L'auteur : Pieromarseille
La course : Trail de la Sainte Victoire
Date : 6/4/2014
Lieu : Rousset (Bouches-du-Rhône)
Affichage : 2218 vues
Distance : 58km
Objectif : Terminer
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Je reprends et termine sur le tard ce CR commencé au lendemain de la course… et laissé en jachère.
Préambule :
Magnifique journée de Trail hier ! Ravi de terminer ce premier TSV engagé à deux avec mon pote Thierry, ami d'enfance depuis le CP et avec qui je pars régulièrement en montagne. Tout nouveau en course à pied, mais par contre un sacré marcheur qui fini toujours mieux que moi nos longues sorties en montagne. Quand il m'a proposé de faire ensemble un marathon en octobre dernier, je l'ai orienté plutôt vers le trail, plus facile si on veut rester ensemble pour deux personnes n'ayant a priori pas la même pratique en CAP. Thierry n'a en effet chaussé des runnings qu'à l'occasion de ce "pari fou" lancé en octobre 2013, à raison de 1 à 3 fois par semaine, en fonction du temps que lui laisse un travail exigeant et 4 enfants. Ca va être CHAUD, mais on est tous les deux supers motivés. Je passe sur l'entrainement et les préparatifs...
Un peu avant la course :
Thierry arrive de Belfort par le train le samedi midi, où je l'attends pour l'emmener directement à Rousset chercher les dossards et renifler la Sainte... Après un petit tour vers la Sainte, on rentre à Marseille où nous attend un gros plat de nouille. Sommes fin prêt pour demain. Le plan de course élaboré avec l'aide précieuse des kikous du Cabanon (merci notamment à Domnin) se base sur 10h de "balade". Couché tôt, levé 5h30, et arrivée à Rousset vers 6h30 où deux mamies de plus de 70 ans toutes pimpantes nous servent le café. Sur le pont depuis au moins 1h30 : chapeau Mesdames, et un grand merci à tous les bénévoles qui nous ont fait une chaine du sourire sur 58 km !
Km 0 / 0 D+ / 0h : 7h. On est sur la ligne. Départ au petit jour en pleine euphorie, avec des jambes affamées !!!
A peine 1 km et déjà Thierry qui me donne l’impression de monter dans les tours et que j'entends souffler fortement dès que ça grimpe. Et ça va grimper beaucoup aujourd'hui... - Ca va Thierry ?" - "Ouaip ! Pas de souci, je souffle toutjours comme ça en courant". Ah bon. Mais si je parle beaucoup, pris par l'excitation de cette super journée tant attendue, ça ne réponds pas tant que ça à côté de moi... Pourtant mon collègue est plus bavard que moi d'habitude .
Premier plateau, Thierry en profite pour m'engager sur une discussion de théologie. Je préfère ça, si on parle, c'est qu'on est dans le bon rythme. Mais cette fois c'est moi qui décroche ; le Bon Dieu, on a sa création devant les yeux, l'exégèse est superflue aujourd'hui....
Dans la descente boisée vers Saint Antonin, on double une dame très maigre, la cinquantaine bien passée, qui ne dépasse pas les 8-9 km/h en descente. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que ça va être dur pour elle. Mais je la retrouverai exactement au même endroit au retour, et cette fois c'est elle qui devait se dire que c'était dur pour moi . Elle n'a pas varié de rythme depuis le départ et terminera quelques minutes avant moi. Un vrai métronome. Impressionnant !
Km 13 / 419 D+ / 1h35 : Arrivée à Saint Antonin avec 5 mn d'avance sur notre planning. Ca souffle toujours du côté de Thierry, et je ne peux m'empêcher de m'inquiêter. -"T'inquiètes, tout va bien, c'est NORMAL j'te dit". Bon bon OK. On repart pour la seconde étape : en route pour Vauvenargue.
