Récit de la course : Marathon du Mans 2011, par Le Loup

L'auteur : Le Loup

La course : Marathon du Mans

Date : 23/10/2011

Lieu : Le Mans (Sarthe)

Affichage : 1360 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

15 commentaires

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Arbre à cames

J’aime bien écrire mes récits sous endorphine...

A défaut d’autres substituts illicites ces instants sont ceux où j'apprécie de revenir sur une performance mitigée... pour la transformer en récit épique ! Plus prosaïquement c’est aussi le moment où j’aime analyser mes courses : lorsque les fibres se réparent et que je n’ai pas encore projeté mon esprit vers l’objectif suivant...

 

Fin mai j’étais rentré un peu penaud du Mont St Michel. Je m’étais imaginé réussir "un temps" moins d’un mois après m’être défait une cheville sur le Nivolet et sans avoir suivi la moindre préparation. La distance mythique s’était chargée de me rappeler le principe de base : sur marathon chacun est à sa place… Traduction : n’espère pas flirter avec les dieux de ton Olympe sans un minimum de respect pour eux ; à savoir un travail préalable bien conduit, un plan… et surtout la forme le bon jour.

 

J’ai décidé alors de suivre mon premier plan (ou plutôt de me le construire sur mesure…). En néophyte je me suis attaqué à modeler à ma main, et à la hache, un plan relativement basique trouvé sur le net. Les critères retenus ont été dans l’ordre ma disponibilité et le moins possible de fractionnés… On ne se refait pas.  Je suis donc parti sur 4 séances par semaine, dont une de fractionnés longs. Le tout sur 8 semaines car je ne voulais pas prendre le risque de me lasser…

 

Une fois le plan établi il ne me restait plus qu’à décider quand le commencer. Comme je suis invité sur Paris-Versailles et le 20km de Paris chaque année je décide d’en profiter pour intégrer ces 2 courses à mon plan. Idéalement mon choix sera un "marathon roulant pas trop loin de la maison". Les marathons de début novembre semblent les mieux placés sauf que je dois me ménager une récupération et un changement de registre afin d’être prêt pour… le premier week-end de décembre !!!

 

Le marathon du Mans semble donc le meilleur compromis possible : un peu proche du 20km de Paris mais à 6 semaines du challenge North Face… L’idée étant de profiter des bénéfices de la préparation du marathon sur l’objectif suivant. Autant vous dire que la régénération risque d’être difficile à gérer. On en reparlera…

 

En comptant les semaines à rebours depuis la date du marathon je décide d’attaquer la préparation le lendemain de la course du Cul d’Enfer. Au moment de ce choix je ne savais pas encore que je m’écraserai la tronche dans un tronc d’arbre !  Mais peu importe j’ai tenu bon et attaqué mes séances. Ce fut assez piquant… Et je ne parle pas des jambes mais de la plaie sur mon crâne et des cervicales en compote.

 

Les semaines passent et je m’astreins à suivre mon plan minimaliste. Ce n’est pas facile tous les jours, fainéant comme je suis, mais je me répète comme un mantra qu’avec ce mini-plan je n’ai pas le droit d’en faire moins.

 

Paris-Versailles ne se passe pas bien ; j’ai la crève. Le chrono me place presque 1 minute derrière ma marque de référence. Je suis un peu déçu mais je ne devrais pas… Je suis en préparation et il paraît que les résultats intermédiaires ne sont pas toujours significatifs.

 

Les 20km de Paris arrivent et cette fois je suis satisfait du chrono. Un peu moins de ma course mais encore une fois il ne s’agit que d’une sensation… En fait ce que j’ai du mal à intégrer c’est d’avoir dû en garder un peu sous le pied. Je n’ai pas l’habitude de faire ça. La pluie n’a pas aidé car je redoutais de glisser sur les pavés…

 

L’avant-dernière semaine du plan est la plus importante et c’est sûrement pour ça que je commence à faire n’importe quoi. Déjà le soir du 20km de Paris je suis ressorti faire 12km… Bonne ou mauvaise idée ? Le plan disait sortie longue 2h20…

Je trottine le mardi mais je décide de zapper les fractionnés du mercredi (3x3000 à la trappe) à cause d’une actualité professionnelle prenante. Bon prétexte…

Le jeudi je fais ma séance du vendredi en me disant que je calerai les fractionnés le vendredi justement. Je n’en fais rien et je préfère improviser un entraînement le samedi avec un sparring-partner de luxe, ancienne championne de France espoir sur semi-marathon, de passage dans la région. Elle n’est pas dans sa meilleure forme mais nous faisons 27km. Le plan disait sortie calme, 1h30, environ 18km… Du grand art !

Je finis par laisser tomber les fractionnés que je n’ai manifestement pas envie de faire, et puis il est peut-être trop tard maintenant.

