Récit de la course : Ultra Trail du Vercors - 81 km 2024, par samontetro

L'auteur : samontetro

La course : Ultra Trail du Vercors - 81 km

Date : 7/9/2024

Lieu : Villard De Lans (Isère)

Affichage : 719 vues

Distance : 81km

Objectif : Terminer

8 commentaires

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Un ultra-trail pour deux!

Ultra-trail du Vercors 2024

L’ultra-trail du Vercors, j’ai fait la première édition. Oh, pas au sens où vous l’imaginez. Je faisais partie de cette poignée de doux dingues qui se sont réunis un soir autour d’un pack de bières pour inventer cette course. Jean Pierre le trésorier qui essayait de calculer un budget (énorme quand tu n’as pas un sous en caisse), Aurélie la reine de l’organisation pour construire les ravitaillements, Denise qui connaît tout des rouages de la FFA et de la paperasse nécessaire, Aurélien le génial « géotrouvetou » a nous construire des maquettes 3D du site de départ, Stéphanie et Céline dévouées au confort médical des coureurs…etc et surtout le grand JPS en chef d’orchestre de tout ça! Pour ma pomme, c’était juste devoir trouver 85km de sentiers pour faire le tour des villages via les plus jolis spots du coin. Et surtout le maire du petit village de Lans en Vercors qui nous a fait confiance avec un “On le fait!”. Le [gros] bébé était né et après 10 mois de stress vous, les traileurs qui avaient répondu présents dès la première édition, nous avez fait vivre un week-end inoubliable!

 


Pendant les 8 années suivantes je l’ai encore fait cet ultra-trail, à chercher dans des endroits parfois improbables de nouveaux sentiers pour vous faire découvrir autre chose à chaque édition. La complicité des coureurs de CAP-Vercors qui me révélaient leurs spots préférés, la confiance de la plupart des acteurs locaux qui nous permettaient de traverser le temps d’un week-end les propriétés privées, déplaçaient un troupeau, différaient de quelques jours le début d’une coupe de bois et même nous autorisaient la traversée d’une RBI pour vous faire toucher du doigt un espace vraiment sauvage où la nature avait totalement repris ses droits.

Affiche 2024


Et cette année je vais le faire une fois de plus, mais cette fois-ci derrière un dossard. Le projet est né au printemps en discutant avec ma fille de sa dernière course de presque 50km. Je lui dit bêtement qu’elle était prête à devenir ultra-traileuse et elle me répond que cette année l’UTV part devant notre porte (ou presque, à 600m!). Et elle me lâche: “On le fait ensemble ?”. J’objecte que j’ai coupé l’entraînement depuis plusieurs années et qu’à 62 ans la machine rouille vite. Mais comment refuser une telle proposition? On va donc se préparer chacun de notre côté (avec le « magic plan » de Bertrand/Hémérodrome) et se retrouver sur deux week-end chocs, un premier pour reconnaître sur deux jours le parcours de l’UTV et un second un peu plus engagé sur les sentiers caillouteux de Belledonne le samedi puis sur les sentiers aériens de la face Est du Vercors le dimanche.

Préparation dans Belledonne
Sortie préparatoire dans les cailloux de Belledonne: l'UTV sera roulant après cela!

Lors de notre inscription j’ai swappé les noms/prénoms et cette boulette informatique nous a permis de passer inaperçus auprès de l’organisation et d’arriver en toute discrétion au retrait des dossards. Enfin, 100m avant, parce que Nico qui anime au micro l’événement va y mettre rapidement un terme à notre approche incognito.

