L'auteur : anyah
La course : French Ultra Festival - 24 heures
Date : 7/5/2013
Lieu : Le Luc (Var)
Affichage : 1826 vues
Distance : 0km
Objectif : Pas d'objectif
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De retour du circuit du Luc-en-Provence où j'ai participé à l'épreuve des 24h de course à pied du French Ultra Festival, j'ai l'impression que je viens de faire mon baptême "ultra". "L'ultrafond désigne la course à pied de grand fond, c'est-à-dire pour toutes les distances supérieures au marathon soit 42,195 km. L'ultrafond s'applique aux sorties en solo mais également aux courses suivantes : 6 heures, 12 heures, 24 heures, 48 heures, 6 jours, ultra-trails, raids par étapes, 100 km, 50 km, courses sur routes par étapes, etc". (définition Wikipédia).
Je découvre une communauté accueillante, sympathique et bienveillante au sein de laquelle l'esprit de compétition est masqué au profit de celui de la recherche de la performance individuelle. Ici tout est mis en œuvre pour que l'athlète se sente bien, sur le plan pratique bien entendu, mais surtout mental et spirituel. J'ai l'impression d'avoir été entourée de gens souriants pendant tout mon séjour et d'être intégrée, accueillie et dorlotée. Le fait de courir avec des personnes qui ont CV long comme mon bras me permet de toucher du doigt l'univers des possibles de la course à pied ultra. La vie est décidément pleine de découvertes surprenantes et en voici une belle que j'ai bien l'intention d'explorer à fond !
Le French Ultra Festival
C'est une épreuve de course à pied avec un 6 jours mythique (qui a remplacé celui d'Antibes) et un grand nombre d'épreuve tous formats (dont certaines organisées pour la première fois) : 72h, 48h, 24h, 12h, 6h, 100 miles, 100 km ... et une course 100 % féminine : la Mistinguette. Le circuit auto/moto du Var de 2 km de long accueille l'épreuve : il y a un peu de dénivelé (3 bosses) et d'immenses espaces herbeux dans lesquels sont installés les tentes et véhicules des concurrents. La large route est divisée en deux par des plots : les épreuves longues (et au rythme plus lent) dans un sens, les autres dans l'autre. Donc on se croise tout le temps : c'est bien pour les salutations, c'est un peu plus compliqué pour la communication.
Ma préparation
J'ai suivi un plan (gratuit c'est-à-dire non personnalisé) du coach Bruno Heubi et j'ai commencé l'année par beaucoup de foncier, quelques trails et un marathon. Ma semaine type est basée sur 5 séances de course à pied et 2 séances de natation, avec une coupure d'un jour tous les 10 jours. Mes séances de course à pied sont toujours sur route, de préférence le matin -parfois à jeun- ou à midi quand je travaille. J'avoue que je suis mauvaise élève et que je fais très peu de fractionnés, mais j'aime les changements d'allure et de foulée. Donc c'est un peu désordonné mais je ne cours pas comme un robot. Je n'hésite pas à marcher quand ça monte ou quand j'en ai envie ! Chaque semaine je fais une sortie longue d'au moins 20km (c'est la séance-clé de la longue distance), pour environ 200 km par mois.
Le jour J
Jusqu'au dernier moment, Mark mon mari aura fait durer le suspense : il faut dire je suis en concurrence avec Dame Météo ! En saison de vol libre, si les conditions météo sont favorables, Mark se consacre à son activité favorite. S'il est en repos (en général pas 2 grands vols à la suite), alors j'ai ma chance. Mercredi 8 mai, la journée est très calme pour moi avec une sieste longue. En fin d'après-midi, je vais chercher Mark à l'atterrissage, retour rapide à la maison et nous partons pour le Luc. Arrivée tardive à l'hôtel, puis un repas de pâtes et je passe une excellente nuit. La matin, retrait des dossards et première rencontre avec Laurent "le Bagnard" qui sera la "nounou" des concurrents des 24h aux côtés de l'organisateur Gérard Cain. Nous suivons la voiture électrique sur le circuit pour nous garer dans l'herbe. Ma première impression est que c'est drôlement joli toute cette verdure! Moi qui m'attendais à un environnement fait de bitume et de bâtiments, je suis agréablement surprise car j'ai horreur de faire du sport dans un environnement moche, alors tourner 24h sur un circuit où il n'y a rien à regarder, ça me pose un problème ! Installation de notre petit "campement" : une table et deux chaises, un panier plastique avec mes boissons, une glacière et un peu de ravitaillement pour nous deux.
