L'auteur : yiogo
La course : Ultra Trans Aubrac - 105 km
Date : 23/4/2016
Lieu : Bertholene (Aveyron)
Affichage : 2831 vues
Distance : 105km
Objectif : Terminer
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Récit de l'ultra trans aubrac
Ami lecteur, assis confortablement, au chaud et les pieds au sec sur ta chaise, voici un plongeon dans mon premier ultra trail : l'ultra trans aubrac.
L'avant course
Je me suis inscrit à cette course avec 4 autres compagnons habitués aux longues distances dans l'optique de faire un premier ultra.
Habitant les Hauts de France, cette course représente une jolie aventure dans des décors bien sauvages.
En guise de préparation, trois entrainements par semaine depuis décembre pour un volume 40-60k/hebdo et le célèbrissime Trail des Poilus - 53 km - mi-mars. Ce trail est réputé pour être boueux, je ne pensais pas pouvoir en tirer autant bénéfice pour la course qui allait venir.
Le retrait des dossards la veille se déroule sans encombre, on sent déjà la forte implication des bénévoles d'Action 12, qui seront aux petits soins tout le week-end, merci à eux.
Les prévisions météo n'annoncent pas un temps folichon, des averses sont prévues, il faudra s'équiper en conséquence.
Samedi matin, départ en navette de Saint Géniez d'Olt pour aller au départ situé à Bertholène.
Contrôle des sacs juste avant le départ, l'organisation, au delà du fond de sac de base, voulait s'assurer que chaque concurrent ait au moins un coupe-vent. Je recommande vivement que ce coupe-vent soit étanche sous peine de ne pas faire long feu dans l'épreuve.
Première étape Bertholène - Saint Côme d'Olt
Le départ se situe dans le château de Bertholène au haut du village, l'embrasement est magnifique, la musique prend aux tripes, ce coup-là j'y suis pour de vrai.
Dans notre équipe de 5, 4 s'aligneront sur l'ultra et 1 partira sur le trail du capuchadou. Nous faisons chacun notre propre course tout en étant relativement proches les uns des autres ce qui nous permet d'échanger à chaque ravitaillement.
Dès les premiers kilomètres, je mesure l'état du terrain que nous allons connaître durant les 100 prochains kilomètres. de la boue et de l'eau. Quand je dis de la boue et de l'eau, c'est des tonnes de boues et d'eau à tel point que c'était plus l'Aubrac mais l'Eau-brac.
Quand à la boue, je pourrais en faire des catégories comme :
- la boue rouge, celle qui-glisse-tellement que t'as beau faire y a pas moyen de marcher droit
- la boue artiste, celle qui te fait un moulage de chaussure et de ta cheville à chaque pas
- la boue farceuse, celle que veut garder tes chaussures
- le lac de boue, quand le chemin se transforme en flaque géante
- la lac de boue "premium", c'est la flaque géante qui combine les pierres cachées, les racines et les troncs d'arbres à franchir
Bref, on a bien compris que la météo des derniers jours à considérablement gorgé le sol d'eau et que le fait de passer en fin de peloton sur des chemins bien labourrés rendent certaines parties du parcours tout simplement épiques.
Les 24 premiers kilomètres alternent des portions roulantes descendantes ainsi que quelques montées. Seule la dernière descente avant le premier ravitaillement représente une difficulté compte tenu des conditions météo et du terrain.
Arrivé à ce premier ravitaillement - qui sont tous situés dans des salles, un bonheur pour se mettre à l'abri -, en 3h10 j'en profite pour changer une première fois de maillot et refaire le point de nourriture et d'eau car la prochaine portion sera très longue.
Deuxième étape Saint Côme d'Olt - Laguiole
Le début de cette seconde étape marque le début des difficultés avec l'ascension, lente mais continue vers Laguiole.
Je connaitrais un premier moment de doute au 30e km car certaines montées en forêt sont très pentues, font chauffer les cuisses et le cardio. Heureusement cela ne durera pas et les pentes s'adoucieront bien vites, pour le plus grand plaisir de mes gambettes.
Ce deuxième segment fait 33km, j'avais pronostiqué 6 heures et avait donc pris en conséquence 2L d'eau. Un point d'eau, non signalé mais très apprécié, sera mis à dispo par l'organisation au km 41.
