Récit de la course : Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000 2019, par Philippe8474

L'auteur : Philippe8474

La course : Off de la Tome des Bauges - Les 14*2000

Date : 22/6/2019

Lieu : La Compote (Savoie)

Affichage : 1209 vues

Distance : 107km

Objectif : Pas d'objectif

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Pas d'autre récit pour cette course.

Le récit

Le lien vers mon récit et celui de Jérôme et de Yannick sur mon blog

OTB


Comment raconter une telle aventure ?

Comment mettre des mots sur tous ceux qui a été ressenti, vécu en un week-end ?

Comment parler de toutes les émotions qui nous ont traversées pendant ces deux jours ?

Comment raconter un regard, quand il y en a eu tellement ?

Comment retranscrire le soutien, la motivation, l’énergie de chacun ?

Comment parler de l’amitié ?

Comment dire la fierté de croiser vos regards ?

Comment parler de l’amour ?

 

Je ne sais pas si je vais pouvoir.

Peut-être juste essayer de dire qu’aucun mot ne peut réellement témoigner des émotions que j’ai vécu, que nous, Jérôme et moi, avons vécu ce week-end.

 

J’ai déjà eu quelques belles émotions sportives, mais je ne sais pas si quelque chose pourra de nouveau atteindre l’intensité de cette aventure !

 

Le 11 juin 2018, après une belle sortie de Jean et moi au Pecloz, dans le fil d'une discussion, Yannick nous lance que, si un Ultra de 100 bornes existait dans les Bauges, il serait quand même bien tenté!

... Quelques phrases plus loin, j'en profite pour évoquer les 14*2000 des Bauges, qui existe dans un coin de ma tête depuis le premier enchaînement, connu pour ma part,  de l’équipe ERTIPS dans le massif en 2009 (et que j'évoquais ici dans la dernière phrase d'un article de mon blog).

Ni une, ni deux, mes deux lascars s'enflamment, et 3, 4 jours plus tard nous voilà déjà avec une dizaine de tracé à l'étude...

Il faut trouver un nom à ce projet. L’envie de lier une dimension épicurienne à ce projet nous pousse à compléter le challenge avec la dégustation d'un fromage à chaque sommet.

Du coup le nom de baptême sera l’OTB : Off de la Tome des Bauges.

Je contacte très vite mon Gillou et Pat. J’ai une petite idée pour eux. Je vais avoir besoin de leur talent.
Les recos programmées à l’automne le confirment.
Le passage Sambuy – Chaurionde serait plus « agréable » à passer si sécurisé (et le jour J le confirmera encore plus).
Voilà 9, 10 mois avant un truc je préviens des potes, leur demande un truc, il bloque leur journée, et seront présent le jour J.
Je suis sur le cul de votre implication, votre disponibilité, votre amitié et votre « professionnalisme ».

Après 4 belles recos, (dont une avec Jérôme) et des contacts avec Laurent (Arclusaz de Kikourou) pour avoir son œil sur notre projet, le projet retombe en sommeil avec la saison de ski qui s’annoncent.

Celle-ci sera monstrueuse (à mon niveau) ! Une émulation de dingue, un partage de fou, des barres de rire !

Fin de l’hiver, l’OTB doit se réveiller, je ne peux l’envisager sans les copains de l’hiver. Jean a le même sentiment. Yannick, toujours partant est OK.

Finalement, Jérôme se greffe au projet. Il le lorgnait avec envie depuis notre annonce. Seul hic, la date prévue est juste 15 jours après son Alpsman. Il est costaud, on le sent capable.

Pour Romain, le parcours est trop engagé pour son vertige et Chris n'a pas assez confiance dans sa cheville (à juste titre puisqu'il se fera opéré cet automne). Mais les deux resteront en soutien.

Mi-mai, je me rends compte que le temps file, il faut maintenant passer aux choses sérieuses.

Gros travail de préparation. Finalisation de la trace, élaboration d'une feuille de route, puis d'une stratégie de « course » avec tous les ravitos, mobilisation de tous les potes, définition du rôle de chacun... Je ne vais pas arrêter pendant un mois et demi.

Là-dessus une mauvaise nouvelle nous tombe dessus. Jean ne pourra pas être des nôtres. Un impératif ne lui laisse pas le choix. La mort dans l'âme, et dans la nôtre, il quitte le projet.

Gros coup dur avant même d'avoir pris le départ.

Il faudra pourtant relancer la machine.

J-7 avant le départ, on monte à Pointe des Arces avec Jérôme pour planquer un jerrican d'eau au-dessus du chalet des Gardes. Quel sommet « pourri » à atteindre. Pas de chemin, on trace dans les arcosses, c'est dément. Et encore dans une semaine il faudra normalement être prêt à enchaîner avec les arrêtes vers Arlicod !

La dernière semaine est là. On devrait être dans l'euphorie du départ mais non là, c'est la météo (pourri de ce printemps) qui nous joue des tours.

Partira, partira pas, partira, partira pas...

On cale malgré tout tous les détails jusqu'au bout. On y croit, on fait les courses, on récupère du matos, on cale les derniers détails, on achète les fromages, on dispatche nos trois gros ravitos, on se voit une dernière fois jeudi soir, on file le sac d'allègement, Blandine récupère le ravito de François sous une pluie battante, Romain passe vendredi soir récupérer le sien.

Entre-temps cette semaine, j'ai enchainé ma démission, une réunion de copro houleuse et une grosse réunion pro...

Je suis vidé...

Mais vendredi fin d'après-midi, la météo semble basculer, des risques d'averses, pas d'orage. On part, on y va.

Samedi matin 4H00, j’embrasse Lola qui s’est réveillé, je lui dis au revoir, elle ne veut pas que je parte. Mon cœur se serre.

Heureusement, Céline m’a laissé un petit mot sur la table.

4H25, sur le parking, Jérôme arrive amené par Armony. Puis Yannick amené par Julien.

Julien va nous amener au départ, puis nous faire un premier ravito à Seythenex !

Je mesure la chance d’avoir des amis comme ça. C’est dingue !

Par contre il pleut, ça tonne même, et des éclairs zèbrent le ciel vers la Tournette.

On prend la route, mélange d’excitation, de peur devant le challenge et d’anxiété face à la météo.

Parking le Rafford.

On s’en approche de ce départ. La pluie a cessé. La météo semble se caler vers ce qui était annoncé. Ouf !

Yannick sort le cadeau de départ OTB qu’il nous a préparé. Je mesure à nouveau l’implication et le plaisir pris par chacun à imaginer ce projet.

Un bracelet en cuir gravé des mots que l’on avait échangé à l’origine du projet : « Bienheureux les fêlés, car ils laisseront passer la lumière » et à l’intérieur « OTB2019 ».

