Récit de la course : 24 heures des Yvelines 2012, par Eponyme

L'auteur : Eponyme

La course : 24 heures des Yvelines

Date : 19/5/2012

Lieu : Feucherolles (Yvelines)

Affichage : 1503 vues

Distance : 58km

Objectif : Faire un temps

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Mon 6H48min des Yvelines

Vous pouvez retrouver mon CR des 12H des Yvelines à l'adresse suivante : court-toujours.com/?p=411 ou juste en dessosu !

Bonne lecture

 

Pas facile de se mettre à l’écriture d’un CR lorsque la course date de plus d’un mois. Encore moins facile lorsqu’il s’agit de son premier abandon… Mais bon, j’essaye de m’y mettre. Je pense que ça me sera utile de coucher cela sur mon blog, et puis, ça fait toujours du bien une petite autocritique… Alors c’est parti !

Samedi 19 mai, mon sac est prêt, le soleil brille. Une belle journée en somme. Solen m’accompagne, direction Feucherolles, à quelques kilomètres de l’appart, pour courir la version « 12H » des « 24H des Yvelines ». Ma première course horaire, un grand pas dans l’inconnu. Mais je suis plutôt confiant ce matin. Pas trop de stress en tout cas. J’ai eu du mal à rentrer dans la course. En règle générale, avant un ultra, je commence à gamberger gentillement environ 1 semaine avant le départ. Là, il a fallut attendre la veille, que je prépare mes affaires pour me « rendre compte » que la course approchait. Même les courses de début de semaine, au cours desquelles j’ai pourtant acheté mon ravitaillement, ne m’ont pas permis de me mettre dedans.

Le ravitaillement, parlons-en. Un ravito complet est mis en place par l’organisation. Solides et liquides en tout genre sont à dispositions des coureurs durant la totalité de la course. J’ai quand même pris une table et amené quelques trucs à manger, surtout du salé : des fruits à coques grillés et légèrement salés par mes soins (cacahouètes, noix de pécan, noisettes, amandes), banane séchée, crackers au sésame et aussi des petits gâteaux épautre-citron. Pas de boisson énergétique, je prendrais ce qu’il y aura au ravitaillement officiel.

Arrivés sur place avec Solen à 10H30, je récupère rapidement mon dossard et finis de me préparer. Le coureur est fin prêt, la table du ravitaillement également. Petit briefing de Jean-Luc, le speaker-organisateur. Cette course est placée sous le signe de la solidarité, en effet, les bénéfices sont reversés pour la lutte contre la mucoviscidose. Le parcours est détaillé (à gauche, puis à gauche, encore à gauche et vous revoilà au point de départ !). Tous les coureurs se placent derrière la ligne de départ. Il est 11H, et le départ est donné.

Ça fait du monde. Certains partent vite, d’autres très lentement, c’est assez dur de se repérer. Le premier tour est passé à scruter la route. Les deux premiers tours sont menés par deux vélos, et ensuite, plus personne. Ça peut paraître bête, mais sur le coup, je stresse un peu de ne pas retrouver la bonne route d’ici quelques tours ! Bon, je vous rassure, on se repère très bien sur une boucle d’1,2 kilomètres, pas de souci à se faire. J’ai décidé de partir sur du 6 minutes au kilomètre. L’objectif du jour est clairement de m’approcher des 100 kilomètres, je trouvais que c’était une belle barre… Le premier tour est bouclé dans l’objectif en 6’03 » au kilo. Un coucou à Solen qui est installée à la table du ravitaillement ! Le temps risque d’être un peu long pour elle ! Après 3 tours, je fais mon premier arrêt éclair pour boire quelques gorgées d’eau, puis repars aussitôt. J’ai décidé de manger toutes les heures, et de boire tous les 2-3 tours. Il fait vraiment très chaud en ce début d’après midi. Chaque passage sur le tapis électronique émet sont bip caractéristique, la puce fixée à ma chaussure jouant son rôle. Jusque là du classique, mais en plus de ce petit bruit, le classement se met à jour automatiquement. Un écran, tourné coté route permet de s’informer tout en courant. C’est assez hypnotique, je n’ai pas réussi à faire un passage sans regarder cet écran.

