Récit de la course : La Verti-Causse - 42 km 2015, par Coureur du 34

L'auteur : Coureur du 34

La course : La Verti-Causse - 42 km

Date : 10/5/2015

Lieu : St Georges De Luzencon (Aveyron)

Affichage : 2010 vues

Distance : 40km

Matos : Camelbak Raidlight
Brooks PureGrit 2
Textiles Kalenji

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

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Verticausse 2015 - 40 kms: Verti...casse!

Voilà, ce titre Verticasse brise le suspens final sur mon état à l'arrivée. Rigolant

 

Candidement, je supposais la Verticausse d'une difficulté semblable à celle du Marathon de l'Hortus et ses 42 kms et 1900m D+ courus l'an dernier.

D'abord, la Verticausse, c'est 2200 m D+, soit plus de 10% de dénivelé supplémentaire, ce n'est pas négligeable surtout que plusieurs ascensions se font droit dans la pente. Après tout, le chemin le plus court entre 2 points est la ligne droite et il faut bien justifier le nom de ce trail: verti, voilà qui résume bien le profil général. Et dans le verti, je cale... hum hum. Cela aurait pu aussi s'appeler la Mur-causse mais cela sonnait clairement moins bien, on est d'accord.

 

Malgré un manque de volume d'entraînements (la faute à des obligations professionnelles) et un zapping classique sur la préparation en côtes (on ne se refait pas), me voilà donc au départ de la Verticausse raisonnablement confiant pour descendre sous les 6 heures et pourquoi pas m'approcher des 5h30: pauvre fou que je suis.

 

Car il y a une autre invitée à ce trail qui fera très très mal aux organismes, c'est la chaleur caniculaire. La météo annonçait 27 degrés à l'ombre mais sur le Causse du Larzac, y'a (quasiment) pas d'ombre. La moitié de ma course s'est ainsi déroulée dans une température avoisinant les 30 degrés et bien sûr, au moment où j'étais dans le plus dur, les 2 dernières terriiiiiibles bosses (bien insister sur le iiiii pour exacerber l'intensité dramatique de l'effort de l'homme face à la nature hostile).

 

 

Mais revenons à nos moutons aveyronnais. Nous voilà au départ, à St George de Luzençon, le matin du dimanche 10 mai 2015. Il fait beau, les oiseaux gazouillent, les cardabelles poussent sur le Causse, nous allons avoir droit à une belle course.

 

A 8h30, c'est le coup de pistolet donné par le speaker, probablement marseillais, qui annonce 300 participants sur le 40 kms, alors que 230 me semble plus réaliste et surtout du gratin parmi les concurrents. Sur ce dernier point, je veux bien le croire: la majorité des traileurs de cette Verticausse ont des ultras ou des courses de montagne (Alpes ou Pyrénées) à leur compteur et ce trail s'inscrit donc dans une certaine continuité ; pour ma part, il s'agit plutôt d'une rupture après des trails plus modestes mais à ce moment-là, je ne le savais pas encore.

 

St George de Luzençon est au pied du plateau du Larzarc donc pas de surprise, ça va grimper d'emblée. Et nous sommes servis par une piste large qui permet au peloton de trouver ses marques et qui nous mène sur le Causse pour la première fois de la journée: 260 mètres avalés en 1.8 kms en guise d'apéro, la couleur est annoncée, pour un échauffement, on frôle la brulûre, ça va piquer dans les cuissots. Voilà 4.5 kms de Verticausse avalés en 34 minutes

 

Sur le plateau, nous rentrons de plain-pied dans l'ambiance caussenarde avec les monotraces dans les buis, les grands prés, les sentiers pierreux, les fleurs du Causse et surtout les passages en corniche au sommet des falaises nord qui s'ouvrent sur la vallée du Tarn.

C'est déjà très éprouvant avec des successions de montées-descentes légères certes mais nombreuses. Mes sensations sont moyennes car je n'arrive pas à trouver un rythme régulier. Les coureurs sont désormais bien étalés et je suis seul la majorité du temps.

Les passages à la Croix de St George (7.2 kms en 50') et puis la Cathédrale de Rocher sont sublimes et j'ai même le temps de profiter de la vue. Je vois 2 trailers qui s'arrêtent et abandonnent: déjà??

