qui nous interdit de prendre le temps de bailler aux corneilles. Ajoutons à cela le fait que c’est nous qui payons les organisateurs pour venir, et non l’inverse, et je me retrouve avec quelques arguments qui arriveraient presque à me faire changer d’avis pour me ranger du côté des détracteurs.

Pourtant, le point commun entre ces deux activités est simple ! Une chose importante nous pousse à effectuer ces activités incompréhensibles, cette chose est bien entendu l’apéro ! Pendant la partie de pêche, ou après la course, l’être humain a toujours besoin de prétextes pour s’envoyer quelques coups sans culpabilité.

La réponse à la question de l’incompréhension déjà anticipée, nous pouvons passer aux choses sérieuses.

Je parti donc ce vendredi soir en direction du Mont Dore, coin totalement méconnu pour moi, pour rejoindre les 3 ahuris Limougeauds qui ont pris possession du Mobil Home réquisitionné pour l’occasion. Parmi eux, Cédric mon cousin, Céline ma cousine, et Marion, femme de mon cousin.

Un bisou, une soupe et nous partîmes sans délai nous enrouler sous la couette pour être en forme le lendemain matin.

 Trêve de plaisanterie, tout s’activa au réveil. Après un petit déjeuner costaud proposé par Céline, nous nous préparâmes le plus sérieusement du monde pour affronter la montagne, bien que le temps fut avec nous et nous permis d’alléger considérablement nos sacs, une fois le matériel obligatoire spécial grand froid soustrait.

Cédric, force tranquille, resta le plus zen du monde durant toute la préparation. Pourtant, nous sommes ce matin devant une grande journée pour lui, qui attaquera incessamment sous peu sa première course de montagne et, qui plus est, sa première au-delà des 30 kilomètres, avec quasiment 3 fois plus de dénivelé  que ce qu’il a déjà pu connaitre.

Les chaussures lacées, le sac enfilé, le short remonté, nous partîmes en covoiturage au village du Mont Dore, lieu du départ.

Nous récupérâmes les dossards après une sacré file d’attente, matériel obligatoire oblige, bien que la vérification de ce dernier fût légèrement bâclée de par le temps splendide qui régna sur ce samedi.

Une fois le dossard accroché, nous nous plaçâmes dans le SAS de départ.

Bien que répétant à plusieurs reprises à Cédric si tout allait bien, je ne sentis jamais ce dernier monter en pression et vis en lui une sérénité telle qu’il pourrait tout aussi bien démarrer une séance de pédalo à cet instant précis.

A l’inverse, Marion sembla bien plus émue que son homme, en passe de démarrer pourtant un défi de taille, qui a laissé pantois une bonne partie de son entourage. En voilà une belle motivation : clouer le bec aux divers hurluberlus remettant ouvertement en cause ses capacités physiques et mentales. Ce genre de défi est certes abordé tout d’abord pour sa satisfaction personnelle mais, de mauvaise foi sera celui qui dira le contraire, qu’il est bon de sortir du droit chemin pour apporter un peu de vantardise lorsque cela est nécessaire !

Le coup de feu détonna soudainement, et nous partîmes bien lentement le temps de laisser la foule se disperser.

Les 2 premiers kilomètres furent une cure d’asphalte pour nos pauvres pieds en manque de caillasse, et nous fûmes très largement surpris par la cadence incroyable tenue par la totalité du peloton.

En effet, nous étions à cet instant sur une moyenne de 11 km/h (merci Polar), ce qui est soit dit en passant une très bonne vitesse pour un démarrage plat, lorsque l’on connait la suite très compliquée du parcours. Malgré cela, nous nous retrouvâmes assez vite dans les 10 derniers coureurs d’une foule annoncée à 1200 âmes. J’en restais d’ailleurs baba tant cela est rare lors d’un départ. En effet il y a 2 solutions lorsque ce genre de phénomène se produit : soit nous sommes au départ d’une course de haut niveau, composée de coureurs mondialement connus et visant le chrono, soit les gens partent trop vite. Je penchai alors bien évidemment vers le second point, tant cela est courant aux départs des courses, mais à une échelle bien inférieure tout de même.

J’insistai à plusieurs reprises auprès de Cédric sur le fait que nous devions rester à notre rythme, déjà bien rapide pour cette occasion particulière, et que nous aurions tout le temps de rattraper tous ces mecs qui abandonnaient leurs poumons sur la route, alors que ces derniers mériteraient pourtant d’être posés sur le Sancy, surtout quand on s’aligne sur une course éponyme.

