J'ai décidé de rédiger cet article suite à une affirmation (sur ce forum) fausse qui stipulait que "le lactate musculaire produit est PROPORTIONNEL à la VITESSE".
Pour ne pas polémiquer, j'ai essayé de synthétiser le fonctionnement de la GLYCOLYSE, le seul métabolisme responsable de l'acidose et de la lactatémie.
Cet article est donc une tentative pour expliquer comment, quand et dans quel contexte se forme l'acidose musculaire et le lactate musculaire.
Article
Lorsqu’un humain se déplace, il a besoin de produire de l’énergie pour contracter ses muscles. Ce sont les muscles, à l’aide des tendons attachés aux os, qui permettent de modifier l’angle des articulations (par exemple cheville ou genou ou hanche). C’est grâce à la modification des angles de ces 3 articulations qu’un humain peut se déplacer debout, en marchant ou en courant.
L’énergie pour contracter les muscles est la molécule d’ATP.
Ces molécules d’ATP sont produites un peu dans toutes les cellules du corps humain, donc aussi dans les cellules musculaires, c'est-à-dire les fibres musculaires.
Trois substrats principaux permettent la production d’ATP : les glucides (les sucres), les lipides (les graisses) mais aussi les lactates provenant de l'extérieur des fibres musculaires (soit d'une fibre voisine qui en produit, soit depuis le sang artériel.
Je ne vais aborder dans cet article que la voie « glucides » pour expliquer l’acidose (l'acidité) et la lactatémie (le taux de lactate musculaire et sanguin).
Parce que seule la voie glucides est susceptible de produire de l’acidose ou du lactate.
La voie Lipides ne produit pas d’acidose.
De même lorsque le substrat énergétique est le lactate extérieur (je dis "lactate extérieur" car à l'intérieur d'une cellule, il se produit aussi du lactate qui, s'il peut être transformé en pyruvate dans le cytosol , va rejoindre la voie aérobie (le cycle de Krebs).
Donc, pour notre voie "glucides".
Par la voie glucides, le substrat en entrée du métabolisme énergétique est soit le glucose (véhiculé jusqu'aux fibres musculaires par la circulation sanguine) soit le glycogène musculaire.
Les 2 subissent une petite transformation pour aboutir à un glucose un peu modifié, le « glucose – 6 phosphate » ou « glucose – 6P ».
Pour le glucose, il faut un ATP pour cette transformation.
Pour le glycogène, c’est la glycogénolyse, sans besoin d’énergie, qui assure la transformation.
Ce n’est pas très important. C’est juste pour être un peu précis et un peu complet.
Mais quoiqu’il arrive, c’est bien la partie « glucose » du « glucose -6P » qui permet la production énergétique.
La formule du glucose est C6H12O6 : 6 carbones, 12 hydrogènes et 6 oxygènes.
Le premier métabolisme de la voie glucides est la GLYCOLYSE.
On l’appelle aussi « filière anaérobie » car ce métabolisme produit de l’énergie sans air, (sans oxygène).
La glycolyse a lieu au cœur de la cellule musculaire, ce qu’on appelle le cytosol.
Une fois le « glucose-6P » formé, il se produit alors 8 autres réactions chimiques produisant 3 types de sous-produits :
- - 2 ou 3 ATP’s; deux si la molécule tout au début est du glucose, trois si c'est du glycogène;
- 4 ions H+ (H+, c’est le proton, dépourvu de son électron, c'est l'atome d'hydrogène sans son électron)
- 2 molécules de pyruvate (C3H4O3).
Que devient chacun de ces sous-produits ?
1) Les ATP's ; pas de problème, ils ne sont produits que quand il y en a besoin. Ils servent instantanément à contracter les fibres musculaires.
2) Les pyruvates ; ils sont destinés à alimenter la filière AEROBIE en pénétrant dans les mitochondries (la mitochondrie est ce qu’on appelle un « organite cellulaire » (un élément de la cellule ayant une fonction spécifique)) pour alimenter le cycle de Krebs. Mais ces pyruvates n’alimentent le cycle de Krebs que s’il y a de l’oxygène pour transformer le carbone (le C du glucose) en gaz carbonique (CO2). S’ils ne pénètrent pas dans la mitochondrie, soit ils restent en l’état dans le cytosol (au coeur de la cellule), soit ils sont transformés en lactate. Mais pour se transformer en lactate, il faut un autre composant ; on verra plus loin.
