Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2015, par Miche

L'auteur : Miche

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 22/10/2015

Lieu : st Pierre (Réunion)

Affichage : 2419 vues

Distance : 112km

Objectif : Pas d'objectif

9 commentaires

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Diagonale 2015: 2 objectifs sur 3 atteints

 

La Diagonale 2015 tombe au milieu des vacances scolaires de Toussaint, voilà une bonne raison pour y retourner, cette fois en famille. Ayant terminé le Trail de Bourbon en 2010, je sais à peu près ce qui m'attends. Je programme un trail de 30 km en avril puis un 50 en juin pour avoir les points et ensuite des randonnées dans les Pyrénées de juillet à septembre. Les deux trails se passent correctement et bing début juillet je me fais une entorse du pouce gauche en tombant à vélo. Trop mal pour courir pendant 2 semaines. Puis mi août, je me coince le bas du dos et de nouveau impossible de courir, surtout en descente. Je randonne quand même un peu. Ma dernière sortie dans les Pyrénées avec 2000 m de D+ me rassure un peu. Mais côté course, je ne parviens pas à dépasser les 9 km/h. Heureusement, il y a peu de sections où il est possible d'atteindre cette vitesse.

Mon objectif premier est de franchir le Taïbit, mon second est de rejoindre le Maïdo. Terminer me parait irréaliste. Je prévois quand même un tableau de marche optimiste en 45h et un pessimiste en 50h. Cela me permettra au moins de me situer. Je découpe le parcours en 7 sections de 34 km, 30 km puis 5 fois 20 km pour ne pas penser à la totalité et pour savoir où j'en suis sur chaque section. J'ai aussi prévu de changer de chaussettes à chaque fin de section et de renoker les pieds car c'est mon point faible sur les formats de plus de 70 km. J'ai échangé mon numéro de téléphone avec Bubulle pour le suivi kikourou. J'ai prévu une batterie pour recharger le téléphone dans chaque base vie. Côté alimentation, j'ai mes 3 flasques de 500 ml que je remplirai ou pas à chaque ravito en fonction de la durée prévue de la section suivante. Pour manger entre les ravitos, j'ai prévu une pâte de fruits par heure accompagnée de quelques cacahuètes. Rien de plus, je compte sur les ravitos pour le reste.

Mercredi, récupération du dossard avec Jean-Pierre pour qui c'est aussi la première fois sur la Diagonale. Jeudi, préparation des deux sacs pour les bases vie de Cilaos et Maïdo. Mon assistance (ma femme et mes filles) va essayer de me rejoindre à Cilaos en bus (trop peur de monter les 500 virages en voiture) puis à la Possession. Je fais la sieste mais je ne parviens pas à dormir. Je prends le bus de l'organisation pour rejoindre le départ. Je retrouve par hasard Sandrine et Manu que je n'ai pas vus depuis 4 ans. Il pleut pas mal pendant le trajet ! Arrivés sur place, contrôle des sacs puis attente dans l'enclos de départ. Je me pose à côté de Valérie et Pascal qui ont l'air en forme. Puis re-pluie et j'ai la chance de trouver une place sous la tente cuisine. C'est maintenant Maïthé que je croise. On est 2500 pourtant mais je croise plein de têtes connues. Je ressors quand la pluie s'arrête et je tombe sur Yann qui vient de passer 3 semaines sur place à se préparer !

A 21h45, la troupe s'agglutine près de la barrière, les élites se mettent en place. J'ai l'impression d’être au milieu du peloton. Un officiel annonce que le volcan est de nouveau en éruption, alors qu'il s'était arrêté dimanche dernier. Je ne sais pas si c'est une blague ou pas. On verra bien. On avance en marchant dans le sas puis j'entends vaguement un décompte et à 21h57 le départ est donné.



Pendant une demi-heure, je vais courir entre deux haies de spectateurs. C'est impressionnant le monde qui est là pour nous encourager. Ces kilomètres sont plats et je peux tenir le rythme sans problème. Puis on attaque un faux-plat montant où j'alterne marche et course. Passage au premier ravito dans les temps. On est maintenant entre deux haies de canne à sucre. La nuit est claire et il fait chaud et lourd. La pluie n'a pas rafraîchi l'atmosphère. Je rejoins Valérie et Pascal. Puis on arrive au premier contrôle de Domaine Vidot vers le 15ème km. Il est 0h04. Je suis un peu en avance sur mon programme 50h. Le ravito est bondé.

