Récit de la course : L'Infernal Trail des Vosges - 60 km 2016, par Shoto

L'auteur : Shoto

La course : L'Infernal Trail des Vosges - 60 km

Date : 11/9/2016

Lieu : St Nabord (Vosges)

Affichage : 2685 vues

Distance : 64km

Matos : Salomon speed cross 3 et mes nouveaux bâtons Black diamond (top)

Objectif : Terminer

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INFERNAL TRAIL DES VOSGES 64 km sous la chaleur

Retour d’expérience sur le INFERNAL TRAIL DES VOSGES  10 septembre 2016

Après mon trail du NIVOLET REVARD en juin qui s’était très bien déroulé, j’étais euphorique, je pensais avoir passé un cap dans le monde du trail moyenne distance avant mon passage sur ultratrail …. En fait je n’avais pas ressenti et réellement testé un « vrai trail assez long et dur » avec tout ou partie de ses aspects les plus négatifs. L’INFERNAL TRAIL DES VOSGES 64 km porte bien son nom, un vrai trail technique et exigeant comme le disait le speaker dans la raquette de départ après le contrôle des sacs.

 

Ce n’est pas seulement sa longueur de 64 km qui fait son âpreté… seulement quelques km de plus que le NIVOLET et beaucoup moins que le 110 km ou le 200 km ! , ni son dénivelé sensiblement identique mais surtout quelques belles côtes « dré le pentu » comme disent les vieux montagnards bourrus et expérimentés … et surtout la chaleur !

Trail Nivolet Revard : environ 0°C à 5°C avec neige et pluie – départ matinal vers 8h00,

Trail Infernal des Vosges : 20°C au départ ! à 10h00 (heure trop tardive pour moi) et 27°C au plus fort de la journée. Ca change tout ! Je savais que j’allais souffrir de la chaleur. Je la redoutais.

Mais positivons, cela me permet d’engranger une expérience TRAIL supplémentaire et même si j’ai souffert, cela reste déjà un beau souvenir.

 

A aucun moment, je n’ai eu la volonté d’abandonner, je savais que je voulais aller au bout … réellement aller au bout. « L’abandon n’était pas une option » comme disait mon ami Alexis au NIVOLET REVARD. Sauf blessure contraignante, mon mental est formaté et fixé sur la ligne d’arrivée, ce qui est déjà une bonne qualité.

 

Préparation et avant course :

J’ai eu la sensation d’être arrivé bien préparé mais un peu moins qu’au NIVOLET REVARD. La faute à cette entorse de début de préparation, à la chaleur de mes vacances guadeloupéennes et à la petite canicule fin Aout sur Paris qui m’ont empêché de faire beaucoup de courses et sorties longues. J’avais donc un petit déficit de longue distance … mais aussi à mon sens un petit manque de fractionné en lignes droites … même si mon fractionné en côtes a bien payé. Côté chaleur, je dois dire que la Guadeloupe et la canicule m’ont finalement bien aidé pour cette course !

 

Je suis arrivé la veille de la course à Saint Nabord. Le choix de mon petit hôtel des 3 Sapins était parfait (5 mn en voiture du stade mais seulement 300 mètres à vol d’oiseau derrière la voix ferrée). Chambre parfaite (la n°8 à l’étage côté voie ferrée), le tout pour 44 euros par nuit (2 nuits) et 6,50 euros le petit dej du samedi.

La veille de la course, arrivée en fin de matinée, prise de contact avec le village TRAIL de l’INFERNAL au stade des Perrey, après midi = bonne sieste de 2 heures. Sympa mais j’ai un peu le blouze de ma famille et de ma solitude. Pourtant je suis heureux d’être là quoique inquiet pour le climat du 10 septembre 2016, jour de la course. Le soir ; bon plat de pâtes (Pasta Party) sur le village TRAIL, dodo tôt comme d’hab. Bonne nuit, réveil matinal le 10/9 à 5 heures du matin (comme souvent ….). Je suis en phase et je me sens bien. Dans la salle du petit déj à 7h00, presque que des traileurs ! ils font le 110 km qui commence à 9 heures. Ceux du 60 ne sont pas encore levés ! Discussion avec un jeune type sympa qui a fait le GRP (Grand Trail des Pyrénées) le 80 km et qu’il a fini en pleurant de joie.

