Récit de la course : 24 heures de Villepreux 2005, par forrest78
2 autres récits :
- Les récits de 2007 (1)
- Les récits de 2005 (1)
Les 24h de Villepreux
De Millau à Villepreux
Autant le dire tout de suite et lever le suspense : je suis circadien depuis ce WE.
J'ai pris la décision de courir un 24h après mon périple de septembre sur les routes millavoises. Encore sur mon nuage de néo-centbornard, Vincent le Squale ouvre un fil sur le forum de maître HeubiOne sur les objectifs ADDM (Au Dela Du Marathon pour les néophytes) de chacun. LaPluche donne le sien : les 24h de Villepreux, le WE du 02/12, dans le cadre du Téléthon. Quoi, Villepreux dans le 7-8, à côté de chez moi ??? ll ne me faut pas très longtemps pour me décider à tenter le double tour d'horloge. Toujours plus loin, toujours plus fou !!! Moi qui ne voulais courir qu'un 10 bornes d'ici la fin de l'année, me voila de retour dans l'ultra. Et là, je devrais avoir quelques supporters pour me pousser, la famille, les copains.
Bref, 2005 restera comme l'année des grandes premières : 1er 100 kms, 1er 24h.
Mon principal objectif est de préparer les 24h de Saint Maixent en septembre 2006, de voir comment je réagis sur un tourniquet de 1600 mètres pendant un temps aussi long. J'espère y emmagasiner un maximum d'expérience. Secrètement, j'aimerais approcher la barre des 170 kms. Mais par dessus tout, se faire plaisir, courir dans la nuit, ce qui j'avais particulièrement apprécié pendant 2 heures à Millau, à la recherche de sensations nouvelles.
Ma préparation s'est déroulée dans la continuité de celle de mon premier 100 bornes : quasiment que des sorties à vitesse spécifique, dont quelques unes avec Dominique MonsterTruck, agrémentées de temps à autre de séances de fractionné sur piste, peu intenses mais néanmoins suffisantes pour varier les plaisirs. Il faut dire qu'une légère gène à l'intérieur du genou gauche m'a obligé à rester prudent et à ne pas pousser la machine dans ces derniers retranchements.
Vendredi 02/12/2005
N'ayant pu me soustraire à une importance réunion de boulot, je suis bien obligé de me lever à 6h pour prendre mon train. J'ai quand même posé mon après-midi, et je suis de retour à la maison à 13h30. Direction la sieste. La pression monte peu à peu, mais le sommeil vient facilement. Bientôt 16h, l'heure d'aller chercher les enfants à l'école, puis de goûter. Enfin, si l'on peut dire car pour moi, ce sera un plat de nouilles. Je vérifie mon sac, tout y est. Il est 17h30, l'heure d'embrasser ma petite famille et de rejoindre le gymnase Alain Mimoun de Villepreux. Mimoun, mon 1er souvenir de CAP, en 1974, dans le bois de Chaville, il me semble : je me souviens de mon paternel l'applaudissant à son passage.
L'avant-course
Quelques minutes suffisent pour arriver sur place. Durant l'épreuve, nous occuperons les vestiaires de la piscine. J'espère que ce n'est pas de mauvaise augure, avec le ciel menaçant à l'horizon ! Une salle de repos a été aménagée, je compte bien l'éviter. Je fais la connaissance de Yvon le Chacal, qui vient préparer la Mauritanienne, 200 kms début mars à parcourir en moins de 75 heures. Le reste du Team Heubi n'est pas encore là. Nous devons a priori être 5 du forum ADDM à en découdre sur le pavé villepreusien : le Chacal donc, Tonio, rencontré à Millau ( le meneur d'allure de 16h, c'était lui), la Pluche, Yannick et moi-même. Nous avons prévu avec le Squale de s'appeler régulièrement, lui qui va courir au même moment à Vallauris pour 24h également (enfin presque car le départ est prévu à midi le samedi). Ayant le même objectif kilométrique, je compte bien lui mettre un peu la pression (pas la mousse qu'on partagera à notre prochaine rencontre...) en respectant les temps de passage prévus !
Ma tactique de course est très simple, sachant que prudence et régularité sont les 2 maîtres mots de l'ultra. Je vais appliquer la méthode Cyrano qui avait marché à merveille à Millau, en alternant course et marche. Sur les 12 premières heures, à la fin de chaque tour de 1600m, je vais marcher 1 minute, puis reprendre la course à une vitesse de 9,5 km/h. Ainsi la vitesse moyenne sera de 9km/h. Puis, je compte diminuer ma vitesse de course à 7,5 km/h jusqu'à ce que la marche prenne définivement le dessus (le plus tard possible j'espère). Une pause de 5 minutes est prévu toutes les 4 heures.