J'en sors au bout de quelques minutes. Bubulle m'annonce ma place : 1919ème. Ah ben zut, je ne pensais pas être si loin, sachant qu'on était presque 2500 au départ. Au bout de 500 mètres environ, je suis ralenti par un bouchon pendant 10 minutes, puis un second qui dure encore 10 minutes, sachant que la trace est trop étroite entre la végétation pour avoir plusieurs files de coureurs. Le troisième bouchon est beaucoup plus important puisqu'on est pratiquement tout le temps à l'arrêt. Ce n'est qu'au 20ème km, en bas d'une descente très raide au milieu de la végétation et où il faut s'accrocher aux branches pour ne pas tomber, que le bouchon va enfin se terminer. Il est alors 3h20. Le peloton est resté calme tout du long... Je trouve bizarre de faire un tracé aussi étroit après seulement 15 km de course et alors qu'il y a 2500 coureurs.

Je peux enfin repartir à mon rythme. Il n'y a pas de barrière horaire au contrôle de ND de la Paix mais le ravito ferme à 5h15 et il me reste un peu plus de 4 km pour y arriver. Le sentier est maintenant plus normal. Je progresse bien et double un peu de monde. On rejoint ce que je devine être le bord du rempart puis le ravito à 4h30. J'ai maintenant presque 2h de retard sur mes prévisions 50h et surtout peu de marge par rapport aux barrières horaires. Et je suis maintenant au-delà de la 2000ème place.

On repart vers Piton Sec par un bout de route. Puis de nouveau le bord du rempart. Le jour se lève. Le volcan à notre droite dégage un panache de fumée. Il doit effectivement être en éruption. Les couleurs sont magnifiques. Le rempart est crénelé ce qui nous occasionne une succession de petites montées et descentes. L'herbe est un peu humide. On quitte le rempart pour une route forestière en faux-plat descendant qui permet de courir un peu puis en faux-plat montant et enfin le ravito de Piton Sec. Il est 6h40 soit 1h35 d'avance sur la barrière horaire mais 2h de retard sur le programme. J'avais prévu 30 mn de pause. Je vais y rester moins longtemps étant donné mon retard. J'appelle mon assistance pour leur dire de retarder leur départ pour Cilaos....

 

 

Le sentier qui fait suite est magnifique, avec une végétation de type résineux. Retour sur le rempart avec des vues superbes sur le volcan. Les photographes officiels se sont d'ailleurs positionnés à cet endroit. Le terrain est un peu plus minéral, on coupe la route du volcan puis on l'emprunte pour rejoindre Piton Textor, premier point culminant du parcours à 2165m. 8h07. S'ensuit une jolie descente avec quelques vaches spectatrices. Tout le monde court un peu dès que le sentier n'est pas trop technique. On rentre dans un banc de brouillard puis on rejoint une route et le ciel se dégage de  nouveau. On voit le Piton des Neiges au loin et le coteau Kergueven, prochain point haut du parcours.

 

Et voilà le ravito de Mare à Boue juste avant 10h. Il y a beaucoup d'accompagnants, c'est sympa. Poulet et pâtes au menu. Je fais le plein de mes 3 flasques car le prochain point d'eau n'est pas tout proche. Toujours moins de 2h d'avance sur la barrière horaire. Je ne suis pas très serein. Ma fille me dit que finalement elles montent à Cilaos en voiture. Je prévois d'y être entre 14 et 15h.

Le sentier monte tranquillement au début vers le coteau Kergueven. Il n'y a pas du tout de boue et c'est plutôt roulant. Je progresse bien. Bubulle me demande à quelle heure je suis passé au contrôle car les pointages ne passent pas. La pente est toujours aussi tranquille, la végétation exubérante et les couleurs incroyables. Ce n'est pas le granite et les lacs de mes Pyrénées mais c'est vraiment sympa. Le sentier devient de plus en plus technique. On évolue sur une ligne de crête entre deux précipices impressionnants. En plus il y a quelques passages avec des échelles. La vitesse tombe encore ! Le sentier semble monter indéfiniment et mon altimètre me confirme que nous ne sommes toujours pas au point haut. Heureusement il fait beau et pas trop chaud. Après une éternité, voici le bord du coteau Kerveguen. On entend le speaker de Cilaos. Le début de la descente est très raide puis encore plus raide. Les lacets sont presque les uns au-dessus des autres. C'est vraiment vertigineux. Je descend plutôt prudemment et ne peut courir que sur de très courtes portions. Il y a parfois de grosses marches à descendre. Là encore, je consulte souvent l'altimètre et il me confirme que je ne descends pas vite.