 

L’attente du départ est un peu longue à mon goût mais j’ai ainsi le temps de préparer au millimètre mon matériel et ma tenue. En fait depuis une semaine, je suis en avance sur tout … ce qui montre mon degré de motivation et mon investissement personnel pour cette compétition.

J’opte pour la tenue hyper légère et suis donc ainsi les conseils de mon coach livresque (un magasine de TRAIL) qui disait dans un article que les meilleurs finishers de l’UTMB 2015 (très chaud) avaient performé grâce à des vêtement amples (sans contention) non collés près du corps.

Bien m’en a pris. J’ai laissé à la maison mes chaussettes montantes de contention. J’ai pris mon short léger de course d’athlétisme (il ne pensait pas vivre pareil expérience celui là !) et mon tee shirt technique RAIDLIGHT du Nivolet parfait pour la course longue et encore plus pour la chaleur vu sa légèreté et sa texture.

 

Le matin de la course, je suis moins bien mentalement qu’avant le NIVOLET mais ça va.

 Les coureurs du 200 km sont partis dés le vendredi 9 septembre au matin vers 4 heures … les derniers arriveront au plus tard Dimanche vers 17h !!! inhumain, fou … je lirai plus tard que le premier a fini en environ 31h  (beaucoup d’abandons).

 

Contrôle des sacs très sommaire à l’entrée dans la raquette de départ. On me pose 2 questions et je n’ai même pas à ouvrir mon sac ! Après tout, chacun doit gérer sa sécurité. Nous sommes environ 360 au départ selon le speaker (je pensais que nous étions 500 inscrits).

 Le speaker annonce que le trail 60 est technique et exigeant, que nous ne devons pas partir trop vite et que nous devons faire attention à la chaleur qui est exceptionnelle en ce début septembre. Il interview un « vieux » coureur aux cheveux blancs qui a fait le 72 km l’année dernière et qui nous prévient qu’il y a une grosse côte qui « tue bien » à la fin de la course et qu’il faut donc en garder sous le pied ! Cette côte (un bon mur) est en fait située au 46ème km mais il oublie de parler des autres beaux « murs » situés aux 4km, 33 km et 38 km ! ceci dit, à sa décharge, un autre traileur me dira plus tard que le parcours de l’année dernière n’était pas le même sauf sur la fin du parcours.

 

Ravitos de la course: 21 km – 31 km – 41 km – 50 km + arrivée 64 km.

 Et hop c’est parti. La longue file s’égrène. Je me suis volontairement mis vers la fin pour éviter les pièges du départ trop rapide. Je déroule tranquillement , il fait déjà 19/20°C. Nous traversons Saint Nabord, du plat avant d’attaquer une grosse montée sympa en forêt au 4ème km … personne ne parle, je n’ai pas cette fois ci un Alexis pour taper la causette (cf. Nivolet).

 

Bonnes sensations au départ .

Première grosse descente technique … çà fuse, j’essaie de pousser la machine en me relâchant et en dévalant vite … mais presque tout le monde me dépasse ! Quel mauvais descendeur ! pourtant au final de course, j’ai l’impression d’avoir un peu progressé en descente.

Cette première grosse descente me casse non seulement le physique mais aussi le mental. Pousser un peu la  machine et se faire doubler comme çà par les cabris … c’est perturbant.

 

J’ai volontairement limité le volume d’eau pour éviter le poids. Ma gourdette de 350 ml d’eau avec additif devant, mon autre petite gourdette est vide d’eau mais comprend un stock de poudre mélangée avec du sel. Mon camel bag est rempli à 1,5 litres…. En fait, je mettrai 3h08 pour rejoindre le premier ravito des 21km, je bois beaucoup … et je suis à sec au moment d’arriver ! Heureusement, 1 km avant l’arrivée dans la commune LE SYNDICAT des gentils vosgiens (un papa et son fiston) ont installé un ravito d’eau avec gobelets devant chez eux !  MERCI à eux. Vive les vosgiens !

 

Je discute sur cette partie de course avec un jeune traileur aux chaussettes jaunes … un sacré descendeur. Il a choppé une grosse tendinite au talon d’Achille lors de sa prépa qui l’a empêché de courir pendant presque 2 mois ! cela fait seulement 15 jours qu’il recourt !  Il a fait le 72 km de l’INFERNAL l’année dernière. Il a l’air de bien « tourner » … je le laisse partir devant dans une descente puis le redouble plus loin dans une montée. Je ne le reverrai pas.

