L'auteur : seapen
La course : Trail des Forts du Grand Besançon - 26 km
Date : 12/5/2013
Lieu : Besancon (Doubs)
Affichage : 2171 vues
Distance : 26km
Objectif : Pas d'objectif
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Beaucoup de temps à chercher l'accroche de la semelle au sol. deviner sous la couche de quelques centimètres le dur sol pour ne pas glisser. Au centre du large sentier, une légère incurve laisse deviner quelques graviers et c'est là au beau milieu du chemin qu'il faut tracer pour espérer s'appuyer fermement et progresser dans la montée sans que votre pied s'échappe brusquement.
Peu de temps après le départ violent permis par un bon échauffement, on est déjà dedans ; il a fallu quelques centaines de mètres pour trouver sa place et puis la première grimpe est sous nos pas. Elle donne déjà le ton de ce qui nous attend.
Difficile dans ce large sentier de couleur marron recouvert d'une couche terreuse et boueuse tout en vaguelettes changeantes au fur et à mesure des pieds qui la foulent de progresser normalement.
Les heures précédentes il a plu. Ce n'est plus le problème pendant la course tant que des trombes d'eau ne nous aveuglent pas en nous cinglant le visage et nous inondant par les habits protecteurs qui ne le seraient plus.
Chercher son chemin sur les extrêmes bords, là où les feuillages commencent et au pied desquels l'herbe haute n'a pas encore été foulée suffisamment et permettent au crampons de la chaussure de jouer un peu leur rôle quelle que soit la pente.
Une semaine de repos précédée par une semaine de tests à l'entraînement. trois sorties différentes. 18 kms sur route, 2 heures sur terrain herbeux et 3 heures dans les collines - 650+ environ.
L'investissement physique des derniers mois et dernières semaines pour l'extra sportif a été intense. La récup est bonne mais je suis limite question repos. J'ai la pêche et trois jours avant le jour J j'ai le sentiment que cela va être bon ; pour l'inscription cela l'est aussi 2 jours avant le 12 mai. Et le mental ? celui-ci ne sera pas entamé.
Un peu plus loin après avoir tracé tout le long des quais sur 3 kms et abordé une pente raide presque salvatrice tellement elle est conforme aux schémas de profils ancrés dans nos têtes de coureurs il aura fallu négocier le premier négatif qui comme un avertissement nous donne l'idée juste de tout ce qui sera par la suite.
Montée, descente et plat. Tout est dit des conditions dans lesquelles seront alors abordées les près de 20 kms restants.
Il faut jouer l'équilibriste, faire jouer toute la musculature en adaptant au mieux possible le poids du corps, la puissance au profil du terrain. Saisir les branches pour se ralentir et rester debout pour parer au pire. Se laisser choir sur l'arrière train et espèrer lorsque l'on roule sur le côté qu'une bonne couche de feuillage vous amortira plutôt qu'un bloc rocailleux ou un épineux.
Quel rapport énergies réparti entre celle consacré à l'avance et celle à éviter de glisser? 50/50, 30/70, 40/60 ?
Il ne faut vraiment pas être là par hasard et avoir constitué une bonne réserve de mental et de forme physique pour bien figurer. On doit continuellement s'arracher.
C'est dans les montées quel que soit le dénivelé que finalement ces sentiers recouverts d'une couche pourtant pas très épaisse de boue présentent leur côté le moins pénible. Dans les descentes, jouer avec les glissades auxquelles on échappe difficilement font perdre un temps fou, c'est bien là le problème car on pourrait prendre son temps et règler l'affaire, et vous empêchent de courir pleinement donc de filer sa course.
Chacun y va de son agilité mais les risques pris souvent ne payent pas et les trempettes boueuses de l'arrière train se comptent par dizaine et chacun s'il les a évitées en a été le témoin. Tant mieux pour les preneurs de risques qui ont la chance avec eux. Pour ma part je n'en prends pas. Aujourd'hui je suis un peu peureux, ai le souci de mon image. Je me rappele mes pensées peu avant d'aborder les quais en descendant les dernières dizaines de mètres boueuses, qu'il fallait que je tienne debout jusqu'à la fin de cette descente afin de préserver mes habits intacts de toute salissure, nous allions passer en ville. Dingue, non ?!
