Récit de la course : Trail du Petit Saint-Bernard - 60 km 2023, par Gazel

L'auteur : Gazel

La course : Trail du Petit Saint-Bernard - 60 km

Date : 1/10/2023

Lieu : Bourg St Maurice (Savoie)

Affichage : 883 vues

Distance : 60km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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Mon TPSB 2023

En 2018, après avoir couru le trail du petit Saint Bernard ( TPSB) 40 km, je m’étais promis de revenir tenter le grand, le 60 km. Même si les passages aériens me semblaient impressionnants sur les vidéos…

Ce coin est en effet un chouette endroit entre la France et l’Italie, perché à près de 2200 m d’altitude. J’avais couru là pour la premiere fois lors de la TDS en 2013, depuis le col des Chavannes vers l’Hospice, puis en descendant vers Bourg Saint Maurice.

En avril, je me suis donc inscrit à ce trail avec mon collègue et ami Richard. Cela lui changera de son massif préféré, le Vercors. L’année 2023 est spéciale pour moi, avec une rééducation et re-musculation du mollet gauche sur le premier tiers de l’année. J’avais décidé de reprendre progressivement ( la sagesse arrive avec l’âge, dit-on…), aussi j’ai couru 2 trails de 20km, puis 3 trails de 30 à 42 km en mai-juin. Le TPSB doit être la clôture de mon année de reprise, et son plus gros morceau : 60 km,  3.500m D+, et une altitude moyenne supérieure à 2.000m ( ce qui change beaucoup de choses pour un gars de la plaine, qui n’a pas l’occasion de vivre en montagne plus d’une semaine par an...la respiration principalement)

Le retrait des dossards se fait le samedi après-midi au lieu-dit les Chapieux, à 1500m d’altitude, à 13 km de Bourg Saint Maurice. C’est  ici que le départ à 6 h du matin aura lieu. Je retrouve Richard en fin d’après-midi à cet endroit, et on profite du calme de la montagne en faisant une petite marche.

Diner casse-croute dehors au soleil couchant, dernières vérifications de sacs, et hop, au lit dans nos voitures ! Quelques étirements du bassin, car je me suis  à moitié bloqué une vertèbre le matin, en chargeant ma voiture. Les  15 derniers jours, j’avais chargé un peu l’entrainement, senti que mon dos accumulait de la tension et de la rigidité, mais je n’avais pas fait le nécessaire pour me détendre vraiment… je me note ce point pour mes prochains gros objectifs !

Réveillé à 5h10 pour moi, je m’équipe, prend un petit dej rapide et léger, et retrouve Richard à 5h45. On se dirige vers le départ, on est 350 coureurs, et cela se voit. Le départ des Chapieux nous emmène en fond de vallée des Glaciers, jusqu’au refuge des Mottets, avec les frontales allumées. Puis nous attaquons le versant pleine pente pour aller au Col de l'Ouillon. L’aube se lève, le rythme de montée est régulier mais pas trop soutenu, une grosse journée nous attend, il ne faut pas s’emballer ! Au col, premier pointage , je retrouve Richard qui avait pris 2 minutes d’avance. Quelques photos, on mange une barre. Oups, la douleur à mon bassin surgit à l’arrêt, je repars en mini pas et reprend mon rythme

Vient une longue descente, douce dans une vallée ( ruisseau le Versoyen) sauvage, seuls au monde J Cette portion est commune avec la fin du parcours du 40 km, je reconnais donc et profite.

Le premier ravito, au Pont de Chézari, à 14 km, permet de remplir les flasques, manger un peu de TUC, de saucisson et de fromage. Il y a même un bouillon salé chaud. J’en prend, mais au hasard d’un mouvement, boum, la douleur resurgit au même endroit du bassin , bloquant ma mobilité. Ma technique s’affine, je fais des mini-mouvements de bassin, puis des mini pas, et je repars. Ce sera le cas à chaque arrêt, alors je n’en reparlerai plus dans ce récit. Je ne ressens quasiment aucune douleur en marchant ou en courant , sauf si je passe par-dessus les fils électriques des patures, ou si mon amplitude de pas est trop grande.

En consultant rapidement mon smartphone, je vois les encouragements de ma famille, et ceux de mon équipe du boulot, grâce à la curiosité et l’intérêt de Laurent à notre périple.