On l’enfile, il ne nous quittera plus.

A 6H00 pétante, on prend le départ. Ca y est, on y est, on est parti.

Je lâche un cri libératoire.

Ce premier sommet, la Dent de Cons, va se faire tranquillement (surtout ne pas commencer à se griller). On papote comme des pies tout le long.

Le sommet est atteint avec déjà un peu de retard par rapport à ma feuille de route, ¼ d’heure. On n’y prête pas attention. On sort notre premier fromage, première photo, premier sommet à communiquer au Whatsapp de tous nos suiveurs.

Ce lien que l’on a créé ainsi avec nos familles et nos amis va être un fil rouge de ce week-end, un appui, un exutoire. Il nous a tellement apporté de soutien, d’énergie et de réconfort.

On attaque le cheminement sur les crêtes, tout va bien, puis on bascule sur la descente. Très raide, ça ne déroule pas vraiment, faudrait pas voir à s’en mettre une.

Puis on rentre dans la forêt, puis on se paume. J’ai tracé au plus direct, sur des chemins qui semblent avoir disparu. On se tape un peu de traversée hors sentier, les jambes se strient. C’est la merde. Je ne veux pas me laisser atteindre, mais c’est un peu la merde. On finit par suivre la route.

On finit par arriver sur la route du Col de Tamié, il faut remonter à Seythenex maintenant. Clairement pas la partie la plus sexy du parcours.

Au pont, Julien nous attend. On a ¾ d’heure de retard. Ok je me suis vautré dans la feuille de route. Ça m’est complétement égal. Le temps ne représente rien sur cette traversée. Si ce n’est pour les arrêtes Arces Arlicod à faire de jour.
Pour le reste je sais que Céline a l’habitude de gérer ce type d’imprévu, ça fait râler pour les potes mais j’espère qu’ils ne nous en voudront pas trop.

En attendant, premier ravito, avec pain au choc s’il vous plaît ! Le top ! Et le sourire de Julien ! Side-car represent !

Plein des flasks et on ne traine pas trop quand-même. C’est reparti.

Je reconnais les chemins du trail de Faverges, on attaque la forêt, beau chemin de débardage, bien raide, bien boueux. Ça en demande. Premier coup de boutoir pour Yannick.

Les nouvelles sont bonnes de la Sambuy. Bruno, Pat et Gillou sont là-haut en place et nous ont équipé le passage Sambuy-Chaurionde. Que dire encore une fois !

On sort de la forêt, Une marmotte nous salue. Yannick accuse clairement le coup et reste un peu en retrait. Je ne suis pas encore forcément inquiet pour lui, on est parti pour du long, il a encore largement le temps de se refaire.

Un peu plus haut, je lui lance quand-même de ne pas se laisser envahir par le noir.

On finit par récupérer le chemin après le chalet de la Bouchasse. J’espère que ça permettra à Yannick de se refaire un peu.

Je crois que c’est par là que Jean nous envoie un message nous disant que les chamois nous attendent. Mon grand est sur le parcours, quel plaisir de savoir ça.

Puis c’est la bifurq pour la Sambuy, passage au col, je reste avec Yannick, essai de lui parler. Il a pris un coup je pense, dur de se sentir dans le dur si tôt dans l’aventure. Pourtant je me refuse à le voir se morfondre dans des idées noires à la con. Je sais que ça peut passer, que ça peut revenir. Je veux le croire. Jérôme et moi essayons de lui aider à tenir la barre.

On arrive heureusement au sommet. Ce qui nous attend va nous « distraire » de ces idées noires.

Cérémonial d’un sommet, petit fromage, photos. Par contre, faut pas trainer, la météo n’est pas vraiment avec nous, on est dans les nuages.

Et puis j’ai hâte de franchir ce passage. Il a toujours représenté pour moi un point clé du parcours.

C’est parti, un par un, Pat nous a averti que ça parpine pas mal. Je définie les rôles, je passe devant, Yannick au milieu, Jérôme derrière. On chope la corde, c’est équipé au milli-poil. Quel plaisir de passer là en sécurité. Je n’ose imaginer le temps et l’énergie qu’il nous aurait fallu pour passer sans rien. Ça ne l’aurait d’ailleurs peut-être pas fait, tout simplement.

Je fini par voir mon Gillou en contre-bas. Il me guide sur ce dernier couloir. Puis je dégage sur le côté.
Voilà Gillou, mon plus ancien pote présent sur l’aventure, celui grâce auquel j’ai rencontré Céline, est là un samedi matin pluvieux coincé à un coillu. Comme Pat et Bruno un peu plus bas, en place à des points scabreux, pour nous guider encore et nous assurer avec nos petites baskets.

Ils sont montés aux aurores, se sont fait « chier » à tout équipé pour nous voir passer 2 minutes max et nous voir tracer. Et derrière ils vont encore tout deséquiper et se taper le retour avec les gros sacs remplis de cordes, coinceurs, et autres…

J’ai le maxi-smile quand je croise Bruno et Pat, je les prendrais bien dans mes bras pour les remercier, j’essaie de l’exprimer au max. Quel cadeau ils nous font !

Dans la vire finale, c’est Adrien qui nous rejoint. Adrien chargé d’un ravito volant en flotte au Col d’Orgeval.

On sort du passage. On attaque les crêtes pour rejoindre Chaurionde. Je suis tellement sidéré, estomaqué par l’implication des trois sous-mariniers (private-joke). Tellement de merci !

Même Yannick a pris son kiff sur cette portion, j’espère qu’une bonne recharge mentale s’est faite.

Par contre pas cool, sur les crêtes quelques gouttes viennent nous chatouiller.

Chaurionde est rapidement atteint. Pas trop trainé, le ciel est menaçant… Persillé de Tignes, photos et go.

Dans la descente, la pluie se déclenche vraiment. J’ai un message de Jean qui tombe « Orage à Lescheraine ». Et le tonnerre gronde. On fait un arrêt. Je passe un coup de fil à Céline pour qu’elle me file des prévisions météo. Des averses, des averses. Fait chier. Prendre une décision, laquelle ?

Arcalod pas possible avec cette météo ? J’imagine un truc Mont de la Coche, Tré Mollard puis retour vers Arcalod si la météo nous le permet.
Mais déjà ne pas rester là.

On file au Col, Joël le papa de Yannick nous rejoint (depuis Nant Fourchu où nous attend notre gros ravito). On récupère le bidon de flotte d’Adrien. Que faire ? Ça continue de gronder. Bon décidemment on ne peut pas rester là, il faut aller se mettre à l’abri au chalet d’Orgeval en dessous du Col.