Mais le vrai plaisir existe aussi de dévaler une longue pente caillouteuse qui nous fait oublier ces turpitudes passées et ne pas imaginer celle à venir où l'on peut enfin se concentrer sur sa façon de courir et donner le meilleur de sa technique. Tiens là on ne se plaint pas de courir sur un chemin rocailleux parsemé de traîtres cailloux ? Quand on a connu pire on ne fait pas le difficile et on saisit l'instant plaisir. On y va à fond.
Sur le terrain herbeux dans un long faux plat le sol paraît presque facile pourtant défoncé comme ces champs abandonnés où les chausse-trappes pourraient à tout moment amener vos chevilles à vous trahir.
Puis encore cette longue distance s'ouvrant devant vous au terrain stabilisé ne vous semble pas lassante comme à l'ordinaire par sa longueur monotone. Quand on a passé la barre haute, la difficulté devenue inférieure n'est plus.
La trace continue devient plus roulante, se prolonge encore sur le plat bitumeux et on ne pense pas alors quand est-ce que cela va finir ? mais plutôt à ce qui nous attend de nouveau, pas en difficulté de dénivelé mais de boue, boue, boue.
Semelles intérieures trempées et le jeu du pied dans la chaussure a dérangé l'une d'elle qui s'est déplacée vars l'avant. Crainte pour la suite. Courir sur bitume chaussés de trails n'est pas l'idéal. Disposer d'un deuxième paire adaptée ? La transporter ? en rêve seulement. Dans la pratique impossible car trop astreignant lors du changement. Mais franchement ?! travailler comme les triathlètes quand ils changent d'outils en moins de temps qu'il n'en faut pour y penser. pas envisageable sur une course aussi courte. Trop de temps serait perdu et trop encombrantes ces godasses chargées de terreau dégoulinant. Seul le choix de la bonne paire adaptée est possible.
Cette longue durée de course sur plat, astreignante s'il en est, est profitable et sa difficulté nous entretient pour affronter celle qui nous attend, la boueuse qui use et nous poussant à bout ferait un beau spectacle pour toute la faune environnante provoquant chez quelques spécimens du genre humain la libération violente de son exaspération, des cris nerveux. Certainement que celà n'arrive pas sur de telles distances, trop courtes où l'usure foncière n'atteint pas assez les organismes. Donc pour le spectacle, les petits oiseaux, renardeaux et autres blaireaux, ils repasseront.
Les chaussures ramassent la terre et les semelles l'emprisonnent dans ses crans ; elles s'alourdissent et cela se sent lorsque la piste débouche sur la route pour quelques kms de course sur plat. Bizarre la sensation et là il faut se réadapter.
Débarrassé de son trop plein de terre collée et des graviers cela va déjà mieux, surtout lorsque le pied trouve enfin son bon déroulement.
Une autre course sur 2, 3 kms où l'on remet tout en place, où l'on récupère juste un peu pour passer la vitesse supérieure qui vous fait avancer.
Finalement ces portions de plat sur bitume, pavés ou ciment passent bien dans l'ensemble. Ils pourraient être rebutants car ne s'inscrivant pas de fait dans une course dite nature. Mais la pluviosité des derniers jours a rendu le terrain tellement difficilement praticable qu'ils se marient bien avec les glissades infernales comme si ces deux difficultés augmentées l'une par la météo et l'autre par son inadaptabilité à la course trail s'allégeaient leurs contraintes mutuellement et faisaient accepter aux coureurs leurs conditions difficiles.
Entre ces deux profils dissemblables mais finissant par s'accorder du fait de renforcement de la difficulté s'interposent des moments comme de pose et stimulants, ceux où l'on traverse les endroits, de transit, pour passer de l'espace nature à celui citadin ou vice versa. Un peu euphorique parce que l'on termine une partie que l'on a ressenti dans son corps et que du nouveau se prépare. A ce moment les rassemblements de spectateurs encourageants sont bienfaisants. Revigorant. Recharge mentale et physique. Tous ces moments se multiplient pendant tout le parcours, toutes ces parties reliantes équilibrent le tout formant ainsi un ensemble varié et finalement cohérent.
