Récit de la course : Euskal Trail - Endurance Trail 2010, par nono's coach

L'auteur : nono's coach

La course : Euskal Trail - Endurance Trail

Date : 14/5/2010

Lieu : Baigorri (Pyrénées-Atlantiques)

Affichage : 2680 vues

Distance : 130km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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Euskal trail 2010

 

4 ans! 4 ans que cette course en duo (2*65km) dans les montagnes basques nous narguent.

Mais avec le pont de l'ascension enfin accordé aux écoles de Plaisir, nous allons pouvoir participer à ce trail hors norme.

Arnaud et moi avons passé notre hiver à nous préparer spécifiquement aux montés et aux descentes.

Dans la région, les bosses à plus de 20% n'excèdent pas les 60 m+. Alors il faut les enfiler par 10, 15, 20 et plus si affinités... passionnant et inefficace (ou plutôt l'inverse)

En plus du spécifique, nous avons couru des crosss (sisi, il y en a plusieurs), un trail de 60 km en avril(le trail de Chevreuse), une course nature fin avril de 36km (les portes du Vexin).

Bref, on est prêt à en découdre avec la montagne.

 

Jeudi

 

Nous descendons en voiture dans les Pyrénées avec Alexandre un autre traileur (vive la joie du co-voiturage). Nous récupérons mon père à Tours. Il sera notre soutien logistique du week-end (chauffeur, sherpa, supporter, cameraman, bref le papa à tout faire).

Arrivés en fin d'après-midi, nous découvrons une excellente organisation . Tout est fait pour nous rassurer, la pasta party est copieuse, même le temps semble s'assagir.

Nous logeons à l'auberge des Aldudes, à 3 km des départs du vendredi et samedi.

La chambre de 7 lits est petite pour 6 traileurs mâles surchargés de vêtements chauds et de victuailles (l'apocalypse est prévue pour le le week-end). De plus, les trois couples ne font pas la même course. Nous partons à 6h, les autres à 8h ou 10h, donc nous n'avons pas le même rythme et il faudra co-habiter en dérangeant le moins possible.

 

Vendredi : rando-trail au paradis

 

 

 

 

Nous nous levons à 5h car nous sommes proches du départ. La nuit a été courte et bruyante. Une espèce rare d'éléphant de mer asthmatique s'est glissé pendant la nuit dans le lit d'un concurrent du 2*25km. Ses barrissements monstrueux sont peut-être à l'origine de la première bonne surprise de la journée. Les nuages effrayés se sont dissipés et l'aube est claire.

Nous arrivons les derniers sur la lignes de départ (il vaut mieux dans ce sens). Les dernières recommandations de l'organisateur sont rassurantes et encourageantes. Nous sommes ravis d'être là et nous nous promettons de prendre du plaisir.

 

Les premiers kilomètres sont idylliques. Nous arrivons aux Aldudes en 51' et nous progressons tranquillement vers le col d'Otsachar( 1h27) qui ressemble par moment à un green de golf. Ensuite nous prenons un chemin de travers dans des tonnes de feuilles de hêtres. Nous sommes prudents en descente et nous nous faisons souvent doubler.

 

Ensuite vient la plus terrible montée de l'Euskal vers la crête d'Olapide , soit 570m+ en 2 km. Tranquillement mais surement, nous doublons et marchons sans trop souffrir ( Que ceux qui n'aime pas les vantards ne lisent pas la prochaine ligne) Par moment, j'aurai pu courir et mon pouls en haut ne dépassait pas 140. Par un chemin de crête nous arrivons au col de Mehatze ( 3h03, 12è) et nous descendons d'interminables chemins et routes bitumées vers Valcarlos puis nous suivons la vallée jusqu'à Arnegui ( 4h02, 9è).

A partir de ce point, nous avons parcouru la moitié de l'étape. C'est aussi à partir de ce point que nous connaissons nos premiers malaises.

Arno ouvre le bal. Il n'a plus trop de jus et compte beaucoup sur ses bâtons dans la montée vers le col d'ehuntzaroy. Nous doublons un couple! Monsieur n'a pas besoin de tirer sa femme en montée(sic). Madame courotte dans les pentes pourtant abruptes. Elle nous fait forte impression.

Enfin au col (5h27, 8è), nous basculons une avant dernière fois dans la vallée. Arno récupère bien au gros ravitaillement de Banca (6h20, 8è). J'ai une pêche d'enfer et je me sens prêt à croquer le duo qui nous nargue depuis 1h, à 3mn devant nous.