Une fois là on se pose sous l’avant-toit. Et la machine à cogiter se met à turbiner à fond ! Ça craint. Tout le monde donne son avis. Yannick est dans le mal. J’aimerais arriver à faire le point. La météo ne nous aide pas. Je sens Jérôme décidé, prêt. Pas de souci de ce côté-là. J’essaie de voir du côté de Yannick, l’encourager. Il a lâché, le froid l’attaque en plus. Je lui sors mon duvet de survie et l’entoure avec. Jérôme fait de même pour Adrien (on en parle de notre ravitailleur en T-shirt J).

Pendant ce temps j’essaie de me préparer pour la suite, remplissage des flasks, manger un peu.

Pour la suite, Yannick ne se sent pas. Dur moment. Pour lui. Quelque part pour nous. Pour moi. Pour l’OTB de Yannick, son rêve.

Je le pousse à ne pas rendre le « dossard ». il doit descendre, se mettre au chaud, dormir un peu, manger à la voiture et nous attendre pour repartir avec nous sur la suite de l’aventure. Ça va être dur mais j’ai un infime espoir que ça marche.

Tout ça, nous a mangé quand même près d’1H30 à peu près. Mais la météo semble s’être calmée. Tré Mollard et Mont de la Coche sont sous un coin de ciel bleu. Je zieute Arcalod, je sais que Jérôme aussi.

 

On se lève officiellement pour Tré Mollard et Mont de la Coche, mais je sais déjà qu’on ira direct à Arcalod.

Yannick file direct sur la voiture. Je suis déchiré de voir ça.

Finalement Joël file sur Tré Mollard et Mont de la Coche, et Jérôme, Adrien et moi attaquons l’Arcalod.

Les Bauges nous donnent leur feu vert pour l’Arcalod, timide rayon de soleil, suffisant pour sécher la roche. L’ascension, en vigilance, est un plaisir après ces moments difficiles.

On prend le temps quand même d’un coup de fil et de Whatsapp pour prévenir du déroulé des dernières heures (pas de réseau à Orgeval).

Soulagés aussi d’apprendre que les sous-mariniers sont rentrés à bon port.

Sommet d’Arcalod. Quelle récompense !

Là c’est le Langres, mon prince des fromages… mais un peu trop fort pour Jérôme. Par contre la météo tourne encore, les nuages semblent monter. On ne traine pas.

Mais au final aucun souci. La descente se fait bien à tous les 3. Et on enchaîne sur Mont de la Coche. On croise Joël qui en revient et qui descend rejoindre Yannick à la voiture. Tout le cheminement se fait bien. On est quand même heureux de retrouver le rythme et le droit d’avancer.

On arrive au Col entre les deux sommets. Mont de la Coche, montée qui pique. Jérôme se lâche une cartouche de plaisir et allume un poil. Je le comprends, ça doit faire du bien. Photos, comté et zou on file sur le sommet juste en face.

Tré Mollard se fait très vite.

Tiens ça y est, j’ai mon permis Bauges. J’ai le tampon des 14 sommets.

Un picodon, photos et allez sous le dernier ciel menaçant, on trace vers le Plan de la Limace.

Nous attend une très longue descente jusqu’au ravito.

Alpages, puis forêt, faut un peu débrancher le cerveau pour ne pas trop trouver le temps long. La flotte manque aussi (hein, Jérôme 2 flaks ça suffit pas bon sang !) et je commence à avoir la dalle. Depuis 6H00 du mat, on va arriver au ravito après 11H50 d’effort. Faut clairement recharger la machine.

On retrouve un bout de route, on file au parking du pont de la Cariat. Yannick est là. Mais pas prêt à repartir. C’est fini pour lui. Quelle immense déception pour mon Yannick, putain c’est dur de le voir ainsi.

Mais il faut que nous on continue, allez c’est parti pour le ravito, on s’installe, je demande à Yannick du coup de s’occuper un peu de nous (chauffer l’eau, préparer les nouilles japonaises). On mange, on boit, je refais le sac pour la nuit en énumérant à Jérôme ce que je prends pour qu’on ne zappe rien.

Jérôme prend soin de ses pieds (gros points sensibles). Je mesure la chance d’avoir mes pieds. On a eu les chaussettes mouillées pendant 11h00, et ras de mon côté. Tout nickel.

Maintenant Yannick. Je le booste pour qu’il nous rejoigne à Epernay au ravito de Romain. Je ne conçois pas la fin de l’aventure sans lui. Ses yeux sont pétrit de peines, de déceptions. Allez arrête maintenant, viens simplement, mon Yannick, s’il-te-plait.
J’espère qu’il aura le soutien qu’il mérite après une telle déception.

Allez 1H10 plus tard, on est enfin prêt. Ça a été un poil long, mais nécessaire. On en avait besoin. Je sais que faire souffler la machine, la recharger peut faire gagner beaucoup de temps pour la suite.

Denier by by à Yannick et son papa.

Et qui repart avec nous ? Adrien toujours la tchache, le smile… Jérôme lui a quand même filé une veste !

On repart du pont de la Cariat, et j'ai l'impression d'être un autre jour. Je n'ai pas vraiment l'impression que tout correspond. Comme si il y avait eu une frontière entre la journée que l’on a vécu jusqu’à présent et ce nouveau départ.

Il fait beau, on a droit à une belle soirée de printemps. Difficile de le concevoir après cette journée.

On repart bon rythme, ce ravito nous a vraiment requinqué. Pecloz nous attend, Jérôme et moi connaissons le monstre, mais on y va bien je trouve.

Tout le passage en forêt se fait bien, on papote pas mal tous les 3 avec Adrien. On découvre les traces du passage de Jean. Quel couillon ce Jean. Ça me fait du bien de le sentir dans notre histoire, mais c'est frustrant de savoir qu'il est passé et qu'on s’est raté.

On sort de la forêt, le monstre est là, et son assaut va nous marquer. Je visse le moindre boulon, plus rien ne doit ne serait-ce qu'un peu vibrer. Je me vide de tout et j'avance. Rien d'autres. Jérôme se glisse derrière moi dans mon silence. Adrien tente d'entretenir un moment la conversation. Puis nous laisse gérer notre avancé. On reste river l'un à l'autre avec Jérôme. Concentré sur l'entité que nous formons. Nous étions à l'assaut du Pecloz, c'est lui qui sappe nos forces.

Mais on tient la ligne, on débouche sur le cheminement final. On y est. On a pris une sacré décharge.

Un fanion OTB nous attend au sommet. Jean est passé par là, m'a laissé un message. Je suis sidéré, fier, heureux, touché, ému. Je lâche quelques sanglots.

J'ai eu tellement peur de perdre un ami le jour ou la décision a été prise de continuer malgré l'indisponibilité de Jean. Mais non Jean ne nous a pas abandonné, il est là à fond avec nous, il nous a tracé la ligne à suivre sur les prochains sommets.

Pecloz tu es beau.