Nous sortons des bois où le loup n'est pas pour reprendre une large piste une paire de centaines de mètres à peine avant de remettre ça sur un nouveau monotrace avec passage à côté d'un four à chaux puis après le Caussonus, plonger au pied du viaduc de Millau par une sente raide et en devers qui se transforme en pierrier par endroits, pas facile du tout, afin de rejoindre lepremier ravitaillement de la Verticausse au km 12 en 1h38 soit du 7.3 km/h à peine.

Je bois quelques verres d'eau et je râle d'avoir des cailloux à l'intérieur des chaussures. Je prie pour qu'ils ne me dérangent pas car je ne veux pas (stupidement) perdre 2 minutes à les ôter.

J'ai déjà un pressentiment que cela s'annonce très dur car mes sensations ne sont pas glop pas glop.

 

Après le ravitaillement du viaduc, nous prenons un chemin large, traversons un champ herbeux puis ça repart de plus belle (des champs) vers le hameau d'Issis pour une nouvelle ascension du plateau au niveau du Puech de Fayssel. C'est toujours très beau avec des passages dans des couloirs des buis qui longent un canyon improbable, des vues sur le viaduc, des monotraces joueurs et ça grimpe, et ça descend, c'est assurément le refrain de la Verticausse. Je cours toujours seul, le peloton a explosé depuis belle lurette.

 

Nous poursuivons par la partie la moins fun de la Verticausse, longeons un stade et un camping, traversons quelques rues encore et c'est le village de Creissels qui nous accueille.Creissels en aveyronnais, ça veut dire "prends des forces parce que ça va grimper sévère", je suis sûr que vous ne le saviez pas. Clin d'œil

S'ensuivent des bosses éprouvantes qui nous amènent au pied de la cascade de Creissels, un lieu juste incroyable: dans un décor vert jungle, nous longeons un petit cours d'eau provenant de la chute que nous avons contournée et aperçue de loin. Et puis nous la rejoignons par des creux et des bosses dans la roche qui nécessitent de mettre souvent les mains avant de surgir au sommet de la falaise d'où coule la fameuse cascade. Il fait frais, ça fait du bien et j'ai mouillé ma casquette dans la rivière: si je m'arrête là pour une pause balnéaire, je ne repars plus.

 

En haut de cette falaise et sa cascade (19.5 kms en 2h45), c'est là que commence l'enfer. Réellement. Jusque ici, ce n'était qu'un apéro entre amis, olives et cacahuètes. Place aux choses sérieuses, piment fort et alcools tord-boyaux.

Après un mini-ravitaillement surprise dont je profite puis quelques mètres de goudron, nous entamons la fameuse ascension du Cap de Coste. Il s'agit d'un monotrace en direct vers le sommet, là-haut, tout là-haut, un Everest qui se termine par une mini-escalade sous les cris des supporters en délire.

Que dire si ce n'est qu'en enfer, on souffre dans une horrible chaleur? Je marche les mains sur les genoux, je m'arrête, je repars quand le coeur daigne redescendre de 10 puls. Mes quadris doublent de volume (ce qui doit faire 8, si mes calculs sont bons). Langue tirée

Une fois sur le Causse, l'ascension continue plus doucement mais la course s'est transformée en champ de bataille, tout le monde ou presque est à la peine. C'est environ la mi-course, 21 kms en 3h11, avec un chrono pareil, je suis parti pour dépasser allègrement les 6 heures de trail, ça promet.

 

Après cette terrible montée, nous redescendons en corniche dans le superbe Cirque de Boundoulaou par le GR71, un monotrace assez roulant. Je dépasse un coureur qui me dit qu'il abandonne. La vue est majestueuse et je cours avec une petite foulée à l'économie, déjà. J'apprécie les zones d'ombre, nous passons au pied des falaises, devant une arche puis remontons doucement pour sortir du cirque au niveau de la superbe ferme de Bel-Air.

 

C'est le retour sur le goudron et juste après le passage sous l'autoroute, nous arrivons au second ravitaillement, km 26, 3h48.