C'est parti !
Le départ est donné à 10h, je n'ai pas d'angoisse, pas d'hésitation, juste une grande joie d'être là. Nous sommes 18 inscrits dont des marcheurs et le circuit fait 2.04 km. Je suis la seule femme en catégorie course. Au premier tour, les 120 participants aux "6 Jours" qui tournent en sens inverse nous saluent individuellement, c'est très émouvant : ces gens-là sont si souriants alors qu'ils ont déjà 2 jours et demi de course dans les jambes !
Mon plan est d'appliquer la méthode Cyrano que j'ai testée à l'entrainement. Il s'agit d'alterner course et marche dès le début d'une épreuve d'un façon régulière. Il existe des variantes : 9/1, 8/2 ou 4/1. Je commence en 8/2 pendant les 2 premières heures. Je prévois de faire 3,5 tours par heure, soit 7 km/h. Je suis un peu plus rapide que prévu avec 8 tours effectués à midi. Mais je laisse faire. Après 14h, je passe au rythme 4/1 qui me convient mieux. Je commence à sentir les bosses : 3 côtes dont une assez accentuée. Quand j'ai appris que le dénivelé positif officiel est de 12 m, j'ai été étonnée, j'aurais pensé que c'était plus au "baromètre" de mes jambes...
Je cours avec mon bidon portatif (350 ml) que je porte dans la poche de mon maillot, à la ceinture ou à la main : je bois un bidon par tour (boisson isotonique). Je trempe ma casquette sous laquelle j'ai coincé une petite serviette éponge dans des bacs à eau tous les deux tours. Il commence à faire assez chaud et je transpire beaucoup, je suis déjà toute blanche. Je prends régulièrement du sel en pastille.
A chaque tour, on passe devant le ravitaillement tenu par des bénévoles vraiment sympathiques qui ont l'air de bien rigoler : parfois j'aimerais bien m'arrêter et discuter un peu avec eux ! Juste après, c'est le tapis pour la puce, et un coup d’œil pour vérifier que mon nom apparaît avec le tour et la distance sur le grand écran.
Côté mental, ça va pas mal. Je ne pense à rien en particulier sauf au moment présent. Je n'anticipe que le prochain tour. On croise nos amis des "6 jours" (déjà je les appelle mes amis !), on discute un peu entre concurrents du 24h. Je ne recherche pas le contact et l'échange : ça me déconcentre, j'ai peur de me laisser influencer par le rythme d'un autre ou par des paroles ou des conseils qui ne seraient pas appropriés. Je suis dans ma musique que j'écoute très fort et je cours en rythme. Je dois parfois me retenir pour ne pas danser, mais j'avoue que la nuit quand personne ne me voit : je me lâche !
Il fait chaud, le soleil pique comme avant l'orage, je me remets une couche d'huile sur les épaules et les jambes. Quelques bourrasques sont assez fortes. Subitement, alors que je suis à mon ravitaillement, un grosse rafale (tornade) souffle, enfle, il y a du bruit, j'entends des cris, je regarde comme une scène d'un film au ralenti : les grandes tentes de repos du 6 jours, sous lesquelles dorment des gens sont secouées dans tous les sens et s'envolent ! Un grand barnum traverse le circuit, me passe au dessus et va s'écraser disloqué à plusieurs mètres. Des objets volent partout. Je suis penchée sur notre "campement" et je tiens le tout, tendant le dos pendant que les objets tombent autour de moi. Oouah... et après grand silence stupéfait... et la vie reprend ... et je repars. Mark revient de sa sortie vélo juste après, heureusement qu'il n'a rien croisé de tel sur sa route !