Je traverse quelques villages forts jolis, alternant bâtisses anciennes et chateaux.
Niveau terrain cela reste compliqué avec des passages dans des flaques gigantesques qui font bien - pour certaines - 50 m de long ce qui fait que les pieds restent trempés en permanence.
Le parcours est propice aux relances et je ne manque pas de me rappeler d'une phrase plusieurs fois lues sur les forums et les récits "Ne restons pas dans le confort de la marche" pour conserver un certain dynamisme dans l'effort.
L'arrivée à Laguiole après 11h40 de course, qui marque le deuxième ravitaillement et la moitié de la distance, est en vue et me permet de faire une pause. Grâce au sac de délestage laissé au départ, je peux me changer et repartir complètement à sec (ah le bonheur d'avoir des chaussettes propres).
Je profite également d'un ravitaillement très bien fourni en sucré, salé, légumes frais et soupe, les bénévoles nous bichonnent !
Quelques échanges avec mes 3 autres camarades engagés sur la même distance, tout le monde est ok, ça rebooste de se voir les uns les autres.
Il est déjà l'heure de repartir à l'assaut du 3ème segment qui marque le changement de décor avec l'arrivée des hauts plateaux.
Troisième étape Laguiole - Buron de Canuc
Un petit crochet par la coutellerie permet d'apprécier tout le savoir faire - hummm les jolis couteaux design avec une lame ciselée - de Laguiole.
Certainement trop absorbé par ces beaux objets, je fais une erreur d'aiguillage à la sortie du magasin, et au lieu de prendre à gauche vers les hauts plateaux, je prends à droite la route qui me ramène ... vers l'entrée du magasin.
Bon ça me fait sourire de "jardiner" d'une centaine de mètres dans une portion aussi simple, mais néanmoins je me dit qu'il va falloir garder les yeux bien ouverts afin d'éviter d'autres détours qui pourraient être bien moins sympathiques.
Cette troisième portion est la plus belle de l'ensemble du parcours, ces plateaux sont magnifiques, désertiques et je mesure toute le chance d'être en ce lieu à ce moment, quelle aventure !
Il faut quand même que je (re)parle de la météo. Durant cette trans Aubrac, j'ai connu les 4 saisons en une seule journée. L'été, ça a duré 15 minutes en sortant du ravito de Laguiole et là sur les hauts plateaux c'est plutôt l'hiver avec une soudaine et revigorante averse de .... grêle.
Je brosse le tableau, 60 km au compteur, rien pour me protéger, le vent, la grêle, pour continuer il faut avoir quelques ressources mentales ... et surtout un bon coupe vent étanche.
La motivation reste bonne et sera considérablement reboostée par un ravitaillement suprise.
Des saucisses, du pâté et des bonnes pâtes chaudes. J'ai imprimé en mémoire cette séquence, je suis en pleine nature avec un gobelet de pâtes chaudes. A cet instant, ces pâtes ça vaut tous les trésors. J'en retire de cette première expérience sur un ultra que les choses qui paraissent basiques dans la vie quotidienne prennent un tout autre aspect quand on est dans l'effort.
Le brouillard fait son apparition sur les plateaux de l'Aubrac, réduisant parfois la visibilité à une 100 aine de mètres. Pas de stress sur le chemin à suivre, le balisage est parfait !
L'arrivée au 3ème Ravitaillement dans un buron se profile. Nous en sommes à 78 km de course et 13h13.
Ravitaillement, que dis-je, c'est un ravitaillement gastronomique : canapés, verrines, gâteau à la broche, soupe, un banquet, un festin !
C'est aussi l'occasion de se changer une dernière fois et de mettre des vêtements chauds car la température ressentie, cumulée à la fatigue et à la nuit qui ne tardera pas à venir, doit être de 1 ou 2°C.
Quatrième étape Buron de Canuc - Saint Geniez d'Olt
La descente des hauts plateaux est marquée par de très nombreuses traversées de portions inondées sur un sol complètement gorgé d'eau. C'est aussi l'occasion de courir au milieu des jonquilles et autres fleurs violettes qui tapissent le sol.
Je passe le cap du 80-85e Km, tentant encore de relancer l'allure lorsque c'est possible.