Avec « course-generator » j’ai planifié le parcours sur un peu plus de 16h de course. Le but est de faire découvrir à Maÿliss la gestion de ces longues distances et surtout de rallier l’arrivée pour son tout premier ultra. On partira donc tranquillement au milieu du peloton, l’objectif étant de passer les deux premières grosses bosses (plus de la moitié du D+ sur les 30 premiers kilomètres) sans souffrir et de relancer après sur les 50km beaucoup plus roulants qui suivent.

profil
Profil et timing en 16h05 de course par "Course-Generator"

Le départ de nuit à la frontale c’est vraiment typique des ultras et une première pour Maÿliss. Je vois qu’elle est un petit peu tendue devant le menu de la journée mais je sais qu’elle est prête à affronter ce parcours. Le premier objectif est d’atteindre le sommet du Pic St Michel en moins de 2h de course, c’est donc plutôt lent. Mais voila, la chose que je n’ai pas anticipée c’est qu’a chaque carrefour, chaque aiguillage je vais retrouver des têtes connues. Et ça ne manque pas: au premier aiguillage c’est Vincent qui encourage (ce bénévole discret devenu pilier de l’UTV est juste un champion du monde de ski de fond!) puis on attaque un passage au milieu des flambeaux qui marque la fin de la première petite côte. Si flambeaux il y a alors Cécile et Aurélien ne doivent pas être loin! Bingo! Les allez Patrick & Maÿliss sont à chaque carrefour!

Les premières difficultés sont vite là et cela bouchonne un peu sur le “chemin des anciens”. On profite de la relance sur le plateau des Allières pour doubler avant le second raidillon qui nous emmènera au sommet. Et la à nouveau cela bouchonne. De nuit, le sentier serpente dans le lapiaz chaotique et doubler la vingtaine de coureurs qui nous précèdent serait trop coûteux en énergie. On finira par trouver quelques occasions pour doubler sous le sommet qu’on passera en 1h52. On est dans le bon rythme. Le jour se lève sur les Alpes, une petite photo rapide et on plonge dans la descente. Là les dépassements sont plus aisés et nous reprenons des places avant le long single en balcon du sentier Gobert. On y doublera encore quelques concurrents avant de rejoindre une longue file de coureurs impossible à dépasser sur la seconde moitié de cette section. En arrivant à Villard de Lans, c’est Monsieur JPS, le directeur de course historique des premières éditions, qui nous accueille juste avant le ravitaillement. Il fait assistance à sa fille engagée sur le relai avec objectif de podium! On refait le niveau des gourdes mais Maÿliss me dit traîner depuis un moment des maux de ventre qui la gênent pour s’alimenter et le fait de courir les amplifie. Sans doute le stress de s’engager sur cette longue distance, ça lui est déjà arrivé par le passé.

Pic St Michel
Lever du jour au Pic St Michel au passage de l'UTV, photo David Boudin

Mais la seconde section démarre par un gros KV avec l’ascension de la Petite Moucherolle, on ne va donc pas courir tout de suite. En fait le parcours n’ira pas chercher le petit lac du Lauzet, une coupe de bois fraîchement débutée bloque le passage. Jusqu’au pied de la grande Moucherolle on va donc remonter des pistes de ski alpin sans aucun intérêt. On va y rattraper Xavhie en train de chercher une progression un peu plus à l’ombre en bordure de la piste de ski. C’est toujours étnonant de voir comment l’être humain peut massacrer une montagne en y ouvrant de larges tranchées rabotées pour en enlever toute rugosité afin que des pratiquants puissent se laisser glisser sans trop d’effort vers le bas de la pente sur leurs skis. On appelle ça un “aménagement”. La fin de l’ascension se fait sous les ressauts calcaires de la grande Moucherolle par un sentier bien pentu dans l’éboulis. On pousse sur les bâtons pour ne pas reculer dans la pente instable et… l’ex biathlète Marie Dorin nous dépose dans une petite foulée toute en puissance! Elle à beau être en relai avec juste quelques kilomètres dans les jambes à ce stade, ça va vite quand même!

La barrière Est du Vercors vue depuis le sommet de la petite Moucherolle

Le sangle final a été équipé d’une main courante pour la course mais ne présente pas vraiment de difficulté pour nous emmener au sommet. On zappera la photo panorama, on l’a déjà faite il y a quelques semaines pendant la reco! La descente est par contre bien glissante jusqu’au belvédère puis la pente s’accentue. On connaît, on gère, et les mots de ventre reviennent. On va donc alterner marche et course à pied jusqu’à la cabane du Clariant, restaurant-auberge perdu dans ces bois de Corrençon. Les propriétaires nous avaient dépanné d’un peu d’eau pendant notre reconnaissance du parcours et là ils on mis de l’eau à disposition des coureurs. Ce n’est pas anodin quand on sait qu’ils n’ont pas de source et ne sont pas reliés au réseau d’eau potable. Ils utilisent en fait l’eau de pluie et de fonte de la neige avec un mécanisme complexe de filtration pour la rendre potable et fonctionnent en totale autonomie.