La montée au col de la Forclaz est bien raide. Tranquillement, mais surement, Richard et moi y arrivons en 3h36. Je zappe la pause en haut, et vient la grande descente à flanc de montagne vers le col du petit saint Bernard. On arrive à l’hospice 50 minutes après, c’est le 2ieme ravito, au 22ieme km. Un peu rapproché du premier ravito, mais bon, les organisateurs ne peuvent pas installer les ravitos en pleine montagne, sans accès 4*4. On doit faire le plein d’eau, car le 3ieme ravito est à 42 km. La barrière horaire est à 11h15, et il est 10h17. On a seulement 1h de marge… Je crois en ma bonne étoile, et décide de ne pas abandonner ici, malgré la gêne et l’incertitude de se retrouver bloqué au milieu du parcours. C’est mon plus gros objectif de l’année, je vais tout faire pour le terminer, et cela me mettra du baume au cœur après mon abandon à la Diagonale 2022…

On repart, passe devant l’hôtel de Lancebranlette ( du nom du sommet à coté) et le bar de St Bernard du côté italien. Une courte descente , on arrive au lac du Verney

Et on  attaque la grosse partie de haute montagne , en semi autonomie. On alterne petits lacs glaciaires, ruisseaux, hors-sentiers.  Richard m’aide en remplissant une de mes flasques à un torrent glaciaire.

Puis un plateau fluvio-glaciaire. La chaleur, l’altitude nous rendent la progression plus lente, mais on se soutient mutuellement, et on essaie de deviner là où on va passer, dans ce paysage de sommets et cols

 

Un passage délicat, avec chaines fixées au rocher, et on arrive au col de Bassa Serra. Pointage seulement. …

Un deuxième passage délicat survient, et le bénévole nous oblige ici à avoir les 2 mains libres, il range gentiment nos bâtons dans nos sacs et on franchit l’obstacle. Je ne regarde pas le vide à coté, je me concentre sur mes pas, et ca passe nickel J On arrive au col des Chavannes, où 2 bénévoles italiennes notent notre passage sur un smartphone. La barrière horaire est ici à 14h45, 35 ieme km, mais je ne regarde même pas l’heure, et commence à rentrer en pilotage automatique : finir ce trail !

On part en transversal, en direction du Mont Fortin. On avait cru voir dans le topo que le point le plus haut était au 40ieme km, on y est mais on continue de monter en suivant l'arête. Quand est-ce qu’on atteint ce point haut ? Je n’ai plus d’eau, je ne mange plus trop, le niveau d’énergie est bas… Les derniers lacets en montant sont éprouvants, mais le point de vue sur le massif du Mont-Blanc coté italien, et sur la vallée du lac combal en contrebas  compense l’effort …

Au pied du Mont Favre, on rejoint 2 bénévoles qui nous bipent , et on commence notre descente par un pierrier pentu, et à ce stade de fatigue, et avec la présence de coureurs en dessous, nous le descendons avec grosse précaution. Une glissade ou un pierre qui tombe sur les collègues du bas , c’est le danger…

En bas du pierrier, le chemin monotrace serpente, et j’alterne marche et course à petite allure. Richard lui, a pris de l’avance dans le pierrier, et je l’aperçois de temps en temps, au loin. Puis arrive enfin ce ravito tant attendu, au lieu Berrio Blanc, celui du 43 ieme km. Je retrouve Richard, qui commençait à être déshydraté, comme moi. Au début, on ne peut même pas manger par manque de salive. On boit donc d’abord (Eau , Coca, eau au sirop de grenadine, mais pas de bouillon proposé) et on attend un peu. Puis je grignote, je remplis mes flasques. Après un peu de temps de récup, on repart à deux.

Les difficultés sont terminées, vient une grande descente de 10 km et une remontée de 6-8 km pour rallier l’arrivé à l’Hospice. Je dis à Richard qu’il peut partir devant, je le sens plus en forme que moi : je le vois s’éloigner progressivement, puis au bout de 5/6 minutes, je ne le vois plus, et on se retrouvera qu’à l’arrivée.

La descente par la route carrossable se passe bien, j’arrive à courir, on voit le bout de cette vallée au loin, et  cela semble ne jamais finir.