 

J’arrive au ravito des 21 km un peu cassé. Je sens que cela va être dur. Comme au NIVOLET, je voulais arriver aux 40 km relativement frais pour mieux gérer la fin de course. Là, je suis nettement moins bien dés le 1er tiers. Même si en hauteur sous les arbres de la belle forêt vosgienne, il ne fait pas si chaud, on se dessèche vite quand même … l’effort parait plus violent… je préfère le frais. A l’arrivée, j’entendrai le speaker confirmer que la température est exceptionnellement chaude pour la saison … merci le réchauffement climatique.

Je ne pensais pas avoir si chaud en septembre dans les Vosges … ni d’ailleurs aussi froid le 1er mai à Chambéry / Voglans au Nivolet Revard !

 

Le ravito du 21 km est bondé de monde. Pas très convivial et pas très bien organisé. Je lutte pour me faire remplir mon camel bag. Comme d’habitude, je prends du Coca / Pepsi, des tucs, figues séchées, morceaux de banane, morceaux d’orange … Et je repars assez vite.

 

Je me suis fait une petite alerte entorse dans une descente dans cette première partie. Je décide de privilégier la technique du pied sûr … qui va piano ….

 

Seconde partie : entre le 21 km et le 31 km.

 Je quitte vers 13h15 le 1er ravito. Il fait chaud au Syndicat … nous sommes au soleil zénith.

Surtout ne pas aller trop vite pour ne pas consommer de l’énergie.

Heureusement, je tombe sur une fontaine en pierre d’eau très fraiche, visage rafraichi mais surtout les pieds refroidis. C’est très agréable. Mon choix de petites chaussettes n’est pas optimal car elles bougent en fait avec la crème NOX dont j’ai badigeonnée mes pieds. Il faut donc que je repositionne bien mes chaussettes pour ne pas chopper d’ampoules invalidantes.

Ce petit arrêt était un bon choix avec du recul même si j’ai laissé doubler quelques concurrents.

Il faut lutter contre ce refus inconscient de perte de places lorsque l’on s’arrête et que l’on se fait doubler … ce n’est pas grave. Cette mauvaise sensation inhibe la bonne gestion de course. Il faut savoir s’arrêter pour boire, prendre sa frontale dans son sac, refroidir la machine, gérer son équipement … ou tout simplement se reposer. Le trail moyenne / longue distance se vit dans la solitude, il oblige à se ménager … « qui veut voyager loin ménage sa monture ». Je vais avoir l’occasion de doubler, et de redoubler des concurrents que je croyais ne pas revoir.

 

Cette seconde partie sera en fait l’un des 3 passages les plus durs de la course pour moi. Coup de moins bien qui pèse lourd sur le moral car je sais qu’il reste beaucoup de kilomètres. La chaleur pèse lourd sur le mental. Je bois beaucoup mais j’ai dans l’effort le cardio qui souffre … impression de nausée. Pourtant la machine était vraiment bien repartie après le ravito. 

 Je crois que cet infernal trail m’aura appris ou plutôt confirmé que les arrêts ravitos sont primordiaux pour être Finisher. Ne pas trop manger, ni trop peu,  mais bien choisir ses aliments et ses boissons. Mélanger ou alterner sucré / salé. Toujours bien remplir son camel bag, refaire les niveaux … et se reposer un peu mais pas trop longtemps. Merci ma lecture du livre sur le trail de Vincent HULIN…. Et oui 5/10 mn max au ravito cela fait gagner des places au classement mieux que de la cavalcade dans les descentes au risque de se casser la gueule !

 

Sur cette partie, je double un « warrior ». Le jeune type marche et a un bandage au bras. Il me dit qu’il s’est cassé la gueule dans une descente technique alors qu’il était bien classé … il voulait boucler la course en 8h (NB : le 4ème finira en 8h …) ! Il a surtout une entorse de genou …. Il va arrêter au ravito du 41 km pour ne pas compromettre ses autres objectifs de trail. Il faut guérir vite. Je lui propose ma bombe de froid qu’il refuse, je lui souhaite bonne chance.