Le rythme est toujours agréable. J’en profite pour une pause 'grosse commission', puis pique une petite accélération pour rejoindre Thierry qui a pris de l'avance. Aahhhh, je suis un peu en dessous de mon rythme et ça me fait plaisir de pouvoir relancer sur une dizaine de minutes ! Reprise de la montée tranquille, où je me surprends à 128 au compteur au milieu du Clapier. Sous-régime manifeste ; toujours ça d'économisé sur la fin qu'il se dit le Piero... et ce disant, il ne peux s'empêcher d'envoyer une nouvelle accélération intempestive sur les 50 derniers mètres pour le plaisir de réveiller le cardio, où il double par la gauche en semi escalade la file de coureurs qui sors progressivement de cette magnifique et très raide montée (quand il fait des conneries, c'est pas lui, c'est pour ça qu'il parle à la 3ème personne. Bon, ceci dit, je ne gène personne, il y avait largement la place).
Km 17 / 1102 D+ : Je sors ravi et nous voici pour la première fois de la journée en haut de la Sainte ! Derrière, ça souffle toujours autant mais ça suit – je m’inquiète encore comme une nounou en voyant le Thierry sortir tout rouge, mais il me confirme que tout va bien, qu’il n’est pas plus rouge que d’habitude. Ah bon. Il s'entraine peut-être un peu vite le gaillard... Bon ben on repars alors.
A mi-descente, Thierry entame une discute avec "Cheveux gris" qu'on suit depuis le départ. J'en profite pour me faire la malle et accélère, tant pour le plaisir de dérouler en descente que pour essayer de tenir symboliquement notre plan de route de 10h sur lequel on a un pris un bon retard dans la montée. Je n'y arriverai pas tout à fait (3h44 pour 3h39 de prévu), mais j'ai bien allumé dans la descente et le plat qui a suivi, nouvelle marque d'un enthousiasme peu prévoyant qui augure d'une fin de course moins reluisante...
Km 25 / 1270 D+ / 3h44 : Kkris nous attend au ravito de Vauvenargues, où il nous reçoit comme à la maison. Je suis ravi de prendre le temps de discuter un peu avec lui en attendant le collègue et de prendre des nouvelles des autres Kikous. Il arrive après une dizaine de minutes. Et n'a pas trop aimé la descente, qu'il a trouvé bien cassante et semble quand même déjà bien entamé (enfin, de mon point de vue. Du sien, tout va bien !!!). Je remplis son camel pendant qu'il se ravitaille et m'aperçois qu'il n'a presque pas bu . Le con. Je pressens quand même que ça va être dur dans les Plaideurs. On repart tranquille après cette pause d’un peu plus de 15 mn, exactement 4h après le début de la course.
Thierry est à la peine et souffle de plus en plus (si c'est possible). Heureusement qu'il n'a pas de cardio, je serai encore plus affolé. On se fait doubler par pas mal de monde dans la montée, où nous avons vraiment ralenti, et je me surprend à mi pente avec un cardio à 127 là où j'étais à près de 160 lors de mon dernier passage... ça m'énerverait presque. Arrivée au col de Vauvenargue, un petit groupe de randonneurs accueille les trailleurs, et je me reprend d'un petit coup d’accélérateur à courir la dernière centaine de mètres en montée… pour me faire ovationner par ce comité d'accueil qui ne demande que du spectacle. Ahh la frime ! Y a que ça de vrai .
Thierry semble vraiment fatigué et cette fois, il se plaint qu’il souffre d’asthme, mais il est là, bien décidé à continuer, et on reprend le chemin de crête vers le Pic des Mouches en marchant d'un bon pas. Il me propose gentiment de finir seul, et lui terminera à son rythme. Ce serait logique au vue de la différence de niveau. J'avoue être très tenté de faire ma course, et je dois aussi le soûler à faire le cabri sans arrêt à côté de lui. J’hésite à accepter… mais je tiens aussi à notre engagement du départ de faire la course ensemble et décide de rester avec lui.