Je progresse régulièrement avec un peu moins de 8km par heure plus les arrêts qui sont très courts. Vers 18h, sur le bord du circuit venant à ma rencontre : je vois mon amie Betta ! Voici une belle surprise à laquelle je ne m'attendais pas ! Après un grand moment d'émotion partagée, Betta m'apporte des nouvelles du CAF. Le CAF c'est Courir au Féminin, c'est ma communauté, mon groupe de nanas, mon inspiration, mon coup de pied au C. quand j'ai pas envie : MERCI à toutes !
Avec Betta nous faisons quelques tours et je salue son mari Michel. Betta progresse à mon rythme qui est maintenant au feeling sans surveiller la montre. Je marche dans toutes les bosses et je cours le reste. C'est une vraie allure de conversation ;-)
Mais voici une petite fille qui marche droit sur nous un document à la main : ce sont les messages de mes supportrices du CAF. Emotion : "tout le CAF est avec toi", ça fait quelque chose de lire ça !
Après une petite pluie, la soirée s'installe. La ligne des 6 jours se vide car ils dînent, je redeviens le meilleur DJ de ma sono mondiale, je m'habille un peu plus, je souhaite une bonne nuit à Mark et ça continue dans le noir. Petits bruits nocturnes : un hibou, des grenouilles. Le circuit est éclairé par de gros halogènes qui laissent des zones d'ombre et je les apprécie. En face, les "6 jours" sont au turbin : autant ils marchent dans les chaleurs de l'après-midi, maintenant tous courent et certains tellement vite ! Les salutations continuent, parfois plus appuyées avec certains qu'avec d'autres, on se touche parfois les mains, c'est très respectueux.
A minuit, j'ai atteint les 100km. A 2h15, je pique un peu du nez et je me rappelle les paroles échangées avec le Solitaire, présent ici sur différentes épreuves (dont la Mistinguette courue en jupe ?) : "Va dormir", me dirait-il. Donc j'y vais. J'ouvre le coffre du Kangoo, je pousse Mark et je m'allonge à ses côtés sur le matelas. J'ai le cerveau en ébullition et j'ai du mal à m'endormir, mais quand je regarde l'heure, il est 4h. Parfait.
Je repars en courant/marchant, et bientôt ma marche est plus rapide et plus agréable que ma course. Je suis dans ma zone de confort. Je marche à 6 km/h, les coudes pliés à 45 ° pour éviter que les mains gonflent et je suis dans le rythme. Le ciel s'éclaircit, le soleil se lève. J'en pleure. J'en pleure vraiment de voir ça, d'être là, d'être bien, j'en pleure encore.
La vie reprend. Dans les campements, la plupart des "6jours" sont en famille. Il y a des enfants, des vélos, ça sent le café. Et ça continue de tourner. Au ravitaillement où je m'arrête parfois attirée notamment par le fabuleux "riz au lait", on me remet un document : des messages du CAF ! MERCI les filles, c'est super et souvent très drôle !
De ces messages, je retiens notamment le "reste positive" : c'est étonnant comme la production d'endorphines est importante dans l'effort. Je n'ai depuis le départ que des pensées positives et même parfois un peu délirantes... que je garde pour moi ! Outre qu'elles me boostent le moral, elles atténuent aussi les bobos qui sont encore mineurs :j'ai les pieds qui brûlent un peu.
J'essaie de temps en temps de me remettre à courir : impossible, ça coince dans les articulations et je cours toute tordue, ça fait mal aux quadri et mollets et ça fait monter le coeur. Tout ça pour gagner quelques km/h et risquer la blessure : c'est pas rentable.
Le matin est là, Mark est levé, nous marchons ensemble quelques tours et commençons à faire des petits calculs et projections. La barre des 145 km semble à portée : c'était mon objectif calculé par Mark pour espérer finir l'Ultratour du Léman dans les délais (175 km pour 29h prévu en septembre). C'est le minimum à faire aujourd'hui et il semble bien que je vais y arriver.