3) Les ions H+ ; comme le pyruvate, ils sont destinés à rejoindre les mitochondries pour alimenter un autre métabolisme, un métabolisme appelé « chaîne respiratoire », mais aussi appelé « chaîne de transport des électrons » ou « phosphorylation oxydative ». Les ions H+ doivent être pris en charge par des transporteurs, des NAD (Nicotinamide Adénine Dinucléotide), présents dans la cellule, qui deviennent du NADH,H+ une fois chargé par 2 H+ . Il faut aussi savoir que la glycolyse ne se déclenche que s'il y a des NAD pour accueillir nos fameux H+ ; cette molécule NADH,H+ ne peut pénétrer dans la mitochondrie; d'autres transporteurs sont nécessaires pour amener les 2H+ et 2 électrons vers les mitochondries; tout ceci n'est possible que s’il y a assez d’oxygène dans les mitochondries pour oxyder les 2H+ en H²O (les transformer en H²O = eau).
Nous savons donc maintenant à peu près ce que devient chacun des sous-produits.
Les pyruvates et les H+ sont happés par la filière aérobie, si la voie aérobie de cette cellule en a les moyens. Elle doit avoir l'aptitude pour, et elle doit bénéficier de suffisamment d’oxygène.
Mais si ces sous-produits de la glycolyse (pyruvate et protons H+) ne sont pas happés par la voie aérobie, que deviennent-ils ?
Eh bien, dans ce contexte, leur destinée la plus fréquente est qu’ils s’associent pour donner du lactate (C3H5O3).
Mais malheureusement, un lactate n’absorbe qu’un seul ion H+.
Le meilleur des cas correspond à la transformation des 2 pyruvates en 2 lactates. 2 ions H+ sont alors absorbés, mais 2 autres H+ restent en liberté.
Le pire des cas, c’est si aucune fusion ne se fait pas et qu’il y a donc 4 ions H+ circulant dans la cellule.
Ce sont ces ions H+ libres qui sont responsables de l’acidité croissante de la fibre musculaire. C'est cette acidité qui produit l'acidose, acidose responsable des fatigues, douleurs et perte de puissance sur des efforts de moins d'une heure.
Conclusion.
A partir du moment ou, pour une raison ou pour une autre, les ions H+ (les NADH,H+) ne rejoignent pas la filière aérobie, il se crée mécaniquement de l’acidose (de l’acidité). L’ingénieux mécanisme de production de lactates ne sert qu’à diminuer l’acidose (à ralentir sa progression) mais pas à la supprimer.
Les seuils lactiques sont la conséquence de ce fonctionnement.
Le SL1
Le SL1 (seuil lactique 1) est la limite (la vitesse, l’effort) en-dessous de laquelle un maximum de H+ et un maximum de pyruvates sont absorbés par la filière aérobie. Il n'y a pas d'augmentation du taux de lactates musculaire ou sanguin car soit il n'y a pas de production de lactate du tout, soit la faible production de lactate est consommée par les organes en capacité de le faire au rythme de la production.
Et le SL1, ce n’est pas de la marche. Pour les meilleurs coureurs, (Paula Radcliffe, mais aussi les grands marathoniens), ce SL1 correspond à peu près à du 80% de la VMA. C'est-à-dire entre 15 et 20 km/h.
Donc, quand un expert écrit que la production de lactate musculaire est proportionnelle à la vitesse, on pourrait dire qu’il n’a strictement rien compris à rien, mais l’explication la plus probable est, qu’en écrivant le livre, il a oublié de définir le contexte de sa phrase (et tous les relecteurs-corrigeurs sont passés à côté). Car effectivement, au-delà de la vVO2max, toute l’énergie additionnelle est fournie par la glycolyse et à ce moment, à chaque molécule de glucose catabolisée, il se forme 2 molécules de lactate musculaire. Donc, oui, au-delà de la VMA, la production de lactate est parfaitement linéaire avec la vitesse.
Le SL2
Entre le SL1 et le SL2, tous les H+ et les pyruvates produits par la glycolyse ne sont plus pris en charge par la filière aérobie.
Il se produit donc de l’acidose et les lactates.
Mais le corps étant bien fait, il possède également des systèmes de régulation.
Le lactate a la faculté de sortir facilement de la cellule musculaire pour rejoindre, soit une autre fibre musculaire (lactate shuttle) soit rejoindre la circulation sanguine pour différentes destinations possibles (foie, cœur, ..).
Pour les ions H+ restants (on a vu que même si un lactate est produit, il reste toujours un H+ libre), c’est plus complexe. Une autre fois pour les explications.
Toujours est-il que jusqu’au SL2, le corps arrive à maîtriser et les lactates et les H+ restants.