Mare à Joseph. 13h50. Presque 4h pour cette section au lieu des 2h45 prévues. Preuve supplémentaire que le sentier était vraiment technique. Je rappelle ma femme pour prévenir que j'arrive dans un petite heure. Et je retrouve Valérie et Pascal au ravito. Ça fait plaisir de les revoir. Ils me décrivent la section qui vient, sans difficulté. On descend au Bras Benjoin et on remonte rapidement à Cilaos. Comme les pointages ne sont plus transmis, mes amis et collègues commencent à s'inquiéter de ne plus me voir avancer et me bombardent de SMS pour avoir des nouvelles. Cela permet en plus d'avoir des encouragements.

Cilaos 14h40, première base vie. 3h avant la barrière horaire. J'y retrouve enfin ma femme et mes filles. On discute un peu, je leur raconte ma nuit et elles me racontent leur montée en voiture à Cilaos. Puis je vais pointer pendant qu'elles vont dans les tribunes du stade. Je passe récupérer mon sac d'assistance puis j'enchaîne avec la douche puis le podologue. Je vais ensuite manger avec Valérie et Pascal puis je ressors du site et je pars avec ma famille à travers Cilaos jusqu'au départ vers la cascade de Bras Rouge. 1h20 d'arrêt au total, plus que 1h40 d'avance sur la barrière horaire. Nous décidons de nous retrouver au Maïdo demain plutôt qu'à la Possession où je risque d'arriver dans la nuit. Mais on se rappellera d'ici là. Je suis content de mon alimentation pâte de fruits/cacahuètes jusqu'à maintenant puisque je n'ai jamais eu de coup de mou.

La descente vers Bras Rouge est facile et l'arrêt de Cilaos m'a bien requinqué. Je cours un peu et j'arrive vite au gué. La remontée en face est raide et beaucoup moins drôle mais comme c'est celle du Taïbit, je savoure l'instant. Je vais bientôt entrer dans le cirque de Mafate par en haut. Le sentier jusqu'à la route d'Ilet à Cordes est très bon avec quelques passages vertigineux. Puis un ravito succinct au niveau de la route et il reste 800 m de D+ jusqu'au col. Je sais maintenant que je ne le passerai pas de jour comme prévu. Avec la nuit arrive aussi la pluie. Je bois la tisane ascenseur à mi-parcours puis termine cette longue montée à 19h30 pile. Nuit noire, ambiance humide, je bascule côté Mafate, heureux d'avoir atteint mon premier objectif.

Descente vers Marla sans histoire que j'atteins à 20h15 soit plus de 3h d'avance sur la barrière horaire. Mais je ne suis pas au mieux. Valérie essaie de m'arracher un sourire. Je mange en vitesse et décide de suivre le conseil de Bubulle et d'aller faire dodo. Malheureusement toutes les places sous tentes sont prises. J'enfile le pantalon et me couche dehors. Il faut d'abord que je me masse les pieds pour atténuer la douleur. Mais je ne parviens pas à m'endormir. Je commence à me refroidir. Je retourne vers les tentes et trouve d'abord une place merdique vers l'entrée puis une meilleure quand un coureur repart. Je finis même par avoir droit à une couverture. J'ai du mal à trouver une position qui convienne car j'ai mal tout autour des talons. J'ai mis le réveil pour 21h30. A 21h28, n'ayant toujours par réussi à trouver le sommeil, je repars. J'ai maintenant la moitié de la course derrière moi, en distance comme en dénivelée. Le pointage de Marla a été transmis et du coup les SMS vont se calmer. En plus c'est le début de la nuit en métropole.

On descend vers Bras Machine puis un petit raidillon nous emmène sur la plaine des Tamarins. La lune est encore là comme la nuit dernière. Super ambiance. On avance à plusieurs sur ce plateau. On voit au loin les frontales qui montent vers le col des Boeufs. Le sentier est relativement facile avec quelques passages sur des ponts en bois pour éviter la boue je suppose. Mais cette nuit, pas de boue. La remontée au Col des Boeufs est courte. Le col lui même est assez venté. On bascule pour un court moment dans le cirque de Salazie.

