Communauté des sports d'endurance

Alors ça y est, vous comptez vous inscrire sur une de ces courses en boucle qui bourgeonnent toujours plus nombreuses dans les calendriers de trail ? C’est tout à fait louable. Mais en plus, quoi de plus beau, quoi de plus fraternel, que de partager ce moment avec un ou plusieurs compagnons d’aventure ? Naturellement, votre instinct courageux mais pas téméraire vous pousse à rechercher un équipier qui vous mènera à la victoire, donc un gars fort (ou en tout cas plus fort que vous) qui fera le gros du boulot à votre place. Malheureux, ne commettez pas cette erreur tragique ! Voici l’horrible vérité, celle qu’on vous cache à propos des courses en duo…

 

Le contexte

L’USOL Trail Challenge, c’est une course horaire de douze heures dans les monts du Lyonnais, à faire en solo, en relais à 2 ou 3, sur une boucle de 6,5 km et 320 de dénivelé. Cette année, c’est la course que nous avons choisie avec Alstom pour aider l’association Le Rire Médecin, qui propose des animations auprès d’enfants hospitalisés. Nous sommes une quinzaine de coureurs sur les différents formats de course, et le CSE s’engage à reverser 15€ à l’association par boucle réalisée.

 

 

L’équipe de choc

Je participe en relais à 2 avec Paul, collègue soigneusement sélectionné selon les critères évoqués plus haut. En plus du soutien pour l'association, mon but est aussi de faire une sortie longue à un rythme prudent avant le premier gros objectif de la saison, prévu deux semaines plus tard.

 

 

La course

A 8h précise, le départ est donné, et c’est Paul qui prend la première boucle (c’était aussi un de mes critères de sélection…). Un petit détour dans les rues de Vaugneray, et la grosse centaine de fauves est lâchée. De mon côté, c’est une course qui démarre comme je les aime : un petit café au ravito, et je vais m’assoir sous les barnums du camp de base monté par le CSE d’Alstom.

Les premiers concurrents arrivent, je vais attendre mon champion près de l’arche d’arrivée, ce qui me permet d’observer nos adversaires du jour : les dossards bleus. Paul arrive en deuxième position après 38 minutes et me passe la puce. Cette fois, c’est parti pour de vrai !

Le premier dossard bleu, justement, n’est pas très loin devant moi. Du coup, après une minute de course, mes projets de sortie plutôt cool volent en éclats et je ne peux pas m’empêcher de courir comme un débile pour le rattraper, ce que je parviens à faire au sommet de la montée. Une fois-là, en apnée, hors de question de perdre la face en me faisant doubler en descente. Je repars donc à fond pour finir mon tour, la langue pendante et le palpitant au bord de l’explosion.

 

 

Je retrouve mon siège pour m’installer confortablement le temps que mon compère fasse le boulot. Sauf que la pause ne dure que 36 minutes, il n’a pas trainé le bougre ! Bon, il faut déjà y retourner…

Pour ma seconde boucle, je lève un peu le pied, et prends quelques minutes supplémentaires pour rentrer au stand. Mon binôme suit le même rythme en 38 minutes, on est synchro. C’est beau, mais j’aurais pas craché sur un repos un peu plus long, je sens bien que je ne vais pas tenir ce rythme très longtemps.

Les passages courus en montée se font de plus en plus rares. Je me donne bonne conscience en me disant qu’il vaut mieux s’économiser et relancer en descente. C’est bien connu, les trails se gagnent en descente. Rendu au point culminant, je me remets à courir, comme promis. Ou plutôt à trottiner. Mollement… Bilan : je perds encore plusieurs minutes pour transmettre la puce, premier petit éclat…

 

 

J’espère pouvoir me refaire la cerise lors de la coupure suivante, mais mon comparse ne m’en laisse pas le temps, puisqu’il revient à la base en 40 minutes. Pfff, il pourrait pas aller un peu plus doucement des fois ? Les jambes sont dures, les « faux-plats » se transforment progressivement en « vraies-montées », et la descente me fracasse chaque tour d’avantage. Je ralentis, encore et toujours, en me contentant de faire illusion dans la ligne droite finale.

 

 

Paul part à bloc alors que je m’affale dans ma chaise et sors ma salade de pâtes, que j’engloutis rapidement. Ce que je n’ai plus dans les jambes, je le mets dans le coup de fourchette ! Et puis bon, faut bien faire le plein de glucides, me dis-je. Mais voilà, je suis interrompu en pleine digestion après seulement 39 minutes, en entendant le « ah bah ça va mieux sur ce tour ! » que me lance mon collègue. Moi ça va pas tellement mieux : j’ai le bide qui pèse une tonne et j’avance comme un loukoum. J’aurais pas dû bouffer toutes ces pâtes… Gros éclat cette fois-ci, je m’effondre aussi bien mentalement que physiquement. 

 

 

Vite, ma chaise et de l’ombre, je suis complètement rôti. Mais voilà, de nouveau, je n’ai pas vraiment le temps de m’en remettre car Paul revient tout guilleret en 40 minutes. Ce con.

 

 

J’en peux plus. J’en peux plus j’en peux plus j’en peux plus. Evidemment je ne cours plus en montée, mais j’arrive à me faire violence dans cette descente pour suivre un autre concurrent. Lui est en solo, donc je n’ai pas trop de mérite, mais au moins ça me permet de maintenir un chrono acceptable avant de passer le relais. J’ai des poteaux à la place des jambes, et l’autre est de retour en seulement 39 minutes. Il commence vraiment à me faire chier celui-là !

Je repars en rampant. Je tente vaguement d’accélérer en descente mais ça ne ressemble plus à rien. Je me note mentalement d’abandonner mes séances hebdomadaires de gainage qui ne servent manifestement à rien puisque mon corps est complètement désarticulé. C’est mon tour le plus lent, et il m’en reste encore un à parcourir. La ligne rouge du « mais qu’est-ce que je fous là » est à deux pas boiteux d’être franchie.

 

 

Je profite de ces instants de répit pour aller me faire masser chez les ostéos. C’est une petite délivrance, mais de courte durée car le mec que je déteste maintenant plus que tout se pointe en 41 minutes. Ah, il a trainé en route cette fois-ci !

J’achève cette ultime boucle un peu moins lentement que les précédentes, et lance mon acolyte pour la dernière fois. Aller, vole mon brave, fais toi plaisir maintenant !

 

 

Je bois la bière qu’on me met dans la main sitôt la ligne d’arrivée franchie, batifole à droite à gauche et retourne voir arriver mon partenaire, que je retrouve en train de courir dans l’ascension du mur final, sans aucune raison, juste parce qu’il lui reste encore beaucoup trop d’énergie.

 

 

Je lui beugle quand même dessus pour qu’il accélère, parce qu’après m’avoir empêché de me reposer toute la journée, c’est bien la moindre des choses. J’arrive à courir à ses côtés pour que l’on franchisse l’arche d’arrivée pour la dernière fois, et, paradoxalement, pour la première fois, ensemble.

 

 

Epilogue

Bon, ça a été un peu plus dur qu’une « sortie longue à un rythme prudent », mais franchement c’était top ! Une orga de fou du début à la fin avec une grosse ambiance, une super journée partagée avec les collègues, et surtout 1200€ récoltés pour Le Rire Médecin (et 300€ de la part de Worldline, bien joué les gars !).

 

 

Et puis, cerise sur ce très beau gâteau, on est montés sur la boite grâce à nos 17 tours !