Pour info, le SL2 est aussi appelé MLSS en anglais (Maximum Lactate Steady State) (effort le plus élevé pour lequel la lactatémie, après une instabilité initiale, retrouve un état stable).
Au-delà du SL2.
Au-delà du SL2, les ions H+ ne sont plus sous contrôle.
Il s’en crée plus (+) qu’il ne s'en évacue.
L’acidose MONTE, MONTE, MONTE inexorablement.
Inexorablement, le coureur doit soit ralentir, soit s’arrêter.
Au-delà de la vVo2Max
Au-delà de la vVo2Max (alias VMA), plus aucun H+ ou pyruvate supplémentaire n’est pris en charge par la filière aérobie.
A ce moment là, la production de lactates devient LINEAIRE avec la vitesse (car la consommation de glucose est alors linéaire avec la vitesse).
Maj sur ce niveau d'effort pour tenter d'être le plus clair possible et le moins ambigu possible.
- Soyons clair.
Admettons que le coureur court pile à l'allure vVo2Max, et cela depuis au moins 3 minutes.
Dans ce contexte, la consommation d'oxygène est à son maximum.
La filière aérobie tourne donc au maximum.
Un maximum de pyruvates entre dans les mitochondries et est catabolisé par le cycle de Krebs.
Un maximum de protons H+ est pris en charge par la chaîne respiratoire.
Il y a de grandes chances que le coureur soit tout proche de sa FcMax.
OK. Là, tout est clair. Tout le monde sait tout cela.
Maintenant, que se passe-t-il si le coureur accélère ?
- Oui, il peut accélérer.
Tout le monde peut, même au bout de 3 minutes, aller plus vite que la vVo2max.
Il suffit de le vouloir, et le cerveau obéit. Très beau un corps humain.
Le seul métabolisme capable dans cette situation de produire des ATP's additionnels (que ce qu'il ne produit déjà), c'est la GLYCOLYSE.
Et alors, comme, le coureur est à Vo2max, il ne va pas pouvoir amener plus d'oxygène pour alimenter la chaîne respiratoire.
Aucun pyruvate ou proton H+ supplémentaire n'ira alimenter Krebs et chaîne respiratoire.
Tous les 2 ou 3 ATP's, il se produira au minimum 2 protons H+ supplémentaires non pris en charge.
L'acidose s'envole en flèche, même si c'est de manière linéaire dans le temps, mais elle s'envole et en moins de 3 minutes, le coureur sera obligé soit de s'arrêter, soit de ralentir très fortement (voir les coureur de 400 ou 800 ou même 1500 et 3000).
Plus clair ?
PS : cette synthèse est le fruit d’un travail de 18 ans.
J’ai trouvé les derniers éléments du puzzle l’été dernier.
Il se peut qu’il y ait encore des choses que je n’ai pas comprises ou mal comprises.
On verra avec les années qui viennent.
Qu’on ne vienne pas me parler de « Copier – Coller », de « mouches qui volent » ou " retiens ce qui t'arrange" ou autres niaiseries.
Je passe du temps (un temps considérable) à chercher, à comprendre, etc .. mais aussi à rédiger de la manière la plus compréhensible possible.
La compréhension du fonctionnement, c'est pour optimiser mon entraînement et mes courses, la synthétisation et la rédaction d'articles, c'est pour partager et informer.
Respectez au moins cette démarche et ce travail.
PS2 : si vous êtes arrivé à ce point de l’article, c’est que vous êtes un passionné. Bravo.
Ajout 1
Les scénarios de la GLYCOLYSE
En s'intéressant à la problématique "acidose musculaire produite", on arrive à 18 scénario s différents concernant la glycolyse.
Saurez-vous déterminer par vous-même ces 18 scénarios ?
Vous ne les trouverez nulle part sur les médias (net, articles, livres, ..).
Il faut raisonner.
Les 3 pistes pour identifier les 18 scénarios possibles.
Chaque scénario a bien sûr une probabilité d’occurrence en fonction du contexte physiologique courant.
1) Piste H+
Concernant les H+, il faut savoir :
- une molécule de glucose libère 4 H+ lors de la glycolyse
- les H+ vont par paire; ils pénètrent par 2 dans la mitochondrie grâce aux transporteurs NAD+
Il y a donc 3 cas possible pour les H+ :
- les 4 H+ rejoignent la mitochondrie
- seuls 2 H+ rejoignent la mitochondrie
- aucun H+ ne rejoint la mitochondrie.
2) Piste 2 : les pyruvates.
Lors de le glycolyse, pour chaque molécule de glucose, 2 pyruvates sont créés.