Au soleil couchant tu es un empereur.

La lumière est magique.

Moment intense.

Mais nous ne marquons pas ce sommet par la dégustation d'un nouveau fromage. Je me suis régalé jusqu'à présent, mais ce n'est plus le moment. Le bide ne le permet plus. Et pour Jérôme non plus.

Jérôme et moi filons pendant qu'Adrien envoi des nouvelles à tout le monde.

Descente vers le col entre Pecloz et Armenaz. Deux jeunes chamois passent comme des balles à se courir après dans une pente improbable à une allure démente. Moment magique.

Passage au col, on enchaine avec Armenaz.

La pente est « douce », elle fait du bien, on fait fuir un troupeau de chamois à notre approche, la pénombre se fait.

Ce sera le seul sommet un peu donné par les Bauges, avec Tré Mollard. Les 12 autres en demandent tellement.

Arrivé au sommet. On récupère le drapeau de Yannick déposé par Jean. Je lui envoi la photo. Je regarde Arces – Arlicots dans la nuit tombante.

Je prends ma décision. Je n’y passerais pas. Pas ces crêtes dans la nuit. Je le dis à Jérôme.

On bascule sur le parcours de repli que j’avais tracé en cas de danger d’orage. On fait Arces en aller/retour, on redescend, on contourne le vallon de la Lanche par le bas et on monte Arlicots par Beau-Molard et les crêtes de la Lanche.

9 bornes et 900 m de d+ pour les 2 bornes et 160 m de D+ en gros des crêtes ! Mais pas d’autres alternatives pour moi à ce moment-là. Jérôme est Ok.

On attaque la descente vers les chalets des Gardes. Dans la descente, j'ai un message de François qui s'inquiète pour la portion Arces –Arlicots à faire de nuit. Je l'informe de notre décision, puis informe Céline et le Whatsapp général.

Je trouve la descente « agréable », les frontales sont allumées, la température est agréable.

Mais en face nous attend donc cette pointe des Arces, reconnu la semaine avant. Une chienlit.

Pas réfléchir. On enclenche, Adrien venu faire un ravito volant toujours avec nous !!!

Arces ne ment pas, un départ droit dans la pente (à se demander comment on va redescendre), puis un petit bout de crêtes, puis les arcosses de m…e ! Je m’efforce de trouver le meilleur itinéraire. Pas évident à la frontale. C’est dur franchement. J’entends d’un seul coup Jérôme s’énerver après son carquois et le bâtons qui se prennent dans les branches. Je commence à connaître Jérôme. Il ne faut pas que l’énervement prenne le dessus. Je lui prends ses bâtons, les glissent dans mon dos. Juste le soulager, pas trop de mots.

On continue. On sort des arcosses. Jérôme a tapé, il est dans le dur. J’essaie de maintenir l’effort, qu’il reste coller à moi. Je sors mon téléphone, y balance dessus le Blizzard de Fauve, et place mes mains avec mon téléphone dans mon dos pour que le musique atteigne Jérôme. On continue. Jérôme tient. La musique s’achève au sommet, au drapeau de Jean pour Jérôme.

L’émotion est là.

Photos de nuit.

Je pose la question à Jérôme : « Tu nous vois attaquer les arrêtes maintenant ? ».
Pas besoin de réponse, on sait tous les deux. Ça va être dur ce détour mais nous n'avons pas le choix.
Jérôme me répond quand même : « Ce serait comme sauter dans le vide ». Et c'est exactement ça.

On repart à la descente. C’est un peu moins dur. Les arcosses sont toujours de m…e, mais on ne les remonte pas, on les descend. On finit par passer. Petit bout de crête, la descente dans le raide. Paf j’y troue mon pantalon de pluie.

Grace au point Gps pris par Jérôme on retrouve notre jerrican. En place nickel. On refait le plein des flasks. Et Adrien accepte en plus de le redescendre à la voiture.

Bon ça y est, on est arrivé au bout de notre ravitailleur de choc, 40 bornes, 4000 m de D+, on a réussi à l’entamer un peu.

Reste quand même encore la descente depuis le chalet des Gardes à faire ensemble, puis c’est le moment de se séparer. Merci Adrien pour celle-là !!

On suit ma trace, mais rapidement on se retrouve sur une langue de neige de la coulée venant du vallon de la Lanche… et tout a été emporté. On tâtonne. C’est la merde. On retrouve un chemin. Mais il semble sortir de ma trace. Je sors la carte. Ça semble correspondre, mais on n’est pas sûr à 100%. On est fatigué, plus envie de chercher, pas envie de se lancer sur un sentier et que ça ne soit pas le bon. Purée là c’est dur. Jérôme Whatsapp « on est perdu » pendant que je regarde la carte. Jean répond « Vous êtes où ? », puis le téléphone de Jérôme sonne. C’est Jean. Vous êtes où ? Jérôme lui explique. Jean répond, c’est bon vous devez être sur le bon chemin, mais je suis au chalet de Bottier, j’arrive.

JEAN ARRIVE !!! Bordel, il est minuit et il déboule à ce moment-là !!!

5 minutes après, on entend un appel, on répond, une frontale arrive, on lui tombe dans les bras.

Merci Jean. Putain je suis tellement fier d’être ton ami. Merci, merci, merci !
La déception de ne pas prendre le départ avec nous a dû être terrible, mais n’a rien emporter. Tu es là et tu te mets aux services de notre périple. Tu es grand, je le savais. Tu es immense, je le savais aussi.

Dans ma tête, je lui file les clés du camion.

On repart, sa présence au cœur de la nuit nous fait vraiment le plus grand bien.

On file jusqu'au chalet de Bottier. Ça craint je ne reconnais rien. On décide de continuer sur ma trace. Puis enfin on bifurque sur la gauche.

On traverse d'abord un champ avec des veaux très curieux qui nous suivent. Ça fait drôle en pleine nuit. Puis on attaque l'ascension d'Arlicots.

Et elle va faire mal. Jérôme s'accroche derrière Jean. Mais c'est dur. Faut dire que c'est raide, interminable.

Encore une qui paye. Cher.

On passe enfin sur l'épaule, et la lune nous accueille. C'est magnifique. Mais on file encore, Alicots est plus loin.

On y arrive enfin. On se pose un peu. Photo avec Jean pour annoncer à tous, sa présence avec nous. Mais là, pas d'euphorie. On voit le Grand Parra, et c'est loin.

Bon je me lève, le Grand Parra nous attend, et surtout cette arête.

Jean nous annonce qu’il ne vient pas. Il nous attend un peu plus bas que l’on revienne.

Je ne me laisse pas atteindre par ça. Je connais trop bien Jean, je connais les limites de son engagement, sa connaissance de lui-même, et le respecte tellement que cette décision ne me surprend pas et ne me déstabilise pas (trop). Elle éveille juste en moi une vigilance encore accru.