 

La dernière semaine se passe bien ; il s’agit de faire du jus et ça je sais faire ! 2 footings d’1 petite heure… J’ai un peu de mal à rester à 12km/h. C’est bon signe crois-je…

 

Le marathon va partir… Je suis tout prêt de l’arche. A côté de moi Akharan est venu accompagner Sophie D. du Team Outdoor. Je ne suis pas sûr de son objectif (elle non plus...) et pendant les premiers kilomètres elle reste sagement dans le peloton des 3h. Quand elle sort du groupe je suis tenté de prendre le train mais je me réfrène aussitôt : prudence est mère de sûreté…

 

Qui m’a dit que le marathon du Mans est roulant, la plaquette de l’organisateur, ah bon ? Au bout de 3 ou 4 km nous quittons le circuit et passons sur chemins. Certains coureurs sont décontenancés… Moi aussi. Je m’étais imaginé courir sur un billard et voilà que je suis sur chemins en petit sous-bois.

J’ai pris la foulée de Vincent, le jeune meneur d’allure. Il est tout en cannes ce gars et aussi grand que moi… mais il doit me rendre 15kg ! Un loup a besoin de réserve pour les longues courses hivernales…

Vincent a certainement un record très en deçà de 3h, et c’est peut-être la raison qui le conduit à prendre assez vite un peu d’avance. Je ne suis pas contre, d’autant qu’en début de marathon on est assez frais. On comptabilise donc jusqu’à 2 minutes de marge… Par contre j’ai l’impression qu’il change plusieurs fois d’allure et je commence à me méfier de ne pas y laisser du jus. Je me rends compte en écrivant ces quelques lignes et en repensant au tracé qu’il n’en était rien. Vincent ne changeait pas d’allure, bien au contraire ; il passait les bosses à la même vitesse que les creux, sans faillir !!! Au niveau de l’effort je peux vous garantir que ce n’est pas le même, tout trailer sait ça d’ailleurs… Mais là je n’y vois que du feu.

 

Au 18ème km je décide de sortir pour échapper à ce rythme qui n’est pas le mien. Je resterai en avant du groupe mais jamais très loin, je maintiens une vingtaine de mètres, jamais tellement plus. Je viens de faire ma seule erreur…

 

Le semi en 1h28’35.

 

Au 30ème km je réintègre le groupe, rincé par le vent de face. Le groupe a fondu nous ne sommes plus qu’une dizaine d’unités, je ferme la marche. Je lâche parfois 2-3m et je me donne des coups de pied au cul pour recoller tout de suite. Pas question d’abdiquer ; si je laisse filer je sais que ça ira plus mal encore. 

Nous croisons Akharan et Sophie au hasard d’une boucle avec un demi-tour à 180° (il y en aura plusieurs sur le parcours). Ils ont une petite avance et je vois que Sophie est plutôt bien. Moi je ne peux qu’esquisser une grimace en forme de sourire…

 

39ème kilo… Je regarde les temps et je commence à y croire ; encore 1 minute d’avance !

 

Je commence à cogiter alors qu’il ne faudrait pas penser. Le phénomène me prend vraiment par surprise alors que je m’attendais plus à une défaillance type mur de Berlin. Je me crispe et je me désunis… Pas de douleurs et j'ai toujours du souffle, c'est très curieux comme moment.

 

Je ne suis plus en cadence et je lâche une grosse poignée de mètres. Dans le groupe j’entends Vincent remobiliser tout le monde : allez, on accélère…

 

Quoi ? On a encore 1 minute d’avance et il reste moins de 2km !!! Pitié, n’accélère pas… Il ne m’entendra pas, je suis déjà en immersion périscopique !

 

C’est imparable, je suis lâché et devant moi je vois le groupe exploser : ça s'éparpille, 5 ou 6 gars parviennent à suivre, les autres font au mieux…

 

Au micro j’entend l’arrivée de Sophie et Stéphane : 1ère féminine, 2h54… Je repense au moment où ils sont sortis du groupe et je me demande si j’aurais dû les suivre. Parfois une allure se digère mieux qu’une autre. Des accélérations à des moments choisis quand on est bien, des temps faibles gérés avec une gestuelle plus économique… Je repense aux principes de Véronique Billat qui prônait justement des changements d’allure sur marathon et non pas une allure unique du début jusqu’à la fin. Je repense à mon marathon de Paris 2010, mon meilleur...

 

Oui, j’ai le temps de penser à tout ça entre l’arrivée de Sophie et l’entame de la montée du Dunlop… Et pourquoi n’ai-je pas reconnu la fin de parcours ce matin alors que je glandais sur zone à 1 heure du départ ? Hein, pourquoi ?? Je ne m’y attendais pas… La vue est superbe : une petite descente, une courbe serrée sur la droite et une montée qui s’incline paresseusement vers la gauche avant la bascule sur l’arrivée. Je sors les rames et je touille tant que je peux mais je suis dans le bouillon.