Chez moi, ce sentiment conduit souvent vers le « champs » du cygne.

 

La chronique de l'agonie annoncée commence au milieu de l'ascension du Munhoa. Je blanchis, je ralentis, chaque pas me pèse. Il faut que je mange. Alors j'engloutis sans me rendre compte 150g d'abricots secs bios (ceux qui ressemblent à des pruneaux!) et 4 tranches de pain d'épices. Ça va mieux mais je ne pourrai plus accélérer. Devant, le duo ne faiblit pas et creuse un écart à la mesure de ma fringale, soit 12' au sommet,qu'il conserveront jusqu'à l'arrivée!

Arno est plus en forme et nous mène en haut du Munhoa en 8h.

La descente se fera « dré dans l'pentu » et fera très mal aux quadriceps.

En revanche, les 3 derniers kilomètres ressembleront à des montagnes russes à travers les vignes de Baigorry.

 

Enfin, nous arrivons 8è en 9h02, à 1h10 des premiers certes (ils seront forfaits pour blessure le lendemain) mais à 30' des 3è.

Le plus important est que nous n'avons pas puisé dans nos réserves, car nous avons toujours eu en tête la prochaine journée de course.

 

Nous passons la fin de la journée ensoleillée à récupérer (douchage, massage, hydratage).

Le buffet du soir est exceptionnel. Alors qu'il est recommandé de manger un repas ovo-lacto-protéiné pour bien récupérer, le repas est plutôt du type charcuto-lipido-protéiné. Mon père commencera son régime plus tard.

Nous rentrons tôt à l'auberge, car nous nous lèverons demain à 4h30 pour ne pas trop stresser avant le départ.

Si nous avions lu l'avenir dans les tranches de pâté du banquet, nous n'aurions pas dormi de la nuit. Heureux les ignorants et reposés les simples d'esprit.

 

Samedi : ongi etorri (bienvenu au pays basque)

 

Il a plus toute la nuit des trombes d'eau. Au réveil, la pluie redouble d'intensité.

Pourtant, nous nous sentons près à en découdre, toujours émerveillés par la veille.

Nous arrivons un quart d'heure avant le départ. Mon père nous dépose devant la salle pour que nous puissions assister au briefing de la course (présence obligatoire selon le règlement).

Les visages sont inquiets et certains corps endoloris.

Le responsable de course prend la parole et dit (en résumé) avec un ton d'adjudant-chef :

 

« Hier, on a laissé passer certains concurrents après les barrières horaires. Mais aujourd'hui, vous aurez 8 km pour vous tester. Les ouvreurs ont essuyés, sous un vent fort, le grésil et la neige au premier sommet. La température est sous 0. Ça va être la GUERRE. »

 

Dans la salle, on entend plus que la pluie. Personne n'ose bouger. Je me crois dans un reportage d'envoyé spécial sur la formation des légionnaires. Sauf que là, personne ne filme. Sur moi, je n'ai qu'un pull et un vêtement de pluie sans manche. Je n'ai toujours pas mes bâtons. Mais si je sors pour chercher mes affaires, je vais me faire disqualifier pour lâcheté ou incitation à la désertion.

Alors, résigné, je me présente déjà trempé sur la ligne de départ. Il fait encore nuit noire, on a pas de lampes frontales. Je me sens proche du cochon noir basque avant de finir en saucisson.

D'ailleurs, j'y pense, les pâtés du buffet d'hier, c'était peut-être les restes de traileurs perdus dans les éditions précédentes.

 

Sous les hourras de la foule en délire (c'est à dire les coureurs et … les coureurs), nous partons vers Baigorry, dans l'espoir d'arriver entier. Les premiers kilomètres se courent prudemment, mais nous n'avons pas vraiment de douleurs aux jambes. Bonne nouvelle!

Dès la première descente, je me rends compte qu'il me manque mes bâtons de ski. Nous dévalons un chemin inondé et glissant. Mes pieds ne seront plus jamais secs. En bas, nous nous engageons dans une impasse, les balises ont disparues.

 

Nous revenons vers l'arrière de la course et prenons alors un autre chemin. Mais toujours pas de balises en vue. Il faut voir ce groupe de plus de 50 coureurs chercher son chemin, s'invectiver en basque pour les locaux, chacun pensant trouver une solution. 20 minutes passent et le froid commence à se faire ressentir. Dépités, une vingtaine de locaux basques décident de s'engager hors piste vers le sommet pour retrouver les balises plus haut.