En fait, je reverrai 3 fois le lascar sur la course ! Il finira devant moi ! Au ravito du 41 km, il se fera manipulé et strappé son genou par un kiné … et hop reparti ! L’athlète va me rattraper entre le 41 km et le 50 km et me mettre un vent dans une montée très abrupte (pourtant, c’est rare que je me fasse doublé dans les montées). Je le redoublerai après le 50 km sur une partie bitumée (il marchait) … puis il me redoublera à moins de 10 km de l’arrivée … bravo l’artiste. C’est qui ce type ?

 

 

Troisième partie : 31 km – 41 km

J’évite de penser à la longueur totale de la course et des km qui me restent. Je limite mon esprit à prendre en compte les ravitos …. Et un de plus ! Tronçonner la course me permet de gérer positivement … je m’installe dans la durée … je fais comme Stéphane BROGNARD, de la méditation de course en essayant d’oublier les autres concurrents. Etre dans sa bulle est la meilleure façon pour moi de ne pas me laisser perturber par des rythmes différents.

 

Cette partie va mieux. Mon coup de moins bien est passé. La machine est repartie. Il semble faire un peu moins chaud ? Je re-faiblis légèrement avant le ravito du 41 km mais celui-ci va me revigorer.

Le ravito du 41 km est vraiment très sympa … moins de monde, une grande tente, un bénévole vraiment au petit soin pour moi, il m’aide à ranger mon camel bag dans mon sac. Des bacs d’eau pour se rafraichir, il y a même des kinés pour les bobos et les massages ! je profiterai d’un super massage à l’arrivée mais pas ici. Je m’assois pour manger. Je mange même du jambon. Je préfère plus manger de salé que de sucré (notamment des tucs).

Comme d’hab, ravito express mais profitable, 5/10 mn max. Et ca repart gonflé à bloc.

Impressionnant de voir comment des gros coups de moins bien peuvent effectivement « passer » et être suivis par des périodes de « bien être » voire d’euphorie, les ravitos sont pour çà au top ! il faut savoir s’hydrater régulièrement, s’alimenter ne pas trop pousser le cardio qui est très consommateur d’énergie.

En « garder sous le pied » comme disent les expérimentés.

Sur le long, je découvre que tout le monde est plus ou moins cramé à la fin du trail. Une bonne gestion de course évite les hypoglycémies, les vomissements, les crampes etc. … et les blessures dues aussi parfois à un manque de lucidité. 

 

J’ai vu sur cette course des coureurs en détresse alors que j’en avais vu très peu sur le Nivolet :

-          Un type accroupi pour vomir sur le bord du chemin,

-          Un type tombé subitement sur une grosse crise d’hypoglycémie avec crampes,

-          des crampes

-          des entorses chevilles ou de genou

-          des effondrements psychologiques ….

 

Fin du 41 km, mon GPS est encore en avance (mal calibré ?) … mais sur des trails longs ca commence à faire beaucoup de différence à la fin ! Je ne regarde habituellement pas trop le kilométrage et préfère me laisser « surprendre » par les ravitos ou l’arrivée … là je dois dire que j’ai pas mal regardé mon GPS après la moitié de course. Mon GPS à l’arrivée marquera plus de 5 km de différence ! En me fixant par rapport aux ravitos et en compensant, j’arrive toutefois à prévoir assez justement les ravitos.

 

Après le ravito du 41, requinqué par cette étape avec de meilleures sensations, je relance la machine … mais boum … je tombe sur une côte de folie ! une grimpette qui me plombe … il fait encore chaud, moi qui habituellement aime les bonnes grimpettes, je dois dire que celle là est carabinée … « dré dans le pentu ! » … je suis obligé de ralentir mon pas, je bénie mes bâtons … un peu nauséeux … perte de lucidité et état de faiblesse. Je mettrais du temps à récupérer après  …. même si ce coup de moins bien est moins violent que le premier rencontré. J’aurais en fait 3 coups de « moins bien » sur 64 km … ce qui n’est pas si mal.