Je franchis les 10 premiers kilomètres en 1H01, bien dans l’objectif quoi ! Je me sens bien, je suis dans ma bulle. Un petit coucou à Solen à chaque passage, et les tours s’enchaînent. Alors que j’étais 12ème sur les premiers tours, je progresse petit à petit pour atteindre la 9ème place. Les jambes répondent bien, et j’essaye de ne pas penser à la durée de course restante.

Je poursuis sur le même rythme, puisque je passe les 20Km après 2H02’02 » ! Je continue ma routine de ravitaillement, je mange quelques aliments perso, et je m’arrête au ravitaillement officiel pour boire régulièrement. Je parcours un tour avec un autre coureur, un habitué des 12H des Yvelines. Ça fait du bien de parler un peu. Il fait très chaud, je longe les murs pour profiter du peu d’ombre disponible sur la route. Je commence à sentir mes jambes, enfin surtout les adducteurs. J’avais déjà eu un souci il y a peu de temps. En fait, c’est comme si mes adducteurs étaient courbaturés, alors que la course n’est pas commencée depuis si longtemps que ça. Mais bon, pour le moment, c’est le seul signe négatif, et j’arrive à passer outre. Surtout que je suis toujours sur le rythme que je m’étais fixé.

Toujours aussi régulier, je passe les 30 kilomètres en 3H07’42 ». Mais imperceptiblement, je commence à fatiguer. Je continue de regarder l’écran à chaque passage, obnubilé. Assez rapidement, les jambes durcissent, et je dois fournir plus d’effort pour tenir le 6′/kilo. Je recommence à discuter avec des concurrents, cette fois-ci, le sujet est la moto ! C’est bien, ça permet de passer un peu le temps, mais un arrêt au ravitaillement me fait perdre leur compagnie. Je repars mais je commence à cogiter tranquillement… Peu de temps après, c’est Sandra, une amie du club, qui passe avec son copain. Ils sont en vélo, et ont fait ce détour exprès pour m’encourager ! Ils font quelques tours avec moi, ça permet de faire passer le temps plus vite. Sur le parcours, je retrouve ma mère, passée me soutenir un moment ! Ça me fait plaisir tout ces gens, pourtant, je crois que déjà à ce moment, le mental a commencé à s’effriter.

Le rythme est toujours aussi régulier, je passe les 40 kilomètres en 4H11’27 ». Au tiers de la course, je décide de prendre un ravitaillement un peu plus consistant. Je m’arrête au ravitaillement et prends une soupe. Je m’assois avec Solen et ma mère et commence à manger, mais je décide de manger en marchant. Sur le coup, le potage au poireau me fait du bien. Mais il me donne soif, et me pèse sur l’estomac. Le temps se couvre petit à petit. Je m’arrête à la table, bois de l’eau et troc mon t-shirt sans manche pour le maillot du club. J’essaye de faire bonne figure, mais le moral plonge d’un coup. Je commence à psychoter sur mon ventre, sur mon rythme, sur le temps qu’il reste à courir…

En fait, c’est le scénario de Millau qui se répète : j’ai des problèmes de digestion qui entraînent un découragement et plombent mon mental. J’ai des crampes d’estomac, et des remontées acides. Mon rythme tombe à 6’30 » au kilo. Solen voit que je ne suis pas au mieux et m’encourage, me motive. Je continue à tourner, tant bien que mal. A ce moment là, je continue à regarder à chaque passage l’écran qui indique le classement, et je ne peux m’empêcher de penser à chaque fois « tu ne feras jamais 100Km, impossible ». Bien sûr, cela ne joue pas en ma faveur pour que le mental reparte… Le temps se gâte complètement, et alors qu’Anaïs et Alex arrivent sur place, les premières gouttes tombent. Ce n’est pas trop important pour le moment, mais le ciel est bien gris. Alex fait quelques tours avec moi. Je suis au fond du trou, et même l’arrivée de mes amis n’arrive pas à m’en sortir. J’enchaîne les tours en trottinant ou en marchant, mais le cœur n’y est plus. Je me souviens m’être fait la remarque que je venais de gagner une place. Alors que je le dis à Solen, en mode « comment c’est possible vu mon rythme ? », elle me dit qu’un coureur a abandonné (il était 2ème). Je m’arrête 5 minutes, puis repars après m’être fait remotivé par mes supporters.

