L'auteur : Mustang
La course : Ch'ti Trail Cafougnette
Date : 11/9/2011
Lieu : Escaudain (Nord)
Affichage : 1292 vues
Distance : 26km
Objectif : Pas d'objectif
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Pas d'autre récit pour cette course.
Morne plaine
Je ne devais pas prendre le départ. Je ne devais pas. J’avais pourtant annoncé à Eric mon attention de ne pas participer avant de revenir sur ma décision en début de semaine, juste avant la date limite d’inscription. Je voulais seulement avoir la liberté de choisir au dernier moment ! Quelle liberté lorsqu’on est le chauffeur de coureurs baignés dans une ambiance d’avant-course ! Quand je gare le Fiat sur le parking du F1, coincé entre l’autoroute et la voie rapide bordée par des installations pétrolières de stockage, je sais très bien ce que je vais faire le lendemain, même si je ne me le dis pas… un peu schizophrène, le canasson ! Ma tendre comprendra à mon retour pourquoi j’avais pris un si grand sac alors que je ne devais pas courir! Par pure provocation, par dérision ou en hommage au Lutin, au choix, j’arbore le magnifique t-shirt rose fluo d’Agon-Coutainville !
Toujours est-il que nous nous retrouvons tous les douze sur le stade d’Escaudain ce dimanche vers 9h. Devrais-je dire que le ciel est gris, un ciel du Nord ! Nous sommes dans la banlieue de Denain. Bernard, notre mentor, nous indique, qu’ici, les clubs sportifs bénéficient de beaucoup d’aides. A voir la magnifique piste d’athlé rouge du stade, je veux bien le croire. Pour une petite ville de 9 000 habitants, posséder un tel équipement est une vraie richesse même si la piste ne comporte que 4 couloirs.
Deux anciennes salles de classe préfabriquées ( aux parois amiantées !!), recyclées en foyer pour le club de foot et pour un autre club, encadrent une petite tribune couverte. Les poutres de cette dernière sont ornées de graffitis, si certains sont explicites sur les intentions amoureuses ou haineuses de quelques uns, d’autres sont plus sibyllines !
Dans le foyer du foot, trône un superbe comptoir agrémenté d’une tireuse à bière comme il se doit ! Eric retire nos dossards. Certains vont s’aligner sur la course nature de 15 km, les autres sur le 26 km. Est-il nécessaire de vous dire que je suis inscrit sur le 26 ? Nous avons tous revêtu notre beau maillot FSGT Trail61 orné du logo dont je suis l’auteur (!).
Tout à l’heure, je suis parti seul dans les rues désertes faire un petit échauffement pour connaître mes sensations. A son issue, j’ai bien l’impression que mon corps me donne un ticket de sortie ! Cette fois, je repars avec les autres pour faire chauffer la machine. Tout le monde est détendu, c’en est grisant. Même s’il s’agit des Fédéraux, il semble avoir peu de participants. Je note que quelques maillots de la région parisienne et de la de la Seine-Maritime. L’essentiel du peloton sera constitué des locaux. Tout à l’heure, j’apercevrai un coureur de Marseille ! La majorité va courir le 15 alors qu’une petite trentaine sera sur le 26 ! Dommage, cela ôte le sens à ces Fédéraux qui se veulent rassembler tous les coureurs FSGT de France !
Il est passé 10h00. Le maigre peloton pour les deux courses s’est regroupé derrière la ligne de départ à l’injonction ferme de l’organisateur. Mais nous attendons car le maire est en retard ! Je me suis placé en retrait ; pour moi, ce sera footing. Ça tombe bien, à vrai dire, à part Brasparts et Agon et deux footings durant l’été, je n’ai pas suivi d’entraînement depuis juin. Ouah, ouah ! Voilà, tout le monde est là, le maire, la députée. Nous pouvons partir. Non, tradition oblige, nous sommes dans le Nord, il faut procéder à un lâcher de pigeons. Ma foi, c’est bien sympathique.
photo: organisation
Madame la députée tient le pistolet d’une main guère rassurée. Elle appuie sur la détente, voilà, nous partons. Nous traversons d’abord les faubourgs coquets d’Escaudain avant d’arriver en campagne.
Morne plaine. Lignes à haute tension, cheminées, tour de refroidissement, terrils se dressent au-dessus des terres labourées et des champs de betteraves. Eric et Sylvie s’éloignent progressivement. Je garde ma petite allure, contrariée par le fort vent de face qui balaie la plaine.
Tout à l’heure, nous avons juste longé un terril. Il nous en a été promis trois en fin de parcours ! Même si ce paysage semble ingrat, je prends plaisir à trotter de part les chemins. Pour l’instant, j’évolue encore en compagnie de coureurs. Voilà le ravitaillement du 7 km : juste de l’eau ! Va pour un gobelet que je repose sur la table, d’autres n’auront pas ce respect en s’en débarrassant sur le sol sur les quelques dizaines de mètres qui suivent.