 

L’approche du 50 km est mentalement bonne … je sais que c’est le dernier ravito et en plus la température baisse. Pour moi, la course est presque gagnée après … de toute façon je finirai … même en marchant s’il le faut. Mais je veux finir avec le « style ». Pour moi, je veux marcher dans les montées, voire si possible trottiner dans les petites montées (relancer), trottiner dans les descentes en faisant attention, et trottiner sur le plat sans sur-régime. Je n’aime pas marcher sur le plat lors des trails, car j’ai l’impression de perdre mon temps. Curieusement, j’ai l’impression de « taper » plus au sol en marchant et j’ai donc les vertèbres du cou qui subissent. Je me rends compte, que le fait de baisser la tête me provoque peut être des nausées, Le fait de trottiner me fait relever la tête, apporte un peu de vent relatif et j’ai la sensation que je cours en souplesse et que mes amortis sont meilleurs. Ma foulée semble ajustée, équilibrée et bonne car je ne ressens pas ma petite tendinite du talon d’Achille, ni mon genou droit … tout va bien de ce côté là … ce qui me rend vraiment heureux. Le trail est déjà bien dur par lui même… alors si je devais rajouter des blessures et douleurs supplémentaires ….

La température est de plus en plus clémente sans toutefois être fraiche. L’approche du 50 km et cette baisse de température m’installent dans une torpeur bienheureuse sympathique.

 

Je voudrais éviter de courir de nuit. Je calcule que je devrais normalement arriver après 21 heures … donc de nuit. Etant désormais bien physiquement, je décide d’optimiser ma course plutôt que d’accélérer, c'est-à-dire trottiner le plus possible.

 

Dernière partie : ravito du 50 km jusqu’à la fin.

J’arrive avec de bonnes sensations au ravito du 50 km … dans ma tête c’est gagné. Petit repos à discuter avec un bénévole avec qui nous avons une discussion sur les coureurs qui attaquent la course en étant arrivés la veille au soir après une semaine de boulot ! son fils est médecin coureur. Il a fait l’UTMB. Il a fait cette année une analyse et des tests sur la perte de lucidité, la fatigue et autres paramètres sur des volontaires pendant l’UTMB 2016.

 

Un runneur qui m’avait facilement doublé en début de parcours est allongé sur un transat profondément endormi …

 

Je repars 5/10 mn plus tard toujours bien alimenté, reposé et les niveaux d’eau refaits.

Je quitte le ravito des 50 km vers 19h19.

Je calcule que si je fais du 7 km/h, il me restera 2 heures « seulement » pour arriver. Cette première heure après le ravito du 50 km est super sympa et euphorisante. Je me sens bien. Les pistes sont en légère descente en sous-bois à flanc de coteau … comme quoi je peux aimer les descentes ! sympa, facile, ludiques, je trottine une heure « non stop ». Ce sont des moments de trail hors du temps. Les espaces entre coureurs étant plus importants …  je peux courir dans ma bulle, concentré sur ma course et non perturbé par d’autres runneurs. Je double de nombreux traileurs cramés qui marchent dont mon « Warrior » au genou tendineux qui marche … nous échangeons avec chaque coureur quelques mots d’encouragement. C’est sympa, l’esprit trail … je double un traileur qui boite, je lui donne du sel pour lutter contre ses crampes. Il est très reconnaissant. Je déroule facilement ma foulée et me suis fixé comme objectif une heure de course pour faire le point vers 20h20 sur ma vitesse et ma distance parcourue : mes 7 km depuis le dernier ravito. Je remplis effectivement mon objectif avec beaucoup de plaisir … mais on ne court pas impunément sans être « rattrapé par la patrouille » … le corps est ce qu’il est … il dit STOP  … les 5 derniers km sont très durs ! gros coup de moins de bien … je suis cramé … est-ce l’arrivée de la nuit qui baisse l’énergie vitale ?

 

Je commets une erreur que j’avais pressentie … mais je suis fixé sur l’arrivée alors que je ne suis pas encore arrivé. Je tarde en effet à sortir la frontale du sac … le jour (pénombre) est encore là … mais en forêt il fait nuit avec l’ombre et le feuillage des arbres. Je double un traileur cramé qui s’est arrêté pour allumer sa frontale … je continue crânement sans frontale … me fait redoubler par mon Warrior qui lui carrément n’a pas de frontale ! alors il fonce … normal, il a l’habitude d’arriver largement avant la nuit vu son niveau de course et son allure habituelle ! (NB : il empruntera plus loin une frontale à un gentil bénévole)

Pose dans la nuit pour sortir ma frontale … je ne vois plus le balisage.