Celui-là, je vais bien en profiter. Remplissage de camel-back malgré la soi-disant pénurie d'eau dûe au passage des coureurs du 21 kms (je pique 2 bouteilles, tant pis), vidage des pierres dans les chaussures qui m'occasionnent des crampes sur les quadriceps, grignotage d'arachides que j'avais emportés.

Je repars à peine mieux pour un nouvel épisode de Walking Dead sur le plateau du Larzac. Même si c'est la partie la plus roulante de la Verticausse, elle n'est pas si facile tout de même, d'abord une large piste en plein cagnard puis de grands devers, des racines par endroits et jamais de repos durable. Je me traîne mais je double globalement pour la première fois de la course. Je croise un gars en perdition qui m'avoue qu'il est en plein black-out, d'autres ne vont pas mieux, il fait super chaud et nos organismes sont sérieusement éprouvés.

 

Nous contournons le grandiose cirque de St Géniez de Bertrand par l'est jusqu'à son extrême sud, tout au dessus des grottes du Lavencou. La Verticausse est toujours aussi belle. C'est une alternance de monotraces et de grands espaces à flanc de collines, globalement en légère descente. J'arrive à trottiner raisonnablement bien, dans un style plus proche du Docteur House que de Gebreselassie et j'accroche quelques duos ou trios de coureurs.

 

Au 30ème km (4h25, 6.8 kms/h), arrive le fameux passage des cordes, pas pour se pendre (quoi que) mais pour s'assurer dans la désescalade puis la descente en sous-bois de la falaise qui surplombe les grottes.

Ca se passe plutôt dans un style pas très académique mais sans bobo ni crampe et à l'ombre, ce qui est l'essentiel. Cette descente du causse est incourable pour moi, bien trop raide.

Tout en bas, la Verticausse emprunte la rive du ruisseau de Lavencou jusqu'au village de St Géniez de Bertrand, beaucoup de boue et d'herbe entre champs et cours d'eau, c'est très joli même si je suis cuit et que je me demande dans quel état je vais terminer. Je me suis accroché à un petit groupe de trailers qui me tractent jusqu'au 3ème et dernier ravitaillement (km 32, 4h45).

 

Là, les bénévoles nous confirment qu'il fait bien chaud, comme si besoin était, et parlent de 30 degrés au compteur. Je bois généreusement eau et coca avant de lancer mon désormais célèbre"j'espère que l'ascenseur n'est plus en panne cette fois" et je reprends la petite foulée sur la route qui remonte.

 

Stupeur et tremblements! Nous la quittons rapidement pour un coupe-feu ou draille qui monte en direct dans la pente. L'enfer est de retour avec 15 kms de plus dans les jambes que le Cap de Coste et la chaleur à son paroxysme: ça ne va pas le faire. En pleurs

J'alterne péniblement 50 mètres de marche, 1 minute d'arrêt la tête dans les buis pour chercher l'ombre. Bon an, mal an, j'arrive en haut de cette bosse de Puech Bernard en vie, 33 kms et 5h06 pour 230m de D+ en 1.5 km. Je suis toujours seul hormis une paire de coureurs qui me déposent.

 

Je ne profite pas de la descente casse-pattes mais sympa dans un canyon calcaire (le Ravin du Villaret) qui suit et je n'arrive pas non plus à apprécier sa beauté malheureusement. Dans une section plane, je me ramasse et en rattrapant ma chute, j'ai une crampe au mollet droit. Manquait plus que ça alors que j'étais épargné jusque là: je m'assoie et m'étire autant que nécessaire. Bonne stratégie car je repars sans encombre, je n'aurai plus de crampes jusqu'à l'arrivée, une vraie bonne nouvelle.

 

Une fois au fond du canyon, il faut remettre ça, encore une grosse montée vers le Mont Redon même si le pourcentage est moindre. Deux bénévoles me demandent comment ça va et si j'ai de l'eau. Je leur marmonne que ça ne va pas fort malgré le plein de flotte.

Dans cette ultime ascension, je suis à l'agonie et c'est peu dire, j'ai beau m'hydrater, m'arrêter régulièrement, j'ai terriblement chaud et l'aiguille du cardio qui tape dans la zone rouge. Et si j'avais pris un coup de chaud, une insolation? Je conjugue le verbe "faire une pause" à tous les temps possibles mais rien n'y fait. En outre, je n'arrive plus à avaler quoique ce soit, j'ai un peu mal au bide et j'ai profondément envie d'en finir là, abandonner comme les autres, si je croise une route et une voiture, je rentre en stop. Mais il n'y a ni route, ni voiture, pas d'autre choix que de mettre un pied devant l'autre.