La suite du parcours est très boisée et plutôt roulante avec un joli passage en falaise au niveau du pas de St Martin et une terrible descente “explose cuisses” vers la base vie de St Martin en Vercors. On arrive à St Martin avec 20mn d’avance sur le timing 16h de course malgré les nombreuses sections où on a dû alterner marche et course bien que le parcours soit roulant. On va y faire une pause prolongée. D’une part parce que j’ai l’impression que Maÿliss commence à douter avec ces douleurs qui reviennent dès qu’elle court, et d’autre part parce qu’on y connait beaucoup trop de monde! Le Foxtrot en responsable de site en tête! Xavhie en profitera sournoisement pour repasser devant!

base vie
A la base vie de St Martin en Vercors (établissement tenu par Foxtrot)

Cette troisième section est aussi très boisée. On est ici au point bas du parcours et il commence à faire chaud, le côté ombragé est appréciable du coup. En reconnaissance on avait passé beaucoup de temps sur cette partie pour faire quelques crochets touristiques, le pas de l’Allier (on passe à 100m et ça mérite le détour!), la cascade de Moulin Marquis qui se jette dans un vide impressionnant de plusieurs centaines de mètres (détour de 200m), la grotte des Gaulois dissimulée dans la falaise au dessus du sentier, la grande arche de la porte du diable (passage bien casse-pattes, certains, le nez dans les baskets, ne la verront même pas au dessus d’eux) et… les girolles qui poussaient au bord du sentier!

cascade
Cascade de Moulin Marquis et grotte de Bournillon
porte du diable
L'arche de la porte du diable

Dans la première côte on va repasser devant Xavhie mais il ne sera jamais loin derrière nous. Juste avant l’arrivée au ravitaillement de St Julien en Vercors on retrouvera Aurélie, une des bénévoles fondatrices de l’UTV) qui nous accompagne sur les dernières centaines de mètres. La dernière grosse ascension est juste après ce village on prend donc le temps de se ravitailler, surtout que le compagnon de Maÿliss est là et ça fait du bien pour son moral. On essaie de savoir si des secouristes sont présents, au cas où ils auraient quelque chose pour ses douleurs. Elle parvient quand même à manger et boire pour se ravitailler. J’ignore à cet instant l’enfer qu’elle va me faire vivre dans l’ascension du terrible pas du Fouillet. Si elle a du mal à courir le plat et les descentes, en côte elle a du jus et elle attaque cette dernière grosse ascension la tête dans le guidon. J’essaie de suivre, mais le cardio s’affole. On dépose Xavhie qui nous a encore doublé juste avant le ravitaillement et de nombreux autres coureurs. Au 2/3 de la pente je demande pitié et elle me propose de passer devant donner le rythme. Un peu avant le sommet on va rattraper un dernier coureur que je vais m’interdire de doubler malgré ses multiples propositions de me laisser passer. Il m’a vraiment sauvé de l’explosion!

Pas du Fouillet
Sortie au sommet du pas du Fouillet. Un grand merci au n° 208😇

Au sommet on retrouve David, le photographe officiel de l’UTV depuis la première édition, et le responsable des secours avec qui j’ai si souvent organisé les plans d’intervention, détaillant chaque accès au parcours, chaque point à risque pour la sécurité des participants. Plutôt étonné de me voir ici, on échange quelques mots pendant que David nous mitraille avec son appareil photo!

On replonge en direction de Valchevrière et du ravitaillement de Bois Barbu et comme les douleurs reviennent on repasse en alternance marche/course. Assez vite Xavhie nous reprend avec sa petite foulée régulière et terriblement efficace. On ne le reverra plus.

En route vers le titre d'ultra-traileuse!