Je sens que je ne suis pas au mieux et je sais que l'objectif de 50h est irréalisable. Je suis trop lent. En plus je n'ai toujours pas dormi et mon mal aux pieds qui a commencé depuis le 40ème km ne va plus me lâcher. J'ai mal au niveau du pourtour des talons comme d'habitude et en plus cette fois ci les articulations des gros orteils me font souffrir. Je dois régulièrement plier les doigts de pied dans la chaussure pour calmer la douleur. Il faut donc que je décide si j'arrête à Plaine des Merles maintenant, sachant qu'il n'y a pas de bus d'abandons ou si je continue et retourne dans Mafate, et dans ce cas c'est au moins jusqu'au Maïdo dans 26 km, 2500 m de D+ et 2300 de D-.

Ravito rapide à Plaine des Merles. Je suis parmi les derniers et les bénévoles sont déjà en train de préparer le ravito pour le Trail du Bourbon vers 7h. Ca plombe un peu plus l'ambiance. Je repars vite en descente vers le départ du sentier scout. J'y arrive à 1h pile. Dernière possibilité d'abandon avant le Maïdo. La bénévole au contrôle demande à chacun de se reposer avant de pointer. Encore une raison d'arrêter là.

SMS de Bubulle avec les encouragements de grumlie. Je réponds que j'y vais. Je connais le Sentier Scout pour l'avoir passé de jour lors du Trail de Bourbon en 2010. Je sais que certains passages sont impressionnants. Du coup j'appréhende encore plus dans la nuit. J'ai le frein à main au max dans les descentes. Je vois au loin des rectangles de lumière avec des ombres derrière comme s'il y avait une boîte de nuit au milieu de Mafate. Hallucinations ? Mes genoux commencent en plus à me faire souffrir eux aussi. C'est nouveau pour moi et je n'aime pas ça. J'ai l'impression d'entendre mes genoux dans ma tête qui me disent «assez». Avec ma vitesse d'escargot, je sens que c'est de plus en plus difficile de passer les barrières horaires. Je démarre le GPS peu avant 3h pour savoir à quelle distance je suis de Ilet à Bourse où se trouve la prochaine barrière à 5h15. A 3h30, je suis trop crevé et me pose sur le bord du chemin dans un lit d'aiguilles de pins. Je mets le réveil pour 4h30, pensant être en mesure de rejoindre le contrôle en moins de 45 mn.

D'abord massage des pieds pour faire passer la douleur. Puis tentative d'endormissement en posant les chevilles sur les chaussures, ce qui permet de ne pas avoir les talons qui touchent le sol. Plusieurs coureurs tournent leur frontale vers moi quand ils passent à côté de moi. Je me tourne et retourne plusieurs fois. En plus le terrain est en léger dévers. Au final j'ai quand même dû dormir 30 mn quand un coureur me réveille vers 4h15 avec sa frontale. Je décide de repartir. Le début est douloureux : mes cuisses se sont refroidies, j'ai l'impression d'avoir des jambes de bois. Je découvre que je me suis posé juste avant Ilet à Malheur...

Petit à petit, je me réchauffe et je me surprends à courir en descente sur ce sentier facile. On est en fait plusieurs coureurs ensemble à craindre la prochaine barrière horaire. Une dernière petite montée que je mange relativement rapidement et me voilà au contrôle d'Ilet à Bourse à 5h pile. 15 mn d'avance sur la barrière, je n'ai jamais connu ça. Heureusement que je me suis réveillé en avance. Je ne traîne pas car la barrière de Grand Place est à 6h30. Surtout que c'est 500m de D- qui m'attende.

J'ai du mal à me souvenir de cette partie. Le jour s'est levé. Ma décision est maintenant prise d'arrêter au Maïdo. Il faut juste que je passe encore 3 barrières pour que la décision d'arrêter vienne de moi et pas de ces foutues barrières. J'arrive à Grand Place à 6h. Comme à tous les ravitos, il y a peu de choix. Une seule fois j'ai vu du jambon blanc. Parfois du jambon cru sur du pain. Parfois du pâté sur du pain. Il semble en fait que les bénévoles ne réapprovisionnent que quand les assiettes sont vides ou même que les coureurs réclament. Au moins, j'ai toujours trouvé de la soupe aux vermicelles. Le tuc sympa, ce sont les pommes en quartier. C'est frais et cela change des autres aliments à tendance énergétique ou protidique.