Je passe sous l’autoroute pour rejoindre un parc. Les allées sablées sont larges. En fait, il s’agit d’une ancienne friche industrielle reconvertie. Le terrain est vallonné. Des bouleaux ont colonisé ce territoire redonné à la nature. Je traverse une route, bien protégé par des signaleurs très attentifs à ma sécurité. A nouveau, je progresse au milieu des champs. La pluie commence à tomber. Mais elle se fait discrète comme si elle voulait s’excuser d’ajouter de la tristesse à ce paysage ravagé par l’homme. Voilà le 11e km, les coureurs du court prennent à gauche ; pour le long, c’est à droite. Une route à traverser, et me voilà seul dans cette nouvelle friche reconvertie. Sur une longue ligne droite, je double quelques promeneurs. Mes chevilles me laissent tranquille, je respire bien, je tiens un petit 11 à l’heure. Je me sens bien juste un peu inquiet sur la suite du programme. En fait, j’accomplis une petite boucle pour revenir au point de séparation de tout à l’heure. Et je trouve un long chemin où je double l’arrière-garde du peloton du 15 ! Ceux-ci ont la gentillesse de m’encourager. Je rejoins une ligne de chemin de fer que je vais longer par un chemin désolé jusqu’au bourg de Rœulx. Je traverse l’avenue là encore bien protégé par une brigade de signaleurs. Le parcours m’emmène dans un quartier pavillonnaire. Je trouve les maisons de brique bien jolies. Les rues sont désertes. Seules, les vestes jaunes des signaleurs annoncent une présence humaine.
Je quitte le bourg pour rejoindre un nouveau parc. Ah, voilà un juge de paix ! Un terril se dresse devant moi. Il n’a pas la forme conique attendue mais il a l’air de tenir ses promesses. La piste est noire.
Au sommet, j’aperçois une forme qui semble assise.
Je m’arrête pour photographier l’inscription qui précède la montée : « Courage ! ». Je souris. Après le premier palier : « Encore ! ». L’homme au sommet m’encourage. Certes les derniers mètres sont bien raides mais je m’attendais à pire. Le sommet a été arasé. La descente s’effectue dans du croulant sans problème. C’est un bon moment ludique. Je continue ma course solitaire par une rue pour retourner dans le centre de Rœulx. Cette fois, je franchis les voies ferrées par un pont métallique. Les signaleurs toujours aussi nombreux sont toujours aussi attentifs à ma sécurité et m’encouragent gentiment. Cela fait chaud au cœur. Je ne vois pas le regard des automobilistes arrêtés dans leur voiture. Le 20e km se profile. Je commence à peiner, pas étonnant avec l’absence d’entraînement. Le ciel se plombe de plus en plus. Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité … Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner.
J’aborde le dernier terril. Ce n’est qu’une modeste côte d’une vingtaine de mètres. « Courage ! ». Un « ouf » m’accueille à son sommet. J’adore !
La descente est rapide de l’autre côté. Le terrain est vague, comme on dit. La végétation désordonnée n’arrive pas à cacher tous les immondices laissées par l’homme. J’arrive à nouveau dans un grand parc qui cache une friche industrielle. Petite à petit, l’herbe recouvre le béton. Je devine d’anciennes voies. Etait-ce un carreau de mine ? Et là, sous mes pieds, fermées à jamais, les galeries où tant d’hommes ont peiné. Ma solitude à ce moment renforce cette impression trouble de cheminer en compagnie de fantômes. Un sordide tunnel me permet de franchir l’autoroute. Je débouche sur une immense esplanade herbeuse où trône un formidable objet noir posé sur un socle de béton. J’en reste saisi. A quoi pouvait bien servir cette colossale machine, désormais monument dérisoire du génie humain.
photo récupérée sur le net
Je rejoins la route. La course s’achève. Un dernier virage à droite, je pénètre dans Escaudain. Voilà l’entrée du stade. Mon cœur s’allège. J’aperçois un couple qui en termine sur la piste. Je cherche le passage pour y entrer mais je comprends qu’il faut contourner d’abord la piste par l’extérieur pour y entrer ensuite et faire un tour d’honneur. Grrr. Yannick et Jean-Louis, arrivés depuis longtemps m’accompagnent sur la piste rouge. Très chers amis ! Voilà, j’en ai terminé. Bien dans ma tête, bien dans mon corps.
Ce fut un parcours qui aurait pu paraître morne mais qui, en fait, est transcendé par son humanité.
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6 commentaires
Commentaire de totoro posté le 15-09-2011 à 08:54:18
Tu es allé dans le plat pays qui est le mien, j'ai habité 25 ans à 10 bornes d'Escaudain :-) Bravo pour ton récit et merci !
Commentaire de xaxa posté le 15-09-2011 à 09:39:06
Effectivement Mustang pas encore de repos cette fois-ci !
Joli compte rendu en tout cas.
Commentaire de domi81 posté le 15-09-2011 à 19:15:16
belle épreuve avec des bosses ENORMES ! ;)
félicitations pour la course et le CR.
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 15-09-2011 à 20:26:46
C'est la plaine des Sports en plus grand... Toujours poétique le Mustang !
Commentaire de Vivien (100bornard1022) posté le 15-09-2011 à 21:13:26
Joli récit empli d'émotions !
Tu as visiblement pris beaucoup de plaisir ... Bravo à toi !
Commentaire de RogerRunner13 posté le 16-09-2011 à 17:54:23
Un très beau récit, toujours aussi poétique, merci et bravo pour ta course.
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