Arnaud et moi sommes plus prudents. Nous n'allons pas nous engager dans la pénombre au beau milieu de montagnes inconnues. Heureusement, 5 minutes plus tard, un organisateur court vers nous et nous montrent le chemin un peu plus bas. En fait, des petits malins ont débalisés et rebalisés dans la mauvaise direction. Il faut vraiment n'avoir rien d'autres à faire que de se lever à 4h du matin pour jouer avec des petits drapeaux sous un déluge d'eau glacée, à moins d'Etre Très Abrutis.

 

Nous repartons d'un bon pas vers le premier col Eyhartze (1h47, et 2è duo !!). Au sommet, les festivités promises par le Gentil Organisateur ne nous déçoivent pas. Le vent de travers nous rappelle notre mésaventure à l'ultra tour du Beaufortain 2009, où la course dut être annulée pour cause de neige. Arno commence à se refroidir, il tremble un peu, alors nous nous attardons pas au ravitaillement du sommet. Nous apprenons notre 2è place mais aussi que les coureurs qui ont coupé tout droit sont devant nous. Peu importe, ils ont dû souffrir en hors piste, et mieux vaut qu'ils s'en sortent. La descente nous réchauffe. Le temps devient un peu plus clément et nous reprenons du mental avant le ravitaillement en Espagne à Elizondo (3h16, 2è?). Nous étions bien dans notre course, prêts à aller au bout, d'un bon rythme.

 

Mais voilà, les circonstances de course en ont décidé autrement. La plupart des coureurs ont été arrêtée à Eyhartze et détournée vers les Aldudes. Les premiers sont arrivés aux Aldudes en 2h45.

Nous nous retrouvons à une dizaine de coureurs dans un petit garage non chauffé avec du coca et des raisins secs. Je suis dégoûté car je me sens bien, je n'ai pas froid. 15 minutes après, je serai comme les autres, sous ma couverture de survie, en attente d'être rapatrié en 4x4 vers les Aldudes.

Plus on attend, moins on a envie de continuer. L'organisation nous dit qu'un nouveau départ sera donné aux Aldudes, mais nous ne savons pas s'ils partiront sans nous ou s'ils nous attendront.

1h après, un 4x4 va enfin nous ramener. Le conducteur est de bonne volonté, mais est-il basque?

Non, car il est passé par Espelette pour rejoindre les Aldudes (soit 70 km au lieu de 30)

Oui, car il est passé par Espelette pour rejoindre les Aldudes.

Tout dépend de sa volonté à arriver vite ou non. Où est-ce pour mettre encore davantage de piments dans la course?

Quoiqu'il en soit, le trajet a été un calvaire. J'étais transi de froid, très à l'étroit à l'arrière entre les outils et les chiffons de chantier. Le chemin était sinueux et m'a fichu un bon mal de cœur. J'avais une furieuse envie de pisser (partagée par mon partenaire, car nous, on partage tout en course). Et tout ça, sous une pluie démentielle!

Arrivé au Aldudes, je suis à deux doigts d'abandonner, mais Arno semble bien et tout le monde nous attend. Certains sont là depuis plus de deux heures!! Eux aussi ont eu le temps de se refroidir et de se démobiliser. Alors nous nous changeons intégralement du haut (duo) grâce au soutien logistique de mon créateur, un café et hop sur la deuxième ligne de départ de la journée.Il est à peu près midi.

Les 53 gladiateurs, survivants de la matinée, s'élancent dans un râle étourdissant sous une averse d'applaudissements. Beaucoup repartent amputés d'un membre, mais ils veulent être mi-finisher.

La course sera longue de 20 km et reprendra le plus petit parcours, celui des 2x25km.

 

Les premiers kilomètres nous réchauffent. Nous sommes finalement heureux d'avoir choisi de repartir d'un bon rythme. Une montée difficile vers la ferme de chiloénéa nous ralentit et nous rappelle de nos efforts depuis 6h du matin.

La descente vers Banca est un moment de franche rigolade et de camaraderie. Lorsque l'on est exténué et un brin lassé, rien de mieux qu'un copain qui se buche dans la boue tous les 15 mètres.