Les deux sections qui me restent ont chacune plus de 1000 m de D+. S'ajoute 650 m de D- pour la première pour descendre à Roche Ancrée que j'attends avec impatience : parce que c'est censé être joli et parce que ce sera la fin des descentes ... On commence par monter à Grand Place les Hauts. En regardant à droite, on voit la montée du Maïdo au soleil. En regardant de plus près, je vois des coureurs dans une traversée au-dessus d'une paroi verticale de plus de 300 m. Je m'imagine à leur place dans quelques heures et je me dis que non, ça ne va pas le faire avec mon vertige habitel. Ou alors en fermant les yeux et avec quelqu'un qui me tient par la main. Ce serait trop bête d'être coincé si près du but. Je suppose qu'il s'agit du fameux passage de la Brêche. J'essaie d'arrêter d'y penser. Une fois arrivé à Grand Place les Hauts, on surplombe Roche Ancrée et la Rivière des Galets. C'est vraiment impressionnant. La descente est très très raide avec des parties un peu glissantes sur du gravier fin. J'évite de regarder les passage de la Brêche en face et je me concentre sur mes appuis.

A un moment, j'entends un cri. Il semble que quelqu'un a glissé un peu en dessous. Et effectivement 30 secondes plus tard, je découvre un coureur qui en tire un autre d'en dessous le sentier. Plus de peur que de mal car la végétation l'a arrêté. Mais en un autre endroit, cela aurait pu être beaucoup plus grave. Je trouve les sentiers de la Réunion très souvent dangereux. Je comprends qu'il n'y ait pas d'autres solutions ou alors il faudrait des travaux de sécurisation en de très nombreux endroits comme cela a été fait au Taïbit cette année ou à la Brêche l'année d'avant.


Je parviens finalement à la Roche Ancrée avec son poste de secours caractéristique. Je franchis le gué et décide de profiter de la rivière pour me nettoyer les pieds et pour changer une dernière fois de chaussettes. Quand je repars, je suis juste avec Françoise84. On échange un peu nos impressions et je sens qu'elle va terminer. Il faut dire que son expérience parle en sa faveur. La montée est raide et le soleil tape dur. En plus on ne monte pas directement vers Roche Plate, on fait un grand détour et le village nous nargue pendant longtemps. Quand la montée est finie, il reste donc une longue traversée interminable. Je suis lessivé, anéanti. A l'entrée du village, je vois une coureuse sortir avec deux canettes de boisson fraîche. Je continue tant bien que mal.

10h23, je suis à Roche Plate. Je bois un verre de coca puis m'allonge et craque nerveusement. Trop dur, trop long, trop mal. Un coureur à côté de moi s'inquiète de mon état. J'essaie de me calmer. Il fait chaud sous la toile tendue. J'étends les jambes avec les talons en hauteur pour qu'ils ne touchent pas le sol. Peu avant 11h, je me demande s'il faut repartir avant la barrière horaire mais je comprends que les bénévoles n'en tiennent pas compte. Je reste donc allongé un peu plus longtemps et vois Françoise 84 repartir. Je finis par me lever, manger correctement et remplir mes bidons au max. Je prévois moins de 3h pour monter les 1000 m mais on ne sait jamais.

11h30, c'est parti. Au début, nous sommes plus ou moins à couvert mais la chaleur est quand même bien là. Je monte correctement en essayant de trouver les marches les moins hautes possibles pour économiser mes genoux. J'ai trempé la casquette sous l'eau au départ et cela fait du bien. J'arrive à un panneau indiquant quelque chose comme « début du sentier de la Brêche ». Il y a une bénévole avec un casque de chantier à la main qui nous dit de faire attention à partir de cet endroit. A droite il y a une pente à 45 degrés bétonnée avec des tuyaux de drainage qui en sortent. J'y passe sans problème, même avec un coureur en train de prendre une photo au milieu. Ensuite on retourne dans la végétation plus ou moins clairsemée. Je m'arrête à l'ombre 500 m plus loin et demande aux coureurs à côté si on arrive bientôt à la Brêche. Je comprends alors que c'était le fameux passage avec la bénévole. Je ne me suis même pas rendu compte que le vide était en-dessous.