 

Je vois l’arche d’arrivée. Un dernier regard vers ma montre : 2h59’ et des pâquerettes… La pente est dans le bon sens et je donne mollement ce qu’il reste. Curieusement je connais déjà la fin de l’histoire, je l’avais écrite quelques km avant et je me relâche. Je franchis en : objectif + 14 secondes… sans amertume. Aujourd’hui j’améliore ma meilleure marque et je ne veux me souvenir que de ça.

 

"Sur marathon chacun est à sa place".

15 commentaires

Commentaire de CROCS-MAN posté le 24-10-2011 à 12:30:25

ça c'est la Classe, BRAVO Alex !!! Et merci pour ton récit

Commentaire de kkris posté le 24-10-2011 à 12:52:30

BRAVO,super chrono!c'est pas 14secondes qui vont gacher le plaisir!

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 24-10-2011 à 13:01:22

Super chrono ! Tu as dû courir avec mon ami et Kikou Pepe61 qui a mis 2h58. J'aurais aimé te rencontrer mais la place était vaste ! Bonne récup !

Commentaire de benoitb posté le 24-10-2011 à 13:53:24

Bravo, belle performance ! A te lire, on a l'impression que tu t'es planté, et finalement, tu bats ton record... Je comprends cependant ton ressenti, j'ai rédigé un récit du marathon de Nantes 2008 rempli du même paradoxe.

Commentaire de brague spirit posté le 24-10-2011 à 14:08:10

De toute façon,contre le temps on ne peut pas lutter.Mais rien n'est perdu.
En attendant la suite prochaine.

Commentaire de eric41 posté le 24-10-2011 à 14:35:57

Je croyais aussi que tu avais explosé mais là 3 heures,superbe perf Alex,bravo.

Commentaire de lapinouack posté le 24-10-2011 à 14:48:05

la classe , bravo !!!

Commentaire de BENIBENI posté le 24-10-2011 à 15:25:52

Bravo à toi mais je trouve que t'as trainé quand même...

Commentaire de Mustang posté le 24-10-2011 à 15:52:47

un loup en forme quoiqu'il dit!!! bravo!!!

Commentaire de Akran posté le 24-10-2011 à 21:38:09

J'avais souvent eu l'occasion de te lire ici-même, je suis content de t'avoir croisé au détour du bitume ! Enfin au détour du bitume je me comprends, j'ai cru un moment qu'on s'orientait vers un trail grrr .... C'est vraiment une très belle perf que tu as réalisée, le parcours était bien loin de celui annoncé par l'organisation. Après, 14 secondes de plus ou de moins peu importe, chaque course n'est qu'une étape (je ne suis pas sûr que Sophie partage mon point de vue ceci étant ^^). Bonne récupération désormais !

Commentaire de Speedy little turtle posté le 24-10-2011 à 21:47:34

hello,

j'ai pas encore fait mon retour d'expérience mais le tien est super!!!:)
je suis d'accord avec toi, c'était dur cette montée sur le DUNLOP, je crois que j'ai du frôler la vitesse de déplacement d'un gastéropode enrhumé!!!!!
Je suis contente de t'avoir donnée bonne impression au moment où on se croise, moi je t'ai trouvé très souriant alors que je commençais à souffrir le martyr!!!! ce fut long ces 10 derniers kilos!!!! comme je dis souvent "la douleur est éphémère, le bonheur de l'avoir vécue est éternelle"
Bonne récup
see you soon on a race!
Sophie D alias Speedy little turtle

Commentaire de Bikoon posté le 25-10-2011 à 13:42:44

Super récit, et non moins excellente perf Alex !
Voilà bien 3 choses que je ne me sens plus dut tout capable de faire : un marathon, une prépa idoine, et un chrono en 3h... !!! Chapeau bas.
ça va être bon le challenge North Face avec la surcompensation.

Me demande d'ailleurs si c'était une bonne idée de te défier pour aller chercher les 8h sur l'Ecotrail ;o///

Curieux ce meneur d'allure qui fait exploser son groupe avant la fin alors qu'il est en avance sur l'objectif ?
A bientôt

Commentaire de LtBlueb posté le 25-10-2011 à 23:22:08

ben franchement je dis chapeau : 14s en plus ou en moins, peu importe , tu vaux 3h sur marathon , le graal de tout marathonien !!! sinon pour le challenge north face machin de début decembre, faudra que tu nous expliques ds un post quoi est ce n hein ? :)

Commentaire de la panthère posté le 26-10-2011 à 20:11:52

un grand bravo, un sacré animal de course, ce loup........à+

Commentaire de Crocobitume posté le 31-10-2011 à 20:27:53

bravissimo!! je rêve d'une telle perf', j en suis à des années lumières, j ai l impression que c'est inateignable quand jvois comment j ai souffert déja pour atteindre 3h29 !! a propos des meneurs d allure, celui des 3h30 justement je l ai jamais vu, j ai l impression qu il arrive largement apres 3h30??!!

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