Les 50Km sont passés après 5H39′ de course (soit 1H28 pour faire les 10 derniers kilomètres). Peu de temps après, les Leleu arrivent. Anne fait un tour avec moi, puis c’est Philippe qui m’accompagne. Chacun essaye de savoir ce qui se passe, si j’ai mal quelque part… J’ai mal aux jambes, ma tête est au 6ème sous sol, à part ça, ça va. Je m’arrête de plus en plus souvent, et ne repart maintenant que parce que je ne veux pas décevoir Solen, ma mère et mes amis présents. Mais je crois que maintenant, je sais que je vais m’arrêter. C’est incroyable la facilité avec laquelle la tête peut tout faire basculer. Je ne veux pas, mais j’en viens à chercher toutes les excuses possibles pour m’arrêter. Je n’ai plus de plaisir à courir, et ce depuis presque deux heures. Je n’y arrive plus, je n’y suis plus. Je veux rentrer chez nous, prendre une douche chaude, me coucher. Je ne vois pas comment je pourrais tenir les 12H, même le faire en marchant me semble complètement inaccessible. A chaque passage à la table, je vois les regards des copains, bien embêtés de me voir comme ça… Franchement, à ce moment, j’ai honte de moi et du spectacle que je donne… Sur la piste, les autres coureurs enchaînent les tours. Moi, je suis bloqué. Lorsque je cours, je suis sur du 6’30 »/kilo. Je me souviens avoir trouvé cette allure ridicule, j’en ai même fait part à Alex tandis qu’il m’accompagnait. Lui me rétorque que c’est tout à fait bien après plusieurs heures de course. Je suis tellement mal que je ne l’entend pas, et reste bloqué sur mon idée. Avec le recule, je sais qu’Alex avait raison.

Je repars après un énième arrêt, je n’arrive plus à courir, l’estomac se déchaîne, mes jambes pèsent des tonnes. J’ai des nausées et je suis à deux doigts de vomir à plusieurs reprises. La pluie recommence soudainement, je suis à la moitié du tour. Je stoppe net. Pourquoi continuer à jouer la comédie ? Je ne repartirais pas pour un nouveau tour. Je finis celui-là en marchant, trempé, les larmes aux yeux. J’abandonne. Je pense que Solen et les copains le comprennent tout de suite en me voyant. Regroupés sous un arbre pour se protéger de la pluie, ils m’attendent. Je n’ose même pas les regarder, je suis tellement déçu. Je lance un « j’arrête » à peine compréhensible et m’assois sur le trottoir, la tête entre mes bras, pour ne voir personne et cacher un minimum mes sanglots… Solen essaye une nouvelle fois de me faire repartir, mais non, pas cette fois. Je me lève, répète que j’arrête, et leur dit que je suis désolé. Je ressens instantanément un sentiment puissant de soulagement. J’ai pris ma décision, je l’assumerais. Je me change, et on remballe rapidement les affaires. Les Leleu repartent en courant, et nous, nous nous dirigeons vers les voitures. Je m’arrête sous la tente du pointage pour rendre ma puce et annoncer mon abandon. Je les remercie, et fais demi-tour. Pour retourner aux voitures, je dois remonter une partie du parcours. Je croise alors tous ces gens avec qui j’ai partagé ces quelques heures. Je voudrais me faire tout petit, qu’ils ne me voient pas. Je souhaite bon courage et bonne course à ceux avec qui j’ai échangés quelques paroles. Au final, 58,8Km parcourus en 6H47’59 ».

Dans la voiture, je commence à avoir froid. Une fois descendu, je n’arrive quasiment plus à marcher tellement mes adducteurs me font mal. Je prend un bain bien chaud, puis file faire une sieste après avoir été malade… Il doit être 18H, je devrais encore être en train de courir à ce moment là…

Et voilà, premier abandon. J’imagine qu’il faut aussi en passer par là pour progresser. Le lendemain, je suis moins déprimé que je l’aurais cru. C’est plus la semaine d’après que je commence à me dire que franchement, ça n’allait pas si mal que ça, que j’aurais pu (du ?) persévérer encore un peu, quitte à marcher, et que vraiment, je n’ai pas de volonté. Enfin bon, c’est digéré maintenant.