Cédric avait l’air en forme, les pieds vifs et la posture haute. Il sortait pourtant de quelques semaines de pénurie d’entrainement, pour blessure dans un premier temps et angine sur la dernière semaine.

La route prit tout à coup un virage vers la droite pour commencer à monter légèrement. Finalement, nous nous retrouvâmes vite sur le premier chemin de cette course et, après avoir lutté quelques mètres pour maintenir la cadence de course, il fut tout naturel de réduire le rythme en marche rapide pour les mêmes raisons qu’expliquées précédemment.

Néanmoins, nous nous fîmes encore et toujours doubler par des gars en sueur, le souffle court, déjà l’air en souffrance, qui luttaient pour continuer à courir. Nous fûmes plus que d’accord sur le fait que cela était un comportement bien étrange que de brûler aussi tôt ses cartouches, alors que la première montée n’était même pas attaquée. Lorsque vous sortez le bocal de pâté à l’apéro, mangez-vous d’abord les trois quart du pain avant de vous mettre à faire des tartines ? Je savais bien que ce genre de comparaison parlait à tout le monde, il faut savoir répartir intelligemment ses ressources, c’est la base. D’autant que nous étions comme dit plus haut dans les 20 derniers coureurs du peloton à ce moment-là, je doute fortement que les coureurs ici présents accéléraient pour viser le podium.

Après avoir tombé la veste, nous dépliâmes les bâtons pour attaquer la première difficulté, sans pression et sans entrer dans le rouge.

Nous montâmes sagement au milieu des arbres, bien conscient que la majorité de la course se ferait aujourd’hui sur les sommets pelés de ce massif montagneux.

Parlant de la pluie et du beau temps, des souvenirs d’enfance et des autres courses faites ou à faire, nous arrivâmes assez vite sur une route que nous ne ferons que traverser. Voici la première étape du Road Book, nous traçâmes en maintenant quelque peu notre position dans le peloton, bien que le gros de ce dernier ne soit finalement pas très loin devant.

Vers le 6ème kilomètre, nous retrouvâmes avec un ouf de soulagement cet asphalte qui nous avait tant manqué, et finîmes ce premier morceau d’ascension au pas de course vers le col Croix Morand. Celui-ci n’est en fait qu’un col routier puisque notre course continua sur cette magnifique proéminence sortant de terre sur notre droite. Effectivement, nous vîmes de loin un chemin grimpant en lacet à flanc de montagne, fourmillant de monde et traçant pour l’observateur lointain le chemin exact à parcourir.

Cédric fût toujours en pleine forme à cet instant, attaquant d’un pas sûr et plein d’enthousiasme cette étape supplémentaire inscrite sur notre carnet de voyage. Il se remit d’ailleurs à courir lorsque nous traversâmes le parking du col, nos yeux faisant à cet instant un droite-gauche au milieu des voitures pour chercher du regard le sourire de nos 2 accompagnatrices qui avaient prévues de nous retrouver ici.

Frustrés et pleins de rancune, ne les trouvant pas, nous décidâmes néanmoins de continuer notre route la tête haute, en direction du méchant zigzag décrit précédemment.

Nous trottinâmes le long d’une petite monotrace relativement plate, le calme avant la tempête, avant d’attaquer le premier lacet en direction du sommet.

Un des premiers « anti-passage-de-vache-et-autres-animaux-des-champs » fut franchi par nos soins, certains parmi ces derniers se composant d’un étroit passage entre 2 poteaux de clôture électrique, agrémentés d’un petit pont de ferraille trouée, cela pour éviter que les animaux ne s’y faufilent, tandis que d’autres étaient constitués d’une échelle faite en planches brutes, cela pour franchir directement une clôture.

Je sentis Cédric ralentir doucettement en ce début d’ascension, une des dernières de ce premier pack de difficultés, en partant du principe que la course se décompose grosso-modo en trois de ces packs.

Je fis remarquer à mon cher cousin tant la touche décorative de ce petit sentier creusé sur le flanc de ce Puy de la Tâche était recherchée. En effet, toute la partie gauche de l’ensemble poteaux + fils de clôture avait été peinte avec amour en rose bonbon, une délicate attention.