Les pyruvates sont destinés à alimenter le cycle de Krebs dans la mitochondrie.
S'il y a assez d'oxygène.
Ils peuvent pénétrer dans la mitochondrie, un par un.
3 cas sont donc possibles :
- Les 2 pyruvates sont absorbés par la mitochondrie
- un seul rejoint la mitochondrie
- aucun ne rejoint la mitochondrie.
3) Dernière piste : les lactates
Les lactates sont formés à partir d'un pyruvate et d'un ion H+.
Toujours pour une molécule de glucose, il y a donc 3 cas possibles :
- aucun lactate n'est produit
- 1 lactate est produit
- 2 lactates sont produits.
Ajout 2.
Les scénarios les plus fréquents.
1) Effort en endurance (allure en-dessous de 70% environ de la VM6)
- - les 4H+ sont absorbés par la chaîne respiratoire
- les 2 pyruvates sont absorbés par le cycle de Krebs.
C'est le scénario idéal. Le glucose (C6H12O6) est entièrement catabolisé en 6 gaz carboniques (CO²) et 6 molécules d'eau (H²O).
II se produit 2 ou 3 ATP's issus de la glycolyse, 2 ATP's du cycle de Krebs et environ 32 ATP's (selon Volodalen) issus de la chaîne respiratoire.
Aucun lactate n'est produit, tous les H+ sont métabolisés, aucune acidose supplémentaire n'est produite.
C'est le scénario parfait.
Aucun gaspillage, une optimisation du substrat utilisé, aucune acidose supplémentaire.
- La vVo2max est la plus petite vitesse sollicitant la consommation maximale d'oxygène.
Toute l'énergie additionnelle nécessaire pour courir à une allure supérieure ne peut être fournie que par la glycolyse.
Donc :
- aucun H+ produit par les réactions chimiques (glycolyse) produisant l'énergie permettant de courir plus vite que la vVo²Max n'est absorbé par la chaîne respiration
- idem avec les 2 pyruvates produits par la même glycolyse. Aucun n'est absorbé par le cycle de Krebs;
- 2 lactates sont produits par fusion entre 1 pyruvate et un H+.
Le résultat, par molécule de glucose, c'est 2 ou 3 ATP's, 2 lactates er 2 H+ supplémentaires naviguant dans les cellules.
On constate que
- la production énergétique ne représente plus que 2/36 ou 3/37 ième par rapport au scénario précédent (18 fois moins; oui 18 fois moins);
- l'acidose croit linéairement avec l'effort produit; la fin est proche; effectivement, ces efforts sont au grand maximum soutenables 6 minutes environ. Ce sont des allures de demi-fond, du 400 au 1500m.
Le gaspillage énergétique est gigantesque.
Un rendement de 1 800% inférieur au scénario précédent; c'est le prix à payer pour avancer à ces allures.
3) Effort en résistance, douce ou dure
- C'est un niveau d'effort pour lequel il se crée de l'acidose.
Cette acidose peut être contenue (résistance douce) ou ne pas être sous contrôle (résistance dure).
L'acidose est provoquée par le fait que tous les H+ ne sont pas véhiculés vers la chaîne respiratoire.
Principalement, parce que l'oxygène devient insuffisant.
La cas le plus fréquent est certainement celui ou 2H+ sont absorbés par la chaîne respiratoire et qu'un seul pyruvate ne rejoint le cycle de Krebs et que l'autre se transforme en lactate.
Ce cas laisse donc un H+ libre dans la cellule musculaire, ceci provoquant l'accroissement de l'acidose, acidose qui "peut" (dans le cas de la résistance douce) ou "ne peut pas" (dans le cas de la résistance dure) être maîtrisée.
Et pour être plus précis, on peut considérer que plus l'effort est important sur cette zone de résistance (douce et dure), moins il y aura de pyruvates et de H+ oxydés (transformés en Co² et H²O) par la voie aérobie (Krebs et CR).
On peut penser que la décroissance de la prise en charge de ces 2 éléments va en sens inverse de l'augmentation de la lactatémie. Donc, c'est un processus exponentiel.
Ajout 3
Les 18 scénarios.
Les H+ ont 3 possibilités.
Idem avec les pyruvates.
Idem avec les lactates.
Cela devrait faire une combinatoire de 3 x 3 x 3 = 27.
Pourquoi alors que 18 cas ?
Allez, un peu de réflexion.
Un peu de raisonnement.
J'attends que quelqu'un inventorie ces 18 scénarios.
Ce n'est pas simple mais pas impossible non plus.