Forcément, après une expérience comme celle-là, ça fait réfléchir. Alors qu’est ce qui explique cet abandon ? Voici une liste non exhaustive :

  • Manque d’entraînement : j’ai couru l’Eco Trail de Paris le 25 mars, soit 8 semaines avant les 12H. Entre les deux, j’ai fait très peu de long, et très peu de route. Ce qui doit expliquer en partie que mes adducteurs aient très vite lâchés, le bitume étant destructeur pour celui qui n’y est pas (plus) habitué. Je pense vraiment que 8 semaines sont suffisantes pour enchaîner ces deux courses, il faut reprendre plus vite pour capitaliser sur l’Eco, quitte à faire une vraie pause après les 12H. J’ai axé les 8 semaines sur de la récupération active. J’aurais du remettre plus d’intensité dans mon entraînement.

  • Manque d’humilité : je me suis vu trop beau, je pensais vraiment que les 100Km étaient possibles. Quand j’ai commencé à aller mal, je n’ai pas su reléguer cet objectif de distance au second plan pour passer en mode « finisher » comme j’ai pu le faire à Millau (où j’avais d’ailleurs très bien fini). Le fait de voir son classement et la distance parcourue à la fin de chaque boucle est mortel sur ce plan là. Autant cela peut motiver lorsque le moral est bon, autant cela m’a plombé, pour deux raisons. D’abord, parce que ça m’a empêcher d’oublier l’objectif, et qu’en plus, je m’attendais à me voir rétrograder à chaque tour… Je pense que pour une première, j’aurais du partir avec pour seul but de découvrir ce type de course et de tenir les 12H.

    Mon premier arrêt pour boire est assez significatif : j’ai avalé trois gorgées en vitesse, en en renversant la moitié. Franchement, est-ce qu’on est à 15 seconde près sur une course comme ça ? Rétrospectivement, je trouve cet arrêt vraiment ridicule…

  • Digestion : A chaque fois que je pense avoir trouver quelque chose qui me convient, la course d’après me remet les pieds sur terre. Boisson isotonique ou eau, sucré, salé, je n’arrive pas à trouver quelque chose qui me convienne à coup sur… Encore une fois, le mal de ventre a fait chuter le mental à une vitesse impressionnante… Il faut que je continue à tester des choses, à me forcer à boire plus, je finirais bien par trouver la formule magique…

  • Mental : Est-ce que, mentalement, j’étais prêt pour une course comme ça ? Difficile à dire. Je n’ai pas ressenti de lassitude vis à vis du parcours, et j’ai été vraiment bien entouré pendant cette course. Mais une chose est sûr, savoir que la voiture n’est qu’à 5 minutes, et l’appart à 20 ne m’a pas encourager à continuer…

Pour conclure ce long CR introspectif, je voudrais remercier Solen, ma mère, Sandra et son copain, Anaïs et Alex, Anne et Philippe. Votre présence, vos encouragements, les tours que vous avez fait à mes cotés, en marchant ou en courant, m’ont aidé et m’ont permi de tenir et de ne pas abandonner trop tôt. Comme je l’ai dit le lendemain à Solen, « merci d’avoir rendu l’abandon difficile ». Je pense que si je n’ai finalement que peu de regrets par rapport à l’abandon, c’est parce que j’ai essayé, que je suis reparti plusieurs fois. Je n’ai pas arrêté à la première seconde où j’y ai pensé. Alors j’y retournerais, j’aurais ma revanche. Pourquoi pas avec une équipe RUMBA ? Il y a vraiment une ambiance particulière sur ce type de course. Pour finir, toutes mes pensées vont à l’équipe d’Ultra Passion, endeuillé par la disparition de Jean Luc, quelques jours à peine après la course.

2 commentaires

Commentaire de momoVH3 posté le 07-07-2012 à 19:52:07

Bon, tu as tout de même 59 kms, ce qui n'est pas mal du tout. Il faisait très chaud. Il faut s'alimenter plus souvent, disons tous les 2 ou 3 kms. Tu étais peut être aussi un peu vite. Quels sont les critères qui t'on dit: il faut que je coure à 10 kmh??? Est ce personnel ou est ce déduit de ta VMA ou de tes performances récentes?
Sache que tu n'es pas le seul à abandonner lorsque ça ne va vraiment pas. Pourquoi se détruire? En tout cas, joli CR. A un de ces jours peut être sur un ultra.

Commentaire de Eponyme posté le 08-07-2012 à 18:28:26

Merci pour ton commentaire. La vitesse, c'est un ensemble objectif perso et ressenti suite à l'Eco Trail 2012 (10H09) et aux 100Km de Millau 2011 (14H45). Avec le recul, je pense effectivement être parti trop vite, et m'être mis trop de "pression" avec cet objectif...

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