L'auteur : patrickND
La course : Altriman (format Ironman)
Date : 13/7/2013
Lieu : Les Angles (Pyrénées-Orientales)
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Distance : 246km
Objectif : Terminer
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Moins médiatique que l’Embrunman ou le Norseman, l’Altriman qui fêtait cette année sa 5ème édition fait quand même partie des épreuves qui concourent pour le titre (un peu vain) de « triathlon le plus dur au monde ».
Qu’elle soit ou non « la plus dure au monde », c’est indéniablement une épreuve «extrême », en raison de son parcours vélo de 200 km dans les Pyrénées, qui offre 5000 mètres de dénivelé positif, suivi d’une course à pied qui s’apparente presque à un trail, avec un dénivelé de près de 1000 mètres.
L’Altriman était pour moi un « plan B » car je n’ai pas été tiré au sort pour participer au Norseman et que je recherchais une autre course avec un parcours vélo « costaud ».
Ma préparation a malheureusement été très perturbée cette année. Comme tous les triathlètes vivant au nord de la Loire j’ai peu roulé cet hiver en raison du mauvais temps, et j’espérais rattraper le temps perdu à partir du stage d’entraînement club à Rosas en Mai. Mais un coup dur s’est abattu sur ma famille, car ma femme a appris au mois de Mai qu’elle était atteinte d’un cancer : le triathlon est alors passé au troisième plan de mes préoccupations, et je ne me suis presque plus entraîné depuis cette date, mis à part quelques sorties en endurance pour me changer les idées. La date de l’intervention chirurgicale de mon épouse ayant été fixée au 2 Juillet alors que l’Altriman avait lieu la semaine suivante (13 Juillet), j’étais persuadé de déclarer forfait, mais n’ayant pas souscrit à l’assurance annulation je ne pouvais pas me faire rembourser mon inscription.
Finalement l’opération de Carole s’est bien passée, et même s’il n’était pas possible pour elle de m’accompagner dans les Pyrénées la semaine suivante comme nous l’avions prévu, elle m’a incité à aller malgré tout participer à l’Altriman. J’ai hésité mais j’ai pensé que c’était une manière de dire non à la maladie, de refuser qu’elle nous empêche de réaliser nos projets, et malgré ma préparation défaillante je suis descendu aux Angles pour prendre le départ de la course.
La route depuis Paris est un peu longue (surtout quand on est seul), et les derniers km sur les routes de montagne paraissent interminables, mais je suis arrivé à bon port le jeudi soir. Quelques affiches et bannières annoncent bien qu’il y aura des courses tout le week-end (en plus de l’Altriman et du half-Altrman qui se tiennent le samedi, il y a des courses pour les jeunes le vendredi, ainsi qu’un CD et un Découverte le dimanche), mais cela n’a rien à voir avec l’effervescence que l’on rencontre lorsqu’on va à Nice ou à Roth (mais nous somme moins de 200 inscrits sur l’Altriman…). En revanche, il y a partout des traces du passage du Tour de France, qui faisait étape dans les Pyrénées la semaine précédente : marquages au sol, décorations dans les villages etc.
Le vendredi matin je vais rouler une petite heure (de toutes façons il est trop tard pour combler mon déficit d’entraînement), et je vais retirer mon dossard et déposer mon vélo au parc l’après-midi. Le « village » de la course au bord du lac Matemale est minimaliste comparé aux foires que l’on trouve sur les grosses épreuves, car il n’y a que 3 exposants, avec un assortiment très réduit (au moins on n’est pas tenté de dépenser une fortune). Venu sans boisson énergétique ni « gatosport », je pensais pouvoir en acheter facilement, mais tout ce que je trouve sur un des stands ce sont des sachets de poudre pour boisson Effinov à la saveur non identifiée (le vendeur n’est pas sûr s’ils sont « goût légume » ou « goût neutre ») et comme la DLUO est expirée depuis un mois il les vend à moitié prix… En réalité à la dilution, ils s’avèreront être d’un goût « orange chimique», pas extraordinaire mais ils ne m’ont pas rendu malade.
Une forte pluie tombe vers 17H, ce qui fait chuter la température (il faisait 32° dans l’après-midi), et nous sommes autorisés à attendre le samedi matin pour déposer nos sacs de transition, afin que nos affaires ne soient pas détrempées le jour de la course.
Au briefing d’avant-course le vendredi soir, je retrouve Vivian et son épouse. L’organisateur nous met en garde contre les difficultés du parcours vélo et nous conseille de ne pas nous griller au départ car « le plus dur est à la fin, la course commence au 163ème km ». Il nous rappelle que la lampe frontale est obligatoire pour ceux qui seront encore en course à la tombée de la nuit (22H) sous peine de disqualification. Sachant que la course démarre (de nuit) à 5H30, cela veut dire qu’il faut finir la course en moins de 16H30 (la limite étant de 18H30) ou bien s’équiper d’une frontale. Vivian et moi choisissons d’acheter une frontale au magasin Intersport le plus proche… Les prévisions météo pour le lendemain sont bonnes : beau temps annoncé toute la journée, avec juste quelques averses « rafraichissantes » en fin de soirée.