Je redoute essentiellement la pluie (le froid, ça devrait aller) et la nuit entre minuit et 4 heures du matin. Mais là, j'ai un joker en la personne de Dominique MonsterTruck qui partagera ma route, et je l'en remercie d'avance.
Mon portable sonne : c'est le Squale qui vient nous encourager et nous souhaiter une bonne course. Je me prépare tranquillement, sans vraiment me rendre que la course va durer 24 heures. J'évite d'y penser pour ne pas cogiter. Le vestiaire se remplit petit à petit, avec les retrouvailles entre groniards de l'ultra. Les dossards sont distribués par l'organisation vers 18h45 : ils sont munis d'une puce, pour faciliter le comptage des tours. Pour ma part, j'ai décidé de les compter dans ma tête, ça m'occupera un peu. Mais toujours pas d'autres forumistes en vue : il n'y a que Yvon et moi.
A 19h10, nous nous dirigeons vers la gymnase où nous avons droit aux honneurs de la foule en délire. Le moment est sympa et Pascal, le responsable de l'AccroRun de Villepreux et organisateur des 24h, en profite pour présenter les favoris et leurs objectifs.
La course
Nous quittons ce lieu sur-chauffé pour le départ. Le 1er tour se fera tous ensemble, c'est-à-dire que 40 participants en individuel pour la totale, plus quelques coureurs venus faire quelques tours, afin de vérifier le bon fonctionnement des puces. Tout va bien, la meute est lâchée, il est exactement 19h23. Les conditions sont relativement correctes : il ne fait pas trop froid, il ne pleut pas, mais le contre-partie est un vent assez fort.
J'aperçois alors au loin Tonio, parti comme une fusée, fidèle à son habitude millavoise !!! Il est certainement arrivé au dernier moment, car je ne l'ai pas vu dans le gymnase. Et toujours pas de nouvelles de LaPluche et de Yannick. Je me cale d'emblée sur mon allure de croisière, c'est-à-dire 10 minutes au tour, soit 9,6 km/h. Le circuit est loin d'être plat, avec quelques faux plats et surtout un ridicule monticule d'un mètre qui se revèlera être une véritable montagne au fil des tours. Il y a également un secteur où les coureurs et coureuses se croisent 2 fois, permettant ainsi de s'encourager, ce qui est sympathique. En revanche, ce qui l'est moins, c'est que nous devons traverser la même route 2 fois, ce qui inquiète le Chacal. Malgré les passages piétons, Yvon avait raison comme nous le verrons plus loin.
Les 3 premières heures sont régulières, exactement 6 tours par heure, légèrement plus rapide que le tempo prévu de 600 mètres par heure, mais plus facile à suivre. Arrêt toilettes à l'entame de la 4ème heure, et reprise de allure. Je me ravitaille en liquide et solide (sucré et salé) tous les 2 tours. Tout est ok, et l'appel sur le portable de ma petite famille me donne la pêche. Moi qui redoutait la pluie, tout se passe à merveille. Le vent n'est pas encore trop génant, et chasse les nuages pour faire place à un ciel étoilé superbe. J'en profite pour discuter avec mes compagnons, notamment les 2 Pascal : le futur vainqueur (un UFO) et l'organisateur, évoquant notre maître Bruno et l'UTMB.
Comme prévu, je m'arrête à la fin de la 4ème heure et un peu plus de 38 kms de course pour un ravitaillement plus long. J'en profite pour troquer mon T-shirt à manches courtes contre un à manches longues (euh, j'ai quand même une polaire par dessus, je suis frileux, moi) et boire une bonne soupe bien chaude. J'applique également de la pommade anti-inflammatoire sur mon genou gauche. Après 10 minutes, je repars. Il est déjà plus de minuit et demi. Le marathon est passé en 4h35. Dominique arrive alors et part se changer pour nous tenir compagnie quelques heures. Il sera mon coach mental sur cette course !
