Récit de la course : Grand Duc de Chartreuse 2007, par manu26

L'auteur : manu26

La course : Grand Duc de Chartreuse

Date : 1/7/2007

Lieu : Saint Hilaire du Touvet (Isère)

Affichage : 3143 vues

Distance : 80km

Objectif : Se défoncer

9 commentaires

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Grand Duc de Chartreuse. 78Kms. 4000m D+.

Idéal.

Le camping de Saint Hilaire est idéalement herbeux. Les sanitaires pas trop loin pour s’y rendre et pas trop près pour l’odeur. Les pâtes au poulet de « la grange aux loups » sont al dente et l’accueil donne envie de rester... Et même le sommeil s’installe sans trop qu’on le pousse vers 23H00. Réveil impec. La poche qui perd même pas. La vie est une amie. 

Les deux copains sont là. On n’a pas trop fait les cons. On est bien. Nos femmes sont loin. Certainement heureuses. 

Gilles s’aligne pour son 3ème trail après le GRVentoux et le Cagire. Stéphane sur son 273ème. Moi sur mon 7ème. 

Je ne change pas ma décision : partir plus vite, tenir plus longtemps, prendre le risque d’exploser. En fait je décide d’être meilleur. 

Mais partir avec juste un verre de jus d’orange et les 2/3 d’un tube de lait Nestlé dans le ventre, c’est pas suffisant. Est-ce encore une manière de se saboter pour prévenir l’échec possible ?  Peut-être mais il n’empêche que les pâtes de la veille me paraissent encore là.

5H10 : avec mes 3,5l d’eau je pars vite comme jamais. C’est à dire que je suis dans le premier quart. Pas loin de Stéphane. Gilles est parti à son rythme. Ah, Si j’avais su !..Mais c’est vrai que c’est grisant un moment de courir en tête. On se sent des responsabilités. Je sais pas lesquelles mais on se sent plus important c’est comme ça…

Y’a un UFO à tee-shirt noir bizarre, il court à fond, il s’arrête pisser, il te redouble à fond, il s’arrête voir le paysage, il te redouble à fond… Il teste aussi une nouvelle stratégie de course ?… A-t-il finit premier, dernier, a-t-il stoppé à St Pierre ?

Y’a des endroits gazeux qui plongent sur Crolles. Je suis à 160 et je sens bien que c’est exagéré. C’est plus haut que ma FC Marathon. Je suis rejoins par Stéphane et son pote Fabien vers le col du coq.

La descente sur St Pierre de Chartreuse me permet de reprendre de l’avance. On se retrouve au ravito. Et là, grosse montée et grosse désillusion. Ah il voulait partir vite le manu !  Ah il pensait toujours courir en deça de ses possibilités dans ses premiers trails le manu !  Là c’est l’épreuve de réalité. Le renoncement à l’idéal de Soi. La rencontre avec la limite. Dans les dents. J’arrive à m’accrocher à un groupe mais je sais que c’est provisoire. De fait je vais les laisser partir après le col de la Saulce. Comme ça, pour leur faire plaisir. Moi quand je peux faire des heureux…

Entre temps, sur le replat en dévers, j’ai des prémices de crampes, comme pratiquement tout mes trails au 30ème kilomètre.  La montée au col de Bellefont, point culminant du parcours se fait à la gestion. Je double une fois et me fait doubler 25 fois.

La traversée de l’Aulp du Seuil se fait en trottinant doucement. J’ai pas la force d’aller plus vite. Rien dans les pattes. Heureusement que c’est plat. La descente sur Pratcel n’est pas technique. Dommage, il n’y a que dans les descentes  pentues, rocailleuses et chiantes que je peux prendre du temps sur les autres.

Le raidillon qui suit le ravito me fait penser à Bovines sans la boue, sans la nuit et en 6 fois plus court. C’est juste histoire de comparer.

Je dépanne d’un cachet de sel un coureur très mal en point qui nous mettra une mine dans la montée après Bellecombe et que je ne reverrai plus.

La traversée des alpages de hautes Chartreuse est champêtre et toute douce pour les guibolles. La présence des vaches me fait un bien fou : l’espace de quelques secondes, les mouches trouvent plus intéressant que moi. La descente du col de l’Alpette sur Bellecombe est sympa (sauf pour le coureur qui s’est explosé la cheville et qui se fera helitreuiller), les passages neutralisés nous offrent des points de vue terribles, mais le chemin final est un peu trop roulant. 

Et qui je vois à Bellecombe ?  Stéphane. Sa cheville l’a à nouveau lâché sur ce chemin roulant trop facile pour y être attentif. Le verdict lui est familier : trois mois de repos. Il peste contre ce destin d’un Grand Duc qui pour la 3ème fois ne veut décidément pas s’offrir à lui. A ce moment là pour lui, il est évident que le Duc est un trou.

10 minutes plus tard, c’est Gilles et son compagnon de route Philippe qui arrivent. Je l’imaginais 20-30mn derrière. Chapeau très bas. Mais, comme dopé par ma présence, le voilà qui veux repartir aussitôt, ne me laissant pas le temps de m‘étirer. Hop j’embraye le pas.