Au niveau d’une ferme, on bascule sur un chemin dans le fond de vallée , on traverse le ruisseau sur un pont, et j’entame la remontée. Je la sais longue, et je n’ai plus de force. Je continue de boire mais je n’ai pas envie de manger, la nausée n’est pas loin… Je croise un groupe de 3 jeunes femmes qui  m’encourage. Plus loin, je discute un moment avec un autre coureur, il m’explique avoir eu besoin de dormir 2 fois 5 minutes sur le bord du sentier, c’est son habitude…Il vient du Beaujolais. Cela change les idées de parler.

La dernière montée au lac du Verney m’enlève mes derniers forces. Je repasse la frontière , reviens en France et aperçois l’hospice. La dernière ligne ! j’alterne marche et course, mais porté par le public au bord du chemin, je serre les dents et cours les 200 derniers mètres.

Finisher, quel soulagement !

12h08 de rando-course, je suis 229ieme. 

Je vois Richard sur un banc, plongé dans son smartphone, et déjà changé. Je l’appelle, et on discute un peu, on se félicite. Le ravito d’arrivée a été dévalisé, il n’y a presque plus rien. 

Richard est arrivé en 11h35, il a bien fini , le bougre !

J’apprendrai le lendemain que le premier est Mr Sylvain Court, trailer français au palmarès impressionnant

Richard me donne mon sac de change, que j’avais laissé lors de la remise des dossards. Je met un nouveau Tshirt et un pull. Je passe voir le médecin au poste de secours, et obtiens un doliprane. Le dos me laisse tranquille, on passe prendre le repas, attablé dehors au soleil couchant. Je n’arrive à avaler que la soupe chaude aux lentilles, et la compote.

Puis on attend la navette qui nous ramène aux Chapieux, notre lieu de départ. 1h15 de route en bus, notre voisin de bus est très volubile, sans casque antibruit, impossible d’échapper à son quasi monologue. Au Chapieux, je me pose 10 minutes, remange un bout, change mes chaussures. Et retour en voiture dans la foulée,  3 heures de conduite jusqu’à la région stéphanoise. Je ressentis  la fatigue seulement la dernière demi-heure. Minuit 20 : content d’arriver, et content de mon weekend trail . 

Des paysages plein la tête, et comme je me le suis répété souvent ce dimanche : « la douleur est temporaire, l’abandon est définitif », comme a dit l’autre. Je rajoute « être finisher est éternel ;) »

A la prochaine !

7 commentaires

Commentaire de centori posté le 05-10-2023 à 08:55:54

C'est beau. merci pour le récit et les photos. je devais venir. mais impératif pro, ce sera pour l'année prochaine en espérant qu'il fasse aussi beau.

Commentaire de elnumaa[X] posté le 05-10-2023 à 09:14:11

une météo comme ça un 1er octobre ç n'arrive qu'un fois par siècle . dixit les orgas ! bon enfin , avec les tendances au réchauffement, t'as peut être une chance qd mm !!

Commentaire de NRT421 posté le 06-10-2023 à 16:07:38

Bravo gazel et merci pour ce récit bien documenté et illustré. Fort utile pour préparer ce trail que je pense mettre dans ma liste 2024. L'idéal serait que elnumaa[X] commette le sien. Je dis ça ... ;-)

Commentaire de Gazel posté le 06-10-2023 à 16:38:41

Merci les kikous. Comme cette semaine, j'ai morflé au niveau des lombaires et du bassin, j'ai eu le temps de peaufiner ce récit, au lieu de retourner nager ou pédaler, comme j'ai l'habitude en reprise... :)

Commentaire de Shoto posté le 08-10-2023 à 22:08:50

Bravo Gazel et merci de m'avoir fait revivre ce beau Trail sur sa version qui est clairement de loin mon préféré sur tous les trails courus ! Magnifique course bien organisée et quels panoramas !
Je regarde souvent d'ailleurs en souvenir la vidéo que j'avais réalisée de cette course et que j'ai mise sur le site Kikou.
Bravo d'avoir pu finir le trail malgré ta douleur lombaire. C'est costaud ! Egalement d'avoir pu rentrer le soir même en voiture. Perso, je n'aurais pas pu le faire.

Commentaire de Gazel posté le 16-10-2023 à 14:56:49

Merci Shoto, je viens de regarder ta vidéo. Elle fait un bon résumé en effet de ce beau trail, les images de drones et les vidéo 3D donnent du corps à l'ensemble.

Commentaire de Shoto posté le 21-10-2023 à 09:39:17

Merci Gazel.

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