Bois Barbu, dernier ravitaillement. On y retrouve Marius le compagnon de Maÿliss, Aurélie, Stéphanie… et on est accueilli comme des rois. Pendant que je recharge les gourdes je vois que le regard de Maÿliss a changé. C’est un regard de guerrière, elle sait qu’elle va finir, qu’on est toujours sur cette base de 16h de course et qu’elle va être ultra-traileuse dans une quinzaine de kilomètres. A partir de là on va quasiment courir tous les plats et toutes les descentes, batailler dans les côtes qui nous séparent encore de l’arrivée. On a fait la reconnaissance et elle les connait. Et puis, c’est le sentier qui nous ramène à la maison! La luminosité chute dans les sous-bois mais on reporte le dégainage des frontales parce qu’elle ne veut pas s’arrêter. On profitera du passage très roulant sur l’ancienne voie du tramway pour les sortir au pied de la dernière petite bosse que nous avons pris dans l’autre sens le matin même. Ça trottine même d’un pas léger après tous ces kilomètres faits sur la réserve. Dernière descente droit dans la pente et ma frontale, mal vérouillée, s’éteint. “Laisse, je t’éclaire, t’arrête pas, on va se faire rattraper sinon!” Quand je vous disais que j’avais vu une guerrière dans son regard! Et main dans la main on franchit cette ligne d’arrivée! Tu es une ultra-traileuse Maÿ! Une vraie!

La belle aventure partagée entre père et fille

16h01 à la montre, si ce n’est pas du timing bien géré ça! Mais quelle aventure magique d’avoir pu partager cela entre père et fille avec les amis tout le long du parcours. Une aventure autant sportive qu’émotionnelle. Et si certains passent la ligne d’arrivée avec un “plus jamais ça” ce ne sont pas les mots qui lui viendront à la bouche. Elle me dira juste “Il faut qu’on le refasse, mais cette fois-ci, on cherchera la perf!”

Le prochain coup on cherche la perf!

 

 

 

8 commentaires

Commentaire de foxtrot posté le 28-10-2024 à 11:37:21

Bravo a vous deux
Cool de pouvoir faire ça entre pere et fille !

Commentaire de samontetro posté le 28-10-2024 à 19:37:20

Merci Claude! C'était du grand accueil à la base vie, vraiment sympa de vous y retrouver avec tout ces encouragements.

Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 28-10-2024 à 19:02:35

La légende et la future légende !!!

Commentaire de samontetro posté le 28-10-2024 à 19:42:08

Sur la longue distance peut être, mais sur le plus court la légende vertacomicorienne a déjà été écrite sur l'hivernale de Méaudre par le seul coureur capable de survoler la neige (même temporairement le survol)! Ce sont les grands fayards de la forêt qui la racontent....

Commentaire de Matt38 posté le 29-10-2024 à 11:16:44

Bravo, L'expérience et la jeunesse, la gestion et L'insouciances, une belle dose de motivation, des sourires à partager, ont fait des souvenirs à vie.

Commentaire de samontetro posté le 29-10-2024 à 13:02:30

Merci Matt38. Et tu fais partie de tous ces sourires et encouragements le long du parcours que je n'ai pas pu citer nominativement dans ce CR et qui rendent possible ces souvenirs. On s'est croisé plusieurs fois sur le parcours car tu es non seulement un des fidèles bénévoles de l'UTV mais tu y enchaînes toute une série de postes avec ton épouse. Une vraie course dans la course pour vous deux!

Commentaire de Françoise 84 posté le 30-10-2024 à 13:45:33

Que du bonheur de pouvoir partager tout ça avec nos "petits"!!! Bravo à ta championne en devenir... et à toi aussi, bien sûr!

Commentaire de samontetro posté le 30-10-2024 à 17:35:35

Oui c'était chouette de partager et de lui transmettre les points importants qui font qu'un ultra-trail est une course différente. Le tout premier étant peut être de pouvoir y cottoyer ces deux légendes des courses longues distances croisés devant une épicerie en train d'acheter du Yop! Retient ces sourires et cette bonne humeur ma fille et tu iras peut être aussi loin qu'eux... un jour!

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