Comme depuis le début, je prends les événements un par un, les fait miens, en fait des paramètres supplémentaires dans cette équation Baujus.

Par contre je reste perturbé car ce qui s’annonce ne correspond pas du tout à ce que j’avais en tête. Lors de la reco avec Jean, j’avais gardé en tête que le point chaud avait été Arces – Arlicots, et du coup Arlicots – Grand Parra était passé « facilement » et de façon assez courte.

Cette impression s’était ancrée en moi, et j’en avais fait une vérité. Mais ce n’était qu’une impression !

La vérité du terrain s’avère rapidement autre. C’est une arrête, un vrai, surtout de nuit, surtout avec ce que l’on a déjà dans les papattes. Une qui demande de poser les mains, de bien regarder où se pose le pied, qui demande de déchiffrer le terrain pour trouver le cheminement, de faire abstraction des lumières là-bas tout au fond, très loin dans de la vallée…

On évolue ensemble, soudé.

Je ne cherche rien, je ne prouve rien, je suis là, entièrement à ce que l’on est en train de faire au moment présent. Le Grand Parra se découpe dans la nuit à la fois de façon très lointaine et très proche. Il semble être là, à portée de main et pourtant l’évolution est lente et il semble se maintenir toujours à la même distance.

Première fissure, Jérôme a un doute. Mais il est là avec moi, et il reste là avec moi. Il m’a filé les clés. En confiance.

Je n’émets pas un doute. J’absorbe les choses, un paramètre de plus. Suis-je à ma limite ?

Non.
Elle sera atteinte peut-être 50 m d’arrête plus loin. Je regarde le Grand Parra. Ok, tu ne veux pas de nous.

Je l’accepte.

Ce qui se présente devant nous serait le pas de trop de cette belle aventure.

De l’humilité, la montagne, même à notre petit niveau, en demande. J’essaie à chaque sortie, depuis toujours, et avec Jean sur les planches, de toujours le garder en tête.

A cet instant, là, il est temps pour nous de stopper.

Je l’annonce à Jérôme. C’est ok pour lui.

On regarde une dernière fois le Grand Parra si près, si loin, et on enclenche le retour vers Jean.

Concentré. On ne relâche pas notre vigilance.

Arlicots. Jean est redescendu un peu plus bas. On s’assied 5 min avec Jérôme. On doit absorber les choses.

Jérôme est affecté par ce sommet manquant. « Philippe, mais qu’est-ce qu’on fait là ? »
Le challenge lui semble foutu du coup.

Je ne sais pas pourquoi je ne le prends pas comme ça. Rien n’a changé pour moi.

L’aventure est trop belle, l’énergie de tous, la possibilité de faire ça, la nuit magnifique, l’amour autour de nous… Tout est toujours là. Rien n’a changé au final.

Je pressens l’unicité dans notre vie de ce que l’on est en train de faire.

J’essaie de l’exprimer à Jérôme, peut-être pas aussi clairement que là. Je lui dis en tout cas ce que je ressens, que notre décision est la bonne, que rien ne change.

Et je sais avec mon Jérôme, que tout va cheminer et faire sens dans son esprit et son cœur.

On repart, on a hâte de retrouver notre Jean.

J’annonce sur Whatsapp à tous nos suiveurs, notre décision. La bonne. Ça fera 13.5, ou 13.8 sur 14. Ou un petit 14 parce que le détour entre Arces et Arlicots n’a pas été gratuit et le tarif était conséquent.

Peu m’importe de toute façon. Tout ceci est vécu pour moi, mes amis, mes amours et leur regard.

Jean est rejoint un peu plus bas. Je me love de nouveau dans la sérénité que nous apporte sa présence, la quiétude de le savoir avec nous, ce sentiment que je ressens à chaque sorties partagées.

Il reprend les clés du camion et nous emmène vers la suite.

La descente demande son lot de cassage de fibres. Jérôme souffre avec ses pieds. Même l'accroche mentale se fait moins, ça devient vraiment très dur pour lui. On finit par arriver à la piste qui doit nous amener aux chalets des Abrets, juste sous la Dent d'Arclusaz. Le jour se lève tout doucement. J'éteins ma frontale sur cette piste.

On arrive aux chalets. On se pose sur le premier banc du premier chalet. Comme ça, d'un commun accord, sans réfléchir. Je ne sais pas si ce n'est pas un de mes moments préférés de cet OTB. On est hors du temps, shooté par la nuit, les efforts, les émotions. On délire gentiment, la moindre connerie nous fait rire. Et surtout on se tape chacun un snickers de Jérôme. Je ne sais pas si j'ai déjà pris un meilleur déjeuner que ce snickers face au Grand Para et Arlicod.

On redémarre. Ce qui est dur par contre c'est que Jérôme parle d'abandon, il est à son bout. Il parle de monter Arclusaz (et ainsi valider son permis Bauges) et que ce sera fini pour lui. Mais il me semble serein, et en paix avec lui. Il dit même attendre le sommet et qu'il verra. Je respecte ça. Je comprends ça.

 

On monte, le début va bien dans le vallon. Puis on attaque le raide. Comme toujours ici, ça se mérite !

Mais on progresse, tranquillement, sûrement, guider, rythmer par le pas de Jean

Sommet atteint. Au soleil. C'est bon !

Photos bien sûr ! Une petite pensée à Arclu.

Je sais plus où exactement ? Au sommet, ou au début de la descente dans les câbles, Jérôme m'annonce qu'il arrête, qu'il a demandé à Armony de venir le chercher à Epernay au prochain ravito.

Je comprends, je ne lui en veux pas. J'ai la chance d’avoir des pieds qui ne craignent pas, mais à sa place je serais beaucoup, beaucoup moins résistant à la douleur.

Je regarde ma feuille de route, il me reste 38 bornes ! 38 !!! Heureusement Jean est là, prêt à en découdre.

On passe le verrou pour basculer côté Ouest. On attaque la descente. Jérôme souffre et n'arrive pas vraiment à courir.

Je lui demande alors si je peux tracer. Si je veux continuer maintenant il faut que j'enchaîne. Bien sûr me répond Jérôme. Je dis à Jean de rester avec lui. De toute façon je vais me ravitailler en bas, et on se retrouve à Epernay. Jérôme n'est pas d'accord et demande à Jean de partir avec moi. A cet instant c'est moi qui reste sur l'OTB, Jean doit rester avec moi.

Du coup, on trace. Dur au moral. Je ne veux pas réfléchir et me focalise sur Epernay.

Mince, on s’éloigne de la trace, on a loupé une bifurq, on remonte, on se lance dans le chemin, et arrive Jérôme. Quand même pour un mec qui abandonne, ça m'a l'air de droper.