Je perds un peu de temps à sortir ma frontale (moins facile quand il fait nuit !) et à me retrouver le chemin. Je me fais doubler. Une fois la frontale sur la tête, par manque de lucidité, je la positionne mal, lumière vers le haut, ce qui m’oblige à baisser la tête pour voir le sol …. Et donc début de nausée comme auparavant … je mettrai quelques km à me rendre compte de mon erreur et de ma fainéantise … lorsque je me décide enfin à la remettre en bonne position tout va un peu mieux quand même !  Le balisage de nuit est très bien fait. Il s’agit de petits cartons rouges fléchés que l’on voit déjà bien de jour, mais surtout la nuit ce sont de véritables phares réfléchissants qui se voient à plus de 50 mètres ! encore faut-il allumer sa frontale !

 

Je ralentis fortement mon rythme car je suis cramé. Des petites côtes me plombent aussi le cardio bien fatigué. Je me fais doublé par 2 traileurs solitaires à l’allure rapide qui ont décidé de booster leur fin de course.

 

Je tombe sur un type vautré par terre, ses bâtons LEIKI en croix dans la lumière de sa frontale. Il me dit qu’il est complètement cramé. Je lui propose de finir ensemble. Il refuse poliment prétextant qu’il veut se reposer 10 mn avant de repartir. L’approche d’une petite descente technique lui a provoqué cet effondrement psychologique. Il n’en peut plus alors que je calcule que nous sommes à 3 km de l’arrivée. Depuis 1 km, on entend la voix au loin du speaker sur le stade des Perrey ! On approche … çà sent bon mais je me méfie par expérience des sons qui portent sur de longues distances et me fie à mon GPS qui m’annonce effectivement qu’il reste des kilomètres avant l’arrivée.

Je marche désormais … mes tentatives pour trottiner sont infructueuses. Je vais aussi vite en marchant ! Merci mes bâtons. Je sais que je vais arriver mais chaque pas est difficile … les pieds brûlent un peu mais çà va, je fais le bilan corporel ; ma petite tendinite du talon d’Achille gauche m’a foutu une paix royale même si je l’ai légèrement ressenti en début de course. Mon genou droit également. Ce qui me rend heureux. Pas de crampe, pas de courbature. Musculairement, je me sens très bien. Ma faiblesse est dans le cardio sur cette fin de course que je ressens très faiblard, le moindre effort, le fait accélérer outre mesure et je sens que la nausée n’est pas très loin si j’abuse … alors je gère ma fin de course dans la nuit vosgienne. L’approche de St Nabord me fait croiser des bénévoles et familles de coureurs aux intersections qui sont époustouflants de soutien et de gentillesse. Me félicitant, m’encourageant chaleureusement… çà aide à finir ! Merci.

 

Arrivée dans St Nabord, je me remets à trottiner sur le bitume … des gens me soutiennent.

Arrivée sur le stade, 2 traileurs que j’avais doublés 10 km auparavant et qui marchaient, « sentent désormais l’écurie » et ont mis le turbo profitant de ma faiblesse pour me rattraper. Ils me doublent. L’un d’eux me bouscule par manque de lucidité alors que j’étais en train de sortir mon portable en courant pour essayer de filmer l’arrivée. Il s’excuse mais c’est révélateur du manque de vigilance que l’on peut avoir après 64 km de course et plus de 11 heures de trail dans les pattes.

 