La descente sur le Bau de l'Aigle puis la remontée sont un calvaire, tant pour lui qui en chie grave, que pour moi qui ai à la fois mal pour lui et qui commence vraiment à ronger mon frein. Je regrette de ne pas réussir à me mettre psychologiquement d'avantage en mode balade ce qui me permettrait de profiter encore plus de ce moment inoubliable avec Thierry. Car autant nous avons vécu nos grandes sorties montagnes dans une parfaite communion (l’été dernier à l’Aiguille Verte reste un souvenir inoubliable !), autant avec ce mode ‘course’ qui titille fortement mon tempérament de compétiteur, je me trouve un peu tiraillé entre le plaisir du partage à deux et l'envie égoïste de faire à fond ce premier grand trail que j'ai longuement préparé ; et j'avoue, je vie un peu moins pleinement le moment...
Km 31 / 2079 D+ / 5h52 : Arrivés au Pic des Mouches, je commence à avoir peur pour les barrières horaires : on a fait presque que marcher depuis Vauvenargue : si on continue à ce rythme, celle de Puyloubier est encore jouable mais peut-être plus celle de Saint Antonin. Thierry est cuit et me dit qu’il s’arrêtera probablement à Puyloubier. On se met finalement d'accord pour redescendre ensemble, puis se séparer après la pause casse-croute. Il essaiera de rejoindre Saint Antonin en marchant, où je viendrai le chercher en voiture après avoir terminé ma course. Enfin, c'est ce qu'il me fait croire pour se débarrasser de moi le gredin.
Le temps d'une photo...
...et on repars... en courant ! Je laisse Thierry devant, qui s'est mis en pilote automatique et me semble jeter (ce que je crois être) ses dernières forces dans la descente. 45 mn : pile poil le temps prévu par notre road map. On n'a au final que 50 mn de retard sur notre horaire à Puyloubier. En fait, c'est pas si mal .
Km 35 / 2092 D+ / 6h38 : 10mn de pause à Puyloubier, un petit sandwich, remise à niveau de la poche à eau, une dernière proposition hypocrite de finir la course avec Thierry… Et c’est reparti (6h48), seul cette fois, et avec un sacré retard de presque une heure à rattraper si je veux finir en 10h. Va pas falloir trainer ! C’est qu’il ne reste que 22 km… du quasi impossible - il faudrait avoir démarré la course à Puyloubier -, mais je ne m’en rends pas compte sur le moment et m’élance donc sans aucune retenue sur la route puis les sentiers menant vers Baudino ! Le cardio s’élève de suite, je suis sur un rythme que je sais ne pas pouvoir tenir plus de 2h à l’entrainement (il en reste près de 3h30, et déjà près de 7h dans les pattes), mais l'envie de me donner à fond a pris le pas sur la lucidité et ce n'est plus la peine de me demander de gérer : ça fait plus de 6h30 qu'on gère !... La remontée continuelle des coureurs, dont je reconnais un paquet qui nous avait dépassé dans les Plaideurs me booste, et je maintiens l’effort tant que je peux. En tout cas, cette portion me plait : je suis content de refaire le chemin préparé à l’entrainement lors du Off GTSV quelques semaines avant, et j’ai cette fois vraiment le sentiment d’être dans ma course.
Km 42 / 2635 D+ / 7h55 : Mon surcroit de « fraicheur » par rapport aux autres concurrents tiendra jusqu’à Baudino ; à partir de là, je commencerai à être dans le rouge. Et au milieu de la redescente vers Saint Antonin survient l’inévitable : les signes annonciateurs du mur. En une quinzaine de minutes, je réduis considérablement l’allure (pourtant en descente…), et j'arrive à Saint Antonin déjà à la lutte avec moi-même, tout surpris que le coup de barre s’installe si vite… ça fait quoi, 1h20 que j’ai quitté Puyloubier, et déjà je suis à plat ? La mauvaise gestion, y a pas moyen. C’est mécanique, ça se paye cash.