Et là c’est ma 3ème erreur : essayer de suivre Gilles dans les côtes. Il a pas de bâtons. Il s’appuie pas sur les cuisses. Il est tout droit, fait des grands pas, dégage une impression de facilité déprimante. En montée, c’est le braquet du berger des pyrénées. M’en fous je vais le suivre. Je suis toujours là. Pour sûr. Je tiens et au ravitaillement de la source Sernon, je trouve une chaise et je lui dit au revoir, à Gilles. A lui et à son maudit collègue qui s’est bien accroché aussi.

Je redécolle 10mn après gonflé de coca, et je marche sur les 3-4 kilomètres de plat jusqu’à la descente sur Les Prés. Ce coulage de bielle est un péché d’orgueil. Je me suis mis dans le rouge tout seul, pour une simple question d’ego. 3ème erreur et 3ème leçon. 40 ans cette année je cours comme un p’tit con.

Je n’ai même plus la foi d’envoyer dans la descente. Bizarrement, c’est en retrouvant le bitume si souvent honni que je retrouve mes aises. Je cours juste pour essayer. Et miracle, ça tient. Je fait du Cyrano (3mn/1mn) jusqu’au col.

Alors que Gilles et Philippe m’étaient annoncés à 15mn au Prés, voilà-t-y pas que je les découvre au loin sous le crachin naissant, à 9kms de l’arrivée. Je leur propose de mener puisque je me sens bien. Gilles me dit de poursuivre. Je suis vite d’accord.

Et là, c’est les endorphines jusqu’à la fin. Mes fins de courses sont toujours réussies. C’est dans la tête. Je cours jusqu’au bout en terminant 25mn avant eux. Mais en 14H13 tout de même. On a toujours les chiffres qu’on mérite. 

Bilan : Course très dure (45% d'abandons), très complète. Balisage parfait. Ravitos nickels. Bénévoles charmants. J’aurai bien gueulé contre les 6kms de bitume, mais comme c’est là que je me suis refais…

Mes 3 erreurs : Partir avec 3 fois rien dans le ventre, tester et payer le rythme emprunté aux cadors les 4 premières heures, et un orgueil destructeur.

Mes 3 trucs bien : Toujours bien encaisser les descentes. Pas paniquer quand ça va pas. Et l’autre je m’en souviens plus. 

Faut venir faire le Grand Duc.  

9 commentaires

Commentaire de the dude posté le 03-07-2007 à 15:49:00

Ben dans les trucs bien tu peux rajouter:
- etre alle au bout
- un chouette recit sur kikou

Commentaire de gdraid posté le 03-07-2007 à 18:11:00

Bravo manu26, tu cours aussi bien que tu écris.
Quel bonheur de te lire.
Avec un tel humour, tu ne dois pas t'ennuyer quand tu cours, même seul durant des heures...
JC

Commentaire de Khanardô posté le 03-07-2007 à 21:21:00

Toi, tu commences à me plaire.

Après avoir déclenché en moi une vocation UTMBiste avec ton récit, me v'là accroché plus encore si possible à l'idée d'aller en Chartreuse l'an prochain...

Un récit comme on les aime, avec l'humour et tout ce qui va avec, mais aussi la lucidité et les conseils qui vont avec sans en avoir l'air...

Merci pour ce récit !

Commentaire de 100glier posté le 03-07-2007 à 21:50:00

Salut Manu26, super récit, pein d'humour, , et dire que l'on s'est croisé (dossard 305 !)

Commentaire de LtBlueb posté le 03-07-2007 à 23:09:00

comme dirait Alain, ton récit plein d'humour donne envie d'aller tater du grand duc l'an prochain ; perso ca serait avec une jolie soif de revanche, attisés par 2 échecs en Chartreuse...

bravo pour ta course

L'Blueb

Commentaire de corto posté le 04-07-2007 à 08:49:00

Super recit, vivant.
Jamais deux sans trois hein. Mais comme tu le dis, tu as appris ta leçon. Et en plus tu franchis la ligne d'arriver, ce qui veut dire que tu t'es pas completement cramé. Bravo à toi en tout cas.
Bonne récup.

Commentaire de maï74 posté le 05-07-2007 à 13:30:00

Salut manu,
tu as le mérite d'avoir tenté le tout pour le tout, parfois ça passe, parfois ça casse, mais t'as quand même rallié l'arrivée malgré le surrégime du départ, chapeau !

Commentaire de fifidumou posté le 06-07-2007 à 23:57:00

Merci pour ton recit et ton humour
Bon courage pour ta prochaine course
Au fait je ne connais pas encore Bovine (j'ai été éliminé à Elisabetta en 2006) mais 6 fois le montée qui suis Pratcel, cela me parle, surtout avec de la boue et apres 100 ou 110 bornes j'en frémi déja ... de plaisir... car j'éspère réussir le tour cette fois-ci.
Philippe

Commentaire de L'Dingo posté le 07-07-2007 à 05:09:00

Ton Cr ,
c'est ma course future Grand-duc 2008 (et encore l'arrivée est pas sure) si je continues à courir comme d'habitude et comme au TGV 2007. :-(.

Du grand n'importe quoi avec un départ trop rapide , une facture payéee cash par la suite en agonisant et pour finalement retrouver du plaisir quand s'approche l'arrivée !!!!

Ce qui me console Manu, c'est que je suis pas le seul :-))).

Bravo pour avoir bouclé ton GrandDuc et au plaisir de s'y voir en 2008 peut etre.

L'dingo

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