Les premiers tours en sa compagnie se passent bien, mais le vent se renforce et la température chute. Le moment tant redouté est là. L'allure diminue et les portions de marche se font plus nombreuses et plus longues. Nous faisons alors la connaissance de Yannick, qui n'ira malheureusement pas au terme des 24h. Nous sommes impressionnés par un gars qui tourne comme un métronome : nous apprendrons après la course qu'il s'agissait de LaPluche, qui devra lui aussi arrêter vers la mi-course, victime de tendinites.
Bientôt j'enchaîne même quelques tours complets en marchant et ne reprend la course qu'épisodiquement. Ma femme m'appelle vers 3h pour m'encourager, ça me remonte un peu le moral. Vers 4h, nous rejoignons les vestiaires, Dominique quitte la course et me promet de revenir vers 11h. Le Chacal est lui aussi au chaud, allongé sur un banc. Il décide de stopper là, afin de ne pas se blesser en vue de son objectif mauritanien. Je me fais violence pour retourner dehors, je reprend en marchant. Je souffre, je grelotte, je me répète que 24h est une course inhumaine, je me demande ce que je fais ici alors que mon lit n'est qu'à quelques kilomètres. A 5h, je retourne aux vestiaires, le moral dans les chaussettes et un mal aux jambes indescriptible. J'ai alors accompli 47 tours, soit 75,2 kms en 9h40 (moyenne 7,8 km/h). Malgré toute ma bonne volonté, je décide d'aller de prendre la couverture que ma petite femme m'a conseillé de prendre juste avant de quitter la maison et de m'allonger dans la salle de repos. Je m'endors presque instantanément.
Soudain, mon portable sonne : quelle heure est-il ? 7h10, je dors depuis 2h et miracle, mes jambes vont plutôt bien. C'est ma petite femme qui vient prendre de mes nouvelles. Je lui explique la situation, elle me dit qu'elle est fière de moi. Je décide de me lever et de repartir après avoir bu un bol de soupe bien chaude. La tête un peu enfarinée, je me chausse et mets le nez dehors. Le jour commence à se lever, c'est le moment que j'ai attendu une bonne partie de la nuit. Comme par enchantement, le moral revient définitivement après l'appel du Squale, dont le 24h va commencer dans moins de 5 heures. Je lui dis que je le rappelerai avant le départ. Je cours désormais, et les tours s'enchaînent, mon objectif étant de franchir les 150 kms (94 tours). Je sens que c'est possible, mais il ne faudra pas de défaillance.
A 9h30, j'en suis à présent à 91 kms quand cette fois, c'est mon paternel qui m'appelle, en direct live de la Réunion. Il me sabote un peu le moral avec ses 30°C et sa plage, mais pas grave, ici aussi la température grimpe. Je lui ai donné l'adresse de Joël Delmas pour avoir quelques trajets de randonnée. La Réunion, la Diagonale : j'y pense, mais pas pour tout de suite !!!
Le vent ne faiblit toujours pas, mais je le subis moins que cette nuit La barrière symbolique des 100 kms est franchie après 15 heures d'efforts. J'alterne course et marche, je me sens relativement bien, les jambes tiennent le coup. Puis vient le moment redouté par le Chacal. Alors que je traverse la route, un blaireau dans une grosse berline allemande force le passage et rate de peu mes pieds. J'ai le temps de lui savater l'aile arrière gauche pour lui signifier ma colère. La voiture s'arrête et un gros rougeot en descend, me bouscule et tente de me coller une droite. Ca va, il n'a pas le punch du Tyson de la grande époque et malgré mes 16 heures de course, j'esquive facilement le coup. Je le repousse et décide de poursuivre ma route, c'est que j'ai un objectif à tenir, moi, et je n'ai pas envie de gaspiller le peu d'énergie qui me reste avec un abruti qui ferait mieux de courir pour s'oxygéner les neurones... Cet épisode me fait quand même un peu psychoter et le moral repart vers le bas. Mais heureusement pour moi, il est bientôt 11h, l'heure du retour de coach Domi pour quelques tours. Je ne parle pas de ce qui vient de se passer et à mon grand regret, je ne suis pas en mesure de courir. C'est donc en marchant que nous discutons de tout et de rien, mais ça me fait énormément de bien. Nous nous arrêtons pour un gros ravitaillement. J'ai une faim de loup et dévore tout ce qui est à portée de cuillère ! Nous engageons la discute avec Philippe, un Sarthois qui va s'installer prochainement en Ardèche. Il ne connait pas la distance qu'il a parcouru, un problème de puce apparemment. J'en profite pour appeler Vincent. Il est en pleine forme, mais me signale qu'une portion du parcours à Vallauris est engloutie par les flots. Ca ne doit pas être bien génant pour un squale (je l'encourage comme je peux...). Dominique quitte alors les lieux mais reviendra dans l'après-midi, en spectateur cette fois.