Km 46 / 2749 D+ / 8h34 : Je rallie Saint Antonin comme je peux, au ralenti et en forçant mais… aller, 1h46mn depuis Puyloubier au lieu des 2h05 prévus… c’est toujours ça de gagné même si c’est quand même beaucoup d’énergie pour ne récupérer que 20 mn sur mon horaire. Et vu ma difficulté à repartir, je sais que je peux dire adieux aux 10h : si je tiens juste ce qui est indiqué sur mon plan de course sur ce dernier tronçon (1h43 pour les 12 derniers km, soit une moyenne de 7km/h), j’arriverai en 10h30. Mais le principal objectif, pour le moment, c’est surtout de trouver l’énergie de me relever de la chaise où je paraisse depuis plus de 10 mn !
Aller. En avant pour la partie mentale de cette course !... dont j’ai finalement moins de souvenir que du début de parcours. Je repars (8h47) pour une alternance de marche et de course lente. Un faux cyrano, car je cours ce que je peux et repasse à la marche contraint et forcé lorsque je n'arrive plus à courir. La souffrance commence à s’installer et me dit de tout terminer en marchant. Sauf que tout marcher sur du plat voir de la descente, à 7-8 km de l’arrivée, et reperdre les toutes petites 20 mn que j’avais réussi à gagner sur le tronçon précédant, je vivrais ça exactement comme un abandon. Et je ne veux pas abandonner. Suffit de penser au gars qui suit derrière : la carotte (faut au moins que l'un des deux arrive au but !) et le baton (si jamais il ne s'était pas arrêté à Saint Antonin, je vivrais la honte de ma vie !) me permettent de rester dans la course, et de tenir de plus en plus longtemps mes portions courrues. Le corps à envie de s'arrêter, mais la tête tient encore à le faire se remuer un peu. Pas vite, mais jusqu'au bout. Aller, nous y voilà. 4, puis 3, 2… 1 km, les dernières vignes avant d’entrer en courant dans le village de Rousset où des gamins nous accueillent en nous encourageant, et enfin la ligne d’arrivée !!!
Km 58 / 2965 D + / 10h27 : C’est en serrant les poings et le sourire aux lèvres que je la franchie… et immédiatement je pense à Thierry. Où en est-il ? S’est-il arrêté à Saint Antonin comme prévu ? Je regarde mon portable : pas de message. Il a du continuer le bougre... dans quel état vais-je le retouver ?... Aller, un petit texto pour lui dire que j’y suis, et je file au gymnase boire un coup et me restaurer.
Epilogue :
J’y retrouve un Chanthy et deux copains à lui, tout sourire et qui semble avoir fait la course de sa vie : en 8h29 ! Whaoouu. Excellent repas d'après course, tout de bonne humeur, permettant de prendre des nouvelles des uns et des autres que Chanthy a eu le temps de voir arriver…
Et à peine plus de 50 petites minutes après avoir franchi la ligne, qu’entends-je au micro de l’animateur qui continue à annoncer régulièrement les arrivées ??? Thierry P. qui franchit la ligne à son tour, en 11h17. J’y crois pas. Il l’a fait ! Et il arrive tout sourir en plus ! Vous ne le connaissez pas, mais vu son peu d'entrainement en course à pied et comme il en a chié sur le parcours (j'aimerais bien l'entendre raconter sa course), je ne peux que rester bouche bée d'admiration devant un tel mental. A 100 contre 1 je le voyais abandonner (sinon je ne l'aurais jamais lâché )... il a fini en marchant depuis Puyloubier mais il a tenu et a su conserver un bon rythme pour laisser loin derrière la barrière horaire. Pas encore un coureur peut-être, mais toujours une sacrée caisse .
Au final, 3/5 de rando-course dans un cadre magnifique avec un ami d’enfance qu'il était improbable de voir lancé dans cette aventure, et qui l'a finie avec la banane malgré le lâche abandon dont il a été victime sans même songer à se plaindre. 1/5 de course au taquet pour rendre justice aux nombreux tours de pistes avalés dans la prépa. Et 1/5 de course au mental pour se sentir dans un vrai trail de la mort qui tue... Mais que demande le peuple ?
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1 commentaire
Commentaire de chanthy posté le 05-06-2014 à 23:01:31
Merci Pierre
très beau récit!
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