Nous avançâmes dans ce sentier, dont les nombreux panneaux, ici et quasiment partout dans ce massif, nous rappelèrent sans cesse à quel point il était strictement interdit de s’aventurer dans les près environnants, sous risque d’endommager la flore s’y développant. De notre côté, le chemin dans lequel nous avancions montrait tous les signes d’un passage très fréquenté, de par le sillon creusé dans le sol qu’il représentait.

De ce point de vue dégagé et en hauteur, nous avions une vue splendide sur l’environnement que nous découvrîmes alors avec grand intérêt, bien que la priorité fût plutôt pour la majorité des coureurs à cet instant de se concentrer sur son souffle et sa cadence dans cette montée raide bien que peu technique.

Arrivé en haut du Puy, nous commençâmes à apercevoir certains visages que nous croiserons tout le long de la course, cela se faisant par le fait que le peloton se trie généralement par niveau, ce qui génère des groupes qui se suivent plus ou moins à la même allure.

Je fis quelques prises de vue sur ce jolie sommet tandis que le cousin se concocta une petite pause pipi bien méritée.

Nous aperçûmes la suite des évènements à aborder dans ce pack n°1 de difficultés, en l’occurrence 4 petites montées-descentes dont une partie sur les crêtes.

Je sentis Cédric bien fébrile après cette première grosse difficulté qui, il est vrai, fût bien costaud et avait tout pour déstabiliser le coureur le plus aguerri, tant ce fût raide et long.

Tant bien que mal, nous repartîmes à vive allure dans cette première petite descente, Cédric attaquant sans problème la technicité du sol, et se permettant de doubler allégrement ceux qui nous avaient devancé dans l’ascension précédente. Comme quoi, le cousin est encore plein de ressources, tant mieux.

Cette petite série de montées-descentes, chacune d’entre elles étant quasiment identique à celle la précédent, n’entama finalement jamais la généreuse force physique de mon cher cousin, qui nous mena sans sourciller en haut de l’ultime difficulté de la première partie, avec vue sur le ravito, point de passage important dans le tracé de ce parcours.

Nous courûmes et doublâmes à haute dose sur la descente qui suivi, nous faisant généreusement plaisir  de par dans un premier temps les personnes bien moins à l’aise croisées sur cette portion, ce qui nous permis par la même occasion de passer intérieurement pour des cadors de la course à pied car nous donnait l’impression de voler littéralement sur la caillasse, et dans un second temps par Cédric qui rétorqua avec optimisme qu’il adorait ce type de descente technique.

Une petite surprise nous attendit en contrebas, puisqu’un lointain caquètement nous fit très tôt remarquer que nos 2 supportrices, qui nous avaient lâchées lamentablement au rendez-vous précédent, avaient couru jusqu’ici pour nous soutenir, bien que nombre d’infidélités aient déjà été commises avant notre arrivée, après les nombreuses minutes déjà passées sur ce même lieu, à encourager lâchement nos adversaires au lieu de les ralentir en leur faisant du charme ou en leur infligeant une béquille bien placée lors de leur passage.

Nous simulâmes dans un premier temps une certaine joie de les voir ici de manière à ce qu’elles ne se froissent pas, mais leur pardonnâmes assez vite pour ne pas risquer qu’elles ne nous quittent prématurément en emportant le nécessaire à raclette auquel nous pensions régulièrement depuis le départ.

Malgré toutes ces vacheries, nous fûmes bien heureux de les croiser à cet instant et de partager le ravitaillement avec elles, pour débriefer de ce début de course, qui en fut déjà tout de même à son treizième kilomètre.

Quelques tranches de St Nectaires ingurgitées, je supputai à Cédric l’idée de repartir vers de nouveaux horizons et, après quelques photos souvenir de nos reporters en herbe, nous repartîmes vers l’avant.

Après un petit passage relativement plat, nous attaquâmes un raidillon qui nous amena sur une crête pour redescendre légèrement en contrebas. Je sentis Cédric en légère souffrance sans rien relever, et nous fîmes une courte pause sur un splendide point de vue sur la station de ski du Mont Dore, directement en contrebas, en dessous d’un ravin vertigineux partant de notre position. Etonnant Massif Central, qui nous offre de vastes plateaux agrémentés de massifs volcaniques par endroit et, à quelques kilomètres de là, nous mène sur ce massif du Sancy escarpé comme si nous nous trouvions dans les hautes montagnes telles que celles des Pyrénées ou des Alpes.

Quoi qu’il en soit, le paysage fut splendide.