La nuit est bien sûr très courte, puisque je me réveille à 3H30 et arrive au départ de la course à 4H45. Il fait nuit noire et seulement 9°, on ne voit pas grand-chose malgré les projecteurs installés dans le parc à vélo et j’enfile vite ma combinaison pour me protéger du froid.
Nous rejoignons la rive du lac : l’eau ne paraît pas trop froide (elle est plus chaude que la température extérieure), mais c’est impressionnant de se mettre à l’eau de nuit sans aucune visibilité. Le parcours natation est simple : il faut nager en direction de la rive opposée du lac (1 km de traversée) où un gyrophare a été installé, puis lorsqu’on se rapproche de cette rive on voit une bouée qu’il faut contourner à main droite, nager jusqu’à une autre bouée 200 m plus loin, revenir vers le point de départ où l’on fait une sortie « à l’australienne » et on repart pour une deuxième boucle.
L’avantage d’être si peu nombreux au départ est qu’on n’est pas gênés par les autres concurrents et qu’on ne prend pas de coups. Rapidement je me retrouve esseulé, d’autant plus qu’avec mes lunettes à verres fumés je ne vois pas très bien et je dois me concentrer pour repérer la lumière du gyrophare. Heureusement, le jour se lève pendant le deuxième tour, et je sors de l’eau au bout d’1H20, en 100ème position. Pas de miracle en natation (surtout quand on a aussi peu d’affinités que moi avec l’eau) : si on ne s’entraîne pas on régresse… Cependant d’après mon GPS la distance totale du parcours natation (y.c. les 100 m de la sortie à l’australienne) est de 4,1 km, donc soit je n’ai pas pris la trajectoire la plus directe, soit le parcours est plus long qu’annoncé.
Arrivé dans le parc à vélo, je me rends compte (un peu tard) que je n’ai pas pris de tenue vélo suffisamment chaude compte tenu de la température ambiante (il fait seulement 12° à 7H du matin et le ciel est couvert). J’ai seulement un maillot à manches courtes que j’enfile par-dessus mon singlet mouillé, et je quitte le parc à vélo avec environ 10 mn de retard sur Vivian, dont l’épouse m’encourage au passage. Pendant les 30 premiers km j’ai très froid. Les premiers cols (col de la Quillane, col de la Llose, col de Creu) ne sont pas très difficiles et les paysages sont superbes. La route n’est pas de très bonne qualité et je suis prudent dans la descente qui nous mène au col (hors catégorie) de la Paihères. L’ascension est difficile (15 km à 8%) mais régulière et je suis bien réchauffé car la température est remontée à 30°. Je « mouline » tranquillement avec un braquet de 36x28, et je remonte quelques places au classement. N’ayant aucun repère sur ma capacité à encaisser 5000m de D+, je ne m’enflamme pas et m’efforce de rouler le plus économiquement possible. La descente de Pailhères est très rapide, mais je n’essaye pas de m’accrocher à quelques « avions de chasse » qui me dépassent : je suis bien inspiré de jouer la prudence, car un concurrent de Tahiti (c’est marqué sur sa tenue) que j’avais dépassé dans la montée me rattrape dans la descente… et fait une chute dans un virage quelques centaines de mètres plus loin. Je m’arrête avec un autre concurrent pour lui porter secours car il est assis dans le fossé à côté de son vélo, conscient mais visiblement « sonné » et incapable de se relever. Heureusement, une camionnette de l’organisation de la course passe à ce moment là et prend le relai pour s’occuper de notre infortuné concurrent, pour qui la course n’ira pas plus loin. Refroidi par cet accident, je repars d’autant plus doucement dans le reste de la descente, avant d’enchaîner les nouvelles montées et descentes qui composent au moins 90% du parcours, où les km de plat sont comptés. Vers le 100ème km, je rattrape Vivian qui a le visage un peu marqué par l’effort.
Profil du parcours vélo : cherchez le plat…
En continuant à mon rythme tranquille, je me sens plutôt bien, mais je sais qu’il reste encore de grosses difficultés à la fin du parcours, et qu’il faut gérer la course. Effectivement, à partir du 140ème km, j’ai l’impression qu’on ne fait plus que monter, avec le col de Gavarel puis la côte de Carcagnères (12%) et le col des Hares : on n’a pas de répit, et le revêtement est mauvais (beaucoup de graviers), d’autant plus qu’il se met à pleuvoir de plus en plus fort. Ma grosse crainte est d’avoir une crevaison, à cause de ces graviers et je n’en mène pas large. J’avance tant bien que mal dans cette montée interminable, et je me motive en pensant très fort à ma femme et en me disant que ce que je vis n’est pas bien méchant par rapport à ce qu’elle vient de traverser.
Arrivé enfin sur le plateau à Puyvalador, le retour vers les Angles est en faux-plat montant, mais le bitume est bon et j’ai échappé à la crevaison malgré la pluie qui tombe drue. Il m’a fallu plus de 10H pour boucler les 200km du parcours, soit une moyenne « record » de moins de 20 km/h. Il est donc un peu plus de 17H quand je rejoins le parc à vélo, qui est bien boueux car il a plu aux Angles sans discontinuer tout l’après-midi (et oui, les prévisions météo ne sont pas toujours fiables à 100%). Je fais signe à la femme de Vivian, qui m’encourage, emmitouflée sous une cape de pluie, et lui indique que Vivian ne devrait pas tarder à arriver.