La paroi est toujours aussi raide et le sentier se faufile au meilleur endroit, évitant les barres rocheuses. Pas de marches trop hautes et j'avance d'un rythme correct. Il y a 3 indications pendant la montée, au premier quart, à la moitié et au 3ème quart, qui permettent de se repérer. Personnellement, j'ai préféré découper en trois et je me repère avec mon altimètre. Vers 13h30, au 2/3 de l'ascension, j'annonce mon arrivée à ma femme pour dans une heure. Vers la fin, la pente s'adoucit et le sentier part en traversée vers la droite. On entend les spectateurs qui hurlent. Grosse ambiance encore une fois. Je débouche enfin au sommet très en avance et ma femme et mes filles sont un peu plus loin à l'ombre. Bien content de les revoir. Je craque de nouveau devant elles.

On rejoint ensemble le contrôle et le ravito qui sont 2 km plus loin. Il y a plein d'autres personnes avec les fameux sacs jaunes d'assistance. Le sentier est donc assez embouteillé et les familles ont du mal à laisser la place pour les coureurs qui avancent difficilement. Je passe mon dernier contrôle à 14h35 soit 55 mn avant la barrière horaire. Ça y est, j'ai atteint mon deuxième objectif. 112 km et 7747 m de D+ en 40h35. Vu l'état de mes genoux, il me parait impossible de rejoindre la prochaine barrière qui est 14 km plus bas. Ma femme essaie de me convaincre de continuer mais ma décision est prise depuis longtemps. J'appelle Bubulle pour l'informer de mon arrêt, il essaie lui aussi de me faire continuer jusqu'à Sans Souci. Françoise 84 passe juste à ce moment là devant moi en direction justement de Sans Souci.

Je récupère mon second sac d'assistance puis je vais rendre mon dossard. Les bénévoles me proposent de me descendre en véhicule tout terrain jusqu'à la route. J'accepte avec plaisir, pendant que ma femme va chercher notre voiture de location tout en haut du Maïdo. Le chauffeur du véhicule est super sympa et nous discutons un peu de la course et de l'organisation en amont. Il ne sait pas combien il y a de bénévoles en tout mais me raconte que le repas de la côte ouest a rassemblé 600 personnes la dernière fois. Je devine 2000 ou 3000 bénévoles en tout.

Retour en voiture donc, un œil aux résultats pour voir les copains déjà arrivés et confirmer que c'est bien Antoine Guillon qui a enfin remporté l'épreuve. Puis suivi des copains qui restent en course et dodo dès 20h... Je découvre le lendemain que Jean-Pierre a abandonné à la Possession. Les autres dont Sandrine et Manu, Maïté, Yann, Valérie et Pascal ainsi que Françoise termineront cette magnifique épreuve. Pas de regrets concernant mon abandon dans les jours qui suivent. Les genoux sont toujours douloureux.

Impossible pour moi d'envisager de reprendre le départ de cette course trop difficile à mon goût : départ en début de nuit, bâtons interdits, sentiers toujours techniques, presque jamais de repos, et à moins d'aller vraiment vite, obligation de passer 3 nuits dehors, sachant que je n'arrive pas à trouver le sommeil rapidement. Je réfléchis tout de même à un autre 160 « faisable » pour 2016 puis je me dis qu'il faudrait d'abord envisager des courses plus courtes de 80, 100 ou 130 pour prendre de l'expérience. Ma réussite en 2012 au Grand Raid Occitan 147 km semble presque un accident… mais il est vrai que j'étais mieux préparé.

De bons enseignements tout de même: je sais tenir 40h de course, je n'a eu aucun coup de moins bien avec les cacahuètes et pâtes de fruits, la préparation des pieds n'a pas dû être si mauvaise que cela puisque la plante des pieds a tenu le choc pendant ces 40 h. Et une grosse satisfaction d'être allé aussi loin avec mes deux blessures pendant la phase de préparation. J'ai découvert le rempart entre Piton Sec et Piton Textor, Mare à Boue, le coteau de Kergueven, la montée du Taïbit, le haut de Mafate et enfin l'ascension du Maïdo. Que demander de plus??

9 commentaires

Commentaire de bubulle posté le 01-11-2015 à 20:10:16

Très beau compte-rendu, avec un luxe de détails et de belles photos. Je suis content d'avoir vécu cette course, même tronquée, par procuration. Oui, elle est vraiment difficile. Et 3 nuits dehors, c'est chaud, sans aucun doute (ou alors faut aller plus vite, mais c'est vraiment vite...:-).