La dernière partie de ce deuxième pack de difficultés s’avèrera bien plus difficile que les précédentes pour Cédric, en qui je commençai à sentir très clairement de réelles difficultés à mettre un pied devant l’autre dans les montées. Le visage marqué, je continuai à lui demander si tout allait bien pour lui, question à laquelle j’eus systématiquement un « oui » pour réponse.

Pourtant, à la dernière de mes demandes, je senti une persuasion moindre dans sa réponse. Je lui rétorquai qu’il pouvait me dire « non » si c’est ce qu’il ressentait.

Un peu plus haut, je lui demandais si tout allait bien pour lui, question à laquelle j’eu droit à un « non » épique pour réponse, et à quelques sourires décrochés pour passer le temps et travailler le mental.

Statistiquement, la non-réussite de Cédric n’était pas envisageable sur cette course, je ne pus me résoudre à  imaginer ce qui le ferait abandonner, connaissant d’une part son entrainement régulier et suffisamment intense pour venir à bout de cette promenade, et d’un autre côté son mental qui, étant donné la forte ressemblance que l’on peut constater entre nos deux personnes, ne peut qu’être largement au niveau pour sortir en vie de ces sentiers rocailleux.

La bouche pleine de cette barre de céréale qu’il aura eu tout le mal du monde à ingurgiter,  nous arrivâmes en haut de ce deuxième pack, où nous trouvâmes un membre de l’orga plus que calé sur ces sentiers qui sont les siens. Il demanda aux différents coureurs si tout allait bien, et eut des réponses aléatoires venant de participants clairement au bout de leurs capacités.

Cédric, bien qu’un peu à côté de ses pompes, ce qui est tout de même légèrement contrariant pour courir dans la caillasse, me sembla détenir encore un peu de cette fraicheur enfouie derrière une souffrance apparente.

Un petit brief sur la suite du chemin de la part du local de l’étape et expert apparent de ce massif, et nous repartîmes, pour doubler à nouveaux les quelques visages bien connus que nous croisâmes depuis maintenant une dizaine de kilomètres.

Au détour d’une monotrace en lacet sur une partie bien raide, nous entrâmes dans une petite vallée littéralement tondue par les chevaux, avec ces prairies rougeoyantes pour décor de fond, et je me permis d’accélérer sur une ultime descente pour prendre le temps d’allumer ma petite caméra de voyage et filmer la course de mon cousin sur cette portion.

Ce dernier en profita pour faire le malin et me donna cette étrange satisfaction du travail bien fait quand il décida totalement contre son grès de poser le pied dans l‘ornière de la malchance, et de s’étaler lamentablement devant l’objectif hilare de ma caméra.

D’une magistrale roulade, il se releva titubant et accusant lâchement son bâton, comme si ce dernier avait pu rompre sous son poids et provoquer la chute. Il est toujours improbable que de rire du malheur de ses pairs, mais je peux affirmer haut et fort que rien n’est plus drôle que d’assister à une gamelle de ses congénères.

La tête dans les nuages, empli d’ondes positives et largement satisfait d’être en mesure de courir, Cédric continua sa course dans cette longue descente qui nous fit contourner la dent de la Rencune, célèbre spot d’escalade d'après la leçon de géographie express reçue de la part de mon cousin, et nous amena finalement au fin fond de cette splendide vallée de Chaudefour, une sorte de Cirque de verdure entouré de falaises.

Le ravitaillement liquide ici présent ne se résuma finalement qu’à un groupe réduit de personnes lézardant tranquillement au soleil et regardant les mouches voler, auprès de qui nous dûmes nous-mêmes pêcher les informations voulant que le stock d’eau fût épuisé, et que nous pouvions sans courir le moindre risque d’une quelconque diarrhée ou autre turista puiser notre eau dans la rivière en contrebas.

Assoiffés et ne souhaitant nullement risquer une pénurie d’eau, qui aurait forcément pour résultat une mort lente et douloureuse sur les crêtes vers lesquelles nous nous dirigions, nous choisîmes l’option diarrhée et remplîmes nos gourdes et autres poches à eau dans cette eau cristalline qui, reconnaissons-le, ne peut qu’être meilleure qu’une eau puisée dans la Garonne et rendue potable par je ne sais quels procédés d’un naturel quelque peu douteux.

Passé cet instant diététique, nous attaquâmes une des ultimes montées, qui risquait cependant de s’avérer bien longue pour les jambes tremblotantes de mon cher cousin.