La nuit commence à tomber lorsque je quitte ces plateaux pour les 20 kilomètres restants de forêt. L'occasion de me faire dépasser par 2 de mes camarades dont la forme s'améliore au fur et à mesure que les kilomètres défilent. Je commence à être dans le dur. L'arrivée de la nuit marquera la fin des relances et je resterais sur un rythme de marche soutenu en étant vigilant de ne pas me tordre un genou ou une cheville dans l'un des nombreux pièges de cette forêt.
La forêt, parlons en. Compte tenu des passages des autres courses (trail du capuchaudou, relais) et de la météo brouillard & pluie, on pourrait trouver beaucoup de qualificatifs pour s'imaginer certains passages : "progression dans la mangrove", "la remontée du mékong (lu sur le forum)", "vis ma vie dans un marécage", ...
Le profil de course indiquait une descente plutot continue vers l'arrivée, je découvre des passages très glissants constitués de pierres et de boue. Avec la fatigue, la progression devient difficile. Il fait nuit noire, je suis seul bien que j'aperçois de temps à autre une frontale au loin, il faut rester vigilant pour rester sur le bon chemin. Encore une fois le balisage impeccable ne me fera pas douter de l'itinéraire à suivre.
Passage au 88e km sur un point de contrôle complétement isolé en forêt où les bénévloes aident les rares participants restants à remplir gourdes et bidons. Ca doit faire un sacré moment qu'ils sont sur place, chapeau.
La descente est ponctuée par des montées, à ce stade de la course ce sont des murs, dont un en particulier que je considère comme un passage dangereux.
Je recolle avec 2 de mes camarades histoire de faire route ensemble dans cette forêt infernale.
Arrivé au dernier point de contrôle, 97e Km, là où je m'attendais à faire 7 km restants, l'équipe de secours indique : "Il reste 10km et demi, à l'arrivée on annonce 108 km". Il fait du brouillard, il commence à pleuvoir, je prends un 2ème coup de massue, vue la distance restante, cela signifie 2 bonnes heures.
J'apprendrai à l'arrivée que plusieurs personnes ont été bloquées à ce stade de la course compte tenu de la barrière horaire, dur dur la fin de course.
Je termine les derniers kilomètres et finit par lâcher mes 2 camarades, je n'ai plus les jambes pour les suivre.
Après quelques dernières traversées de rivières, le forêt s'arrête et laisse place au village de Saint géniez d'Olt, le site d'arrivée, enfin.
Je m'apprête à finir dans les ruelles du village tranquillement quand je tombe sur les 2 camarades que j'avais vu partir quelques kilomètres plus tôt. Ils se sont arrêtés à l'entrée du village pour m'attendre afin que nous terminions ensemble ce trail, quel esprit d'équipe !
Les derniers hectomètres sont faits avec le sourire dans la joie du devoir accompli et nous franchissons tous les 3 la ligne d'arrivée en 19h04 aux 125, 126 et 127e places.
Sur les 273 engagés, 178 franchiront la ligne d'arrivée.
Mieux, j'avais dit en début de récit qu'un membre de notre équipe c'était engagé sur le trail du Capuchadou, et bien il s'est relevé durant la nuit pour revenir filmer notre arrivée, admirable !
On file à la douche pour déguster l'aligot saucisse tant rêvé tout au long de la journée et nous attendons notre dernier partenaire qui arrivera en 20h20.
Le bilan
Première expérience réussie sur un ultra et quel ultra !
J'en retirerai qu'au delà de l'entraînement, la motivation et l'esprit d'équipe jouent un rôle considérable pour aller au bout.
Je me suis couché dimanche matin à 03h30, soit exactement 24h après m'être levé.
J'ai vécu une vie dans une vie au cours de ces 24h, j'ai fait un ultra trail.
Merci à tous les bénévoles d'avoir pu rendre cette expérience possible.
Yiogo
Ps : J'ai picoré des photos sur Internet pour agrémenter ce récit, si cela pose problème, indiquez le moi en commentaire que je puisse modifier l'article en conséquence.
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1 commentaire
Commentaire de Runphil60 posté le 26-04-2016 à 12:22:53
bravo à toi pour cette première et ce récit qui m'a bien plu même si je n'aime pas le boue!
Tu as dorénavant un mental d'acier :-)
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