Un autre long "faisable" ? Eh bien, si les terrains vraiment bien techniques ne te font pas peur, pourquoi ne pas essayer l'Échappée Belle ? C'est autant 50 heures.....mais seulement deux nuits dehors...:-)

Bon courage pour la reprise, la récup et l'aterrissage....et merci encore pour ce mémorable coup de fil en haut du Maïdo.

Commentaire de Bacchus posté le 01-11-2015 à 21:26:36

Bravo pour ta course.
Tu as fait le plus dur, le reste n'est pas une formalité, mais les obstacles les plus durs étaient derrière toi. C'est dommage que tu ai perdu deux heures dans les embouteillages du début.
Même avec quelques bobos, je suis presque sûr que tu pouvais passer. Les BH après le Maido sont plus larges. Ce serait dommage de rester là dessus, je suis sûr que ça peut passer. Alors à une prochaine fois, laisse passer un peu de temps

Merci pour ce compte rendu très détaillé et agréable à lire.

Commentaire de laulau posté le 01-11-2015 à 22:37:35

Merci pour ton C.R. Michel. Ta préparation écourtée t'a sûrement empêché d'aller plus loin. mais on mesure bien en te lisant la difficulté de cette Diagonale. Des copains y vont en 2016. Un coup ça me tente, un autre non ! Et puis mon réel souci lié à la chaleur, (voir encore une fois au GRP )devrait raisonnablement me convaincre de ne pas aller à la Réunion.

Commentaire de grumlie posté le 02-11-2015 à 17:33:53

La chaleur ne vient qu'après un certain nombres d'heures sur la diagonale. Après il y a un paramètre "chance" par rapport aux horaires de passages à certains points cruciaux(par exemple le chemin des anglais ou la montée du Maïdo)(et tu sais que je ne suis pas un fan de la chaleur non plus...) A voir avec le nouveau parcours en 2016 si le retour vers le volcan se confirme.

Commentaire de grumlie posté le 02-11-2015 à 17:24:09

Merci Michel pour ton Cr. Forcément déçu que tu ne soit pas allé au bout, mais il y a une sacré virée quand même vu les soucis de préparation.
Merci pour les photos de la première journée par beau temps, et imagines la section mare à boue/ mare à Joseph bien boueuse et avec un bon gros temps de m.... (comme l'an dernier quoi!)
A bientôt sur les sentiers ou dans la neige ;-)

Commentaire de Françoise 84 posté le 03-11-2015 à 17:46:51

Bien sympa ton récit, on s'y retrouve comme "là-bas"!!! Contente de t'avoir un peu croisé, dommage que tu n'aies pu aller au bout, mais tu y reviendras peut-être??!! Bises et bonne récup!

Commentaire de chrislam posté le 05-11-2015 à 06:53:14

Bravo miche pour etre allé au maido....
J ai rendu mon dossard a sentier scout avec 15 mn sur la barrière et en me posant les mêmes questions que toi....abandonner pres d une route ou rentrer dans mafate en ne pouvant en sortir que seul....
J ai choisi la première....
Encore bravo

Commentaire de chrislam posté le 05-11-2015 à 07:55:45

Bravo miche pour etre allé au maido....
J ai rendu mon dossard a sentier scout avec 15 mn sur la barrière et en me posant les mêmes questions que toi....abandonner pres d une route ou rentrer dans mafate en ne pouvant en sortir que seul....
J ai choisi la première....
Encore bravo

Commentaire de Sandrine74 posté le 18-11-2015 à 20:41:11

Michel ! Comme ça m'a fait plaisir de te revoir !
Je dirais que le temps passe bien vite, et une vague d'émotion sachant ce que tu as vécu, je m'y retrouve un peu dans ce que j'ai vécu en 2012. Il m'en restait un goût amer et surtout j'avais dit qu'on ne m'y reprendrait plus.
Et puis m'a façon de voir les choses à changer, je me suis bousculée,et j'ai rebondi, acceptant même presque sans réfléchir d'affronter le GRR.
Je suis sûre que tu es fait pour cette course, mais j'avoue que l'entraînement joue beaucoup dans la possibilité de franchir la ligne d'arrivée !
Bises et à bientôt

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