Je ne peux m'empêcher de rire, et ses râleries confortent mon fou rire. Fou-rire communicatif car me menant à la chute, Arno se lâche enfin et s'esclaffe. Nous arrivons tout crotté à Banca, mais fier de l'être (à banca, pas tout crottés, quoique!).Il est 13h08 et nous ne savons pas que nous sommes 4è.

 

Il reste environ 10 km et cette perspective me booste un maximum. Arno aussi est tout revigoré (même s'il doit revoir sa technique du planter de bâtons en descente) et nous partons vers un parcours en forme de montagnes russes. Chaque descente est très périlleuse car très boueuses. Nous doublons un grand nombre de participants du petit et moyen parcours. Certains restent bloqués en haut des pentes, à l'image de ces vacanciers qui n'ont pas mis les chaines pour descendre des stations de ski. A l'heure où j'écris, certains réclament encore de l'aide. Nous les abandonnons lâchement à leur sort et filons vers l'arrivée.

 

Nous sommes étrangement frais pour ces 5 derniers kilomètres. Sur les 1500 derniers mètres, le long d'une ancienne ligne de chemin de fer, nous fonçons à 13 ou 14km/h. Nous avalons littéralement le sixième duo et franchissons la ligne d'arrivée comme une fusée à deux étages.

Nous sommes ravis d'en avoir fini, mais surtout très étonné de notre finish. Cela fait 2h37 que l'on court depuis le nouveau départ des aldudes, plus les 3h15 du départ d'Urepel, soit près de 6 h de course lors de cette étape mémorable.

 

Nous terminons 6è de l'étape mais 4è au général après les abandons de quelques favoris.

Au final, nous avons couru pendant 15h, plus les impondérables(!). Nous avons parcouru 105 km pour 6000m+ en deux jours. Pas mal pour des citadins.

 

Le seul bémol de l'Euskal trail est le comportement étrange de l'organisation pendant la remise des récompenses, mais aussi sur le site internet. En effet, il n'est question que de regrets face à la pluie du deuxième jour. Pas un mot sur le débalisage et rebalisage de la course, ni sur les péripéties difficiles à vivre qui ont suivi. Comme si nos efforts n'avaient pas compté.

 

L'organisation a cependant été parfaite pour réorganiser sa course et laisser aux concurrents l'honneur de terminer. Pour cela, et bien d'autres encore, nous ne pouvons que dire bravo et attribuer la note de 9,9/10

Merci à JCDUS (Alexandre) pour les 2 dernières photos, et à salerno photo.com pour les deux premières

Merci à mon alter ego nono limit avec qui tout est possible.

Merci à mon papa, toujours là quand il faut!

7 commentaires

Commentaire de Kerpolic posté le 19-05-2010 à 22:49:00

Encore mieux à lire qu'à entendre ;-) .
Plein d'humour, j'adore.
Encore bravo à tous les 2 !

Commentaire de Nono limit posté le 19-05-2010 à 23:06:00

En attendant de pondre mon CR, je te félicite (si, si) pour ce joyeux récit . Un seul bémol : il manque la version basque !!! Fais-moi penser à prendre les skis la prochaine fois, les bâtons seuls, c'est un peu casse-gueule...

Commentaire de akunamatata posté le 20-05-2010 à 11:51:00

excellent recit plein d'humour et de petites piques bien cachées, en fin pas tant que cela ;-).
Surtout tres content pour vous malgré toutes les peripeties, le plaisir l'a emporte sur les frustrations.
Bravo

Commentaire de JCDUSS posté le 20-05-2010 à 12:29:00

Sympa ton récit.
Félicitation a vous 2 pour votre classement.
Bravo surtout pour ton deuxième jour sans les battons.
J'ai pensé a toi dimanche soir en me mangeant 500 g de carottes.

Commentaire de Ben64 posté le 23-05-2010 à 20:17:00

ENORME récit pour ENORME épopée. Je me suis régalé et me suis senti tout mouillé en lisant ces quelques lignes. C'était vraiment une édition dantesque et je regrette encore de n'avoir pu trouver de partenaire.

On se retrouve l'année prochaine pour braquer la charcuterie de Pierre Oteiza? ;-)

Commentaire de Jay posté le 24-05-2010 à 16:02:00

bravo et merci pour ce sympathique récit.. vous en avez grave bavé , mais la bonne humeur semble avoir tenu bon .. et en plus une belle perf pour finir .
Jay

Commentaire de gastéropode posté le 26-05-2010 à 22:40:00

Bravo pour votre course!
Mais comment faites-vous? J'en suis béat d'admiration.

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