J’enfile mon gilet Vetakids, une casquette et mes runnings et je pars pour la dernière partie de l’épreuve, en n’oubliant pas ma lampe frontale, car je risque d’être limite pour terminer avant 22H compte tenu de la difficulté du parcours.
La course à pied alterne en effet les portions « trail » en forêt et les portions sur bitume. En raison de la pluie, les chemins dans la forêt sont complètement détrempés et boueux et j’ai vite les pieds trempés. On fait d’abord une boucle le long du lac, on emprunte une digue puis on monte dans un village où on fait demi-tour jusqu’au parc à Vélo, avant d’aborder la longue montée de 10 km qui va du lac de Matemale au lac de Balcère, au dessus des Angles, avec des passages à 10%. Je « craque » dans cette montée, et alors que j’avais réussi à trottiner pendant les 10 premiers km, je fais l’essentiel de la montée en marchant (comme beaucoup d’autres concurrents), malgré les encouragements des bénévoles aux postes de ravitaillement (mention spéciale aux « 118/218 » qui faisaient le show en haut de l’avenue de Balcère). Heureusement, tout ce qu’on a monté il faut ensuite le descendre, et c’est plus facile de se remettre à trottiner après le demi-tour du lac de Balcère. Je croise Vivian dans la descente, qui a environ 7 km de retard sur moi. En raison du temps perdu en marchant, l’heure a tourné et quand je reviens au parc à Vélo pour une dernière boucle autour du lac il fait sombre et j’allume ma frontale pour la dernière boucle autour du lac et la remontée vers les Angles. Je dépasse quelques concurrents qui marchent et en arrivant au ravitaillement du 39ème km, je me rends compte que si je continue à trottiner dans la dernière montée juqu’aux Angles, je passerai sous la barrière des 17 heures de course (!). Je suis d’autant plus motivé que j’aperçois environ cent mètres derrière moi la lumière d’une frontale et je ne veux pas me faire dépasser dans ces derniers km. J’arrive donc tant bien que mal à trottiner jusqu’à la ligne d’arrivée, qui est installée dans une salle où on nous fait monter sur une estrade pour la photo finish. Temps final de 16H55 et 70ème au scratch (sur 160 au départ et 122 classés à l’arrivée). Je suis épuisé mais heureux d’avoir terminé. J’appelle ma femme pour lui annoncer la bonne nouvelle et attends Vivian, qui arrive un peu moins d’une heure et demi après moi.
Ce 14ème IM restera bien sûr un souvenir particulièrement fort pour moi, non pas pour ma performance sportive, mais pour la joie d’avoir pu aller jusqu’au bout de cette course exigeante, malgré les circonstances particulières de ces derniers mois. Merci encore à tous les adhérents du club de Champigny Triathlon et à l’équipe des coachs qui nous ont soutenu ma femme et moi pendant l’épreuve que nous avons traversée, et dont nous espérons qu’elle se terminera bientôt.
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5 commentaires
Commentaire de Berty09 posté le 17-07-2013 à 21:27:03
Bravo pour la performance. Deux épreuves liées, l'émotion transparait. Bonne continuation.
Commentaire de dajosport posté le 17-07-2013 à 23:21:41
Chapeau bas pour avoir pris le départ (et terminé !) l'épreuve dans ces conditions et avec cet entraînement.
Bonne récup !
Commentaire de La Tortue posté le 20-07-2013 à 20:28:15
ah ben zut alors, je te reconnais sur la photo, on s'est croisé plusieurs fois sur le marathon et j'ai assisté à ton arrivée en direct.
dommage si j'avais su que c'était un kikou, je serais venu te saluer.
bravo, tu verras, l'altriman, on y revient. pour moi c'était le quatrième, tous les ans dans Carcagnières je me dis "plus jamais" et tous les ans j'y reviens ;-)))
Commentaire de patrickND posté le 20-07-2013 à 22:03:30
Hello, en fait je te connais depuis longtemps par tes récits sur Kikourou, et on a souvent participé aux mêmes courses en finissant à peu près dans les mêmes temps (UTMB 2007 en 39h01 pour moi, Embrunman 2008 en 13h45). J'ai fait comme toi mon premier 24 heures il y'a quelques mois, et également en Bretagne (Ploeren), avec un kilométrage final roche du tien (177 km).
Bonne continuation à toi et on se reverra sûrement sur une autre course ( je suis inscrit au triathlon distance IM de Vichy le 1er septembre, mais avec les soucis de santė de ma femme, je ne suis pas certain d'y aller si elle est en chimiothérapie à cette date...)
Sportivement, Patrick
Commentaire de patrickND posté le 20-07-2013 à 22:25:13
On s'est également croisés au duathlon de Val d'Aran en 2008 (5h21) et au marathon de la côte d'Amour en 2009 (2h58)...
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