On continue de filer avec Jean, Jérôme pas loin derrière au début.

On arrive enfin à Epernay, on péclotte dans le village pour retrouver Romain et Armony.

Romain qui vient de passer la nuit à nous attendre dans sa voiture, c'est dément. Quelle joie de le voir.

Armony est là aussi... Mais pas du tout décidé à emmener son Jérôme à la maison. Non pas du tout du tout ! Elle est là, prête à le soigner, à tout faire pour qu'il reparte. P...n qu'est-ce que je kiffe de voir ça !!!

Et sur Whatsapp apparemment ça a fusé aussi pour encourager Jérôme !!!

3 minutes après moi, on voit arriver une fusée. Au rythme, je sens que quelque chose se passe. Ce n'est pas un mec qui lâche qui arrive là, c'est un mec qui en veut !

Jérôme se pose sur le tapis, me regarde, j'ai compris, on repart ensemble !

Et c'est parti, Armony se met à fond pour soigner les pieds de Jérôme, Romain nous prépare deux soupes, nous fournit en flotte, Jean est aux petits soins. C'est reparti, c'est dément !

P...n , je suis fier du mec assis à côté de moi.

Voilà il a abandonné il y a une demi-heure, une heure, il a totalement lâché prise, il abandonné toutes les mauvaises raisons pour lesquelles parfois on a l’impression de courir (égo, confiance en soi, pression du résultat, ..)…

Et maintenant ça repart pour les bonnes raisons, les vrais celles qui font aller loin, celles qui nous portent vraiment, les essentielles, celles qui seront toujours là, celles qui restent : les potes, le plaisir pur du dépassement de soi, son père, la fierté de sa mère, le regard d’Armony…

Jérôme était déjà immensément costaud. Mais là t’as trouvé la force, je te l’ai dit, celle qui ne te quittera plus jamais. Celle qui t’amènera là où tu décideras d’aller.

Je suis fier de voir ça, je suis fier de partager ça avec ce mec-là, de vivre des moments comme ça.

Entre-temps faut quand même motiver Romain qui se verrait bien rentrer chez lui après la nuit qu'il vient de passer. Nan mais ô, ça va pas ou quoi ? Le plan était de nous accompagner et c'est ce plan qu'on va mettre en action !

Bon on finit de se préparer, et nous voilà parti à 4.

Quel kiff. L'arrivée de Romain parmi nous fait du bien, un vent frais s'engouffre, les conneries fusent. C'est bon !

De nouveau, la montée, même en marche nordique, se méritent. Jérôme se colle à Jean. Je connais ça, c'est le meilleur moyen d'aller loin, très loin !

On arrive enfin sur les crêtes, il faut filer maintenant jusqu'au chalet de la Fullie. Je trouve ça très long. J'ai envie d'en découdre avec le Colombier. Mais toute cette approche me semble très longue.

Dans la montée finale au chalet, on croise un traileur. Tiens, un vainqueur de l'EB 2015.

Maintenant, c'est un passage en forêt puis une longue traversée, pffffff j'en ai un peu marre.

Mais on arrive enfin au pied du raidard final. On s'y lance. Jérôme s'accroche toujours. De toute façon maintenant il ne lâchera plus rien. Le sommet est pervers car il se cache un peu derrière le terrain. On croit être proche de la fin, et non la suite se dévoile. Je crois que ça nous le fait deux, trois fois. Mais bon comme d'hab, on finit bien par y arriver !

La vache ! On se pose avec Jérôme. Photos ! Et on déguste un sneaker. Trop bon !

Et les conneries fusent. C'est bon d'être accompagné ! Quel plaisir !

Allez, il n'en reste plus qu'un !!!

C'est parti. Je pars avec Jérôme. Je reste un peu avec lui, puis j'ai les cannes, et j'ai envie de me faire un peu plaisir dans cette descente raide, alors j'allume un peu ! Quel plaisir de voir les jambes répondre ! Le kiff !

Au col j'attends Jérôme, et on repart. Les deux autres nous rejoignent peu après. On continue. Je continue un peu de profiter de la descente. On se regroupe, on atteint les chalets de la Fullie. Et on trace direction La Compôte.

Là on a hâte, le pic-nic, prévu à l'origine pour l'arrivée, a finalement été délocalisé à la Compôte sur un point de notre passage ! Et tous nos amis nous attendent. Et Lola et Céline pour moi. J'aimerais vraiment y être.

Mais l'OTB se court ensemble et se finira ensemble. Et avant de rejoindre tous nos amis, on va surtout se taper une grosse section de route forestière bien languissante. On arrive enfin à la Compôte, on traverse le village, on reste sur ma trace, personne. M...e, j'ai pas compris, ils sont un peu à l'écart de la trace. On traverse un champ, on remonte un chemin.

Ils sont tous là.

C'est un truc de malade !

Lola saute dans mes bras, j'ai à peine le temps de faire un bisou à Céline.

Et essayer de profiter d'une parcelle de tous les présents. Vous nous faites un tel cadeau en étant là. C'est dément !

La famille Ferlisi et Maxou qui vient me tirer sur le bas du short pour que je lui fasse un bisou,  et Tim, et Julien encore et toujours là, et Caro qui me touche en me disant qu’on est des très grand malades.

Le sourire étincelant de Stéphanie, la présence de Julien venu de Grenoble pour me voir passer pourquoi ? Même pas une heure. On en a tellement fait des bornes ensemble depuis le Défi 2008 ! Je suis vraiment tellement touché de vous voir.

Chris, Marion, Lisa une belle famille, un mec en or, j’ai tellement envie de faire des bornes avec toi Chris, qu’on confronte encore et encore notre vision du monde et de la vie, j’ai envie de rire à tes blagues au cœur d’une nuit !

Fredo, Sab et Mélie, mon Fredo à fond dans le barbeq , mais prêt à remettre les baskets pour aller monter une nouvelle fois dans son jardin, Sab avec le nouveau chien de la maison , Mélie belle comme un cœur.

Joël et Carla, présent même si Yannick a dû stopper ; Joël dans les starting-blocks pour se remettre un petit Trélod !

Adrien, grand fou, il n’en a pas eu assez. Il est là basket aux pieds prêt à en découdre de nouveau, le smile et la tchache en bandoulière !

Les Gitenet au grand complet, François prévenant avec moi, à fond dans son rôle de ravitailleur, Blandine le sourire resplendissant, Agathe petit bout de brune, et Alexis petit bonhomme à fond en train de jouer

Et Yannick, mon binôme, mon ami, quel plaisir de te voir présent, quel plaisir d’avoir ta présence, de te voir surmonter ta déception pour nous. Ta présence à ce moment-là est un élément indispensable à la réussite complète de cette traversée. Merci sincèrement !