Je décidai de mon côté de prendre un peu d’avance et de garder Cédric au contact quelques dizaines de mètres plus bas pour le laisser grimper tranquillement dans sa bulle, et en profitai pour échanger quelques mots avec ma voisine de monotrace, que je laissai partir devant pour maintenir le contact précédemment explicité.

Cédric, bien que marqué par les kilomètres et le dénivelé, attrapa tant bien que mal un rythme relativement soutenu pour rester à mon contact, et fini par doubler les quelques groupes présents devant lui, avant que nous ne nous retrouvions sur les crêtes, une fois sorti de la partie boisée de cette ultime ascension.

Nous nous autorisâmes un break barre de chocolat, de manière à ne pas risquer l’étouffement à l’avaler durant l’effort.

Sous mon insistance, Cédric se relèva, se pencha avec une légère difficulté pour attraper ses 2 bâtons laissés au sol, et nous repartîmes devant un groupe d’une dizaine de coureurs.

De ce point de vu, nous aperçûmes la quasi-totalité des difficultés restant à parcourir jusqu’au point culminant de la course et signe d’une arrivée prochaine. Ce point put être bénéfique car permettait d’avoir un objectif visuel, mais je redoute le fait qu’il eut été plutôt néfaste à certain nombre de coureurs qui purent par cette occasion se rendre compte de la distance bien trop importante à parcourir jusqu’à ce point tant attendu.

Je sentis clairement la souffrance dans les yeux de mon cousin, je ne posai plus de questions stupides quant  à son état de forme mais me contentai d’emplir mon discours de pensées positives quant à l’arrivée prochaine à l’étape qui est la suivante, et rappeler également la joie prochaine que sera le passage sous l’arche ainsi que la dégustation de la bière.

Un spectacle rare occupa une partie de notre attention, car un hélicoptère secouriste se posa non loin du lieu de notre passage pour récupérer un coureur en grande souffrance sur ces crêtes. Ce point critique est celui abordé plus haut en prenant l’eau pour exemple, il est bien trop dangereux de manquer de quoi que ce soit, y compris d’entrainement, pour s’aventurer dans ce genre d’aventure.

Sur une des dernières pentes, je sentis que le mental de mon cousin prendrait inexorablement le dessus pour mener ce périple à bout.

Suite à une petite descente, nous attaquâmes le haut du pic du Sancy. La dernière partie de l’ascension, entièrement effectuée sur un chemin réhabilité depuis peu, fut terrible pour les organismes. Je pris un peu d‘avance et observa Cédric de loin, le regard marqué. A ce stade, la motivation se fit directement au sein même de sa concentration et nous arrivâmes au sommet du point culminant du Massif Central toujours en vie.

Quelle surprise pour nos organismes affaiblis lorsque nous vîmes sur ces hauteurs les sourires de Céline et Marion. Je fus personnellement ébahi par la force qu’elles ont eu à grimper sur ces hauteurs, chapeau bas particulièrement à Céline, sportive comme un pot de fleur d’après l’analyse personnelle qu’elle a pu en faire après coup.

Cramé, claqué, vidé, et propre à accepter n’importe quel adjectif péjoratif envers son état de forme, Cédric s’assit une dernière fois afin d’être définitivement prêt à accepter les 8 kilomètres de descentes jusqu’à l’arche qu’il attendait comme le messi.

Nous primes quelques minutes durant ce laps de temps pour savourer le paysage exceptionnel proposé ici, puisque nous fûmes suffisamment en hauteur pour apercevoir tous les alentours, avec pour chance d’avoir une visibilité exceptionnelle ce samedi 23 septembre.

 Le repos terminé, lui permettant d’avoir désormais en lui une force environ proportionnelle à celle d’un escargot en pleine tentative de traversée d’une route au mois d’août, Cédric attaqua avec vigueur la descente des marches du Sancy, raides et totalement imprévisibles. Nous accompagnâmes les filles sur quelques centaines de mètres avant de prendre la décision, contre toute attente, de partir au pas de course.

Je suis tellement fier de mon cher cousin, qui a vraiment tout donné et qui, malgré l’énergie qu’il n’avait plus, a réussi à puiser au fond de lui-même une force insoupçonnée pour réussir à aligner un trottinement qui nous offrait le luxe de faire grimper notre vitesse moyenne.