Il y a seulement quelques jours l'espoir d'un météo meilleure laisait espérer une course sous le soleil intermittent et ce matin la pluie s'est invitée à la grande fête. Punaise, les compéts d'hiver, ça commence sérieusement à suffire. Juste pour changer, quoi ! Toute la prépa effectuée sous la pluie qui a du se calmer, je crois ?! il faut être coureur pour dire cela car quand elle n'est pas diluvienne l'action de courir est tellement prenante physiquement que l'on en oublie presque ce qui nous tombe dessus. A vrai dire impossible de se rappeller s'il a plu ou non pendant la course. A pile ou face, c'est oui.
20 kms à dix kms/h environ et il en reste six qui au final sont plus confortable. Pourtant plus de 45 minutes sont nécessaires au bouclage de ce circuit. Que comprendre ? six derniers kms où la concentration et les muscles bandés ne sont plus forcés. Presque cool, en tous cas dans la tête. La résistance est certainement entamée et il y a bien un ralentissement bien que la sensation de l'effort ne soit pas marquante et éprouvante. Mine de rien la pensée d'être définitivement sorti d'affaire à ce moment lorsque il ne reste que 6 kms efface certainement le désagréable bien que le terrain ne change pas sur presque 2 kms encore. Le bon mental a du alléger toute l'affaire.
La dernière ascension est presque facile, l'imagination l'a rendu impressionnante vue du bas lorsque l'on s'en approche. Mais on arrive rapidement à la base des bâtiments, tours et remparts qui surplombent l'environnement. C'en est fini maintenant. La traversée du plat au sommet avec tous ses escaliers montants ou descendants n'est qu'une formalité si on ne les ressent pas dans les jambes, ce qui est le cas. Un bon km sur le plat fait oublier définitivement ce qui a précédé et l'euphorie masquée d'en finir le rend presque confortable. C'est dans ces moments, peu avant l'arrivée, que doucement la concentration se relâche petit à petit et laisse progressivement se rouvrir les circuits de la pensée comme sortie d'un long sommeil. L'arrivée au bout d'une portion toute en sentier nous rappelle le terrain foulé tout du long dans sa difficulté mais là c'est un plaisir.
Virage brusque à gauche et sprint final sur quelques mètres, pas question de rater çà. Les pensées de toute sorte affluent, anarchiques, se remettent en ordre, sollicitées par le monde entourant ; dans un état presque second comme en veille. Légère conscience de satisfaction, survivance, nouvelle vie, lévitation, maîtrise de soi, plénitude, joie intense. Sourire ravi.
Le temps pluvieux a fini par céder. Par lassitude d'occuper tout la place ou sur l'insistance harcelante des rayons lumineux ?
Est-ce que ces heures passée ont t'elles vraiment eu lieu ? Telle est la question que je me pose quelques jours après.
C'est chouette de l'avoir couru ce Trail-26kms des forts. Comme dirait le Hi-boue. Hi Hi Hi ! Bouh !
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3 commentaires
Commentaire de Benman posté le 17-05-2013 à 23:41:30
"Ce siècle avait 2 ans", et un grand génie est né à Besanon. Ce génie t'a légué un peu de son talent littéraire. A la fin de cette course plein de contemplations, c'était toi, l'Homme qui rit. Ah, ce commentaire est misérable...
Commentaire de seapen posté le 05-06-2013 à 08:49:26
Tant de références sur deux lignes. C'en est que trop. Ce commentaire est comme tu le dis. Tu mérites la déportation et tu sauras "ce que c'est que l'exil".
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 20-05-2013 à 08:13:52
Toujours un vrai récit de course littérairement construit. Tu avais ta place dans le livre de récits Kikouroù, mais peut-être es-tu trop vrai, sans concession ...
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