Récit de la course : Les Templiers 2009, par bobchou

L'auteur : bobchou

La course : Les Templiers

Date : 25/10/2009

Lieu : Nant (Aveyron)

Affichage : 4384 vues

Distance : 72km

Objectif : Objectif majeur

7 commentaires

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25/10/2010 – La grande course des Templiers – 72 km 3200 m D+

Il convient de rester calme devant l’animal que l’on doit dompter.

D’en discuter comme ça à la légère, n’enlevait en rien la difficulté de ce qu’il fallait affronter. Même si en plaisantant, j’essayais de minimiser la tâche, le géant était au bout de la ligne droite et il allait bien falloir l’apprivoiser. Je me souviens qu’au départ, je me posais des questions : comment était-il possible de gérer des épreuves aussi longues ? Les coups du sort me paraissaient tellement aléatoires et la marge de manœuvre impossible à calculer : plus on partait haut, plus on dégringolait mais il fallait tout de même bien se jeter dans le vide. Des pierres avaient roulées sous mes pieds depuis le temps, mais j’étais perplexe comme l’apache devant le mustang sauvage qu’il allait devoir chevaucher.Templiers_2009

Etrangement, je ne me posais pas toutes ces questions dans les jours qui précédaient cette fameuse course dont tout le monde parlait. C’était comme un objectif abstrait, que j’approchais sans appréhension, comme une chose que l’on doit faire, un rendez vous avec son destin dont on ne peut pas s’échapper. On me voyait dans les 50, on pronostiquait des temps extraordinaire, certain disaient que j’allais faire un coup mais même les nouvelles couleurs du Team Raidlight n’arrivait pas à me mettre la pression. J’avais tout fait pour être prêt et quoiqu’il arrive je devais aller en avant sans hésitation. Ce calme en moi était étrange au point qu’on m’en fasse plusieurs fois la remarque. J’appréhendais la bête avec humilité, avec envie mais sans impatience. J’avais réussi à vaincre tant d’adversité dans les longues épreuves de cette saison et je me disais que je viendrais bien à bout de celle là. De toute façon c’est à la fin qu’on ferait les comptes.

templiersIl ne faut pas réveiller la bête qui dort.

Malgré quelque contrariété comme cette arrivé 5 minutes avant le coup de fusils, ce tri arbitraire de ceux qui partiraient en tête et tout ce monde, je gardais mon calme. Un peu absent et encore dans le sommeil d’une nuit trop courte, mes pensées erraient  dans une mer calme et brumeuse. Jusqu’au moment du coup de pistolet, j’étais étrangement serein. Mais à l’instant de lâcher les fauves, je me retrouvais comme un monstre en cage. De ne pas pouvoir avancer a transformé en moi le calme en une tempête incontrôlable. Durant ces 5 minutes, immobile à me dire que les premiers avaient déjà fait un kilomètre, je bouillonnais. Et quand enfin libéré, j’ai pu faire les premières foulées, c’est avec rage que j’ai planté mes baskets dans le sol, furieux de me retrouver aussi loin et sans aucun repère.

Me voila bien réveillé maintenant et je le sais que je remonte trop vite. Mais c’est plus fort que moi : plus je passe de personnes, plus cela m’oppresse de me dire qu’il y en a toujours autant devant et plus j’accélère. Je dépasse, je double, je me faufile, je slalome comme un forcené et je ne me rends même pas compte que je commence à doubler des têtes connues et reconnues.  Je m’entête à vouloir apercevoir la tête de la course pour me rassurer mais c’est impossible. J’aurais du ralentir quand je double Corinne et Laurence, même quand j’encourage Maud, je ne réalise pas que je suis à plus de 15km/h et que la bête qui est en moi m’a transformé en âne.

Le sommeil des monstres donne une fin de loup

Parfois il suffit d’un déclic. A l’instant où je rentre dans le tunnel, ma lampe croise celle de Patrick Lothodé. C’est le faisceau qui donne l’éclair et c’est l’étincelle qui donne la lueur : à deux on éclaire deux fois mieux. Un rien pour retrouver le calme et quelques paroles pleines de sagesses dans la lueur de nos rayons croisés.  Je calle ma foulée dans la sienne et mon cœur s’apaise enfin. Comme si je me réveillais, je réalise et je suis perdu, je ne sais pas ou j’en suis, je ne sais pas ou je suis, il fait nuit et je cours.  Je comprends encore moins cette arrivé à Sauclière, tout ce monde d’un seul coup, tout ce bruit, cette lumière. On m’annonce 43ème. Je réalise à peine, même pas le temps de réfléchir, je tourne à droite sur une piste forestière et je me retrouve d’un seul coup tout seul.16-mai-09-4

A ne pas se poser les questions bêtes on s’en prend plein la tête

Pour quelque chose de très roulant certaines bosses me paraissent bien raides et même si je double les premières victimes d’un départ suicide (comme Yann que je m’étais fixé comme un repère), ma tendance est aussi plutôt à la reculade. Je n’ai aucune idée du parcours et à chaques montés je me demande ce qui a venir derrière. Je m’accroche à Thomas Vericel et Patrice Gibaud et l’on fait une belle descente en discutant ensemble, je les laisse partir dans la montée suivante (je les retrouverais à la ramasse un peu plus tard). Jean-Pierre revient sur moi et je m’accroche un long moment avant de le laisser partir. Le calme est toujours là car je suis habitué à ces passages à vide à 3h00 de course même si j’espère secrètement que ça me passera un jour. Je suis plus inquiet de début de crampes mais pas de quoi me démonter le moral d’autant que le soleil commence à se lever et que le paysage qui se dévoile à travers la brume est carrément époustouflant. C’est au tour de Laurence de me passer dans une jolie montée et là je m’accroche. Le rythme revient et je repasse devant dans la descente sur Dourbies.