Nous courûmes et marchâmes par alternance sur quelques kilomètres, la force physique résiduelle ne pouvant plus absorber 8 kilomètres en continu, d’autant que la haute technicité du terrain, couvert de grosses caillasses, ne permette pas une course sereine à tous les instants.

Nous arrivâmes à la station du Mont Dore, ce qui marqua l’arrivée très prochaine au village du même nom.

3 kilomètres encore au compteur et nous continuâmes cette alternance rando-course tout en échangeant sur cette réussite fulgurante dans les conditions qui furent les siennes.

Cédric me répéta encore à quel point il fût à bout de fatigue. Je lui rétorquai alors que cela faisait 3 heures qu’il me répétait cela, mais qu’il était pourtant bien ici pour autant à cet instant, et avait donc su faire face. Il est dingue de constater ce dont le corps humain est capable si le mental est en mesure de suivre.

A la fois en crise de famine, assoiffé et nauséeux, sans trop savoir quelle alerte émanent de son corps il lui devait prendre en considération, Cédric fût plus que jamais au bout de son effort dans cette fin de course.

Quelques alternances plus tard, nous sentîmes l’imminence de l’arrivée se dessiner et je lançais l’idée de terminer la distance résiduelle à la course. Nous partîmes et ne nous arrêtâmes que sous l’arche finale, sous les applaudissements habituels de tous ses spectateurs présents du matin au soir. Voire toute la nuit pour soutenir les coureurs du 110 kilomètres.

Quel sentiment extraordinaire que de franchir cette ligne symbolique signifiant l’arrêt tant attendu du chrono et l’accomplissement du défi mis sur la table. Pour une première, et après toutes ces semaines de préparation, d’échange et d’organisation, qu’il est bon d’enfin toucher concrètement le graal qu’est cette arrivée. De plus, je me mets à la place de mon cher cousin qui termina à cet instant ce qu’il désirait tant.

Une embrassade et un échange de regard suffirent pour que nous nous comprenions, les mots n’étaient alors pas nécessaire à cet instant.

 Bien que cela fût loin d’être l‘essentiel en ce moment de forte autosatisfaction, nous finîmes cette aventure aux 871 et 872èmes places au classement général, le tout sur 1111 inscrits et seulement 934 arrivants. Comme annoncé en début de course, le tracé aura bien fait des victimes, parmi lesquelles nous ne nous trouvâmes pas !

Las et à bout de force, Cédric, toujours en pleine étude de ses signaux corporels qui le faisaient douter sur ce qu’il devait ou non ingurgiter, trouva un coin tranquille pour enfin se poser, puis nous reçûmes la visite de Marion et Céline, qui avaient loupé de peu notre arrivée flamboyante.

De mon côté, n’ayant nul besoin de pousser une étude bien lointaine pour comprendre ce que me demandait mon corps, je proposai sans délai d’aller chercher ces bières dont je rêvais depuis quelques heures.

Je fouinai quelque peu pour découvrir où se trouvait cette tireuse tant désirée, et revint avec un demi-litre de breuvage que nous partageâmes avec notre club de supporter féminines, tout en prenant connaissance avec la stupeur habituelle des chronos des premiers arrivants de ce merveilleux tracé.

Nous rentrâmes assez vite, et dûment attendre quelques temps encore avant que Cédric ne retrouve définitivement ses esprit, bouleversé par l’accomplissement de son défi et par le considérable effort qu’il venait de faire subir à son corps.

Le signe distinctif illustrant le retour aux affaires du cousin fût l’attaque d’un conséquent apéro, réel objectif de ce week-end dont l’organisation devait contenir un argument de poids permettant de se faire plaisir sans la moindre culpabilité. Nous comprenons désormais mieux quelle motivation a poussé les filles à grimper si haut dans cette montagne, alors qu’il eut été bien plus simple pour elles de se laisser tranquillement envelopper dans je ne sais quelle gadoue dans les thermes faisant la réputation du coin.

S’en suivirent une conséquente raclette et un abus non négligeable mais tellement jouissif de divers breuvages, cela afin de remercier nos organismes de nous autoriser ce genre de transhumance, et pour alimenter une soirée inoubliable dont je tairais les détails.

La question existentielle à se poser pour tirer une leçon de ce week-end est la suivante : à quand la prochaine fois ?

Un grand merci à vous les filles!

Et… Bravo Cédric !

1 commentaire

Commentaire de Shoto posté le 05-10-2017 à 09:26:28

Chouette CR plein d humour et de style 😊 merci.

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