Armony, encore et encore aux petits soins de Jérôme, décidé à monter avec nous au Trélod !

Je me pose à côté de Jérome. On est bien là, hein ? C’est dément ?

On vit des shoots de plaisirs, d’émotions.

Un regret, il manque la présence de Pat, Gillou et Bruno. Mais en bon montagnards, ils sont allés continuer à vadrouiller dans la montagne.

Bon on ne lâche pas mentalement quand même, il en reste un à gravir.

Je croque dans tout ce qui présente, des bonbons, des pâtes, de la pastèque et même un bout de saucisse !

Céline est là, présente, attentive, elle a de nouveau tout géré pour que ce moment se passe. Elle sait que je kiffe tellement de vivre ça. Elle me connait par cœur. Elle sait tout ce que je ressens. Toutes les étoiles qu’elle plante dans mes yeux. On a vécu tellement de choses très très fortes de cohésion, de vie de couple, d'amour, de projection de vie en quelques minutes sur un ravito.

Bon, allez on y retourne !

Jean et Romain, les fidèles, sont prêts aussi, ils chargent nos flasks supplémentaires pour nous éviter de trop porter, comme depuis Epernay.

Tout le monde se prépare, on va être 10 à monter : Jérôme et moi, Jean et Romain, Yannick, Adrien, Joël, Armony, François et Fredo,

Même dans mes rêves les plus fous, je n’imaginais pas qu’on monterait si nombreux. C’est dément de se sentir soutenu comme ça.

J’ai la présence d’esprit de remercier tout le monde, d’essayer de leur faire comprendre l’importance de leur présence.

On prend des photos, des bisous sont échangés, et on commence à avancer.

Lola me tient la main. C’est bon… mais c’est dur car je dois lui dire de la lâcher, faut que je continue. C’est dur pour mon p’tit bout de me voir de nouveau partir. J’espère que quelque chose de bien sortira de ça pour elle. Qu’elle voit son père aller chercher ses rêves, qu’elle voit l’énergie de l’amitié, le soutien d’un groupe. Que ça s’ancre en elle.

Dernier tapage de pogne avec mon poulo (qui aurait bien aimé nous accompagner mais compliqué de planter Stéphanie et pour le retour sur Grenoble). Mais tellement de merci d’être venu à vous deux !

Le début se fait en mode colonie de vacances, c’est génial. Prendre le temps de discuter avec chacun.

On passe le Magnoux. On attaque la montée proprement dite. Et là, bim ça tape ! Jérôme a compris, il s’accroche au pas de Jean.

La montée va se dérouler au rythme imprimé par Jean au choix de ses pauses. Jérôme est tellement entre de bonnes mains !

Le passage de la cascade est somptueux, impressionnant par endroit pour Romain. On rejoint la crête, nous reste ce long cheminement suspendu. C’est superbe, les Bauges sont splendides, dures parfois, sauvages et tellement belles. Dans ces pentes, nous franchissons notre 100ème kilomètres, puis notre 10 000ème mètres de D+. un sacré joli ratio !

Passage avec les mains. On s’est regroupé avec Jean, Jérôme et moi. Fredo nous accompagne.

Le sommet s’approche. Chaque pas nous en approche.

Quelques mètres, Jean s’écarte, nous avançons symboliquement ensemble Jérôme et moi. Ca y est le dernier sommet des Bauges est à nous. On se prend dans nos bras. L’émotion nous serre la gorge. Nos regards en disent long à tous les deux.

J’aurais attendu une joie explosive, et c’est un sentiment doux, apaisant qui m’envahit. Un accomplissement !

Je pousse pourtant un cri libératoire !

Jean repart sans rien dire, pour voir comment s’en sort Armony.

Petit à petit tout le monde arrive.

Ce moment est à nous tous, dément. Joie. Plénitude.

Les photos, le dernier fromage, une Tome des Bauges a partagé tous ensemble.

François sort une impression du « logo » de notre traversée. Il avait tellement tout préparé !

J’en profite pour faire une photo à 4 : Jérôme, Jean et Yannick à l’origine du projet et moi.

Ce moment est à nous.

On attaque la descente. Je me porte devant, j’ai envie de courir ! Les jambes veulent tracer. Faire cracher ce qu’il reste ! Quel pied !

Puis sous la Dent des Portes, on se regroupe une dernière fois.

Au départ, elle était sur notre trace celle-là symboliquement. Mais en fait, ça n’a plus lieu d’être. Il est tard, Jérôme souffre vraiment, totalement des pieds, il est dimanche soir et certains sont encore là avec nous.

On descend donc direct. Jérôme a dû mal à encaisser cette dernière descente, ces cailloux. C’est tellement dur, quelque part le game a pris fin, là-haut au sommet du Trélod. Ce serait tellement bon que ça s’arrête. Heureusement, le chemin devient moins caillouteux en forêt. On est maintenant tous les 4, Armony, Jean Jérôme et moi.

J’ai la chance de passer un appel vidéo à Lola avant son dodo.

Et enfin, on arrive au parking !

Et on a droit à une véritable arrivée. Julien, Adrien filment. J’ai l’impression que ça crie, ça applaudi. On franchit la ligne (un beau fil bleu de clôture).

On tombe dans les bras l’un de l’autre avec Jérôme. C’est indescriptible comme sentiment.

Le kiff est absolu.

On l’a fait !

François me tend une bouteille de champagne !!!

Je suis sidéré.

Julien est là, il était là au départ, il est là à l’arrivée. Vous êtes des fous.

J’espère mériter des amis comme vous.

Ce moment est unique. Magique. Etincelant.

J’ai un pincement au cœur, il me manque Céline et Lola. Céline aurait tellement aimé être là.

Un repas s’improvise, François a sorti une table et deux chaises.

Des rires, du champ, des bières, du fromage, des blagues, des saucisses, des M&M’s, chacun raconte son OTB … Une sorte de banquet de fin d’album d’Astérix et Obélix.

Des moments comme ça devraient durer une ou deux éternités.

Mais j’ai hâte de retrouver aussi Céline. Alors on lève le camp, il est temps que chacun rentre chez soi.

 

Je crois que j’avais rêvé que cet OTB soit un immense partage. Il l’a été au-delà, bien au-delà de toutes mes espérances.

Un creuset rempli d’amour et d’amitié.

Une expérience forte, unique je le sens.

14 sommets ou 13.8, 13.5, 13… peu m’importe au regard de l’humanité de ce que l’on a vécu.

 

Au niveau personnel, je suis sidéré de la façon dont j’ai encaissé cette traversée. Rien ne m’a vraiment atteint, je suis parti doucement, comme pour l’EB finalement, et j’ai toujours été bien, prêt à monter (certes peut-être pas bien vite sur la fin) et à dérouler en descente. Un vrai kiff, sans bâtons et sans l’impression qu’ils m’aient jamais manqué. Je ne pense pas avoir jamais autant potentialisé, optimisé mes capacités. Un truc de fou en plus à ajouter à cet OTB.