Je ne lâche rien, toujours le même rythme, je ne m'occupe de rien ça marche tout seul. Les seules choses à contrôler sont l'esprit et l'estomac. Côté estomac, je dois dire que j'ai de la chance. Je peux manger n'importe quoi à condition que ça soit très très peu mais très très souvent. Avant la course, j'ai stocké des glucides pendant 3 jours. Le petit déjeuner a été gourmand et ensuite j'ai grignoté et picoré toutes les demi-heures sans m'arrêter. Je me suis assise pour manger une salade de pâtes vers 19h, un autre arrêt soupe vers 22h et un arrêt riz au lait vers 5h.
Lors de la dernière demi-heure, les "6jours" commencent les "au revoir". Tous nous saluent individuellement quand on se croise. En retour, je les encourage : il leur reste encore 50 heures à faire ! ça plaisante, ça calcule, ça discute, on me demande mon score et on me félicite : être une femme est un avantage à l'applaudimètre ! Bientôt, ils accueilleront les 72 heures qui prendront le départ après nous, puis ce sera le tour des 48 heures... Non, la vie sur ce "6jours" n'est pas monotone !
A l'avant-dernier tour, on me remet le bâton du dernier tour : c'est un bâton avec mon numéro de dossard (1416). Quand résonne l'alarme, il me restera une minute à faire, minute que je partage avec Mark et Yanne du CAF au téléphone. L'alarme sonne à nouveau, je pose mon bâton au sol : l'arbitre (une femme) part faire son tour de circuit et relever les distances entre le départ et chaque bâton posé au sol. On m'annonce 146.98 km (non officiel), soit presque 72 tours ! Yes ! J'y crois pas ! Génial !
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9 commentaires
Commentaire de mico34 posté le 11-05-2013 à 14:24:39
Bravo anyah tres belle course
Commentaire de sabzaina posté le 11-05-2013 à 21:29:50
Hallucinant ! BRAVO!
Commentaire de Japhy posté le 13-05-2013 à 15:12:20
Alors je n'y connais pas grand chose, mais 147 km, il me semble que c'est vachement bien non?
ça fait plaisir de voir Betta galoper à tes côtés! Elle n'a plus de plâtre?
Commentaire de anyah posté le 13-05-2013 à 21:18:17
Hmmmm Japhy, "vachement bien": tout est relatif tu le sais bien, mais pour moi c'est vraiment très bon. Puisque j'ai dormi pas mal je peux espérer un jour 150 ... !!
Commentaire de CROCS-MAN posté le 15-05-2013 à 15:16:07
Bravo Anne, tu as assuré. Content que tu m'ais écouté et que cela t'ais été bénéfique.
On se reverra au Léman. Bonne récup.
Commentaire de gdraid posté le 16-05-2013 à 13:44:31
Merci Anne, beau récit bien imagé !
Belle perf de 147 km sur une piste d'autodrome plutôt brûlante à certaine heures ...
Tu vaux largement plus de 150km sur bien d'autres circuits de 24 heures !
Circuit très long de 2km pénible pour l'organisme, et à l'origine de nombreuses blessures sur les 6 jours.
( les favoris chacun dans leur catégorie, Martina Haussman et Christian Mauduit ont cher payé pour le savoir.)
Le mistral et la mini tornade ont en outre massacré certains campements, et le moral de certains coureurs, marcheurs et accompagnateurs dont je faisais partie.
Jean-Claude, assistant de Martina.
Commentaire de anyah posté le 16-05-2013 à 15:57:17
MERCI Jean-Claude : tes encouragements me vont droit au coeur parce que je sais qui est Martina donc tu dois bien connaître ton sujet! Je garde de Martina la vision d'une boule de souffrance, d'une combattivité les dents serrées, d'une colère intérieure d'être diminuée... et elle a tenu le coup jusqu'au bout ! Chapeau !
Commentaire de stéphane85 posté le 19-05-2013 à 11:31:28
Bravo Anne,
je t'ai laissé un petit mot sur ton blog.
@+
Commentaire de KrysDaix posté le 02-06-2013 à 18:13:25
Vraiment impressionnant , ça donne envie, si si même si je ne jure que par les sentiers et le dénivellé d'habitude . Bravo
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