Nous sommes comme perdus au milieu de nulle part sous un soleil de plomb où chaque pas est une lutte contre notre propre pesanteur. Des trailers me dépassent, eux aussi très marqués, et m'encouragent. Un coureur très sympa s'arrête même et nous faisons caus(s)ette le temps de quelques pauses ensemble, une oasis de moral dans un désert de motivation.

 

Finalement, après un nombre incalculable de stop and start, j'atteins une nouvelle fois le plateau du causse du Larzac et la pente se fait plus douce. Le moral aussi.

Je reconnais le paysage traversé au tout début, km 36 en 5h49. Voilà, je ne ferai pas mieux qu'au Marathon de l'Hortus 2014 mais à ce moment précis, c'est le cadet de mes soucis.

 

Nous basculons dans l'autre versant, le Travers Banc, qui est assez raide. Dans un chant du cygne pathétique, je serre les dents et redouble quelques coureurs. On aperçoit le village d'arrivée tout en bas, si loin mais si proche. Tant bien que mal, je descends prudemment puis cela devient plat et nous atteignons les maisons.

Ce n'est pas complètement fini, encore un ultime effort en bord du Cernon pour revenir dans la rue et passer sous l'arche qui m'a vu partir 6h13 plus tôt. 6h13 pour 40 kms (6,4 kms/h), 114ème sur 170 arrivants et une 40aine d'abandons, la Verticausse a été un vrai carnage!!!

 

Mon Dieu que c'est dur, qu'il fait chaud, je me promets d'arrêter ces courses trop rudes pour moi! Rideau, je vais péniblement boire un coup, vide une bouteille d'eau puis je cherche la fraîcheur à tout prix et me pose contre un mur à l'ombre allongé sur le goudron. Je suis rincé, vanné, harassé, épuisé, zombifié... complétez vous-même si vous trouvez des synonymes.

Nous sommes plusieurs à aller prendre un bain de pied dans la rivière Le Cernon, fraîche certes mais ça fait un bien fou.

 

Le balisage a été parfait, les ravitaillos corrects (petit souci au 2nd quand même), les bénévoles sympas mais souvent trop optimistes ("Allez, plus que 200m avant le ravitaillement!" alors qu'il en reste 2000 en fait), les paysages magnifiques et variés, des monotraces dans des couloirs de buis, des canyons moussus, une cascade digne de Niagara, des décors dolomitiques, des bergeries, des prairies, des étendues sauvages, des descentes en corde, des falaises, des rivières vagabondes, un viaduc des records (piles les plus hautes du monde et tout et tout) et des panoramas à couper le souffle, comme si le dénivelé ne suffisait pas. 

Bref, la réputation de la Verticausse n'est pas galvaudée, c'est un très beau trail (comme quoi, je ne suis pas rancunier), très relevé, probablement le plus dur de ma courte expérience, ce qui me fait beaucoup relativiser la difficulté des précédents.

3 commentaires

Commentaire de brice de nice posté le 23-05-2015 à 17:03:38

En plein festival de cannes ton récit pourrait donner des idées à quelques scénariste , pour être arrivée 10 minutes après toi je replonge avec délice dans l'un de mes plus gros coup de chaud de ma vie de traileurs,tu mes des mots sur des maux l'épreuve exigeante à souhait reste une belle date du calendrier.Et pour reprendre le titre de ta série préférée je finis plutôt dead que walking.vive le trail et vive la france!!!!

Commentaire de Coureur du 34 posté le 03-06-2015 à 20:56:30

Oui je crois que dans ces moments-là, nous avons tous plus ou moins ressenti les mêmes choses. A l'an prochain peut-être!

Commentaire de oc12 posté le 24-05-2015 à 18:39:10

Je crois bien t'avoir entendu parler d'ascenseur au ravito de Saint-Geniez. Chaleur terrrrrible mais si on a fait ça,même dans des temps moyens, il me semble qu'on peut se débrouiller ailleurs...

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