L’arrivée sur le stade est vraiment superbe car l’on court une boucle sur les hauteurs du stade sous les vivas du petit public encore présent en nombre relatif à cette heure. Chaque traileur est activement félicité et encouragé (comme à Chamonix !) … le brouhaha du speaker et de la musique rendent l’ambiance festive et tranchent avec le silence des heures en forêt …nous passons sous une « avant dernière » arche en descente sous le feu de gros projecteurs et d’applaudissements, dernier sprint à côté de braséraux avec de belles flammes qui donnent une touche infernale et étrange à cette arrivée. Dernière montée de butte sablonneuse pour passer la grande arche d’arrivée … avec accueil du speaker qui annonce votre prénom / nom. Une jolie blondinette aux lèvres très rouges me met une grosse médaille autour du cou et me remet officiellement une polaire de FINISHER de l’INFERNAL TRAIL DES VOSGES … la fatigue tombe d’un coup ! on se sent euphorique … putain que c’est bon d’être là !  Direction le ravito dans la raquette d’arrivée … accueilli par des bénévoles toujours charmants … je m’assois et déguste heureux une soupe chaude avec ma grosse médaille qui pend autour de mon cou … j’entends soudain le speaker qui annonce que les types qui arrivent quelques minutes après moi  sont dans le TOP 100, le gars qui est en train d’arriver est 90ème !  ….  Je comprends soudain que je suis arrivé dans les 100 premiers ! et que je dois être vers la 88ème place ! je ne comprends pas car au départ de St Nabord, j’étais plutôt en queue de peloton …. J’ai beaucoup doublé mais je me suis aussi fait doublé … je n’ai pas tenu une comptabilité précise ! Je pensais être comme au Nivolet dans les 75% du classement scratch final … mon but était avant tout de finir. Il est vrai que j’ai souvent relancé en trottinant n’hésitant pas à trouver un bon rythme dans des descentes faciles … mais de là à accrocher le Top 100. Je réalise subitement que ma gestion des ravitos m’a probablement fait gagner beaucoup plus de places que je ne croyais. 5/10 mn à chaque fois sans minorer le repos … si je double ainsi aux ravitos 10 à 15 traileurs à chaque fois …. Sur 4 ravitos, cela fait 40 à 60 traileurs doublés ! Merci les conseils de Vincent HULIN (son livre sur le trail).

 

Mon état d’esprit d’après course

Ce qui rend le trail en compétition comme l’Infernal des Vosges aussi pleinement positif est l’énorme plaisir et la satisfaction de l’objectif atteint. Cela renforce la confiance et l’estime de soi. Cela peut paraitre puéril et exagéré pour certains … oui ce n’est qu’un course à pied … à quoi çà sert ?  demanderont d’autres, se mettre minable pour gagner quoi ? le droit de rejouer ? Pas de gloire à gagner, pas d’argent … mais pourtant …. Comment expliquer alors ce sentiment personnel et égoïste de plénitude et de contentement, se dire « p… je l’ai fait !» ; lorsque j’étais en course, aux pires moments, je n’ai jamais voulu abandonné, je savais que j’irai au bout … mais je me demandais si je referai un trail aussi long et dur. Mais je savais parfaitement à ce moment là que les souvenirs ne garderont d’abord que les bons moments et que les moments durs seront curieusement minorés par un jeu de l’esprit. Une déclaration de Stéphane Brognart un ultratraileur vosgien passionné de très bon niveau est en phase avec mes sensations : en course, l’esprit s’installe un moment dans un espace temps différent, une sorte de méditation, de bien être qui nous plonge dans notre bulle … les heures défilent sans que l’on regarde le chrono. Je me suis à certains moments installé dans cette course en oubliant l’arrivée, en vivant pleinement chaque tronçon … et hop encore un ravito de passé … c’est ce qui permet de tenir. J’ai consciemment ou inconsciemment travaillé une sorte de « lâchez prise » me laissant mené par la course … à mon rythme …. Pas un combat contre moi-même , plutôt en osmose avec moi-même sans forcer au-delà des mes capacités mais sans se relâcher non plus. On court efficace et relâché, oubliant les autres. No stress. On est dans un état second. On sourit aux gens. Pas drogué … juste le jeu des endorphines ? sur le 1er tronçon, avant le 21 km, j’avais du mal à me relâcher vraiment car il y avait du monde, on ressent les autres et leur pression de course. On est en course contre les autres. Au-delà d’un certain moment, l’état d’esprit change … on se relâche pleinement. Surtout sur la seconde partie où les écarts se creusent … j’étais dans MA course.

Lorsque je ferai des ultratrails, je souhaite rechercher cet état de grâce, la course souple,  efficace et économique … ni trop rapide ni trop peu. Savoir relancer sans effort, et gérer pleinement les descentes en se faisant plaisir … quel plaisir de dérouler facile sur des descentes où les pieds jouent avec le relief. Sympa.

PS : j'apprendrais plus tard que mon GPS fonctionnait parfaitement. Le kilométrage réel de la course était de 70 km environ au lieu des 64 km annoncés au départ.

2 commentaires

Commentaire de 213micki posté le 20-11-2016 à 19:19:34

Sympa le récit ! En effet très technique comme trail.

Commentaire de Shoto posté le 20-11-2016 à 22:20:46

Merci Micki :-)

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