La chasse des gazelles donne des ailes

A nouveau ce contraste saisissant entre calme et fureur, au moment de réattaqué la montée dans Dourbies sauf que les encouragements ne sont plus pour moi car Maud pointe le bout de son nez et que je me retrouve en sandwich entre les deux donzelles. Je prends le temps de faire le plein et les filles qui ont fait un ravitaillement en vol repartent juste devant moi. Mis à part que Maud est impressionnante, ce qui fait la différence à ce moment de la course, c’est qu’intelligemment elle laisse partir Laurence devant et prend le temps de s’alimenter en me disant qu’elle l’attaquera dans la descente. Ce qu’elle fera sans coup férir.

dsc_0099 J’ai retrouvé un bon rythme et je monte tranquillement car la route est encore longue. Je rattrape Laurence au somment qui, arrêtée, semble avoir des soucis et l’on fait la descente en groupe. Maud a pris une bonne avance. Laurence ne fera d’ailleurs pas de pause à Trève pour essayer de revenir sur elle.

A faire la tête de mule on finit par devenir un âne mort

Le soleil commence à bien chauffer dans la montée qui suit et alors que j’avais eut du mal à me réchauffer dans les premières heures de courses, je commence à être bien. Nous sommes maintenant assez éloignés les uns des autres et j’apprécie de me retrouver un peu seul dans cette course. Parfois je double, des fois le contraire, on échange quelques mots ou simplement on se croise. J’ai bien géré le carburant jusque là et je laisse filer en roue libre en appréciant l’ambiance et le paysage. Il faut ça pour ne pas baisser les bras dans les faux plats interminables. Après un zig zag un peu tordu en hors sentier, je rattrape Jean-Pierre qui est à l’arrêt complet. Il parle d’arrêter et je le remotive, je reste derrière lui et rapidement il retrouve la pèche alors que c’est à mon tour de me prendre un coup de bâton derrière les oreilles. Malgré des crampes de plus en plus régulières, je reviens sur lui dans la descente sur Cantobre. Nous décidons d’essayer d’aller au bout ensemble après une bonne pause au ravitaillement.

À la fin, c’est la fin qui est le pire

A l’attaque de l’assaut du Roc Nantais, l’ambiance est démentielle (merci sincèrement à tous). Rejoins par Pascal Moreau (un des finisher de toutes les éditions que j’ai déjà croisé sur des courses), on fait la monter en petit groupe mais j’ai plus de jambes et à chaque erreur de foulée j’ai des crampes qui me viennent. Je n’arrive plus du tout à courir et même si je suis heureux car je sens la fin, j’ai d’affreuse douleurs dans les jambes. La descente est un calvaire. Je me fais doubler alors que je suis presque à l’arrêt. Je ne pense plus qu’à passer la ligne d’arriver. J’ai plus de montre depuis un moment et je suis heureux de finir en moins de 8h00, car j’avais compris depuis Cantobre que je ne ferais pas les 7h40 espérées ni dans le top 50.
le_roc_nantais_de_profil

Lièvre ou mouton c’est le loup qui se régale.

Ceci n’est pas une fable alors pourquoi chercher une morale sauf qu’un jour il faudra que je me satisfasse de ne jamais être complètement satisfait même si c’est cette exigence qui me pousse à vouloir toujours repousser mes limites.

7 commentaires

Commentaire de millénium posté le 28-10-2009 à 20:15:00

très grande lucidité dans ton analyse. Chapeau et respect.
Merci pour ce récit

Commentaire de akunamatata posté le 29-10-2009 à 09:12:00

tres beau recit, merci

Commentaire de Fredy posté le 29-10-2009 à 18:03:00

C'est en lisant des récits comme çà que j'ai eu envie de courir les Templiers. Cela paraît tellement facile ! La réalité l'est bien moins ...

Félicitations pour cette très belle performance.

Commentaire de laulau posté le 29-10-2009 à 18:24:00

Comme j'ai dit sur ton site, vraiment bravo pour ta course. Ton récit est super agréable à lire avec une bien belle analyse de ta course.
Encore bravo

Commentaire de yanshkov posté le 29-10-2009 à 22:05:00

Fallait partir avec moi pour voir la tête de course !!

Pour une première sur les Templiers tu fais une belle course malgré ton insatisfaction .

a+

ps : 2010 devrait m'ammener régulièrement vers chez toi ....

Commentaire de pcm66 posté le 30-10-2009 à 22:26:00

Finalement mes pieds sont restés bien trop loin de tes fesses!
Bravo pour ta course!

Commentaire de bobchou posté le 01-11-2009 à 22:11:00

Merci à tous pour vos commentaires. Un peu absent cette semaine (et oui y a une vie après le trail :-)) j'ai pas pu répondre à tout le monde individuellement mais nous aurons surement la chance de nous recroiser bientôt pour que je remercie chacun de vous.

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