 

François me dit en rangeant les affaires dans la voiture : Que personne ne vienne me dire que le trail est un sport de solitaire ».

C’est tellement vrai, mon François ! Je crois qu’on l’a démontré de la plus belle des façons ce week-end.

Le partage en tout et pour tout. Valeur clé de notre petit groupe.

 

Un grand penseur (Didier Deschamp) a dit à ses joueurs après avoir gagné le Mondial, qu'ils ne seraient plus les mêmes après ça, et qu'ils seraient liés pour toujours par ça.

C’est exactement mon ressenti envers mon Jérôme. Une King Line nous lie désormais.

On a été des montagnards, de ceux qui doivent nous inspirer, de ceux plus fier de leur demi-tour que ceux qui ne sont plus là.

On a fait corps avec notre projet, on s'est adapté à ce que la montagne nous donnait.

Je suis fier de nous Jérôme.


15 commentaires

Commentaire de Arclusaz posté le 28-06-2019 à 10:43:48

Extraordinaire !!!!!!!!!!!!

le CR est à l'image du truc de fêlés que vous avez accomplis ; du sport certes mais surtout de l'amitié et beaucoup de sensibilité.
C'est beau, je le relirai souvent. Merci pour la pensée à la Dent et pour m'avoir associé à ce magnifique projet.

Et comme dis sur ton blog, j'ai chialé en lisant....

Commentaire de Philippe8474 posté le 28-06-2019 à 14:20:28

Merci Laurent!
Ca a été extraordinaire, d'une force démente.
Le sentiment d'avoir vécu un truc à la croisée des chemins, pleins de chemins...
Merci à toi d'avoir pris le temps à chaque fois de me répondre, me renseigner, me filer des infos.
Ça serait bien quand même de se voir en vrai...

Commentaire de Arclusaz posté le 28-06-2019 à 14:24:23

j'espère bien vous attendre en bas du Grand Parra l'année prochaine pour la 2eme édition avec du ravito. ce serait un chouette endroit et une chouette occasion pour faire connaissance.....

Commentaire de Philippe8474 posté le 28-06-2019 à 16:44:44

Oulalala...
Ca je ne sais pas ... A ce jour j'ai le sentiment d'un truc unique... On verra bien.
Mais de toute façon je traînerais toujours bien un peu dans les Bauges :)

Commentaire de Mazouth posté le 28-06-2019 à 15:43:36

Magique !! Et quel final en apothéose avec cette dernière montée en groupe, c'est beau ! Bravo à vous tous et merci de m'avoir fait rêver avec ce récit... en cette après-midi pas trop chargée au boulot ;)

Commentaire de Philippe8474 posté le 28-06-2019 à 16:45:56

Merci Mazouth
En espérant vous croiser les lyonnais quand vous viendrez dans le beau massif d'Arclu!!!

Commentaire de wakayama posté le 28-06-2019 à 19:50:29

Magnifique et bravo ! Un super projet qui a rempli toutes ses promesses. Ça fait vraiment envie, je suis limite envieux

Commentaire de Philippe8474 posté le 01-07-2019 à 08:13:52

Merci beaucoup... et effectivement sur un récit d'une Sainté il me semble bien que tu parlais d'un projet en Bauges????

Commentaire de Navier38 posté le 01-07-2019 à 15:24:54

Merci pour ce récit.
Habitant à Faverges, c'est un projet que j'ai en tête et que je réaliserais surement un de ces jours. Une king line qui fais rêver, comme tu le dis ! Beau partage avec tes amis.
J'ai toujours imaginé partir le soir par contre. Peu être parce que je connais mieux le début du parcours et donc je souhaite me laisser une chance de faire la fin de jours :-)... Ca murit doucement !


Commentaire de Arclusaz posté le 01-07-2019 à 16:07:02

hé hé..... c'est ce que j'avais aussi "conseillé" à Philippe pour être sur de passer de jour au Grand Parra, un des coins clés du parcours. Vraiment désolé d'avoir eu raison puisque le sommet n'a pas ou être complètement atteint de nuit (mais dans l'esprit,on est d'accord vous l'avez !). Philippe ne voulait pas faire deux nuits dehors, souhaitait arriver à une heure décente samedi et avec un départ de nuit se pose aussi la question du passage Sambuy/Chaurionde. D'où la décision de partir à 6h. Bon, Philippe me corrigera (virtuellement !) su j'ai dit des conneries.

Commentaire de Philippe8474 posté le 01-07-2019 à 16:40:34

Merci Navier pour ton commentaire, en habitant Faverges, j'imagine bien que ça doit faire des envies.
Pour le départ Arclu a tout dit. J'ai privilégié une vrai nuit avant le départ. J'ai jamais été fan des départs le soir (type UTMB), ça cumule un départ après déjà une journée dans les pattes et un premier jour de course après une nuit.
Là j'avais envie d'une première journée bourrée d'énergie et en pleine forme... Mais bon c'est pas passé, et même sans tous les aléas du matin, la portion Arlicod - Gd Parra aurait été à la nuit tombante au mieux. Pas top!
Puis en plus pour nous le choix d'avoir des potes qui équipaient Sambuy Chaurionde, donc pas trop trop tôt non plus...
Bref notre compromis n'était peut-être pas le meilleur
Au suivant maintenant de tenter autres choses ;-)

Commentaire de Navier38 posté le 01-07-2019 à 16:47:03

Je comprends bien ton point de vue. Le choix est pas simple pour cette ligne qui comportent des passage difficile répartie sur tout le parcours. On est obligé de privilégier certains secteurs.

En tout cas, c'est une belle réussite pour vous !

Commentaire de Philippe8474 posté le 01-07-2019 à 17:21:10

Oui une réussite totale, absolue dans le vécu!!

Commentaire de TomTrailRunner posté le 06-01-2024 à 13:29:04

Pffft quelle claque que ce récit .... le trail n'est pas un sport solitaire yes... mais à te lire ce n'est même pas un sport mais une aventure émotionnelle ou le mental prend toute son importance.... Bravo

mais le physique, le technique, le physiologique sont aussi efficient qu'éludé dans le propos :)

Commentaire de Philippe8474 posté le 06-01-2024 à 14:46:12

Merci, merci beaucoup Tom pour ton commentaire!!!
Merci de me replonger dans cette aventure. Elle est unique et le restera sans doute parce quelle a réussi à catalyser, assembler, créer!
Aussi par l'innocence qui l'a accompagné et qui est, par essence même, unique!
Merci encore!

PS: Immenses respects pour ton trip en NZL!

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