Je repars après 20 minutes de pause, j'en suis à présent à 17h de course et 68 tours, soit 108,8 kms. Il me reste donc un marathon à parcourir pour atteindre mon nirvana, c'est faisable en 7 heures. Je n'ai plus que ça en tête : à chaque tour, je recalcule mentalement la moyenne qu'il me faut tenir pour y arriver. Les 4 heures qui suivent se déroulent sans problème particulier, à une moyenne de 6 km/h, mais sans prendre beaucoup de plaisir à courir et marcher. Quelques coups de fil viennent rompre la monotonie : ma petite femme et mes p'tits loups, ma grande fille Gwendoline, mon frangin Greg et de nouveau les vacanciers réunionnais. Quelques kilomètres sont partagés avec mes compagnons de route. Il est 16h quand à la fin du 83ème tour (= 132,8 kms), j'ai l'honneur des photographes. Est-ce pour la gazette locale ? pour Stade 2 ? C'est Coach Domi qui est revenu, ainsi qu'un couple de copains (Cathy et Manu). On discute un instant, et repars en courant pour leur montrer qu'on peut encore être fringant après 21 heures de course ! Cette 22ème heure me permet en principe d'assurer l'objectif fixé puisque je parcours plus de 8 kilomètres. Il me reste donc 2 heures pour les 9 dernières bornes, ça sent bon. Je décide de marcher, toujours en calculant à chaque passage la moyenne à tenir jusqu'à 19h23. A chaque fois qu'on se croise avec Philippe et Tonio, on s'encourage, l'ambiance est vraiment sympa et j'essaie de profiter au maximum de cette fin de course. La pluie fait enfin son apparition, mais à ce moment de l'épreuve, ça ne me dérange plus.
Plus que 4 tours, plus que 3 tours et encore 1h10 à tenir. C'est presque gagné, mais je suis dans un état d'extrème lassitude, un vrai robot qui avance mécaniquement un pied puis l'autre, sans réfléchir. Encore 2 tours, les trottoirs sont de véritables murs, puis enfin le dernier : j'ai 29 minutes pour le faire, ça devrait aller. Je décide de m'arrêter à la fin de ce tour, mais de toute façon, on n'ira pas plus loin, Pascal neutralise le course. Verdict : 150,4 kms, il était temps, mais je l'ai fait !!!
L'après-course
On se congratule avec Tonio et Philippe. L'ambiance dans le vestiaire est sur-réaliste : tout le monde est joyeux malgré la fatigue accumulée. Après nous être changés, nous rejoignons le gymnase une dernière fois pour la remise des récompenses. Séance photos, applaudissements. Il est l'heure de regagner ma chaumière et de retrouver les miens.
Je suis content de mon kilométrage et de mon état de santé (pas de tendinites, pas d'ampoules -enfin juste un début mais qui n'a pas cloqué-, pas de problèmes musculaires etc...) vu les conditions difficiles, mais j'espère beaucoup mieux gérer mes pauses pour mon 2nd double tour d'horloge à St Maixent en septembre 2006. Ici, j'ai trop subi. Place au repos maintenant, et début janvier, je repars au combat, pour mon prochain objectif : les 100 kms de Belvès fin avril 2006.
Je remercie tout particulièrement Dominique qui a été un super soutien, surtout dans les moments durs, sans qui je n'aurais probablement pas franchi ces 150 kms, ainsi que les membres de l'AccroRun (Pascal, Yves et les autres) et toutes les personnes qui ont pensé à moi pendant cette journée.
2 commentaires
Commentaire de eric41 posté le 07-12-2005 à 12:50:00
Bravo Forrest pour ce CR et cette très belle course pour une première.
J'ai aussi fait mon premier 100 km cette année et j'espère faire mon premier 24 heures en 2006 (décision fin décembre).Ca donne envie de tenter l'aventure.
Merci.
Eric
Commentaire de cagouille41 posté le 07-12-2005 à 15:35:00
Je me suis régalé à la lecture de ton CR. Encore un très grand bravo Olivier pour ta course, ton récit, et cette très grande année 2005.
Au plaisir de te revoir à Paris en avril, et pourquoi pas sur un 24h un de ces jours.
Jean-louis
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